I think a part of me will always be waiting for you ϟ Gabriella Sawyers

l'heure où la plupart des habitants d'Island Bay s’apprêtaient sans doute à rejoindre les bras de Morphée, je déambulais dans les rues de la ville en essayant tant bien que mal de mettre un pied devant l'autre. Comme souvent ces derniers temps, j'avais écumé tous les bars de la ville et dire que j'avais bu plus que de raison était un euphémisme. Quand on me connaissait un minimum, on pouvait facilement se demander comment il était possible que je sois tombé aussi bas. Pourtant, des coups durs, j'en avais connu à la pelle au cours de mon existence mais même quand j'avais touché le fond et que j'avais été contraint de mettre un genou à terre, je m'étais toujours fait violence pour ne pas rendre les armes.

Ainsi donc, le fait que je me retrouve au fond du gouffre alors que par le passé, j'avais toujours démontré une force de caractère incroyable en disait long sur ce que j'éprouvais pour ma jumelle et sur ce qu'elle représentait encore aujourd'hui à mes yeux. C'était un peu comme si on m'avais injecté un virus dans le corps et que celui-ci me consumait à petit feu. Si j'étais encore vivant, j'avais l'intime conviction d'être déjà mort à l'intérieur car même le surf qui avait longtemps été ma passion ne me procurait plus aucune joie de vivre.

Voilà maintenant plusieurs semaines que je demeurais sans nouvelle de Liv et si son absence me causait une souffrance des plus insoutenables, je vivais comme un calvaire de ne pas savoir où elle se trouvait. Je ne pouvais pas imaginer une seule seconde qu'elle était partie sans me prévenir alors que l'on venait tout juste de se retrouver : à mes yeux, cela n'avait pas le moindre sens. J'étais d'autant plus inquiet que j'avais pris la peine de contacter son entourage et que personne n'avait eu de ses nouvelles dernièrement. Je n'étais pas du genre à imaginer tout et n'importe quoi mais en l'occurrence, je craignais le pire. A dire vrai, j'en étais arrivé à penser que je n'aurais plus jamais la chance de passer un moment en compagnie de ma jumelle et cette simple idée m'était insupportable.

Voilà pourquoi je répétais inlassablement le même rituel ces derniers temps. J'avais conscience que je jouais avec ma santé mais c'était le cadet de mes soucis tout comme je me foutais royalement d'être dans un état des plus déplorables. En fait, ce qui pouvait m'arriver m'importait peu dans la mesure où je n'étais plus qu'une coquille vide depuis que ma jumelle m'avait abandonné à mon triste sort. Totalement ivre comme à mon habitude, j'essayais tant bien que mal de rejoindre mon studio mais le moins que l'on puisse dire, c'est que je risquais de galérer pour parvenir à destination. Certes, ce n'était pas la première fois que j'étais totalement torché et jusqu'à présent, je m'en étais toujours sorti à bon compte mais à force de jouer avec le feu, il était certain que j'allais finir par me brûler.

J'avais déjà failli me casser la gueule à plusieurs reprises quand brusquement, la chance finit par m'abandonner. En voulant descendre des escaliers, je loupai une marche et la chute fut alors inévitable. Malheureusement, ma tête cogna violemment le sol et aussitôt, je perdis connaissance : après avoir subi un tel choc, rien n'indiquait que je parviendrais à me relever par mes propres moyens.

l était inconcevable pour certaines personnes d'aller au cinéma seul/e. Pas pour Gabriella. Bien sûr, elle ne disait jamais non à une séance de ciné entre amis, ou même en famille, pourquoi pas, mais elle y trouvait des avantages à s'y rendre seule de temps en temps. Et ce soir, c'était pour une raison professionnelle qu'elle s'était collée devant le grand écran. Connaissant son passé d'écrivaine, et son goût toujours intact pour la lecture, son boss lui avait demandé d'aller voir une adaptation cinématographique d'un roman qu'elle avait dévoré afin d'en faire une chronique par la suite, ainsi qu'une interview d'un des acteurs principaux du film. Un projet qui l'excitait beaucoup et qu'elle n'avait donc pas su refuser. Si elle n'avait pas définitivement tourné la page de l'écriture, elle ne regrettait en aucun cas ce changement de voie professionnelle. Mieux, elle s'y épanouissait.  

En sortant de la salle, Gabriella s'empressa de sortir son téléphone, d'ouvrir l'application bloc-notes, et d'y inscrire quelques notes qui lui seraient utiles, aussi bien pour sa chronique que pour l'interview. Elle savait qu'être trop dépendante d'un objet comme le téléphone portable n'était pas une bonne chose, mais c'était plus fort qu'elle. Son téléphone contenait sa vie: agenda, répertoire, photos, souvenirs, notes... Si jamais elle venait à le perdre ou à le casser un jour, cela ressemblerait à la fin du monde. Enfin, elle cessa de pianoter sur son clavier et leva son nez de l'écran. La nuit était tombée, et seuls les réverbères éclairaient les rues désertes d'East Bay. Il fallait dire qu'à cette heure-ci, ce coin de la ville n'était pas le plus fréquenté.

Ce soir, la belle avait opté pour une tenue simple et décontractée. Une petite robe noire accompagnée d'une petite veste en jean. Ses poignets, eux, étaient habillés de quelques bracelets fantaisie et à ses pieds, la demoiselle avait enfilé une paire de bottines. L'été touchait à sa fin, l'air était doux, si bien que Gaby ne ressentit ni le besoin, ni l'envie, d'appeler un taxi pour rentrer chez elle. Marcher lui ferait le plus grand bien. Dire que, depuis son agression, elle n'avait pas peur d'être seule dans la rue serait mentir. Mais son agression s'était faite en plein jour, alors... Et puis, elle savait que pour se guérir, il fallait qu'elle sorte, seule, qu'elle se balade, comme elle le faisait avant. Elle essayait de ne pas y penser, même si elle ne pouvait s'empêcher, de temps en temps et malgré tout, de regarder autour d'elle. Alors qu'elle s'apprêtait à descendre des escaliers, elle vit quelque chose d'anormal, au bas de ceux-ci. Elle s'approcha alors, prudente, et découvrit un homme, recroquevillé sur lui-même, ayant visiblement perdu connaissance. Elle s'agenouilla à ses côtés, et là, ce fut le choc.

Caleb. Cet homme qui était venu à son secours après qu'elle ait percuté un arbre avec sa voiture lors d'une tempête, il y a quelques années de cela. Ce même homme avec qui elle était resté deux jours dans une cabane délabrée. Il avait pris soin d'elle, avait tenté de la soigner avec ce qui lui tombait sous la main.  Et puis... Il s'était passé quelque chose. Une forte alchimie que ni lui, ni elle, ne contrôlaient. Ils avaient fini par coucher ensemble. Une nuit merveilleuse que Gaby n'avait pas oublié, même après tout ce temps. Même si Caleb n'avait plus donné signe de vie, après ça. Elle n'était sûrement qu'une fille de passage, elle pouvait le comprendre. Malgré ça, elle ressentait toujours quelque chose de fort pour lui, quelque chose qu'elle ne parvenait pas à expliquer. Alors lorsqu'elle le vit, ici, devant elle, inconscient, son coeur manqua un battement. "Caleb ? Caleb, tu m'entends ? Ouvre les yeux, allez" dit-elle en tapotant doucement sur ses joues. Il sentait fortement l'alcool, ce qui lui arracha d'ailleurs une grimace. Elle ne savait pas depuis combien de temps il était là, couché sur le sol. "Caleb, je t'en prie, c'est moi, Gabriella". Loin de se douter qu'elle avait complètement disparu de ses souvenirs.

mes yeux, tout devient soudainement incompréhensible et j'ai le sentiment étrange d'avoir perdu la raison. Je me retrouve dans un lieu que je ne parviens même pas à décrire tant tout ce qui m'entoure me semble irréel mais ce qui m'inquiète encore davantage, c'est que j'ai le cerveau totalement embrouillé. J'ai beau me creuser la tête, je suis incapable de me souvenir des événements qui m'ont conduit dans cet endroit au combien sombre et glauque qui me donne la chair de poule. Pourtant, je tente de me concentrer tout en faisant mon maximum pour me rappeler de ce qui a bien pu m'arriver mais malgré tous mes efforts, c'est le trou noir : en vérité, la dernière chose dont je me rappelle, c'est que je me descendais une bouteille de whisky dans un bar de la ville. Seulement, que s'est il passé depuis ? Je n'en ai plus la moindre idée et cela me terrorise au plus haut point car je ne sais pas du tout où je me situe. Je fronce les sourcils tout en observant les alentours avec un regard inquiet et perdu : tout me paraît brusquement illogique et cela ne manque pas de me perturber au plus haut point. Comment est-ce que j'ai atterri ici et surtout pourquoi ce lieu me paraît si fictif ? Je suis envahi par des émotions qui me dépassent mais surtout, bien que j'aurais du mal à fournir une explication plausible, j'ai l'intime conviction que je ne suis pas dans le monde réel. Serai-je donc en train de rêver ou plutôt de cauchemarder ? Non, c'est impossible: j'éprouve des sensations qui sont bien différentes de celles que j'ai parfois perçues lorsque j'étais dans les bras de Morphée. Mais bordel de merde, comment se fait-il que je sois victime d'un tel trou de mémoire ? Cela dépasse l'entendement. Et puis, est-ce normal que j'ai aussi froid ? En réalité, j'ai même l'impression étrange d'être oppressé comme si un danger imminent me menaçait et que je me retrouvais dans l'incapacité de me protéger. Je suis au plus mal et peu importe ce qui m'arrive à cet instant précis : je voudrais juste que tout ceci se termine au plus vite. Alors qu'en temps normal, j'ai toujours aimé la compagnie de la solitude, il n'en est rien à cet instant précis : je suis au bord de l'agonie et aimerais plus que tout être dans les bras de ma jumelle pour me sentir en vie.

Combien de temps s'est écoulé depuis que je suis arrivé en ces lieux ? Quelques minutes ? Plusieurs heures ? je n'en ai pas la moindre idée : aurais-je aussi perdu la notion du temps ? Je pousse un large soupir et me lève : encore une fois, j'ai toujours la sensation de divaguer car aussi incroyable que cela puisse paraître, j'ai l'impression au combien étrange d'être détaché de mon corps. Pourtant, je marche et semble contrôler chacun de mes faits et gestes mais beaucoup de choses étranges continuent de me perturber au plus haut point. J'aimerais m'enfuir au plus vite de cet endroit sordide mais comment puis-je y parvenir alors que je suis plongé dans l'obscurité la plus totale ? Mes yeux se promènent un peu partout mais selon toute vraisemblance, je suis pris au piège dans une pièce où le noir règne en maître. Je suis au comble du désespoir si bien que j'aurais presque envie de capituler lorsque brusquement, une lumière au combien brillante capte mon attention : celle-ci est tellement puissante et aveuglante que je me demande d'où elle peut émaner d'autant plus qu'elle semble être venue de nulle part. Je ne saurais expliquer pourquoi mais en une fraction de seconde, je me sens irrémédiablement attiré par cette lumière et me mets donc à courir en sa direction. A ma grande surprise, je ne parviens pas à m'en rapprocher et même avec la meilleure volonté du monde, j'ai l'impression que mes espoirs sont vains. Je demeure pour le moment dans l'expectative mais je me sens vidé de toutes mes forces et aimerais juste que tout cela cesse.

C'est alors que je crois percevoir une voix. Dans la mesure où j'ai le sentiment de totalement délirer depuis un bon moment, je me demande si ce n'est pas le fruit de mon imagination mais en tendant l'oreille, je réalise rapidement que je n'ai pas rêvé. Pourtant, j'ai beau regarder partout autour de moi, personne ne semble se tenir à mes côtés. Je suis de plus en plus désorienté mais étrangement, cette voix me rassure : alors que jusqu'à maintenant, je me sentais totalement perdu et apeuré, j'ai désormais l'impression d'être plus en sécurité. Je ferme donc les yeux pour faire abstraction de toute ce qui se passe autour de moi afin de concentrer toute mon attention sur cette voix féminine qui étrangement me paraît familière. Machinalement, je tends alors l'une de mes mains comme si dans un coin de ma tête, j’espérais que cette personne la saisisse et me tire de ce mauvais pas.

aleb. Elle peinait à y croire. Que faisait-il ici, recroquevillé dans un coin sombre de la rue ? Qu'était-il arrivé pour qu'il perde connaissance ? En s'approchant de lui, une forte odeur d'alcool envahit ses narines. Est-ce que quelqu'un avait pris un malin plaisir à le tabasser ? Ou peut-être que, trop saoul, il était tombé et avait dégringolé ces escaliers... ? Il était maintenant bien amoché, et, plus inquiétant encore, inconscient. Caleb, elle ne le connaissait pas vraiment. Ils avaient beau avoir passé deux ou trois jours non stop ensemble, elle ne pouvait pas dire qu'elle le connaissait bien. Surtout qu'à ce moment-là, la jeune femme était un peu dans un état second, après son accident de voiture, alors... Cependant, elle était paniquée, effrayée même, à l'idée qu'il puisse être gravement blessé. Sans qu'elle ne parvienne à expliquer pourquoi ou comment, elle était attachée à cet homme, et régulièrement, elle se surprenait à penser à lui. Elle se hâta de prendre son pouls. Faible, mais présent. Il était vivant, c'était déjà ça. Elle tapota alors ses joues, dans le but de le réveiller. Mais ses yeux restaient désespérément clos.

Que faire, alors ? Appeler une ambulance était certainement la chose la plus raisonnable à faire. C'est pourquoi Gabriella commença à fouiller dans son sac à mains, à la recherche de son précieux objet. Mais un geste de la part du jeune homme évanoui la stoppa net. Il venait de lever la main en sa direction. Aussitôt, la jolie trentenaire s'en empara, enlaçant ses doigts aux siens. Cette connexion, celle qu'ils avaient découverte quelques années plus tôt était toujours là, elle le sentait. "Caleb, tu es conscient ! Tu m'entends ? S'il te plait, ouvre les yeux, c'est moi, Gabriella." Elle répétait son nom, comme si elle espérait qu'il joue le rôle d'électrochoc. Or, elle ne se doutait pas un instant qu'elle était complètement effacée de la mémoire du jeune homme. Si elle pensait souvent à lui, ce n'était pas réciproque, puisque Caleb avait eu lui aussi un accident, peu après sa rencontre avec Gaby, le rendant ainsi amnésique. C'était pour cette raison que la jeune femme n'a jamais plus eu de nouvelles de la part de son amant d'un soir. N'étant au courant de rien, elle pensait qu'elle n'était qu'une fille de passage -ce qui était sûrement le cas- et qu'il avait fait une croix sur elle, malgré cette alchimie évidente... Mais la jeune femme n'était pas rancunière, pas pour le moment du moins, puisqu'elle était préoccupée par l'état du jeune homme. "Ca va aller, d'accord ? Je vais appeler une ambulance, ils vont te prendre en charge et te soigner. Et je vais rester avec toi, jusqu'à ce que tu ailles mieux, d'accord ? Tiens le coup". Elle composa alors le numéro d'urgences... "'tain, je capte pas ici" souffla-t-elle. Quelle poisse. "Caleb, il faut... Que tu ouvres les yeux. Tu peux le faire, pour moi ? Je... Je sais pas. Il faudrait que je t'emmène jusqu'à chez moi, pour que je puisse t'emmener à l'hôpital. Ou qu'on trouve un taxi sur la route, ce serait mieux... Mais pour ça, j'ai besoin que tu ouvres les yeux. Je t'en prie" termina-t-elle d'une voix cassée, sous le coup de l'émotion.

ans ma situation, il est difficile de ne pas me disperser et de réfléchir à ce qui m'arrive mais je tente tant bien que mal d'y voir plus clair. Ce que je vis actuellement est totalement déconcertant et aurait de quoi me faire perdre la tête au point que je sombre dans la folie mais c'est justement parce que je n'ai pas envie de totalement dérailler que j'essaye de me raisonner et de me dire que je vais finir par obtenir des réponses aux questions que je me pose. Mais comment trouver une espèce de logique à tout ce qui vient de se produire depuis quelques minutes ? Même en y réfléchissant bien, je n'ai pas le souvenir d'avoir déjà fait un rêve aussi déroutant par le passé mais encore faudrait-il que je sache si je suis plongé dans mes songes ou si toutes les sensations que j'éprouve sont bel et bien réelles. Je me creuse les méninges lorsque brusquement un frisson aussi inattendu que violent parcourt chaque parcelle de mon être et me conduit à ouvrir les yeux. Je contemple alors ma main avec insistance en affichant un visage teinté d'incompréhension puis dans la foulée, je regarde partout autour de moi et constate qu'il n'y a pas âme qui vive. Je hoche alors la tête de dépit et continue d'arborer un air qui montre combien je suis dépaysé. Je suis seul et pourtant, je serais prêt à jurer sur ce que j'ai de plus cher au monde que j'ai eu la sensation que l'on venait de frôler ma main. Je pousse alors un soupir qui symbolise toute ma frustration quand à nouveau, je perçois cette voix que j'avais déjà entendu quelques minutes plus tôt.

Puis brusquement, mon sang ne fait qu'un tour : un détail qui n'avait pas retenu mon attention dans un premier temps me saute soudainement aux yeux. La voix que j'entends résonne comme un écho de la même manière que si elle parvenait d'un autre monde. Je demeure dans l'incompréhension la plus totale durant quelques secondes puis soudainement, je me fige comme si je venais de recevoir un coup de massue sur la tête : est-ce que cela signifierait donc que je suis mort ? Cette simple hypothèse me fait tressaillir d'effroi. Pourtant, je devais être soulagé d'un poids sachant que c'était plus ou moins ce que je désirais au plus profond de mon cœur depuis que ma jumelle s'était évanouie dans la nature. Seulement, je n'imaginais sans doute pas me retrouver dans un lieu aussi morbide après avoir poussé mon dernier souffle. Le mal être que j'éprouvais au quotidien est devenu encore plus insoutenable depuis que je suis ici. Même dans l'au-delà, je suis donc condamné à souffrir plus que de raison ?

Non, je refuse de m'y résoudre : hors de question que je baigne dans la désolation et le chagrin pour l'éternité. J'estime ne pas avoir mérité de vivre un tel supplice au regard de tout ce que j'ai déjà dû endurer lorsque j'étais vivant. Alors brusquement, je rassemble mon courage et me lève puis sans crier gare, je me mets à courir comme un dératé en direction de cette lumière que je continue de percevoir au loin. Je sprinte comme si j'avais la mort aux trousses avec toute l'énergie du désespoir puis soudainement, j'éprouve une sensation qui me dépasse : j'ai l'impression de subir une chute vertigineuse et sans fin à tel point que j'en arrive à m'évanouir comme si toutes mes forces m'avaient abandonné en une fraction de seconde.  

Une douleur aussi vive que violente me pousse alors à ouvrir les yeux. Je vois trouble mais je parviens malgré tout à discerner la silhouette d'une jeune femme. Je suis totalement à côté de mes pompes et je me sens si faible que j'éprouve même toutes les peines du monde à parler.

- Qui êtes-vous ? Où suis-je ?

ette main tendue, elle ne pouvait que s'en emparer. Parce qu'elle était comme ça, Gaby. Elle aimait aider les autres, se sentir utile. Et lorsqu'il s'agissait de quelqu'un, qu'en plus, elle appréciait, alors là... Elle devenait un petit cœur sur pattes. Ses doigts fins serrèrent la main de Caleb. Un frisson parcourut son dos à cet instant. Ce contact... Ca lui faisait un truc. Un truc qu'elle ne parvenait pas à contrôler. Un truc bizarre. Un truc ouais, puisqu'elle ne parvenait pas à l'expliquer, ni à le définir. Leur première et seule rencontre remontait à des années, et à vrai dire, elle avait fini par perdre espoir quant au fait de le revoir, ou même de lui parler. Alors sentir de nouveau sa peau contre la sienne, vous imaginez bien... Leurs chemins s'étaient pourtant de nouveau croisés, la vie avait décidé de les réunir, une nouvelle fois. Pour combien de temps, cette fois-ci ? Elle n'avait pas la réponse à cette question.

Depuis combien de temps maintenant le suppliait-elle d'ouvrir les yeux ? Elle n'en avait pas la moindre idée. Une éternité, certainement. En réalité, pas tant que ça. Mais lorsqu'elle vit, grâce à la lumière du réverbère, ses paupières se mettre en mouvement avant de laisser apparaître ses deux yeux bleus -qui avaient un peu perdu de leur éclat à cause de l'ivresse- Gabriella se retrouva fortement soulagée. C'est pourquoi elle lui offrit son plus beau sourire avant de caresser sa joue. "Tu m'as fait peur" murmura-t-elle, avant que, de sa faible voix, Caleb ne souffle à son tour: "Qui êtes-vous ? Où suis-je ?"

Ses questions ne la déstabilisèrent pas. Pas comme elles devraient, en tout cas. Il venait d'ouvrir les yeux, l'accident remontait à des années... Il était normal qu'il ne la reconnaisse pas. Elle était pourtant loin de s'imaginer qu'elle avait été complètement rayée de sa mémoire. "C'est moi, Gaby... Gabriella Sawyers. Cette fille que tu as secouru après l'accident de voiture.." Son sourire s'effaça légèrement, alors qu'elle continuait de caresser son visage. "Tu es... Quelque part dans East Bay. Tu as certainement dû faire une très mauvaise chute... J'ai eu si peur pour toi" Elle poussa finalement un soupir. "Il faut que tu ailles à l'hôpital. Tes blessures ne me semblent pas importantes, mais ça me rassurerait de te savoir entre de bonnes mains". Si le jeune homme n'était pas en mesure de trop parler, pour Gaby, c'était tout l'inverse. Certainement un moyen de cacher sa nervosité, son excitation... Tous les sentiments qui l'animaient depuis qu'elle avait remarqué que cet homme à terre était Caleb. "Il faut que... Je m'éloigne un peu, si je veux espérer capter quelque chose avec mon téléphone. Ca... Va aller ?" Demanda-t-elle en caressant le dos de sa main avec son pouce.  

force, je finissais par pédaler dans la semoule à tel point que je nageais en plein brouillard. J'étais totalement incapable de dire si je rêvais ou bien alors si tout ce que je percevais n'était que le reflet de la réalité. En fait, vu dans l'état dans lequel je me trouvais actuellement, il était également possible que je sois dans le coma ou que j'ai passé l'arme à gauche : ce qui était certain, c'est que je ne voulais écarter aucune hypothèse. D'ailleurs, que je sois ébloui par une lumière des plus aveuglantes depuis de longues secondes me perturbait encore davantage : est-ce que cela signifiait que j'étais désormais au paradis ? En tout cas, je percevais clairement la présence d'une jeune femme à mes côtés si bien qu'au regard des circonstances, j'en venais à me demander si elle n'était tout simplement pas mon ange gardien. J'entendais le son de sa voix mais j'étais tellement à côté de la plaque que ce qu'elle me racontait s'apparentait seulement à du charabia à mes yeux. Malgré tout, j'avais dans l'idée que son seul but était de m'aider et pour une raison que j'ignorais, sa présence était loin de me déplaire. Je me rappelais alors soudainement que la voix que j'avais perçu quelques minutes plus tôt m'avait semblé familière à tel point que brusquement, une théorie germa dans mon esprit : était-il possible que je sois mort et que la personne qui se trouve devant mes yeux soit Liv ? Cela pouvait paraître totalement surréaliste mais je vivais des choses tellement hallucinantes depuis quelques minutes que je n'étais plus à ça près. Machinalement, une de mes mains se posa alors sur la joue de la jeune femme qui me faisait face et tout en la caressant, je pris la parole

- Liv, c'est toi ? Je suis mort, c'est ça ?

Il est clair que je n'avais pas les idées claires mais brusquement, mes yeux se posèrent sur la manche de mon blouson et je compris alors que celui-ci était couvert de sang. Aussitôt, je fronçai les sourcils et tout s'embrouilla à nouveau dans mon esprit : j'en venais à croire que j'étais devenu un schizophrène dans toute sa splendeur ou que je m'étais pris une cuite qui dépassait l'entendement tellement je planais à 3000. Puis, contre toute attente, la mémoire me revint soudainement comme une vague s'abattant sur la grève : plus tôt dans la soirée, j'avais fait la tournée des bars comme à mon habitude puis en voulant rentrer chez moi, j'avais trébuché en descendant un escalier. Mes souvenirs restaient assez confus pour le moment mais le fait que je sois blessé indiquait clairement que j'avais dû être victime d'une mauvaise chute.

Jusqu'à preuve du contraire, cela démontrait sans l'ombre d'un doute que j'étais encore vivant. Mais dans ce cas là, qui était cette jeune femme ? Peut-être qu'elle m'avait déjà dit son nom mais comme j'étais à moitié dans le coaltar, tout ce qu'elle m'avait raconté était rentré par une oreille avant de ressortir par l'autre.

- On se connaît ?

Tout en me concentrant sur cette inconnue, ma vision se fit plus nette au fil des secondes qui s'écoulaient si bien qu'en percevant plus distinctement le joli minois de mon interlocutrice, l'alcool que j'avais ingurgité me poussa à dire la première chose qui venait de me traverse l'esprit.

- Tu es vraiment canon en tout cas.