I need you (Tawan #12)

Je soupire et cède finalement aux supplications de mon amie pour l’accompagner à une fête ce soir « Tu regretteras pas Jo’ ! Ça va être trop cool et puis t’as besoin de sortir ! » ah bon ? Et où a t’elle péché ça ? « J’ai dit oui, pas besoin d’en faire encore des tonnes. Vingt heure là-bas ? » « Ok super ! ». Je raccroche pas convaincue d’avoir fait le bon choix mais je ne suis pas du genre à laisser tomber une amie. Depuis plusieurs jours j’ai l’étrange envie que les cours reprennent, retourner à l’Université pour m’occuper d’avantage l’esprit et quitter un peu plus la base. Enfin j’évite un maximum de m’y promener alors qu’avant c’était quelque chose que j’aimais faire. Même rendre visite à mon père dans son bureau je ne l’ai pas fait depuis des semaines. Il y a bien une raison à cela mais je m’évertue à y penser le moins possible. Je suis prête à l’heure et j’ai réussi à me motiver un peu en m’habillant en musique. Finalement Alex a peut-être raison, sortir et m’amuser me fera du bien, même si je ne suis pas une adepte de ce genre de fêtes à l’américaine organisées chez un des mecs les plus fêtard toutes universités confondues. J’arrive a l’adresse indiquée avec deux petites minutes du retard et je vois qu’Alex m’attend. Impossible de rater le lieu de la fête, une villa immense avec accès à une plage privée, vers laquelle se dirige pas mal de jeunes qui comme nous sont venus faire la fête. Il faut vraiment que je tienne à mon amie pour me retrouver là… Elle me prend le bras et m’entraine avec enthousiasme vers la villa en question. Dehors un bar à cocktail où déjà pas mal de gens attendent pour prendre à boire. Dans cette foule nous repérons des visages connus et allons les saluer. Je suis le mouvement plus qu’autre chose, me retrouve un cocktail à la main et je me promets que c’est la seule boisson alcoolisée que je vais boire durant la soirée.
Vingt trois heure, c’est bien sympa tout ça mais je commence à tourner en rond. Ça fait une demi-heure qu’Alex flirt avec un mec et qu’à chaque fois que je lui dis que je vais rentrer elle me demande de rester encore un peu. La bonne poire vous connaissez ? Je pose mon verre sur la table, juste à côté d’elle « Je vais aux toilettes, tu reste là ? » lui demandé-je. Elle valide et je m’éloigne durant quelques minutes. A mon retour elle n’a pas bougé d’un pouce, je récupère mon jus de fruit elle me sourit « T’as raté Carter. » dieu merci… ce gars est un peu lourd. Je lève les yeux « J’espère que tu lui as dit que j’étais partie. » elle hoche la tête « Ouais aux toilettes. ». Quoi ? Mais quelle amie en bois ! Je soupire et finis mon verre d’une traite « Bon cette fois j’y vais, je m’ennuie. » et j’ai pas envie de voir Carter revenir « Va danser. » je fronce les sourcils « ON va danser tu veux dire. Tu concluras pas de toute façon, ce mec est bête comme ses pieds. » même si il est pas désagréable à regarder, ça ne fait pas tout. Elle me retient et fait son regard suppliant, une nouvelle fois je capitule « Dix minutes pas plus. ». Je ne sais pas exactement combien de temps s’écoule mais alors que je vais me chercher de quoi grignoter quelque chose j’ai comme une sorte de vertige. Je mets ça sur le compte de l’hypoglycémie et continue mon chemin mais mon état ne s’arrange pas, ma tête se met à tourner. J’ai une sensation étrange que la réalité est comme un peu déformée et je commence un peu à paniquer. Qu’est-ce qu’il m’arrive ? La démarche mal assurée je rentre dans la villa, monte à l’étage en croisant quelques personnes qui me regardent avec un air inquiet pour certains et amusé pour d’autres. Ils pensent sans doute que je suis ivre alors que je n’ai bu qu’un seul cocktail alcoolisé.
Je trouve une salle de bain et m’y enferme. Je me passe de l’eau froide sur le visage, angoissant de plus en plus alors que ma tête tourne d’avantage. Je me raccroche à la faïence du lavabo pour ne pas tomber, mes jambes sont cotonneuses et finalement je me laisse glisser le long de la paroi vitrée de la douche m’asseyant par terre. Les mains tremblantes je sors mon portable de ma poche, je vois un peu flou, les larmes me montent aux yeux. J’ai peur. Je fais défiler mon répertoire, tente d’appeler Janis mais tombe sur sa messagerie. Je raccroche, ma gorge se noue. J’essaye d’appeler Alex, elle ne répond pas, sans doute occupée avec l’autre crétin ou la musique trop forte couvrant la sonnerie de son téléphone. Putain qu’est-ce que je vais faire ? J’essaye de calmer ma respiration et de réfléchir à ce qui peut me mettre dans un tel état. Mauvaise idée, je pense aussitôt à quelqu’un qui pourrait avoir mis quelque chose dans mon verre, de la drogue. Je panique un peu plus est-ce que j’ai bien verrouillé la porte ? Je me sens tellement mal et je ne sais pas qui appeler à l’aide. Mes parents ? Ils sont partis pour le week-end… je parcoure une nouvelle fois mon répertoire, les noms défilent je m’arrête sur celui de Tawny. Les choses sont devenues étranges entre nous, par ma faute et je l’ai évité depuis des jours, mais il y a en moi ce petit espoir qu’elle répondra à mon appel au secours. Une sonnerie, une deuxième, une troisième… et enfin j’entends sa voix « T…Tawny ? Je suis désolée je… je voulais pas mais j’ai… on a mit un truc dans mon verre je crois… » je retiens au maximum mes sanglots « Ça va pas… v…viens  me chercher… s’il te plait. » je souffle et réussis à lui donner l’adresse d’où je me trouve.

Un samedi soir ordinaire sur la planète Tawny, c’est à dire au Fox. Impossible de ne pas passer dansles locaux de ce bar si mythique dans lequel j’ai bossé pendant des années. Une bonne partie de l’équipe a changé depuis le temps, mais je m’y retrouve toujours comme chez moi. Les affinités se créent au fil du temps, et j’avoue que j’adore quand un groupe joue et me demande de venir partager avec eux la scène. Je prends alors la guitare et me rapproche du micro pour renouer avec une passion appartenant désormais au passé. Je n’ai plus vraiment le temps ni même l’inspiration pour écrire ou composer, j’espère que ça reviendra. En attendant, je n’attends pas que ça revienne comme le messie, je prends ce qu’il y a à prendre, et un morceau de concert comme ça, je ne m’en plains pas bien au contraire. Et lorsque je vois les yeux que les filles posent sur moi, je me demande bien pourquoi j’ai arrêté la musique. C’est quand même un aimant à gonzesses ce truc c’est complètement hallucinant.

Je finis mon morceau et à la demande générale, je finis le concert avec le groupe, en faisant des morceaux totalement improvisés, mais le kiff est bel et bien là. Je prends carrément mon pied, j’oublie tout, et ça fait un bien fou. En descendant de scène je suis en nage et je ne rechigne pas sur la bière que me tends une magnifique petite rouquine au teint pâle. Elle n’est pas d’ici, ça se voit comme le nez au milieu de la figure, mais elle a le mérite d’être directe,et j’adore ça. Il ne lui faut pas plus de dix minutes pour venir chercher un baiser, puis un autre, et nous finissons dans les mini loge - à savoir une salle avec une table un miroir et un pauvre fauteuil. Nos lèvres ne se séparent plus, je la plaque contre le mur et la suite est déjà toute tracée. Je serai bien bête de ne pas en profiter. Mais c’est mon téléphone qui hurle dans ma poche qui me fait tiquer. En général dans ce genre de moment, je ne décroche surtout pas, mais là j’ai un mauvais pressentiment. « J’dois décrocher, excuse-moi. » C’est un peu essoufflée que je décroche à la hâte, surtout en voyant l’heure et l’appelant. « T…Tawny ? Je suis désolée je… je voulais pas mais j’ai… on a mit un truc dans mon verre je crois… » Je fronce les sourcils et l’inquiétude me gagne. « Tu es où ? Ne bouge pas d’accord ? » « Ça va pas… v…viens  me chercher… s’il te plait. » « J’arrive, je pars maintenant, reste planquée, ne bouge pas. » Je raccroche, et plonge mon regard dans celui de la jeune femme, un air désolé. Elle a bien compris. « C’est… » « Te justifie pas. » Je grimace un peu et ne tarde pas. Je récupère mon casque et mon blouson et je file à l’adresse qu’elle m’a donnée. Une fois arrivée sur place je me faufile à l’intérieur et envoie des messages à Birdy pour qu’elle me guide et j’arrive jusqu’à la salle de bain, frappant à la porte. « Birdy c’est moi ouvre ! » J’attends quelques secondes qui me semblent interminables avant que la porte ne s’ouvre, j’entre et referme derrière moi. « Merde… » Son teint est livide. Naturellement je viens la prendre contre moi et je la serre légèrement. « Ça va aller, j’suis là ok ? Il peut rien t’arriver. Parle-moi, dis moi ce que tu ressens, tout, dans ton corps, dans ta tête… »

Entendre la voix de Tawny me rassure au moins pour le court instant où je la supplie presque de venir me chercher. Elle n’hésite pas une seconde et m’affirme qu’elle arrive. Bien que je n’avais pas l’intention de sortir de là je suis son conseil et reste dans la salle de bain à l’abri. Je replie mes jambes contre moi et les entoure avec mes bras. Recroquevillée sur moi-même je ferme les yeux, ayant l’impression de me sentir moins mal comme ça. Mais l’angoisse n’est pas loin mon estomac est noué, j’ai froid et j’ai l’impression d’avoir de plus en plus de mal à respirer. J’essaye de penser à autre chose, mon front contre mes genoux je fredonne une chanson que j’aime particulièrement, comme pour me rassurer et aussi m’obliger à respirer. Je sursaute quand on frappe à la porte « Hey ! J’ai besoin d’aller aux chiottes ! » mon cœur s’emballe, je relève la tête et regarde autour de moi « Y’a… Y’a pas de toilettes ici. » dis-je « Merde ! Ok pas grave ! » je soupire de soulagement que ce type derrière la porte n’insiste pas. J’ignore combien de temps s’écoule et combien de fois j’ai chanté cette même mélodie lorsque mon portable vibre. C’est un message de Tawny, elle vient d’arriver et me demande où je suis « A l’étage, une salle de bain. » répondis-je les mains toujours tremblantes. Quelques instants plus tard on frappe à nouveau à la porte et je suis soulagée d’entendre la voix de la recrue. Je me lève doucement, un peu chancelante et surtout prise d’un nouveau vertige. Je déverrouille la porte et l’ouvre, Tawny entre aussitôt et je me sens rassurée de la voir. Je me réfugie contre elle « Je suis désolée… » soufflé-je « Je… savais pas qui appeler. » enfin j’ai bien essayé Janis mais elle n’a pas répondu. Sa voix se fait rassurante, je m’accroche à elle pour m’éviter de flancher tandis qu’elle m’invite à exprimer mes sensations. « J’ai peur… » ma gorge se serre, je suis incapable de retenir mes larmes cette fois « Ça tourne. C’est horrible Et j’ai… du mal à respirer parfois. » mais ça c’est sans doute à cause de l’angoisse. Mes mains sont glacées et pourtant maintenant j’ai un peu plus chaud. « Je sais pas ce que c’est… j’ai pas trop bu je te jure. » dis-je comme une gamine qu’on viendrait de prendre en faute. Je recule légèrement et baisse les yeux essayant de me repasser le film de la soirée mais je panique en me rendant compte que je ne suis plus tout à fait sûre de mes faits et gestes. « J’étais avec Alex, on discutait j’ai voulu aller chercher un truc à manger… après j’ai… je sais plus. Je crois que je suis venue directement ici. » je la regarde à nouveau « Désolée… » je m’en veux de lui gâcher sa soirée, elle a seulement deux jours pour penser à autre chose que l’armée, la base et tout le reste et je viens tout foutre en l’air.

Mon réflexe premier est de la prendre dans mes bras pour la rassurer, du mieux que je peux en tout cas. J’ai déjà été dans cet état, et je sais exactement comme on peut se sentir. Choisir volontairement de prendre une drogue quelconque, c’est un parcours différent, surtout pour le cerveau. En général c’est un acte voulu, délibéré, qui permet de s’attendre aux effets de la substance ingérée. Dans le cas de Joan, elle découvre pas à pas des effets indésirables de quelque chose qu’elle n’a pas choisi, et plus encore que ça, elle doit se sentir abusée, trompée, que quelqu’un ait pu lui vouloir du mal, par exemple. « Je suis désolée… Je… savais pas qui appeler. » Je secoue un peu la tête et appuie davantage ma main dans le creux de son dos avant de déposer un baiser sur ses cheveux. « Arrête. T’y es pour rien, et je suis là maintenant. » Je lui demande de me parler, parce que c’est important qu’elle garde son esprit en mouvement, qu’elle n’abandonne pas au risque de sombrer dans quelque chose de pas très beau à voir et encore moins à ressentir. Tout dépend de ce qu’elle a pris. « J’ai peur… » « Je sais. » Je n’avais pas besoin qu’elle me le dise, je le ressens, je l’entends. « Ça tourne. C’est horrible Et j’ai… du mal à respirer parfois. » Je hoche simplement la tête pour lui dire que je l’écoute avec attention, et la sentant assez faible, je la soutiens pour que nous allions nous asseoir sur le rebord de la baignoire. « Je sais pas ce que c’est… j’ai pas trop bu je te jure. » Je lui adresse un petit sourire adorable. « Je n’en doute pas Birdy. Mais malheureusement dans ce genre de fêtes, y’a toujours des mecs mal intentionnée. Mais t’inquiètes pas il t’arrivera rien. » Je garde ma main dans son dos et la laisse parcourir ce dernier dans toute sa hauteur, se faufilant parfois sous ses cheveux jusqu’à sa nuque avant de redescendre. Je voudrais juste qu’elle se détende. « J’étais avec Alex, on discutait j’ai voulu aller chercher un truc à manger… après j’ai… je sais plus. Je crois que je suis venue directement ici. Désolée… » Me dit-elle à nouveau en me regardant. « Arrête ! Je faisais rien de plus important que venir aider une amie. » Une amie. Ouais… Je dépose un baiser sur sa tempe tendrement. « T’inquiètes pas va. Je vais m’occuper de toi. Je te lâche pas, il peut rien t’arriver. On va déjà essayer de sortir d’ici. Tu penses que tu te sentirais de monter sur ma moto ? Sinon on marche, j’habite pas loin… » Je la regarde, un peu perdue de voir à quel point ses yeux sont ailleurs, sur une autre planète. Je n’aime pas la voir aussi mal, je suis mal pour elle, et j’aimerai juste que ça cesse. En attendant, je vais rester près d’elle et m’en occuper comme si ma vie en dépendait. Réminiscences de mon passé de pompier, et sans doute d’un peu trop de sentiments pour elle,bien enfouis.

La présence de Tawny fait diminuer mon angoisse quasi instantanément et heureusement parce que je suis passée pas loin d’une crise. Je lui présente des excuses me sentant coupable de l’embarquer dans cette galère. Elle n’a pas l’air de m’en vouloir et puis même si c’était le cas, le dirait-elle ? Je la sais franche, mais dans un moment pareil… peu importe, elle est là et c’est ce qui compte. Je crois que je lui serai redevable à vie après ça. J’avoue sans détour combien cette situation m’effraie, mais la brune n’est pas dupe et elle l’avait déjà remarqué, probablement dès mon coup de téléphone. Je tente de mettre des mots sur ce que je ressens, tout ce que je sais c’est que c’est désagréable. Pour une raison qui m’échappe je me sens coupable et sens le besoin de me justifier, lui assurer que je n’ai pas trop bu, que je ne joue pas une quelconque comédie. Elle me croit, me sourit et c’est pas grand chose mais je lui suis reconnaissante d’être aussi compréhensive. Je me raidie dès l’instant où elle évoque ces mecs mal intentionnés probablement à l’origine de mon état. Si elle savait combien je redoutais que le responsable vienne frapper à la porte ou pire la défonce pour profiter des effets de ce je ne sais quoi qui a été mis dans mon verre. Tawny m’affirme qu’il ne m’arrivera rien et je la crois, je sais que je peux compter sur elle, la preuve et j’ai confiance en sa capacité à me protéger. Je retrace une partie de ma soirée, juste avant que je me sente mal et panique un peu de ne pas être totalement sûre de mon récit. Pourtant je sais que je suis venue me réfugier ici dès le début de mon malaise mais il y a ce petit doute en moi, inexplicable. Sans doute l’effet de la drogue. Ma seule expérience en la matière c’est d’avoir tiré deux lattes sur un join, autant dire que ça n’a rien à voir.
Nouveau sursaut de culpabilité alors que je me détends grâce à la présence de la recrue, de sa voix calme et de ses caresses rassurantes dans mon dos. De nouvelles excuses auxquelles elle s’oppose, m’affirmant que le plus important est d’aider une amie. Donc nous le sommes toujours, je souris et ferme les yeux en sentant ses lèvres contre ma tempe. Une fois encore Tawny me rassure, elle ne compte pas me lâcher et surtout nous allons quitter cette fête de malheur. Monter sur sa moto ? Je devrais pouvoir en trouver le courage, je hoche positivement la tête malgré ma difficulté à garder l’esprit clair « Je devrais pouvoir, si c’est pas loin… » je ne veux pas en plus de l’avoir obligée à venir ici qu’elle doive laisser sa moto alors que dans quelques heures une foule d’étudiant saouls déambuleront dans la rue pour rentrer chez eux. Je fronce légèrement les sourcils puis cligne plusieurs fois des yeux pour dissiper ma vision qui se modifie un peu. C’est pas normal ces couleurs. « Ok… et maintenant je vois des trucs… psychédéliques. » soupiré-je décidant malgré tout de me lever. Nous sortons de la salle de bain, je me concentre sur chacun de mes pas et sur la présence de Tawny en me répétant que nous serons bientôt dehors. Au bas de l’escalier nous passons devant un groupe de mecs, ils se mettent à rire, c’est typiquement une des raisons qui fait que je n’aime pas ce genre de soirée, le plaisir qu’on les un et les autres à se mettre la tête à l’envers pour mieux se moquer ensuite. Mais je ne suis pas en état de répliquer, pas du tout même « Crétins… » soufflé-je entre mes dents.

J’ai la douce impression que son angoisse se disperse en me parlant, à moins que ça ne soit mes caresses dans son dos, ou peut-être les deux. Toujours est-il que je reste très attentive à tout ce qu’elle me raconte, très douce étrangement, et prévenante aussi. Je la rassure comme je peux mais ça semble fonctionner, ce qui me rend assez fière, au fond. Je ne voudrais pas qu’on reste ici, les effets peuvent mettre du temps à se dissiper en fonction de ce qu’elle a pris, ou pire s’aggraver aussi avec le temps avant de s’estomper, mais au lieu de lui faire peur, je préfère prendre les devants. Pour le moment elle est encore consciente, autant en profiter et aller nous mettre dans un lieu sûr. Autrement dit chez moi, enfin chez Naomi mais elle ne m’en voudra pas, question de force majeure, et puis elle est de garde cette nuit. « Je devrais pouvoir, si c’est pas loin… » Je hoche la tête en lui souriant et me lève doucement en l’aidant à faire de même. Je la vois cligner des yeux et je reste attentive. « Ok… et maintenant je vois des trucs… psychédéliques. » Je me pince un peu les lèvres d’un air désolé, mais je tente quand même de la rassurer. « C’est pas si mal. Vaut mieux ça qu’autre chose, je t’assure. » Si sa vision se déforme, elle n’aura probablement pas de perte de connaissance, du moins je l’espère. Je récupère sa main en sortant des toilettes et la serre dans la mienne pour lui signifier que je suis là. Doucement nous descendons au rez-de-chaussée et j’entends Joan marmonner quelque chose, je n’y fais pas trop attention, elle a sûrement des genre d’hallucinations. Une main dans son dos, je la soutiens jusqu’à dehors et nous nous approchons de ma moto. Je n’avais pas prévu de 2ème casque, alors je lui mets le mien sur la tête. Une fois la moto allumée, je grimpe et la regarde droit dans les yeux pour qu’elle assimile mes paroles. « Tu me tiens bien, et si jamais ça va pas, tu tapes avec ta main contre mon ventre et je m’arrêterai ok ? » Elle hoche la tête et je la laisse prendre place. Je récupère ses mains et fais enrouler ses bras contre moi, joignant ses mains devant mon ventre pas qu’elle ne tombe, toute manière je ne vais pas rouler vite, en plus j’ai pas de casque. Nous prenons la route jusqu’à chez Naomi et nous arrivons, sans encombres. Je la laisse descendre et l’aide avec son casque. « Ça va ? Tu as pas vu traverser des girafes ? » Je préfère en rire. « Comment tu te sens? » Je pose mon casque sur la moto et reprends la main de Birdy pour la mener jusqu’à la maison. Je la fais entrer et referme derrière nous. « Tu as soif ? Faim ? » Dans l’idéal il faudrait qu’elle boive beaucoup d’eau pour évacuer, mais je ne vais pas la forcer.

Je n’ai pas franchement envie de m’attarder ici, alors tenir quelques minutes de trajet en moto ne me paraît pas insurmontable. Si Tawny me dit qu’elle n’habite pas loin je sais que c’est la vérité, et puis j’ai confiance en elle c’est comme ça. Avant de quitter la salle de bain où je m’étais réfugiée je fais un point sur les effets actuels de la drogue. Je vois la vie en couleur… présentement je ne pense pas que ça soit le secret du bonheur, mais comme dit la jeune femme mieux vaut ça qu’autre chose. Je fais avec ma vision un peu modifiée, mais surtout je me fie à la présence de la brune, tenant sa main avec la ferme intention de ne pas la lâcher. A cet instant elle n’a plus juste le rôle de sauveuse mais aussi de guide. Sortir de la villa est un premier soulagement et à mesure que nous approchons de la moto de la recrue je me sens un peu plus sereine. J’ai toujours la tête qui tourne et ces sensations étranges mais au moins je me sens d’autant plus en sécurité en sachant que bientôt nous serons parties. Docile je laisse Tawny m’équiper avec son casque, en plus je l’oblige à rouler en infraction… je vais vraiment encore plus m’en vouloir si elle prend une amende à cause de moi. Je la paierais évidemment, mais sur le principe ça ne fera que rendre ma culpabilité encore un peu plus grande. L’engin démarre, c’est plutôt mélodieux quand on y fait bien attention, ce ronronnement de moteur. J’essaye d’être la plus attentive possible aux directives de la jeune femme mais c’est clairement un réel effort pour moi. J’ai dû mal à comprendre comment des gens peuvent prendre ce genre de substances volontairement, j’ai tellement l’impression d’être à côté de la plaque. Je hoche la tête en signe de compréhension, je lui tape sur le ventre si ça va pas. « Ok capitaine. » dis-je avant de m’installer derrière elle, passant mes bras autour de son corps je m’accroche bien, comme elle me l’indique.
Le trajet se passe sans encombre, à vrai dire j’ai même l’impression que ça m’a fait du bien. En tout cas je me sens un peu mieux et pose pieds à terre sans problème une fois arrivées à destination. La recrue m’aide à retirer le casque tout en prenant de mes nouvelles avec une pointe d’humour qui me fait sourire. « J’aurais adoré voir des girafes. » dis-je spontanément alors que mes yeux s’illuminent comme si j’en voyais soudain une là juste devant moi et la contemplais avec émerveillement « C’est tellement beau. Et leur regard… » je secoue un peu la tête et cligne des yeux. Comment je me sens ? « Je sais pas trop. Mieux parce que j’ai moins peur… mais vraiment…bizarre. ». Tawny prend ma main et je la suis jusque chez elle « C’est difficile à expliquer, c’est comme… » je hausse les épaules, incapable de lui donner une explication. J’entre à sa suite et m’immobilise dans l’entrée alors qu’elle referme la porte, je regarde autour de moi puis fixe mon regard sur la brune. Je lui en dois vraiment une sur ce coup là… elle est tellement prévenante et patiente à mon égard malgré l’ambiance plutôt étrange entre nous ces derniers temps. « Je veux bien à boire, s’il te plait. J’ai la gorge sèche. » j’esquisse un léger sourire « Tu vis depuis longtemps ici ? ». Je tourne alors brusquement la tête pour regarder à ma gauche, un truc à bougé j’en suis sûr « Tu… as un animal de compagnie ? ».

Le trajet se passe bien, je fais très attention, reste vigilante à la sensation de son corps collé au mien, je prends les virages très larges et à petit vitesse pour éviter de la secouer, et heureusement, nous arrivons rapidement. Je ne lui ai pas menti, ça n’était pas très loin. Une fois arrivée je la laisse descendre et m’occupe de son casque non sans un trait d’humour. « J’aurais adoré voir des girafes. » « J’en doute pas » que je lui réponds en souriant. Joan a gardé son âme d’enfant, moi aussi même si ce n’est pas de la même manière. Alors lorsqu’elle me dit de sa petite voix qu’elle aime les girafes, ça me fait plus rire qu’autre chose. « C’est tellement beau. Et leur regard… » Oui oui, leur regard. On l’a perdue, ça y est. Je lui demande comment elle se sent, j’ai la sensation qu’elle est repartie dans une autre galaxie, mais je retrouve son regard. « Je sais pas trop. Mieux parce que j’ai moins peur… mais vraiment…bizarre. » Je pince un peu mes lèvres et hoche la tête. Ouais, bizarre. Logique. Je récupère sa main pour l’entraîner dans la maison. « C’est difficile à expliquer, c’est comme… » Je tourne la tête vers elle dans l’attente de la fin de sa phrase, mais rien ne vient. Très bien. La nuit va être longue.

Une fois entrées, je la laisse prendre ses marques et lui propose à boire ou à manger. « Je veux bien à boire, s’il te plait. J’ai la gorge sèche. » Hochant la tête, je me dirige vers la cuisine et récupère une bouteille d’eau de 50cl et la lui ramène. « Si tu peux la boire en entier, ce serait super. Ça aidera à dissiper les effets. » « Tu vis depuis longtemps ici ? » Je hausse les épaules avant d’ouvrir la bouche pour répondre mais elle m’empêche de le faire, sursautant pour je ne sais quelle raison. « Tu… as un animal de compagnie ? » Je fronce un peu les sourcils et regarde là où elle regarde. « Non, y’a pas d’animal ici, ni rien qui puisse te manger. » Mis à part moi. Blague à part, je la garde pour moi celle là. « Ça va aller, bois ça. » Je lui tends à nouveau la bouteille et pendant qu’elle la porte à ses lèvres je réponds à sa précédente question. « Et non, ça fait pas longtemps, le proprio de la maison que j’habitais avant a voulu la récupérer pour la vendre, du coup provisoirement je dors ici, chez une amie. Mais t’inquiètes, elle est pas là, elle rentrera pas cette nuit. » Enfin, pas avant demain matin, je sais même pas à quelle heure d’ailleurs. Elle vient de s’enfiler la bouteille d’eau et je souris. « Tu es plus docile que tu veux bien le dire. » Je ris un peu en me foutant d’elle légèrement. « Physiquement ça va ? » Je m’approche et pose ma main sur son front avant de grimacer. Elle est brûlante. « Faudrait que tu prennes une douche, tiède, voire froide même pour faire baisser la température… »

J’ai horriblement soif c’est donc avec plaisir que je réclame à boire à Tawny qui me rapporte une bouteille d’eau dans la minute suivante. J’ai de la chance qu’elle soit venue me chercher et prenne soin de moi comme ça, vraiment. Je suis coupée dans ma réflexion et mon élan de prendre la bouteille en croyant voir du mouvement dans la pièce à côté. Aussitôt je demande à la jeune femme si un animal vit ici, c’est l’explication la plus probable mais quand elle m’assure que non elle n’a pas d’animal de compagnie je fronce les sourcils soudain plus inquiète. C’était quoi alors ce que j’ai vu. Patiente la jeune femme me rassure, rien ne va me manger. Comment peut-elle en être si sûre ? Dans les films d’horreur c’est toujours comme ça, d’abord tout le monde croit que c’est rien du tout et puis au final ça se termine en bain de sang. Voyant sans doute que je ne suis pas totalement convaincue Tawny insiste et m’encourage à boire. Bon ok, je lui fais confiance, pas le choix de toute façon et jusque là ça a plutôt bien été donc pas de raison de douter maintenant. Docile je bois toute la bouteille tout en l’écoutant me raconter que cette maison est celle d’une amie chez qui elle vit pour le moment. Amie ou amie et plus si affinités ? Bah y’a de quoi se poser la question, non ? Vu que je suis aussi son amie et que même en étant sûrement sa conquête la plus improbable on a... Ok bref, mieux vaut ne pas y penser. Je termine la dernière goutte d’eau, tout ça sans m’être étouffée. La brune ne manque pas de souligner combien je suis disciplinée, petite taquinerie à laquelle je réponds par un tirage de langue des plus matures. Ce n’est cependant pas plus aisé de répondre à sa question. Physiquement ? J’ai clairement des sensations étranges et un peu chaud mais ma tête tourne moins c’est déjà ça. « J’sais pas, tu m’trouves comment ? » dis-je en me désignant d’un geste avant de me mettre à rire.
Je m’arrête de rire quand elle pose sa main sur mon front. Elle pense que j’ai de la fièvre parce que je dis des conneries ? C’est pourtant pas si inhabituel. Mais que je sois sous l’emprise de la drogue ça oui, c’est même une première et une dernière ! Docteur Tawny pose son diagnostic, il me faut une douche tiède ou froide. J’écarquille les yeux « Froide ? » je fais une mine boudeuse et secoue la tête comme une gamine qui refuserait de manger un truc ou d’aller prendre sa douche… passant rapidement d’une chose à une autre j’arque un sourcil « Tu t’y connais bien en drogue. Enfin en gestion de drogue plutôt… » je souris « Ton passé de pompier ? Ça devait vachement bien t’aller l’uniforme. » et sans même m’en rendre compte je fais glisser ma main le long de son col dans un geste qui ne me ressemble pas, pas si spontanément. Je finis par soupirer face à son regard « Ok ok, bien capitaine. Une douche tiède froide. » j’affiche un petit air suppliant « Pas trop froide hein ? » j’ai beau ne pas être dans mon état normal je suis assez lucide pour savoir que je n’aime pas franchement les douches froides. Sagement je suis la brune jusqu’à la salle de bain « J’irai mieux après ? » demandé-je avec l’espoir qu’elle réponde à la positive comme si elle détenait tout le savoir. Je retire d’abord mes chaussures, manquant de me casser la gueule en sautant à cloche pied et bien sûr éclater de rire n’arrange rien à l’affaire.

J’ignore vraiment pourquoi je ressens le besoin d’être là pour elle, l’aider dans cette nouvelle épreuve. Il faut dire qu’après l’épisode de la dernière fois, et celle d’encore avant, il y a de quoi rendre notre relation un peu particulière, et je comprends qu’elle ait un peu envie de me fuir. Alors forcément quand j’ai reçu son appel, je n’ai pas hésité à lui venir en aide, et la voilà chez moi - enfin chez nao - avec les idées très peu claires. « J’sais pas, tu m’trouves comment ? » me répond-elle avec un trait d’humour qu’elle arrive à garder malgré la situation et son état. Je lui souris, j’aimerai lui dire ce que je pense vraiment, mais je me retiens. Mais ma main posée sur son front la fait s’arrêter de rire. Je l’infantilise sans doute un peu trop mais c’est plus fort que moi. « Froide ? » Je hoche un peu la tête en grimaçant légèrement. « Tu t’y connais bien en drogue. Enfin en gestion de drogue plutôt…Ton passé de pompier ? Ça devait vachement bien t’aller l’uniforme. » J’allais ouvrir la bouche pour répondre avant qu’elle ne finisse sa phrase mais je me ravise immédiatement en entendant la fin. Elle s’approche de sa main glisse sur le col de ma veste, faisant s’accélérer mon coeur plus que de raison. Elle n’est pas dans son état normal. « Je… ouais. les geste de secours des pompiers… tout ça… » Je me racle un peu la gorge et esquisse un sourire. « Ok ok, bien capitaine. Une douche tiède froide. Pas trop froide hein ? » Je lui souris cette fois et hoche la tête. « Pas trop froide. » Je prends le chemin de la salle de bain et fais bien attention qu’elle reste dans mon sillage. « J’irai mieux après ? » « J’espère. » Je vais pour lui sortir une serviette mais j’entends son rire derrière moi et la vois sauter à cloche pied. Je la rattrape in extremis avant qu’elle ne se casse totalement la gueule. « On va éviter que tu te blesses en plus hein ! » Je la lâche et la laisse continuer de se déshabiller pendant que j’allume l’eau de la douche, tiède. Je suis gentille, ça doit faire un truc comme entre 30 et 35, l’idée c’est surtout que ce soit un peu plus bas que sa température corporelle. « C’est prêt. » Je me retourne et la voix galérer avec l’attache de son soutien-gorge. « Laisse, je vais t’aider. » Je la fais se tourner dos à moi et déclipse l’agrafe. « Tu veux que je reste ou ça va aller? » Après tout je l’ai déjà vue nue, c’est pas comme si c’était une grande nouveauté. Et le contexte est si différent que je ne vais pas ‘en profiter’.

C’est étrange cet état dans lequel je me trouve, je me sens à la fois consciente et plus vraiment maitresse de moi. Une sensation désagréable, l’impression d’être capable de faire une connerie à tout moment sans pouvoir lutter. Mais j’ai Tawny pour veiller sur moi, m’aider à gérer cette situation totalement imprévue et quelque peu angoissante. Je n’ai pas perdu mon humour, cependant mon attitude n’est pas tout à fait habituelle. Moi, jouer la séductrice ? Je suis définitivement droguée, c’est confirmé. Mon esprit tourne à toute allure, incapable de maintenir un comportement linéaire je passe d’une expression à une autre en un claquement de doigt. Malgré tout j’essaye de me concentrer sur les propos de la brune, bien que l’idée de la douche froide ne m’enchante pas des masses. Je lui fais confiance et mets de côté mon attitude de gamine boudeuse pour la suivre jusqu’à la salle de bain. Espérons que ce passage sous la douche me fasse du bien et éclaircisse un peu mes idées. Mais la première étape c’est déjà que je me déshabille. Tache plutôt banale pour quiconque ayant plus de quatre ans, sans handicap ou dépendante… mais beaucoup plus compliquée lorsque l’on est pas en totale possession de ses moyens. Retirer mes chaussures est une épreuve dont je ne soupçonnais pas la difficulté et être prise d’un fou rire devant mon incompétence ne m’aide pas beaucoup. Heureusement en héroïne de ma soirée Tawny vient à nouveau à ma rescousse en me préservant d’une chute. « Evitons les urgences c’est toujours blindé… » dis-je avec conviction en faisant un effort de concentration afin de ne plus mettre mon intégrité physique en danger. La recrue prépare la température de l’eau tandis que je finis de me déshabiller, non sans être mise à l’épreuve par mon soutien-gorge cette fois. La douche est prête, mais pas moi…
Ayant pitié la jeune femme me propose son aide et je me mets dos à elle pour qu’elle me libère. Stupidement mon cœur se mets à battre juste un peu plus vite, j’ai inévitablement quelques souvenirs de la soirée d’il y a quelques semaines en arrière lié à ce geste de sa part. Je suis sortie de mes pensées par Tawny qui me demande si je préfère qu’elle reste je hausse les épaules, sans savoir quoi répondre. La pudeur n’entre pas vraiment en jeu, déjà parce que je ne pense même pas vraiment que je vais me retrouver nue devant elle et puis de toute façon elle ne verra rien de plus qu’elle n’ai pas déjà vu… Cependant je n’ai pas envie d’être encore plus un boulet que je ne le suis à cet instant et je finis par me retourner et lui sourire « Ça va aller. » en passant à côté d’elle je dépose un baiser sur sa joue « Merci… » soufflé-je avant de quitter mon dernière sous-vêtement et entrer dans la douche. C’est tiède, pas assez chaud mais je pense qu’elle a raison ça va me faire du bien. Je prends une inspiration et me mets sous le jet, les premières secondes sont désagréables et finalement l’eau ruisselant sur moi m’apaise. Je me sens trahie, abusée d’avoir été droguée à mon insu, d’être dans cet état là et j’ai l’impression de m’être donnée en spectacle. Un sentiment de honte m’envahi, de détresse, de tristesse. Je ne sais même pas, tout se mélange et je préfère fermer les yeux pour tenter de faire taire mon esprit et tout ce qui s’y bouscule. Les larmes coulent sur mes joues, masquées par l’eau. Je me laisse glisser le long de la paroi et m’assois par terre je laisse les sanglots s’échapper, je n’arrive rien à contrôler. Je craque sans trop savoir pourquoi mais dans le fond ça me fait du bien, une pression retenue qui s’échappe par le siphon, emportée par les flots.
On frappe à la porte, je sursaute. Merde, ça fait combien de temps que je suis là ? Je rouvre les yeux et vois Tawny, la mine inquiète « Ça va, je… je vais bien. J’ai pas vu le temps passer c’est tout. » je me relève et coupe l’eau. Je m’en veux, foutue culpabilité qui ne semble pas vouloir me quitter « Je suis désolée. » je réprime un frisson, je ne me suis même pas rendue compte que maintenant j’ai froid. J’attrape la serviette et m’enroule dedans « Je t’ai même pas demandé ce que tu faisais avant que je t’appelle… » sans doute parce que ça ne me regarde pas. Mais suis-je vraiment à une boulette de plus pour ce soir ?

« Evitons les urgences c’est toujours blindé… » Je hoche un peu la tête, elle n’a pas tort, et plus encore que ça, je n’ai tout simplement pas envie qu’elle se blesse. J’aime finalement la jeune femme à finir de se déshabiller et je tente du mieux que je peux de mettre les souvenirs de ce moment charnel partagé avec elle, dans un coin de ma tête. Ce n’est pas du tout le moment pour un truc pareil, pourtant ça me hante plus encore que je ne voudrais l’admettre. Une fois nue, elle entre sous la douce et me laisse comprendre que ça ira, qu’elle n’a plus besoin de moi pour le moment. Elle me remercie et je me contente de lui adresser un sourire tendre avant de quitter la salle de bain, laissant quand même la porte entre-ouverte, au cas où. Je descends pour aller préparer un truc à manger, rien de bien follichon, un sandwitch chacune, pour nous caler un peu et éponger chez elle ce qu’il y a à éponger. Malheureusement, c’est le temps qui fera vraiment son affaire pour dissiper les effets de la drogue qu’elle a ingéré involontairement.

Au bout d’un certain temps, temps que je trouve assez long tout de même, je me décide à remonter dans la salle de bain pour voir où en est Joan. Je m’inquiète sans doute plus que je ne le devrais, mais c’est plus fort que moi. Quelques coups frappés à la porte et je pousse cette dernière, doucement, pour voir ce qu’il en est. Joan est assise dans la douche et je sens mon coeur s’emballer un peu, d’inquiétude. « Ça va, je… je vais bien. J’ai pas vu le temps passer c’est tout. » Je la laisse éteindre l’eau et je récupère une serviette que je lui mets sur les épaules une fois sortie, alors qu’elle s’enroule à l’intérieur. Mes mains sur ses bras, je la frictionne doucement pour la sécher. « Je suis désolée. » Je secoue la tête. « Arrête. » Je m’approche un peu et viens entourer mes bras autour d’elle, laissant ma main glisser de haut en bas de son dos. « Je t’ai même pas demandé ce que tu faisais avant que je t’appelle… » J’esquisse un sourire. Elle est vraiment trop mignonne. « J’étais au bar où je bossais avant, y’avait un groupe et je suis montée sur scène pour jouer avec eux. T’as de la chance que j’étais descendue quand tu as appelé. Quelques minutes plus tôt et j’aurai même pas pu répondre. » Je m’écarte et attrape une serviette plus petite pour la poser sur ses cheveux. « Allez, sèche toi, je vais te chercher des fringues confortables. » Je ne dis pas que les siennes ne le sont pas, enfin elle était habillée pour sortir, un truc qui la met en valeur mais qui n’est pas le plus confortable du monde. Je vais dans ma chambre et récupère un t-shirt un peu ample et un jogging. On doit faire la même taille à peu près. Je lui ramène le tout, avec un petit boxer en coton que j’ai l’habitude de porter la nuit et je lui montre l’inscription sur les fesses où il y a marqué ‘bonne nuit’. Je lui souris et lui tends le tout. « Tu me rejoindras en bas ? Je t’ai préparé un petit truc à manger. » Je dépose un baiser sur sa tempe et m’éclipse, l’attendant en bas.

Assise là, l’eau ruisselant sur mon corps je perds la notion du temps. Je laisse mes larmes s’échapper, je ne cherche pas à les retenir car je crois que j’ai besoin de craquer pour aller mieux ensuite. Mes sanglots s’atténuent d’eux même, mais je reste assise, juste encore quelques minutes, j’ignore combien. Tawny entre, inquiète et je me rends compte que j’ai dû rester là un bon moment. C’est pas écologique toute cette eau gâchée… tant pis je me rattraperai. Je m’en veux de causer encore un peu plus de tracas à la brune, elle m’a plus que sauvé la mise et je lui ai fait couper cours à sa soirée. Une énième fois je lui dis être désolée et à nouveau elle rejette mes excuses inutiles à ses yeux. Je manque presque de lui dire que je suis désolée d’être désolée et finalement je me laisse docilement attirer contre elle, les bras de la brune m’entourant dans une étreinte réconfortante. Je lui demande ce qu’elle faisait avant que je ne l’appelle, curieuse, et peut-être pour justifier le fait que je me sente coupable de l’avoir arracher à l’un des rares moments où la recrue peut se changer les idées hors de la base. J’espère qu’elle ne sent pas comme mon cœur bat plus fort à cet instant, ma question a fait diversion, je crois. Je souris en entendant que Tawny a pu monter sur scène « C’est top. » dis-je, enthousiaste. Je hausse les épaules tandis qu’elle recule « T’as pu répondre, c’est l’essentiel. » j’ignore ce que j’aurais fait si ça n’avait pas été le cas. J’étais loin d’imaginer que la brune puisse avoir un côté si protecteur, maternel mais clairement c’est ainsi qu’elle agit a mon égard en ce moment. Ça ne me déplait pas, au contraire, je lui suis infiniment reconnaissante de prendre soin de moi. Je hoche positivement la tête et esquisse un sourire « Chef, oui chef. ».
Je me sèche et regarde mon reflet dans le miroir qui trône là. Je soupire, la drogue ça me réussit pas. Enfin à qui ça réussit ? Personne je crois. Tawny réapparait avec des fringues plus confortables que les miennes et même un boxer, elle pense à tout. Ce dernier est même floqué d’un “Bonne nuit“ et je me mets à rire en voyant ça « C’est un message ou un encouragement ? » demandé-je, amusée. Je prends les fringues qu’elle me donne et lui offre un nouveau sourire, un qui me ressemble plus, je me sens mieux. Je hausse les sourcils « Vraiment ? » m’étonné-je quand elle me dit m’avoir préparé un petit quelque chose à manger. Je hoche la tête « Je m’habille et j’arrive. » je dois admettre que je commence à avoir faim. Faut dire que j’ai pas mangé grand chose, ça n’aide pas. Mon cœur a un léger raté lorsqu’elle dépose un baiser sur ma tempe. C’est malin, maintenant j’ai qu’une envie, retrouver ses bras et m’y abriter jusqu’à ce que tout ça soit fini. Clairement pas l’idée du siècle malgré son caractère attirant. Je m’habille et jette un regard à mon look dans le miroir, ça me fait rire et je quitte la salle de bain, redescendant l’escalier pour rejoindre Tawny. « Plus sexy tu meurs ! » déclaré-je en apparaissant un peu théâtralement, sourire aux lèvres me réjouissant déjà de pouvoir me remplir l’estomac. « Merci pour les fringues et… pour tout le reste en fait. » je retrouve un peu de ma lucidité « Je sais pas ce que j’aurais fait sans ton aide. » avoué-je avec une légère moue. Je lorgne sur l’un des deux sandwich qu’elle a préparé « C’est donc le menu du chef Tawny ? » je relève les yeux vers elle et penche la tête légèrement en la regardant attentivement « T’as définitivement mérité ton titre d’héroïne ce soir. ». Ça pourrait presque me donner envie de l’embrasser. Wow ! Du calme, on ne laisse pas la drogue reprendre le dessus Joan. Mieux vaut céder à l’appel du sandwich, ce que je fais.

« C’est un message ou un encouragement ? » me demande-t-elle en lisant les mots sur la culotte que je lui apporte avec un air malicieux. « Les deux ! » Je ris un peu et lui pose tout en lui disant que je l’attends en bas avec quelque chose à mangé. Elle semble étonnée que j’ai préparé quelque chose pour elle, enfin quand elle va voir ce que j’ai fait, elle va vite déchanter. « Je m’habille et j’arrive. » Je hoche la tête en souriant et quitte la salle de bain pour l’attendre en bas. J’en profite pour répondre aux quelques textos reçus, et j’en profite pour en envoyer un à Naomi pour lui dire que j’ai ramené quelqu’un à la maison, mais rien de sexuel. Si seulement… Je soupire de mon propre esprit mal placé et voilà que Joan fait son apparition. « Plus sexy tu meurs ! » dit-elle dans une apparition un peu théâtrale qui me fait rire. « C’est sûr que c’est moins sexy que la robe que tu portais pour la soirée des anciens de mon lycée. » Je viens vraiment de dire ça ? Mon Dieu, le pire c’est même pas ce que j’ai dit, c’est surtout les souvenirs du moment où je lui ai retiré cette robe. Ok ok on arrête ça DE SUITE. « Merci pour les fringues et… pour tout le reste en fait. Je sais pas ce que j’aurais fait sans ton aide. » Je secoue cette fois la tête à la négative. « Arrête de me remercier, c’est bon. C’est ce que font les amis non ? » Les amis oui. Les amis. « Et puis à charge de revanche, on trouvera bien un moyen pour que tu me sauves la mise ! » Je lui souris et lui tends l’assiette avec le sandwich au pain de mie complet, bien rempli et étrangement assez healthy. Coupé en deux pour plus de pratique, franchement ça rend bien. « C’est donc le menu du chef Tawny ? » « Ouais, j’ai pas eu le temps de te préparer mon boeuf bourguignon aux petits légumes. Une prochaine fois peut-être ? » Je lui offre un sourire complice et m’installe dans le canapé, l’incitant à en faire de même. « T’as définitivement mérité ton titre d’héroïne ce soir. » Je ris un peu. « Supertawny tu connais ? » Je mords dans mon sandwich, le repose dans mon assiette et pendant que je mastique, je me lève debout sur l’assise du canapé, je récupère le plaid sur le dossier que je noue autour de mon cou en guise de cape et pose un pied sur l’accoudoir, mon poing levé vers le ciel et de ma main libre je fais virevolter ma cape de fortune sous le regard amusé de Joan. Je ne me lasserai jamais de son rire, je crois que j’en suis même droguée. « Voilà. Tu as découvert mon plus grand secret. » Je me laisse tomber sur le canapé mollement et reprend mon sandwich dans lequel je croque avant de demander à la jeune femme. « Et toi, c’est quoi le tien ? » Je la regarde droit dans les yeux, avec autant de malice de que sentiments pas suffisamment enfouis.

A cet instant je ne me soucis pas franchement de mon apparence, sinon je serais restée dans la salle de bain. Je vais mieux mais j’ai quand même la désagréable impression d’être une sorte d’épave. Alors forcément j’ai un sex appeal qui pointe au niveau zéro et je m’en amuse en soulignant avec une pointe d’humour combien ces vêtements sont de circonstances. Ce n’est pas Tawny qui me contredira, et elle choisit comme élément de comparaison la robe que je portais pour l’accompagner à la soirée des anciens de son lycée. Et là dessous y’a un message aussi ? Comme pour le boxer qu’elle m’a prêté ? Non c’est juste une remarque comme ça, je ne suis pas en état de comprendre les sous-entendus ou alors j’en invente ou… ok Joan laisse tomber. Une nouvelle fois, la énième, je la remercie et comme mes précédentes nombreuses demande de pardon, la brune me coupe dans mon élan de reconnaissance. On est amies, c’est ce que les amis font de s’entraider, fin du débat. Je hoche la tête et lui souris « Ouais évidemment ! Je te sauverai la mise à mon tour. » après ce soir je me plierai en quatre pour l’aider si nécessaire. Mais nous n’en sommes pas là, pour le moment il est temps de déguster ce sandwich tout à fait appétissant préparé par la recrue. L’attention supplémentaire de sa part qui lui confère le titre d’héroïne, de mon héroïne pour ce soir. Jamais en reste lorsqu’il s’agit de faire une connerie Tawny se trouve une cape de fortune me prouvant combien elle a la stature pour ce rôle. Ça lui va comme un gant et je ne peux m’empêcher de rire « Je l’ai découverte ce soir. » dis-je avec cette fois une simple lueur de reconnaissance dans le regard. Elle va pas encore me dire d’arrêter cette fois, non ?
La brune se laisse retomber dans le canapé alors que je grignote mon sandwich avec appétit. J’irais encore mieux une fois l’estomac plein, je me sens déjà beaucoup moins “cotonneuse“. L’identité secrète de Tawny est donc son plus grand secret, c’est pas rien c’est clair. Sauver les âmes en détresse avec un plaid sur le dos c’est pas donné à tout le monde. Je ne m’attendais pas à ce qu’elle me demande ce qu’est le mien, de plus grand secret. Elle le connaît, enfin… c’est plus complètement d’actualité. Je termine de mastiquer ma bouchée de sandwich, prise de cours et mon regard ancré dans le sien. Il y a un moment de flottement, quelques petites secondes peut-être avant que je ne réagisse en lui souriant avec malice « Si je te le dis ça sera plus un secret. » je hausse les épaules  « Mais le tien sera bien gardé. Je me sens privilégiée que tu m’ai mise dans la confidence. ». Je ris légèrement, je ne sais pas si je vais pouvoir m’en tirer comme ça et sans trop savoir pourquoi je sens mes joues chauffer un peu « J’en ai pas de toute façon, de secret. » sauf si… avoir très envie de l’embrasser ça compte ? Je dois chasser ça de mon esprit. C’est juste la conséquences des émotions de la soirée, le fait qu’elle ai été là pour moi. Le problème c’est que je me pense lucide et pourtant je ne me rends même pas compte que je suis déjà en train de me rapprocher de Tawny, mes yeux bifurquant un bref instant vers ses lèvres. La drogue a reprend le contrôle ou me donne juste un peu plus de courage ? J’en sais rien exactement, toujours est-il que sans même que je me donne l’opportunité de faire marche arrière mes lèvres viennent se poser sur celles de la recrue. Un baiser relativement bref avant que je ne dise « Mon secret c’est que je voulais savoir ce que ça fait d’embrasser quelqu’un qui porte une cape. ». La reine des excuses bidons c’est qui ? Moi. Mon cœur bat plus fort, et quand je prends conscience de tout ça je recule, baissant les yeux sur ce qui reste de mon sandwich « Désolée. » ouais, encore.