the distraction can kill you - ft. Spencer

Depuis plusieurs semaines, je suis seul à la maison. Heaven m’avait laissé le soin de garder notre logement le temps du tournage pour son nouveau film. Se dernier se passait à New York. A la base, ma meilleure amie voulait je la suive. Mais je ne pouvais pas. Pourtant c’était ma ville natale. Je suis né et grandit là-bas. Mais je ne pouvais pas. Trop de mauvais souvenirs à l’occurrence. Je ne souhaitais pas faire raviver toute cette douleur. Elle revienne à la surface. Treize années déjà que j’ai perdu ma mère. Je faisais difficilement son deuil. Non. Je ne pouvais décidément pas retourner là où elle s’était faite assassiner.

D’un autre sens, si j’avais suivi Heaven, je n’aurais pas le cœur brisé. J’ai appris à connaitre les joies de l’amour. Mais malheureusement la rupture aussi. Talia m’a laissé tomber. Et pourtant je m’accroche désespérément à elle. Je suis là à attendre qu’elle revienne vers moi et qu’on reprenne notre histoire là où elle s’est arrêtée.

La nuit commençait à tomber. La plage devenait déserte. Tant mieux. C’était mon moment préféré de la journée. Tous les soirs, j’ai pris l’habitude de m’installer sur l’appui de fenêtre de ma chambre en m’asseyant sur le rebord. Vitres ouvertes, je prends mon paquet de cigarettes, l’ouvre et prends une clope que je glisse entre mes lèvres. Je commence à fumer tout en admirant le coucher du soleil sur l’océan. C’était tellement agréable d’habiter au bord de la mer. De temps en temps, je m’amusais à observer les gens sur la plage. C’est drôle de voir tout ce que l’être humain peut faire quand il croit que personne ne le regarde. Une fois, j’avais même rougi en surprenant un couple faire l’amour sur le sable. J’en suis encore mal à l’aise rien qu’en y repensant.

Ce soir, c’était une femme qui se promenait seule sur la plage. Elle marchait dangereusement vers la mer. Ne se rendait elle pas compte que cette dernière était agitée ? M’inquiétant pour la fille, je pris le soin de sortir silencieusement de chez moi, de la suivre à la distance assez éloignée afin qu’elle ne s’aperçoive pas qu’elle était suivie. Peut être que je me faisais des idées et qu’il n’y allait rien se passer. Je l’espérais. L’eau commençait à être bien froide et je n’avais pas très envie de faire trempette ce soir. Tout en finissant mon mégot, je la vois ôter sa robe et laisser son habit et ses chaussures sur la plage. Mais que faisait-elle ? Mon instinct me disait de rester là. Et j’avais raison. Quelques minutes à peine plus tard, elle était en train de se noyer. Je me dépêchais aussitôt de plonger pour aller la chercher. Tout en la récupérant, j’ai cru un moment que le courant allait nous emporter tous les deux. Que l’on ne s’en sortirait pas vivant ni l’un, ni l’autre. Mais finalement j’avais réussi ma mission. Ma victime se retrouva allongée sur la plage. Je l’aidais à recracher l’eau en tapotant sur son dos. «  Ca va Mademoiselle ? »

Je n’ai jamais été le genre d’homme à m’arrêter sur l’apparence d’une personne. La jeune femme que je venais de sortir de l’eau disait bien aller. J’étais rassuré. Et cela malgré son maquillage en partie défait sur ses joues et sa voix quelque peu cassée par l’eau qui s’était engouffré dans ses poumons. Il était vrai qu’elle ne brillait pas par sa beauté vu le contexte de notre rencontre. Perso, je m’en fichais. Ce qui m’importait était plutôt sa santé. Etant moi-même trempé de la tête aux pieds, avec la nuit qui pointait le bout de son nez, la température tendance à perdre quelques degrés. Je commençais à avoir un peu froid. J’imaginais donc que ce fut aussi le cas pour la demoiselle en détresse. « Venez avec moi. Nous allons nous réchauffer avec un bon chocolat chaud. » Proposais-je à la fille avec un léger sourire. « J’habite une des maisons sur le bord de la plage. » Me sentais-je obligé de lui préciser. « Vous pourrez vous sécher. Je vous passerais des habits si vous voulez. » Je me levais et aidais la brune à en faire autant. « Vous n’avez pas à me remercier. » Je ne cherchais nullement la gloire pour mon sauvetage. N’étant pas secouriste, j’ai même dû m’y prendre comme un pied. Maladroit que je suis…

Tout en revenant à la maison avec ma nouvelle rencontre, je restais étonnement silencieux. En fait je ne savais pas trop quoi dire. Ne sachant pas si son acte de se noyer était volontaire ou non… Roi des gaffeurs, je préférais m’abstenir de toute remarque ou commentaire. A la maison, j’amenais la miss à la salle de bains et lui rapporta en même temps un pantalon de jogging et un tee shirt m’appartenant. La dernière fois que j’avais prêté un vêtement d’Heaven à quelqu’un, ma meilleure amie m’avait incendié. Donc pour éviter d’attirer une nouvelle fois ses foudres…

Pendant ce temps là je m’étais changé dans ma chambre et étais parti à la cuisine pour préparer deux bols de chocolats chauds avec des petites guimauves flottant dans le breuvage. La fille s’installa sur le canapé. Je lui donnais son bol et m’assis à côté d’elle. « Vous vous appelez comment ? » Oubliant par la même occasion de me présenter. Quel étourdi !

La jeune inconnue m’avait remercié pour lui avoir sauvé la vie. En soi, je ne me prenais pas pour un héros, bien loin de là même. Pour moi, il était tout simplement normal d’aller secourir une personne en détresse. « Je vous avoue si que je ne savais pas nager, je crois que j’aurai eu du mal à venir vous chercher. » Lui souriais-je timidement. On dit de moi que je suis un gars maladroit et que je ferais mieux de la boucler ou de tourner sept fois ma langue dans la bouche avant de parler. Allez savoir pourquoi…

J’emmenais donc la demoiselle à la maison. Une jeune et jolie fille dont j’ignorais l’identité. Elle pouvait être une tueuse en série ou une mangeuse d’hommes que je ne m’en étais même pas soucié. Je mettais peut-être ma vie en danger en faisant entrer cette femme sur qui je ne connaissais rien. Mis à part qu’elle avait failli se noyer il y a quelques minutes à peine.

Chez Heaven et moi, la décoration était plutôt simple et moderne, dans les tons clairs. On avait pas mal de photos encadrées et des pèles-mêle sur les murs et les meubles. Des photos de nous à l’âge du lycée. De nos amis et de la famille. Puis des photos très récentes. Une quinzaine d’années étaient espacées entre les photos où j’apparaissais. Normal car c’était le laps de temps où avec ma meilleure amie nous nous étions perdus de vue. Heaven étant une actrice célèbre, elle avait beaucoup de fans sur Island Bay. Ca ne me dérangeait pas d’être le mec incognito qui s’éclipsait immédiatement pour préserver mon anonymat le temps qu’elle signe ses autographes et fasse ses selfies avec des gens dans la rue.

En rapportant des affaires à la demoiselle, je lui avais précisé qu’elle pouvait se doucher sans problème pour se réchauffer. Pendant que je me change dans ma chambre qui était adjacente à la salle de bains, je n’entendis pas l’eau de la douche couler. Peut-être que la fille avait peur que je la matte en train de se laver. Etant donné qu’il n’y avait pas de verrou à la porte. Bref ! Elle pouvait faire ce qu’elle se voulait. Je n’étais pas du genre à surveiller mes invités.

Dans le salon, nous étions en train de nous réchauffer avec un bon chocolat chaud. Elle se présenta. « C’est original comme prénom. » Silas. Je n’avais jamais entendu ce prénom auparavant. « Je m’appelle Spencer. » J’allumais la télévision. Non pas que la fille ne me dérangeait. Très loin de là. Ca me faisait de la compagnie au contraire. Surtout que je me sentais très seul ces derniers temps. Le célibat ne m’avait jamais autant pesé que depuis que Talia m’avait quitté. Cela en était insupportable. L’écran s’alluma sur la chaine Disney. C’était un dessin animé sur Minnie et Mickey. J’eus mal au cœur en voyant la petite souris portant sa robe rouge à pois blancs. Ma Minnie à moi était Talia. Bref une anecdote de couple. De couple qui n’existait plus. Je changeais de chaine pour mettre des clips. Un petit fond musical c’était bien aussi non ?

Je n’avais jamais vu Silas auparavant. « Si vous n’êtes pas du coin, vous pouvez rester à dormir ici. Ca ne me dérange pas. » Lui proposais-je en me levant. J’avais déjà fini mon chocolat. Je me dirigeais vers la baie vitrée et l’ouvris légèrement. Je pris mon paquet de cigarettes et en alluma une. « Vous en voulez une ? » Proposais-je à mon invitée. « Je vous laisserais ma chambre. Je dormirais sur le canapé. Ce ne me dérange pas. » Je pris une taffe. « Je vous aurais bien proposé la chambre d’Heaven mais elle n’aime pas qu’on touche à ses affaires quand elle est absente. C’est pour ça que je vous ai prêté des habits à moi. Sinon elle va me taper sur les doigts. » Rajoutais-je en rigolant à ma proposition d’hébergement temporaire.

C’est clair. Si la vie pouvait être comme dans les dessins animés, on pourrait se vanter de vivre comme dans les contes de fées. En rencontrant Talia, j’ai cru que le bonheur pouvait exister. Il a existé en fait. Oui. Malheureusement, il n’a pas duré vingt-quatre heures. Comment ai-je pu être aussi stupide ? Moi qui n’a jamais eu de chance en amour. Comment ai-je pu oser croire qu’une fille pouvait réellement s’intéresser à moi ? Eternel vierge que j’étais avant de passer la nuit avec elle, je tombais rarement mais très vite amoureux. Romantique dans l’âme, je restais là à attendre patiemment que la fille de mes rêves s’intéresse à moi. Malgré mon métier de Dj au Magic Event, je n’étais pas le style de gars à draguer tout ce qui bouge. Des femmes, je savais que je pouvais en avoir au moins une de temps en temps. Mais coucher sans sentiment ne m’intéresse pas. Avoir des rapports juste pour se vanter de le faire, je n’en voyais pas l’intérêt. Peut-être étais-je encore plus stupide que je ne le pensais. Qui sait ? Maintenant que j’ai goûté à ses lèvres, à son corps, à… Non ! Je pouvais regretter ce qu’il s’est passé avec ma petite amie. Enfin… Ex petite amie. Mais non. Je l’aimais. Je l’aime. Et je l’aimerais probablement encore très longtemps, si ce n’est pas jusqu’à fin de mes jours. Grâce à Talia, j’ai découvert l’amour. Et je lui serais à tout jamais reconnaissant. Certes, elle m’a aussi brisé le cœur. Emietté comme jamais il ne l’a été auparavant. Je ne guérirais jamais de cet amour déchu. Car, oui, Talia est mon premier amour. La première et unique copine que j’ai eu. J’étais brisé et n’étais pas prêt à chercher l’amour ailleurs.

J’avais proposé à Silas de dormir à la maison cette nuit. Elle déclina ma proposition. Ce n’était pas grave. J’avais l’habitude qu’on me laisse tomber. Je pense que j’ai dû me faire un peu trop insistant. Peut-être croit-elle que je veuille coucher avec elle. Que c’était la récompense que j’attendais pour lui avoir sauvé la vie. Si c’était le cas, elle se trompait royalement. Il n’y avait que Talia qui m’intéressait. Que je voulais toucher. Embrasser. Et plus si affinité. Plus qu’il n’arrivera jamais à mon grand désespoir. J’avais tout gâché avec elle. Je le sais. Je ne pouvais m’en prendre qu’à moi-même. « Ce n’est pas m’attirer des ennuis sinon je ne vous l’aurai pas proposé. Mais ce n’est pas grave. Je comprends. » Tout en fumant je regardais mon téléphone. Je relisais une fois encore les derniers mots de ma chérie qui me demandait purement et simplement de la laisser tranquille. Dire que je n’avais même pas eu le temps d’avoir une photo de Talia…

Le dernier message de Talia continuait de me briser le cœur chaque fois que je le lisais. Etait-ce normal ? Je l’ignorais. Ca me faisait si mal ! Et pourtant je ne pouvais m’empêcher de lire et relire ces quelques petits mots. Je les connaissais par cœur. Je n’avais plus besoin de mon téléphone portable pour me les remémorer. « Laisse-moi tranquille Spencer. Trouves toi quelqu’un d’autre. » Je n’avais pas envie de me remettre sur le marché. D’obéir à Talia. Mais si c’était ce qu’elle voulait réellement… ? Devais-je finalement m’incliner et me tourner vers une autre femme ?

Je levais les yeux vers Silas. Elle refusait mon offre pour dormir ici cette nuit par elle devait travailler demain. Oui c’était logique qu’elle refuse après tout. Je la crois quand elle parle de son travail. Pourquoi me mentirait-elle ? A sa place je ne serais pas resté non plus. «  Vous travaillez dans quoi ? » Si je devais me forcer à tourner la page, autant essayer d’apprendre à connaître la jeune femme face à moi. A première vue, elle devait avoir plus ou moins le même âge que Talia… Oh non ! Ce n’est pas vrai ! Je n’y arriverais pas ! Je n’avais qu’une envie : c’était de me cacher pour laisser parler ma souffrance. Pleurer encore et encore pour la seule femme qui, le temps d’une seule nuit, a voulu être ma petite amie. Ca m’énervait d’être devenu aussi vulnéraire. Mais je savais encore camoufler mes larmes. A défaut de la tristesse qui se lisait sur mon visage.

«  Une dizaine d’années je dirais. Le temps passe tellement vite… Comment savez-vous que je ne suis pas natif d’ici ? » J’avais toujours mon accent New Yorkais. Personnellement, je ne trouvais pas que j’avais d’accent particulier. Mais mes collègues me le disaient. «  Sinon dans la maison d’Heaven, ça fait seulement quelques mois. Et vous, vous avez toujours vécu à Island Bay ? »

Ma cigarette terminée, j’écrasais le mégot par terre, le ramassa et le mis dans une petite boîte de converse prévue à cet effet sur la terrasse. Il commençait à faire froid dehors. J’entrais donc à l’intérieur de chez moi pour me réchauffer. M’installant sur le canapé, je continuais la conversation avec mon invitée de ce soir. Cette fille semblait gentille. Je ne devais pas me laisser abattre par ma rupture. Il fallait que je tourne la page. Et pour cela, quoi de mieux que de faire des nouvelles rencontres ? Bien évidemment, je ne recherchais de petite amie. Juste de l’amitié. Pourquoi pas trouver une personne qui pourrait me tenir un peu compagnie de temps à autre lorsqu’Heaven est sur un plateau de tournage ? Ca pourrait être pas mal non ? « Ca doit être cool de travailler avec les enfants. » Moi qui cherchais à me réorienter professionnellement, je n’avais jamais pensé jusque là au domaine de la petite enfance. « Vous en avez ? » Silas était peut-être déjà une jeune maman. De mon côté, je rêve un jour de fonder une famille. Je ne désespère pas que cela se fasse un jour. Même si c’était plutôt mal barré. Car sans femme avec qui me mettre en couple, le faire… Enfin je ne vais pas vous faire un dessin ! Sans partenaire, il m’est impossible de devenir papa. Ah moins que… ? J’allais déjà sur trente-cinq ans. Et si je faisais une demande d’adoption ? Quoiqu’un homme célibataire… J’avais très peu de chance que l’on accorde la garde d’un bébé. Ou d’un enfant. « Vous avez quelqu’un dans votre vie ? » Tout en continuant à papoter, je ne me rendais pas compte des fois que j’allais trop loin dans mes questions. « Oups ! Je suis désolé. Ca ne me regarde pas. » Je ne voulais pas que Silas croit que je la drague. Ou que je cherche à coucher avec elle pour lui avoir sauvé la vie. Cette dernière m’apprit que j’avais un accent. Décidément ! Je vais finir par le croire… « Je suis américain. » Je ne sais même pas pourquoi je donnais ce détail là. Elle ne me l’avait même pas demandé. « Vous voulez un autre chocolat ou autre chose à boire ? Ou à grignoter peut-être ? » Si la demoiselle avait faim, ça ne me dérangeait pas de lui cuisiner un petit quelque chose à manger.