I'm happy to see you. -Ivan & Lily-

J’ai merdé. Aussi bien l’admettre dès maintenant. En six ans de mariage, je n’ai jamais eu de doute sur mon choix de m’engager. Je suis toujours convaincu que Tracy est l’amour de ma vie, la femme pour moi. Le problème c’est que j’ignore désormais si je suis l’homme pour elle. Cette confusion est née à la suite du baiser partagé avec Lily. Je me suis mis à tout mettre en doute d’un coup. Si j’ai bien fait de me marier. Si je n’ai pas eu un enfant trop vite avec ma compagne. Si je ne fais pas fausse route depuis le début. Puis, je viens défaire l’ensemble de mes remises en question à chaque fois avec exaspération. Inutile de tenter de me créer des regrets puisque je n’en ai pas. Ni pour ce qui est de ma vie d’homme marié actuelle, ni même pour cette petite infidélité que j’ai faite. Je n’arrive pas à mettre le blâme sur Lily. Je ne peux pas lui en vouloir d’avoir simplement exprimé ce qu’elle ressentait. Au fond, j’admire le courage dont elle a fait preuve pour m’expliquer avec tellement de maturité par la suite les raisons du baiser. Voilà pourquoi j’ai toujours confiance en la blonde et que Tracy n’a même pas questionné ma volonté de faire garder Kaleigh dans la maison de notre voisine à la place désormais. Tout c’est arrangé pour le mieux, sans rien laisser paraître. Je n’aime pas mentir à ma femme. Je n’en ai pas l’habitude. Sauf que je refuse de la blesser inutilement. Je pense qu’elle verrait dans ce baiser une menace de la part de Lily. Hors, je ne veux pas créer cette tension entre les deux femmes. Tracy a beaucoup de caractère, elle est protectrice envers les gens qu’elle aime. Je ne veux surtout pas créer chez elle méfiance et haine envers l’étudiante. Aujourd’hui, c’est un matin de grâce matinée et de brunch dans la maison. Nous accueillons Kal’ dans notre lit afin de dormir quelques heures de plus. Puis, Tracy est la première à se lever afin de préparer le gros repas à venir. La petite ne tarde pas à la suivre pour l’aider en cuisine. Moi je paresse dans le lit un moment avant de me décider à me bouger. Je me prépare et m’habille sans mettre d’importance sur les vêtements avant de me diriger vers la porte d’entrée pour ramasser le journal. Je suis assez surpris d’y voir un colis adressé à Lily parmi le courrier de la veille. Il s’agit d’une boîte rectangulaire pas très grande et très légère. Il y a tellement d’étiquettes de la poste que je n’arrive pas à déterminer qui est l’expéditeur. Je préviens les filles que je vais donner le colis à son bon destinataire (sans spécifier qu’il s’agit de Lily pour ne pas que Kaleigh insiste pour me suivre) avant de me mettre à marcher vers la maison de la blonde. Je ne réfléchis pas plus que cela. Je veux juste qu’elle reçoive ce qui lui appartient aujourd’hui comme prévu. Je sonne donc une fois arrivé, perdant mon sourire en sentant mes yeux glisser d’eux-mêmes vers les jambes dénudées de la jeune femme lorsqu’elle m’ouvre. Elles sont longues et fines, donnant une impression de douceur que l’on a envie de caresser. Attend, quoi ? Je me discipline d’un coup, remontant mes prunelles vers les siennes. C’est la toute première fois que je ressens du… du désir pour Lily. Ce n’est probablement rien. Enfin j’espère. « Salut ! Oui, je veux bien. » J’accepte d’entrer afin d’avoir une opportunité de discuter avec elle. Nous n’en avons pas vraiment eu depuis ce qui est arrivé entre nous. Je lui tends le colis pour répondre à sa question suivante. « C’est pour toi. C’est un colis qui t’appartiens mais que le facteur a laissé chez moi par mégarde. Je tenais à te le ramener au cas où tu attendais avec impatience ce qu’il contient. » Je retrouve mon sourire. Elle me semble bien, même si je ne peux que remarquer une certaine hésitation dans ses gestes, entretenant même une distance entre nous. La musique que j’entends me fait sourire encore plus grand. « Excellent choix musicaux. Tu es en mode ménage ? Tu sais que je suis le champion du karaoké en utilisant un balai comme micro. » J’affirme pour tenter de la faire rire un peu.

Cela me fait étrange de revoir Lily d’aussi près. Ça peut sembler stupide à dire, mais depuis notre baiser nous avons conservé avec acharnement une sorte de « distance de sécurité ». À présent, j’ai brisé toutes les barrières imaginaires et je me tiens juste devant elle, à même pas un mètre. Nous sommes suffisamment près pour un autre contact physique. C’est seulement maintenant que je réalise que je ne suis plus indifférent en sa compagnie. D’abord en remarquant sa tenue légère qui réveille en moi un désir que je ne pensais pas possible pour une autre femme que la mienne. Il est évident que je ne peux pas contrôler ce genre de chose. Je ne suis pas un prêtre qui a prêté serment de chasteté. Il m’arrive de trouver d’autres femmes jolies. Sauf qu’après ce qui ne avons vécus ensemble l’autre jour, forcément je me dis que c’est malsain ce que je ressens d’un coup. Je tente de faire taire mes désirs nouveaux en usant du paquet que je dois lui remettre. Une distraction temporaire, je le crains. Puisque je me trouve désormais dans sa maison. Elle m’invite implicitement à rester un peu en me proposant du thé de Londres envoyé par son père. Comment je suis censé refuser cela ? « Pourquoi pas une tasse. » Je lui dis donc, avant d’enfoncer mes mains dans mes poches de jean. Encore une tentation pour distraire mon esprit de ses pensées inappropriées. Résultat, je m’invente presque champion de karaoké. Personne n’est censé savoir que j’aime bien chanter quand je me retrouver à faire du ménage sans la compagnie de mes deux femmes. Je fais une grimace alors qu’elle aimerait bien me voir à l’œuvre. « Oh crois-moi, tu ne veux pas assister à cela. Il va te falloir tes deux oreilles pour devenir médecin. » Je dis d’abord, ne remarquant que maintenant l’état de sa cuisine au loin. Je me laisse distraire par cette image. « Tu as un examen prochainement ? » Je demande ensuite parfaitement distrait. Je l’observe en action, me frappant mentalement tandis que mes yeux glissent un instant sur les courbes de ses fesses. Par chance qu’elle ne remarque pas que je la reluque involontairement. Elle me parle de sa cuisine mais je ne me rappelle pas au juste de ce qui a conduit cette pièce à un tel désastre. « Ça va ? Je veux dire, je ne me souviens pas que ta maison soit passée au feu. Tu veux que je t’aide à réparer le tout ? » Pourquoi je… fais ça ? Je lui propose mon aide comme si j’étais un homme à tout faire, ce que je ne suis pas. Certes j’arrive à m’occuper de réparer ma maison mais ce n’est pas pareil. L’eau termine de bouillir pendant ce temps et je me montre d’un coup très intéressé par la préparation de son fameux thé londonien. Je la suis ainsi dans la cuisine, me permettant de mieux observer de la sorte les dégâts. Je regarde ensuite ce que fait Lily avec un petit sourire sur les lèvres. Je me saisis de ma tasse par la suite. « Merci. » J’exprime doucement avant de boire une gorgée. Je ne suis pas un amateur de thé sauf que je dois avouer que celui-là est surprenant. Je viens prendre un sachet neuf dans ma main libre. « Il va falloir que je m’abonne à ton père moi aussi. »

Elle est mignonne. À chaque fois que je l’entends rire ou que je constate son magnifique sourire, je me dis cela. C’était inoffensif comme habitude avant le baiser. Nombre de mes actions à son égard l’était d’ailleurs. À présent, tellement de choses ont changés par elles-mêmes et pourtant ni l’un, ni l’autre n’en avons convenu. Nous avons chacun de notre côté assumé que les choses seraient différentes, je présume. Et elles le sont. Être juste en face de Lily me le confirme. Il n’est pas trop tard pour tout arrêter, cesser d’accepter le changement. Je pourrais lui demander de rester loin de moi ou encore de m’éloigner volontairement d’elle. Sauf que je ne veux pas. Je ne souhaite pas gâcher l’amitié que nous avons pour un simple baiser. Je suis également trop bien en sa présence pour m’en priver. Un thé ce n’est également pas la fin du monde. Je souris à ses paroles en jetant un regard un peu partout dans la pièce avant de tomber sur la cage du dit cochon d’inde. « C’est vrai qu’il serait le public idéal. » Je lâche en suivant ensuite Lily dans sa cuisine. Puisque j’ai de très grandes difficultés d’apprentissage, l’école est pour moi la pire des tortures. Je ne peux donc pas vraiment comprendre ce qui motive à ce point Lily à étudier en médecine mais j’admire ses efforts sans mal. « Fais des pauses de temps à autre. Je ne voudrais pas que tu deviennes effectivement folle. » Non, j’ai besoin qu’elle reste parfaitement saine d’esprit. Je suis ensuite intrigué par l’état de sa cuisine. Bon sang, je ne sais pas ce qui lui ait arrivé mais je propose mon aide sans même y réfléchir. Je suis content du rôle qu’elle me trouve. Porter ou assembler des meubles, ça je sais faire. Je souris ainsi un peu plus grand. « D’accord, tiens-moi au courant. » Je reçois ma tasse de thé que je me surprends à savourer. C’est la première fois que je goûte à du thé en provenance de Londres et c’est une agréable découverte. Cela m’amuse de m’imaginer avec une carte de fidélité de la sorte. « Ah bah s’il veut m’en envoyer une première boîte pour commencer, je ne dis pas non. » Je sais que ça va la faire sourire, lui faire plaisir donc, que je le demande. C’est surtout pour cela, afin d’obtenir encore plus de ses sourires, que je me montre tellement… tellement comme ça. Elle me demande ensuite comment je vais et j’expire bruyamment à cela. « Ça va. Tout est assez tranquille de mon côté. Les heures supplémentaires au boulot sont presque terminées pour cette année. La motocross qui tu as vu la dernière fois se porte comme un charme. Mon doigt est presque complètement guéri, regarde. » Je lui tends ma main droite spontanément, afin qu’elle l’examine. Les points de suture sont presque tous tombés d’eux-mêmes. Je me suis occupé de les couper il y a quelques jours. Je ne vois rien d’autres à lui ajouter de mon côté. Je lui renvois donc la balle. « Toi, comment tu vas, sinon ? » Ma voix est plus douce, comme si je démontrais un grand intérêt à sa réponse à venir. Ce qui est le cas. « À part d’avoir brûlé ta cuisine et de te tuer à l’étude, je veux dire. » J’ajoute en riant. Je ne réalise même pas que j’ai fais un pas vers elle suite à mon hilarité, nous rapprochant ainsi davantage. C’est pour dire comment je suis bien en sa présence.

Ses doigts contre ma peau me semblent agréables, comme la première fois où elle m’a soigné. Il faut dire que me faire faire des points de sutures n’a pas été sans douleur, mais je m’en fiche désormais. Elle observe ma cicatrice et constater qu’elle est contente que tout aille bien me fait plaisir également. Je sais qu’elle se soucie de mon bien-être et c’est ça le plus important. Sa générosité dépasse sa formation pour devenir chirurgienne, puisqu’elle ne voit aucun mal à demander à son père de m’envoyer une boîte de thé londonien d’ailleurs. Il y a bien des jeunes de son âge qui se fichent pas mal des autres. Mais Lily est différente. On ne dirait pas qu’elle n’a que dix-neuf ans à l’entendre. Elle est tellement mature et pure dans ses intentions. Voilà pourquoi je ne lui en veux jamais pour rien. Que je lui pardonne tout. Je lui demande comment elle va et elle me répond banalement. Je sens comme un léger malaise naître entre nous. Je ne comprends pas immédiatement d’où il vient. C’est lorsqu’elle parle que je sens que c’est réel, que je ne me méprends pas. « Je croyais que c’était ce que nous faisions. » Je dis innocemment, réalisant quelques secondes plus tard ce qu’elle souhaite discuter. « Ah. » Je lâche, baissant aussitôt les yeux. Je me racle la gorge sous mon idiotie. Je soupire très légèrement, me dirigeant vers le salon afin de m’assoir. Je lui fais signe de m’accompagner. Je prends place sur le sofa où elle étudiait précédemment, il me semble. Je dépose ma tasse de thé à proximité, me tournant ensuite pour lui faire face. Je la regarde dans les yeux. « Tu sais Lily, je fais vraiment mon possible pour faire comme si de rien n’était entre nous. Lorsque les autres sont là, j’y arrive miraculeusement, mais avec toi, juste avec toi… j’ai beaucoup de mal à cacher ce qui est arrivé. Je ne sais pas ce dont tu as envie de parler spécifiquement. J’espère seulement que tu ne souhaites pas mettre fin à notre amitié parce que ça te fait trop mal de me voir. Je pense que je ne le supporterai pas de te perdre. Tu es quelqu’un que j’apprécie beaucoup et je me suis habitué à ta présence. » Je soupire encore, souriant au final de cette action. « Tu as totalement le droit de me demander de m’éloigner. Et je ne vais pas lutter. Tu sais que je ne veux pas te blesser. Je tenais juste à ce que tu connaisses ma vision des choses. Que même si s’est insensé de vouloir demeurer à proximité l’un de l’autre, que j’en ai besoin. Tu es… importante pour moi. » Je la regarde dans les yeux. Ses beaux grands yeux marron. Tellement de sensibilité, d’intelligence et de beauté dans ce regard. J’étire d’ailleurs le sourire en constatant que ses prunelles brillent magnifiquement sous l’éclairage. C’est… Bon sang, ne me dites pas que je suis amoureux de Lily ! Ce que je prends pour de l’attirance physique est peut-être bien plus profond que cela. Merde !

Il y a définitivement quelque chose qui ne va pas chez moi. Je ne peux pas soudainement devenir comme ça. Je ne veux pas être le stéréotype du mari infidèle qui trompe sa femme pour une plus jeune. Ça n’a rien à voir selon moi. Ce qui m’arrive me prend totalement par surprise. Tellement que je ne sais pas quoi dire pour justifier un tel comportement. C’est seulement là, en moi. J’aime Tracy. J’aime ma vie de famille avec elle. Sauf qu’il y a désormais Lily. Sa place n’est pas encore clairement définie dans ma tête, mais mon cœur la réclame vraisemblablement. Le nier davantage est ridicule à ce point. C’est donc sans filet que je lui avoue en quelque sorte cet amour nouveau que je lui porte. Je suis à l’écoute par la suite de sa réponse, ne m’attendant pas toutefois à découvrir qu’une autre personne est au courant de notre baiser secret. Je lui fais confiance. Si elle l’a dit à ce « il » c’est qu’il ne parlera pas. Cela me fait froncer des sourcils toutefois de réaliser que de mon côté je n’ai pas demandé d’aider pour réfléchir à ce que nous avons partagé. Je n’ai peut-être ainsi pas assez muri la chose. Il est trop tard pour se demander ce qui serait arrivé si j’avais discuté avec Kali de ce baiser, par exemple. Ce moment était tellement intime dans mon esprit, je me devais de le conserver pour moi. Cet homme a conseillé à Lily de s’éloigner de moi et je ne cache pas que cela me blesse. Je baisse les yeux brièvement, soupirant à peine pour relâcher un peu la pression. Bon sang, j’ai la tête sur le point d’exploser tellement les émotions s’y accumulent depuis tout à l’heure. Je regarde la blonde dans les yeux tandis qu’elle m’avoue qu’elle ne veut pas s’éloigner de moi de son côté. Un sourire naît sur mon visage. Comme je peux être stupide de me sentir ainsi triomphant alors que nous sommes dans une sacrée galère à ne pas vouloir couper les ponts ! Sauf que c’est plus fort que moi. Puis, mon sourire disparaît vivement sous une seule révélation de sa part. La phrase me hante puis me fait perdre contact avec la réalité de la conversation jusqu’à entendre entre nous le silence. Je déglutie puis ferme les yeux. Je les garde clos quelques secondes. « Pourquoi tu… » Je m’arrête. Il faut que je la regarde pour lui demander une telle chose. J’ouvre donc les yeux et je les ancre profondément dans ses prunelles. « Pourquoi tu crois que ce n’est pas réciproque ? » Je termine de lui demander en réalisant que ma respiration s’est accélérée. Je suis nerveux, il semblerait. J’anticipe sa réponse ou bien je réalise que je viens d’en révéler trop à la future chirurgienne. Je me saisis de sa main délicate, celle qui est libre de la tasse de thé. Je regarde le vide à présent. « Je ne sais pas ce qu’on peut faire honnêtement. Ça ne vient pas avec un manuel d’instructions. Nous séparer est hors de question, déjà. Peut-être qu’on pourrait… » Je m’arrête une nouvelle fois. Tout cela est tellement demandant émotionnellement, je ne sais même pas comment je peux encore être lucide à ce point. « … se donner une sortie pour voir. Je veux dire, un rendez-vous. Ça sonnait mieux dans ma tête. » Je fais une grimace. Si elle me voit en mode romantique elle va soit réaliser que je suis exactement comme elle le veut ou au contraire que je ne suis qu’un fantasme, rien de plus. Est-ce que ça peut marcher ?

« La vie est bizarre parfois. » Est ce que je lui réponds sans trop savoir quoi évoquer de plus comme justification à mon attirance pour elle. Lily se sous-estime beaucoup de croire qu’un homme marié ne puisse pas craquer pour elle. À vrai dire, je n’aurais pas pensé ça possible de moi avant de le découvrir à ses côtés. Et ça c’est vraiment étrange en effet. Pas de tomber amoureux de la blonde mais de constater que nos cœurs s’attirent mutuellement d’une manière qui nous désarçonne l’un que l’autre. Je pense que nous n’avons pas voulu de ce genre de relation à notre première rencontre. Son coup de foudre pour moi ou du moins son attirance était peut-être là, mais pas l’espoir d’une histoire. Mais qu’est-ce que je raconte ? Nous ne sommes pas un couple et nous ne pouvons pas vraiment en être un d’ailleurs. À moins que je divorce. Que je fasse un choix entre Lily et Tracy. Je ne veux pas en arriver là. Ça serait trop cruel. Un rendez-vous est une idée idiote mais c’est la seule à laquelle je songe. C’est mieux que rien. Elle accepte. Sauf qu’on va où ? On fait quoi ? « On pourrait, hum… » Je dois penser à un truc intelligent. « … » Ou du moins à quelque chose qui va nous convenir tous les deux. « … » Évite de lui proposer le même endroit que ton premier rendez-vous avec ta femme. « Peut-être, euh… » Pense, bon sang ! Pourquoi c’est si difficile d’un coup ? Je laisse les caresses de ses doigts contre ma main finir par me faire avouer ce que je souhaite vraiment d’un rendez-vous avec quelqu’un. « Déjà, je peux t’emmener en moto, comme ça tu pourras voir le coin où j’aime me promener. Je ne vais pas te faire t’assoir à l’arrière de la motocross une fois sur place parce que c’est assez difficile de s’y accrocher une fois dans le parcours disons. Sauf qu’il y a un endroit plus tranquille une fois passé les limites de Wellington. On a une vue sur l’océan aussi. Ça fait une éternité que je n’ai pas pique-niqué donc si tu veux mon avis on peut arrêter à un fastfood avant pour se prendre un truc et le manger sur place. Tu en penses quoi ? » Je crois que c’est le mieux que je peux offrir. C’est d’ailleurs un parfait reflet de qui je suis et de qui je veux être. Je suis le type libre mais silencieux. Le gars tranquille mais hyperactif à la fois. Le gamin qui n’a jamais voulu grandir et qui pourtant a toujours voulu une famille. Je suis une contradiction sur deux pattes. Mais c’est ce qu’elle aime, non ? Je baisse les yeux sur nos mains jointes. « Pour le quand, c’est libre à toi. Tu as un horaire plus chargé que moi, je pense. Après ton gros examen me semble bien. Ou avant. Je ne sais pas trop ce qui est le mieux. Je peux m’adapter à toi. » C’est un vrai rendez-vous. Seigneur, c’est un véritable rendez-vous amoureux et je n’ai même pas honte de cela. Comment je suis passé du type marié fidèle au jeune amoureux qui ne songe qu’aux lèvres de sa belle ? Aucune idée. Sauf que je sais une chose : ça me plait. Je choisis ce qui m’arrive, ce que nous nous apprêtons à faire. Pour le meilleur et pour le pire.

Tracy n’aime pas la moto. Ni la motocross d’ailleurs. Elle n’a jamais été me voir courir et ne me parle jamais de cet aspect pourtant important de ma vie. C’est un peu comme un tabou entre nous. Elle tolère ce que je fais juste parce qu’elle ne peut pas m’empêcher de vouloir en faire. J’ai toujours trouvé cela dommage de ne pas pouvoir partager cette activité avec la personne que j’ai mariée. Voir que Lily semble donc enthousiaste de m’accompagner éveille donc un besoin que je ne soupçonnais pas jusque là. Celui d’être admirer par des yeux qui me soutiennent et aussi émerveillés que moi par la compétition. Lily est-elle cette personne que j’attends depuis des années pour combler ce besoin ? Peut-être. Elle accepte du moins de m’accompagner à ce rendez-vous secret. « Super ! Si tu veux visiter Island Bay ça sera à notre retour par contre car j’aime partir de bonne heure le matin quand j’ai à me rendre là où je veux t’emmener. Je te confirme l’heure précise du départ demain. » J’approuve évidemment qu’elle souhaite s’occuper du repas. Je souris. « Hâte de découvrir ce que tu vas nous cuisiner en tout cas. » Oui, je suis déjà impatient. Mais j’ai quel âge à la fin ? Je m’exaspère moi-même. Elle propose enfin de faire cela un samedi, soit le lendemain de son examen important. Idiot, j’avais carrément oublié que je lui laissais le choix de la date. J’ai la tête dans les nuages. « Samedi c’est parfait. » Je lui assure en hochant la tête, sans avoir besoin de réfléchir plus que cela à mon horaire. Je peux m’arranger, comme je lui ai promis. Je ne veux pas manquer cette occasion. J’ai besoin de ce moment en compagnie de Lily. Je veux savoir ce que nous deux ça peut donner. Lily s’interroge à propos de ma femme et de ma fille. En effet, elles peuvent se questionner. Mais pas si je leur mens habilement. « Et bien, je peux faire passer ma sortie du samedi pour un rendez-vous avec ma famille. Mes parents même. Tracy ne les apprécie pas vraiment donc elle ne va pas les questionner. Les trois ne se parlent pas en fait, donc c’est le plus simple. Kal’ ne voudra pas m’accompagner. Elle n’aime pas le bruit de mes motos et l’ennui qu’elle a toujours quand je l’emmène chez ses grands-parents. On ne pourra pas faire ça trop souvent par contre. » Si on reproduit l’expérience, évidemment. Ce qui est loin d’être sur. Mais je ne cache pas que cela me plairait d’avoir droit à plus qu’un rendez-vous. Je regarde ensuite l’heure. « Ah, je vais devoir y aller, par contre. Hum, tu as mon numéro. Donc on reste en contact pour déterminer les détails. » S’il y en a. Je suis un peu trop tête en l’air pour penser à tout maintenant. Je me lève, sentant déjà ma main refroidir alors qu’elle est séparée de la sienne. Je ne veux pas partir comme un voleur donc je demeure à côté du divan, l’observant afin qu’elle m’accompagne jusqu’à la sortie.