We can team up against anything [Brooke & Brendon]

Ma main gauche se porte au nœud de ma cravate afin de l’ajuster légèrement plus serré contre ma gorge. Dans ma main droite se trouve une flûte de champagne qu’un serveur à mis là d’un geste fluide. Je ne suis pas très champagne, ce qui fait que l’alcool demeure pour l’instant intouché dans le verre. J’observe les décorations magnifiques et j’imagine onéreuses qui garnissent la très longue salle dans laquelle a lieu le gala. Je suis sans femme à mon bras ce soir, tout simplement parce que publiquement je suis encore célibataire. Dans quelques jours je vais pouvoir annoncer ma fréquentation avec Aubrey, du moins me montrer avec elle sans crainte que les médias ne s’emballent avant que je le souhaite. Anna n’est pas encore partie pour l’Italie. Je n’ai pas le choix de cacher aux yeux extérieurs ma nouvelle relation pour ne pas qu’elle en souffre avant de retrouver sa tante. Du coup, je dois être seul à me présenter à ce gala, étant le représentant de la Société financière Colton invité pour y assister. Le président m’envoi toujours à sa place. Surtout parce que ça ne l’intéresse pas vraiment mais aussi parce que je suis un meilleur orateur que lui. Toutes les personnes invitées ce soir représentent des intérêts différents, des compagnies importantes pour certains. Je connais la majorité d’entre eux de nom, un peu moins de la moitié de visage. Je suis à l’aise en public, même sans personne pour m’accompagner. Je n’ai donc aucun mal à circuler entre les petits cercles de personnes qui discutent. Mes yeux se lèvent pour admirer un instant les quatre immenses lustres qui couvrent le toit cathédral de cette salle. L’éclairage ne manque pas, ça je le confirme. Je me décide à boire une gorgée de mon champagne, me retenant de faire la grimace. J’échange sans attirer l’attention ma flûte pour une coupe de vin blanc qui est également à disposition des invités. C’est une amélioration, mais ça pourrait être encore mieux. Je scrute la salle et les gens à mesure que je progresse. Je finis par m’arrêter dès que j’atteins le fond de l’endroit. Je suis non loin de l’orchestre qui diffuse une belle musique. Je me perds un instant dans la contemplation de leur performance discrète aux yeux de la majorité. Ce qui me ramène sur terre est une main se posant contre mon avant-bras. Je me retourne pour croiser un visage familier. Je souris, me permettant un pas pour me rapprocher puisque le brouhaha ambiant est tout de même important. « En voilà une surprise ! Je ne t’ai pas vu sur la liste d’invités pourtant. Tu as accepté à la dernière minute ou je me trompe ? » Je dis à Brooke pour la taquiner. J’ai probablement passé trop rapidement la liste en revenue. Je dois avouer que j’ai regardé à la diagonale surtout. Si ça se trouve, elle est bel et bien dessus et je dis n’importe quoi. Elle connait mon caractère. Je ne suis pas le genre snob et insupportable comme ce gala doit être remplie juste en s’attardant aux nombreux invités. Je remarque qu’elle est seule elle aussi. Serais-ce là ma chance de me faire une alliée pour passer à travers cette soirée ? « Tu n’es pas accompagnée ? Parce que je connais un vice-président qui n’a personne non plus et qui serait heureux d’apparaître à ton bras. » Je prends une gorgée de mon vin avant de lui sourire. Le célibat ne me fait pas, c’est un fait. Personne ne va donc se surprendre que je traîne ce soir en compagnie d’une amie.

L’expression sur le visage de Brooke est instantanée. Une joie tellement grande que j’en suis presque gêné. Son regard est magnifique, ainsi illuminé par autant d’étincelles. Je ne peux donc pas cacher une joie tout aussi grande de la savoir là ce soir. Je ne pensais vraiment pas me trouver une véritable amie dans ce regroupement de gens d’affaire beaucoup trop austère à mon goût. Je suis celui qui détone après tout. Le mouton noir, disons. Je détiens peut-être une autorité importante au sein de la Société mais ma personnalité ne concorde pas selon certains avec autant de pouvoir. Je n’ai que faire de ce que ces gens-là peuvent penser. Je ne vais pas changer pour plaire à un stéréotype du grand méchant patron. Certainement pas. Je ris en repérant facilement le sarcasme dans les paroles de la jeune femme. En effet, elle est différente elle aussi. Cette soirée est beaucoup trop mondaine pour nous deux, c’est clair. Du coup, je lui propose carrément de la passer ensemble puisqu’on nous a demandé à chacun d’y être alors que ça n’est pas vraiment notre tasse de thé. Je sais m’y adapter, c’est vrai. Mais ça ne veut pas dire que je suis enchanté par ces galas beaucoup trop longs et ennuyants. Je pense que Brooke serait d’accord là-dessus. Justement, elle fait écho à mes pensées. Je me rapproche un peu plus d’elle afin que nos confidences demeurent entre nous. « Calvaire en effet. J’ai même revu il y a quelques minutes un ancien associé de la Société qui me déteste. Ça tombe bien puisque la haine est réciproque. Il me donne l’impression d’avoir un balais dans le cul ce gars. Il a surtout cette tendance à faire « accidentellement » tomber son café sur moi. Après trois fois on appelle plus cela un accident. Ah tiens, il est justement là-bas avec la femme au décolleté plongeant. » Je pointe la direction de cet homme du menton en faisant comme si de rien n’était pour ne pas qu’on remarque que je parle de lui. J’évite même volontairement de regarder dans sa direction pendant que Brooke l’observe. Je me penche ensuite à nouveau vers elle. « Vraiment désolé en tout cas pour ton accompagnateur lâche. Sans offense si c’est ton petit-ami, mais te laisser ainsi tomber en pleine zone de guerre c’est très insultant. » C’est ainsi que le président appelle ce genre d’évènement et j’ai toujours trouvé cela à la fois approprié et amusant. Je bois une gorgée de mon verre avant de croiser le regard de Brooke et de même lui tendre un bras pour qu’elle s’y accroche afin de me suivre à travers la salle. Rien de plus hautain que cela comme attitude, je trouve. Les autres invités vont adorer. Nous serons comme poissons dans l’eau. « Je ne compte pas te laisser tomber en tout cas. Tu es ma seule alliée dans ce monde de fou. » J’avoue avec une grimace de déplaisir qui se transforme en rire. Mes lèvres forment ensuite un grand sourire. « Il manque un verre à ta main. L’alcool est par là. C’est notre élément de survie numéro un ce soir. » Je lui indique en avançant d’un pas dans cette direction.

Je ris tandis que notre alliance contre les autres invités se solidifie par des commentaires sur le premier en vu. Il n’y a pas à dire, j’avais besoin de trouver une personne comme Brooke pour faire de ma soirée quelque chose d’un minimum potable. Elle me comprend et elle suit le mouvement que j’instaure naturellement. Je ne pouvais pas rêver d’une alliée plus parfaite. Je découvre ainsi que son accompagnateur l’ayant laissé tomber a pour elle la même valeur que son frère. Un ami proche, je présume automatiquement. Ayant une relation similaire avec Lexie, mon assistante, je comprends aisément ce qu’elle peut m’affirmer. « Tu as bien fait de lui dire ta façon de pensée. J’espère qu’il va en entendre parler encore un peu dans les jours à venir. La rancune n’est peut-être pas dans tes habitudes, mais je te la conseille juste pour cette fois. » Je me sens d’humeur à voir tout en noir, on dirait. Cela ne gâche pas mon sourire ou ma façade de jovialité. Il est difficile de me faire perdre le contrôler là-dessus. Qu’importe ce qu’il lui a fait, moi je me désigne sans hésiter comme son remplaçant. J’avance donc avec elle à mon bras en gardant la tête haute et fière. Être à deux donne beaucoup plus d’assurance, ça c’est certain. J’hausse un sourcil en ayant une image de Brooke qui se cogne la tête contre un mur. « Aïe » Je laisse s’échapper pour signaler que je n’aime pas l’idée du tout. Boire en est une bien meilleure ! Le sourire qu’elle m’offre me confirme qu’elle pense la même chose. Tant mieux, j’ai envie de quelque chose de plus fort que du vin. Nous arrivons rapidement au bar, me permettant de réfléchir sans tarder à quelque chose pour nous deux. « Scotch. Votre meilleur. » Je finis par demander au barman qui nous observe. Je fais un sourire à Brooke. Je ne sais pas si elle aime mais si elle veut autre chose au final je vais finir son verre avec plaisir. Je me saisis de ces derniers et j’en offre un à la jeune femme. Un coup résonne alors que nous trinquons en toute complicité. Je bois une grande gorgée brûlante qui me calme instantanément. Je nous pousse ensuite dans une autre direction afin de parcourir tranquillement la salle en duo. Je pouffe de rire à sa question suivante. « J’y pense à chaque fois, je t’assure. Seulement ça fait partie de mon job et je préfère être celui qui y va pour éviter de couvrir la Société de ridicule avec un autre que le président désignerait à la place. » C’est purement pour le travail que j’endure tout ça. Elle comprend que c’est nécessaire et elle a raison de me pousser à les dévisager une fois de plus. Je ris une nouvelle fois, les lèvres contre le liquide ambré. Je connais cette femme qu’elle imite. « Ce n’est pas la secrétaire, c’est la massothérapeute plutôt. » Je corrige en continuant de glousser le plus discrètement possible. Elle n’était effectivement pas loin de la vérité. « Je trouve ces gens très divertissant. C’est notre propre version des Kardashian, si l’on veut. Une téléréalité live et sans montage. » Je dis avec un grand geste comme si je lui présentais la chose la plus merveilleuse au monde. Je viens ensuite m’assoir à un sofa disponible, faisant suffisamment de place pour que Brooke puisse prendre place à ma gauche. Je fixe les invités avec un air malicieux. Je me penche vers elle avec un grand sourire. « L’un de ces charmants hommes à cravate est avec sa maîtresse ce soir, tiens. Lequel d’après toi ? » J’aime l’idée qu’elle soit capable de le deviner sans effort.

Une véritable complicité nous unie aujourd’hui. Cela est tellement agréable que je ne sais même pas comment j’ai fais pour m’en passer jusque là. Le discours entre nous passe parfaitement. Nous sommes d’accord sur tous les points. C’est rare entre deux individus donc je ne vais pas m’en plaindre. Au contraire, j’ai l’intention de profiter à fond de cette soirée à présent que Brooke est là pour la rendre supportable. Voir même agréable, qui sait. Je suis beaucoup trop sobre pour le moment. Je commande donc pour nous deux quelque chose de fort, d’efficace pour nous garder dans notre état d’esprit actuel. J’hausse un sourcil en entendant Brooke commenter mon choix. « Ah bon ! Je suis sur que ça t’ira très bien. » Je l’encourage en souriant malicieusement. Ah, je suis vraiment d’humeur taquine moi. Il va falloir qu’on me ramène à l’ordre à un moment donné sinon je vais finir à un karaoké à chanter quelque chose d’inapproprié. Lorsque je suis trop joyeux j’ai l’étrange tendance à vouloir tout tourner en chanson. Aucune idée d’où ça me vient. Qu’importe, je ne vais pas me rendre jusque là si je garde Brooke à mon bras. Du moins, j’espère. Je prends une gorgée de mon verre nouvellement acquis. « Sage mais cruellement sobre. » Je lui réponds avec un grand sourire. Le scotch va se charger de cela dans les prochaines minutes. Je hoche ensuite la tête avec un regard complice tandis qu’elle admet que nous avons droit à notre propre show de téléréalité avec les personnes tellement clichées qui nous entours. C’est un divertissement sans fin pour moi. Si on sait comment leur parler, on arrive à réveiller en eux les stéréotypes les plus amusants. J’invente un jeu pour distraire Brooke et cela fonctionne à merveille. Je suis le cours de ses réflexes à haute voix avec grand plaisir, le sourire aux lèvres. J’étire ce dernier lorsqu’elle repère exactement le bon couple. « Bien joué, Sherlock. C’est bien le président des pétrolières locales qui a décidé de sortir la fille de son ancien comptable, si ma mémoire est bonne. Kathy, je pense. Un truc comme ça. » J’observe la blonde un long moment. « Mmm, je ne vois pas ce que tu as contre les blondes, je ne lui ferais pas mal de mon côté. » Je dis en riant avant de reprendre une gorgée. Évidemment, je dis cela uniquement pour faire réagir Brooke. Certes Kathy est sexy, mais mon cœur est déjà prit. Je fixe mon amie un instant. « Pourquoi la Sibérie ? » Je demande comme ça, probablement affecté enfin par l’alcool que j’ingurgite depuis mon arrivée. C’est à ce moment très précis que la salle plonge dans le noir. Une obscurité opaque qui fait paniquer dans les secondes suivantes les invités.

Je ris encore une fois. Décidément, soit c’est l’alcool qui agit plus rapidement sur mon organisme que d’habitude, soit l’effet de Brooke est miraculeux sur moi. Qu’importe, je prends ces moments de joie quand ils passent et je me redis que je suis heureux d’avoir une telle compagnie pour la soirée. Je ne sais pas ce que j’aurais fait sans elle, vraiment. Je suis aussi d’humeur à draguer. Pas mon amie, je vous rassure. Je veux dire que je laisse mon regard se faire charmer par le physique des autres femmes. Comme Kathy par exemple. Même si son nom est cliché, son corps est agréable à regarder. Elle a beau être fade ou peut-être vulgaire comme le suggère Brooke, pour moi c’est toujours comme si je regardais un dessert très chocolaté et très calorique. Ça donne envie de goûter. Je me secoue les esprits en posant une question un peu idiote, il faut l’avouer. Je me tourne vers ma compagne de ce soir pour écouter sa réponse, mon scotch un peu plus léger dans ma main alors que je viens d’en prendre une grande gorgée. Je souris. Elle n’aime pas le froid. Tiens, je ne m’attendais pas à ça. « Tu sais, aussi étrange que cela puisse paraître, on peut s’habituer au froid. Il suffit de… » Je m’arrête tandis que la pièce plonge dans le noir d’un coup. Il y a quelques secondes de silence absolu. Puis, l’agitation se fait sentir dans la foule autour de nous. Certaines femmes manifestent leur terreur de l’obscurité, provoquant une succession de cris. « Shit ! » Je dis en faisant tomber accidentellement mon verre alors que quelqu’un recule vers nous. Je me lève d’un coup, agrippant Brooke par le bras. Je ne veux surtout pas la perdre dans ce chao. « Tu te rappelles où est la sortie ? » Je lui demande en lui donnant presque un coup de tête tellement je me rapproche pour lui parler à travers l’agitation. Je sais vaguement où il faut aller mais pas précisément. Je commence à avancer en tirant Brooke avant même d’obtenir sa réponse. Aucune idée si on va dans la bonne direction mais je ne peux pas rester immobile une seconde de plus.