au lieu de t'ajouter sur facebook ft. lily

Son père n'avait pas dîné là ce soir. Il avait soi-disant un truc au boulot, bref, il n'était pas là. Honnêtement, elle préférait ces moments de solitude, où il n'était pas à traîner dans ses pattes, à vouloir tout savoir, tout connaître, avoir une réponse à tout. La petite blonde s'était cuisiné des pâtes aux champignons, un truc simple et basique mais lorsqu'elle était seule, elle prenait plaisir à manger. Quand son père était là... c'était autre chose. Elle et son amour de la nourriture. Au moins elle avait cessé de lui faire la gueule depuis plusieurs mois, n'était-ce pas déjà quelque chose d'extraordinaire ? Elle mit sa vaisselle dans l'évier et se dit qu'elle la mettrait au lave-vaisselle tout à l'heure. Bien évidemment avant que son père ne rentre, parce qu'il allait encore piquer une crise en voyant la gueule de la cuisine sinon. La jeune femme allait retourner devant la télévision du salon quand son père rentra du travail. Comme d'habitude, il était de bonne humeur, et cherchait à vouloir lui biser la goule à tout prix. « Ah mais arrêtes t'es chiant » répondit-elle en se débattant pour rejoindre le canapé. Il ne fallu pas longtemps à son père pour voir l'état de la cuisine. Il commença par lui faire une simple réflexion. Et tout de suite, elle se braqua. « Oh c'est bon, j'viens juste de finir, j'vais faire ça tout à l'heure c'est bon » non, ce n'était pas bon. Son père commença à hausser le ton et très vite, les deux Gallagher commencèrent à s'énerver sans même s'en rendre compte. « Mais t'es chiant c'est pas possible ça ! Putain mais faut se soigner pour tes tics là ! » lançant ça, la jolie blonde déboula dans la cuisine pour ranger sa vaisselle. Son père n'acceptait pas qu'elle lui parle ainsi, elle continuait de répondre. « Beh c'est bon j'la fais ta vaisselle de merde là, tu m'lâches ?! » En effet, elle commençait à prendre sa vaisselle pour la mettre dans le lave-vaisselle, mais là encore, son père n'était pas satisfait. Les assiettes et le plat n'étaient pas rincés « ça allait boucher le lave-vaisselle ». Murphy leva son visage fermé et dédaigneux vers son père et lança calmement « t'es sérieux ? » avant de jeter son assiette dans l'évier, où elle se brisa. Son père haussait le ton, vraiment. Mais elle, elle tournait déjà les talons, récupérant sa veste dans le hall de l'entrée, la gamine sortit de cette maison en claquant la porte, alors que son père lui interdisait justement cela à l'instant même. Elle remit correctement son col de veste et commença à marcher dans la rue de la superbe villa de son père. Affreuse villa de merde. Les mains enfoncées dans ses poches en jeans, la jeune étudiante ne tarda pas à sentir quelque chose. Un papier. Elle se demandait ce que c'était. L'ouvrant tandis qu'elle marchait encore, elle y lit plusieurs choses. Un numéro de téléphone, un nom bien sûr et une adresse. Lily. La jeune fille rencontrée à la bibliothèque de la fac, lorsque tout le monde pensait à une attaque terroriste. La jeune femme retourna le papier, se demandant ce qu'elle faisait. Lily habitait à quelques maisons seulement de la sienne. Même pas à quelques mètres. Murphy avança dans cette direction, se disant qu'elle allait juste voir la maison et puis revenir. Arrivant bien trop vite à son goût devant la maison de Lily, Murphy se sentit soudainement comme une idiote. Elle aurait pu toquer, après tout, il y a encore vingt ans, ça se faisait, non ? Sans internet, sans les portables, c'était comme ça qu'on faisait pour voir quelqu'un, non ? Murphy hésita un moment, avant de s'approcher lentement dans l'allée de la maison. Nerveuse, elle hésita longuement une fois devant la porte et se décida enfin à toquer doucement contre le bois peint de la porte. Après plusieurs minutes, Lily ouvrit. Surprise. Murphy grinça un sourire gêné et lança « j'crois qu'on est voisines en fait » en se pinçant les lèvres. Ouais, elle aurait pu dire bonsoir ; ça va, ou une autre connerie du genre, non ? « Je te dérange peut-être ? J'suis désolée... hum... j'suis sortie faire un tour et... tu veux v'nir ? » lança t-elle mal à l'aise en pointant l'extérieur du fond de sa poche en jean.

Lily sourit, un grand sourire, ce qui aida la jeune étudiante à se sentir moins conne. Elle lui indiqua qu'elle allait enfiler un pantalon, et l'invita à entrer dans la maison, le temps de se changer. Quand Lily disparue, la jeune blondinette regarda autour d'elle. La maison était grande, chaleureuse. Il y avait des photos au mur, ce qui attira son attention. Du moins, ça lui fit passer le temps, jusqu'à ce que Lily revienne. Une paire de chaussures enfilées, ainsi qu'un jeans et les voilà dehors. Encore dans l'allée de la maison pemmberton, Lily lui demanda comment ça allait depuis leur rencontre cette fameuse journée là. Murphy soupira en souriant, un peu gênée. Devait-elle mentir, comme elle le faisait d'habitude, ou bien dire la vérité ? Elle n'en savait rien... elle ne savait pas si Lily en avait quelque chose à foutre, ou bien si tout ça, ce n'était pas... que faux semblant ? Après tout, dans le monde d'aujourd'hui, n'est-ce pas tristement le cas ? On demande aux gens comment ça va, sans se soucier de leur réponse, ou plutôt, en espérant qu'ils disent que ça aille, pour ne pas avoir à trouver des solutions, ou entamer des conversations parfois compliquées. « On fait aller, et toi ? Tu t'en es remise ? » demanda t-elle alors. Elle tourna son visage pour observer celui de Lily. Elle semblait fatiguée, mais après tout, elle aussi. Peut-être le poids des cours à la fac, ou bien même des soucis dans sa vie personnelle. Après tout, elles ne se connaissaient pas. Murphy ne savait même pas ce que Lily étudiait, ni même un autre détail la concernant. Tout ce qu'elle savait d'elle, c'était qu'elle étudiait à la bibliothèque de la même université qu'elle et qu'un jour, elles se sont rencontrées parce qu'elles étaient ensemble, au moment endroit, au mauvais moment. Bon, elle avait apprit autre chose aussi. Que Lily semblait être quelqu'un de gentil, puisqu'elle lui avait proposé son téléphone au cas où, et puis assez discrète avec une force de caractère aussi. Dans un moment comme celui qu'elles avaient vécues ensemble, la jolie blonde n'avait pas flanchée. Elle n'avait rien dit, elle avait accepté son sort et elle avait fait ce qu'il fallait. Son comportement ce jour-là avait impressionné Murphy et ça lui laissait penser que c'était une fille bien. Du moins, Murphy avait envie de le savoir, c'était peut-être pour ça qu'elle était venue ce soir chez elle ? Ou bien parce qu'elle lui était étrangère et qu'elle en espérait peut-être égoïstement quelque chose ? Murphy n'avait pas réellement d'amis, si bien que pour une fois que le contact avait l'air de passer... ne fallait-il pas se lancer ? Murphy écouta la jeune fille parler. Les deux étudiantes marchaient lentement, sans vraiment de destination, sans vraiment de but. C'était une façon de faire connaissance. Une façon de voir, une façon de tatter le terrain pour cette sauvage de Gallagher. Elle, si longtemps habituée à la solitude et à l'enfermement depuis la mort de sa famille, est-ce qu'elle allait enfin laisser la chance à quelqu'un de s'approcher d'elle ? Nous verrons..

Lily avoua avoir du mal à dormir. A ces mots, Murphy releva les yeux pour observer le visage de la blonde. Les deux filles étaient passées par un petit chemin entre deux maisons, descendant doucement vers la plage qui bordait south bay. Murphy avait toujours ses mains dans le fond de ses poches, elle marchait doucement, assez lentement même. La jolie blonde suivait un peu Lily qui avait l'air de vouloir aller sur la plage qui se dessinait en contre bas. Elle ne tarda cependant pas à dire tout de même en réponse à sa voisine « je t'avoue que ça fait tellement longtemps que j'ai passé une bonne nuit... que j'vois pas trop de différence ». C'était vrai. Parce que depuis le décès de sa mère, le sommeil et l'alimentation de Murphy en avaient prit un coup, mais avec le décès de ses deux frères, ce n'était plus possible du tout. La jeune femme ne se sentait pas à l'aise dans la maison de son père, elle ne se sentait pas à sa place, ni assez en confiance pour dormir sur ses deux oreilles. C'était malheureux, mais en fait, Murphy n'était pas sous le choc de l'événement passé avec Lily. C'était peut-être symptomatique, mais après tout ce qu'elle avait du vivre ces dernières années, non, ce n'était pas important en fait. Lily s'intéressa à ses études, Murphy sourit et répondit poliment « je suis des cours d'anthropologie et de cinéma aussi et toi ? » Elle était presque impatiente de savoir dans quel domaine était la jeune femme l'accompagnant. Parce que définir sa carrière, ou plutôt son choix de domaine, c'était en savoir beaucoup sur la personne. Murphy attendit que la jeune fille réponde. Elles devaient de descendre prudemment la dune, se retrouvant à présent sur le sable de cette plage. Il y avait quelques personnes qui se promenaient là, attirées certainement par la même chose que les filles. Une parenthèse, une balade, se garder d'un bon moment précieux avant d'aller dormir. Le paysage était beau. Murphy s'arrêta une seconde, pour observer la vue. La mer s'était retirée, elle était à marée basse. Le soleil était en train de terminer sa chute derrière la ligne de l'océan. Les teintes étaient orangers, presque roses parfois. Et pourtant, des nuances froides de bleu venaient adoucir ces couleurs si chaudes. Les deux jeunes filles reprirent leur marche, avant que finalement, Murphy propose « ça te dit qu'on se pose un peu ? » en souriant doucement. Lorsque les deux filles s'installèrent sur le sable froid, Murphy sortit ses mains de ses poches. Les jambes pliées et croisées sous ses cuisses, elle observait l'horizon, silencieuse. Le silence ne la dérangeait pas, jamais. Ses mains attrapèrent le sable très fin de cette plage, et elle commença à le laisser s'échapper lentement d'entre ses doigts. Ce sentiment provoqua une sensation de bien-être. Toutes les conditions étaient optimales. Pour quoi ? Elle ne le savait pas encore. « Je peux te poser une question personnelle ? » demanda t-elle alors, sans vraiment réfléchir. En fait, elle se laissait porter. De toutes façons, si les deux filles ne voulaient plus jamais se revoir après ça, ça ne serait pas compliqué. A la fac, c'est assez facile de perdre quelqu'un de vue, tout est tellement grand. Alors si jamais après ce soir, les deux filles ne devaient plus se voir, et bien ce n'était pas grave. Mais pour l'heure, il suffirait de passer un bon moment, ou du moins, l'un de ces moments où l'on se livre, et qui nous marque pendant longtemps. Qui nous fait du bien. Quand Lily répondit, Murphy lui jeta un coup d'oeil en souriant doucement et lança « tu... tu as déjà eu cette sensation d'vivre dans un mensonge permanent ? De... de ne pas être toi-même ? » ouais, elle savait que sa question était étrange, mais Murphy avait besoin de parler d'un sujet aussi fort, aussi complexe, avec une parfaite inconnue.

Quand Lily lui demanda quel était son réalisateur fétiche, elle sourit. Elle répondit alors avec un sourire en coin « Kubrick » parce qu'elle en était totalement fan. Qu'elle avait des affiches de lui dans sa chambre et qu'elle rêvait de pouvoir le rencontrer un jour, à n'importe quelle occasion. Ce type était un vrai génie à ses yeux. Bon, bien sûr, il y en avait d'autres, des plus récents, aux plus vieux. Mais Kubrick était celui qui marquait le plus son esprit, un jour peut-être night syamalan, denis villeneuve pour ne citer qu'eux, arriveraient à lui faire passer cette passion qu'elle avait pour lui, mais à ce jour, même hitchcock n'y était pas parvenu... « médecine, et tu voudrais te spécialiser dans une médecine en particulier ? » c'était bizarre, parce qu'elle ne l'aurait pas vu du tout dans ce domaine. A la voir physiquement parlant, elle l'aurait vu dans la photographie ou un truc en rapport avec l'histoire de l'art, ou de la mode... c'était drôle. Les apparences sont trompeuses. D'ailleurs, la jolie blonde ne tarda pas une fois assise, à sortir son téléphone pour prendre la vue en photo. Un réflexe que Murphy connaissait des autres, mais qu'elle ne comprenait pas toujours. Enfin si, face à un tel spectacle oui, mais quand il s'agissait de prendre en photo son repas, ou bien sa gueule le matin devant la vitre ensoleillé en disant « have a nice day » beh non, elle ne comprenait pas. M'enfin, chacun faisait ce qu'il voulait. La jolie blonde assise à ses côtés dans le sable lui répondit, sincèrement. Cela faisait un an qu'elle avait ce sentiment. Murphy la regarda. Pourquoi ressentait-elle ça ? Avait-elle le droit de poser la question ? Quand Lily lui retourna la question, la petite blonde répondit « ça va faire un an aussi, enfin... je crois... on va dire que ma vie est compliqué depuis... trois ans maintenant ». Ouais, ça faisait déjà trois ans que sa maman était morte. Le temps semblait passer si vite, tandis que la douleur, absolument pas. Et Muphy se décourageait de se dire que le temps allait y faire quelque chose. « Je peux te demander pourquoi ? » osa t-elle dire. Devant l'absence de réponse de la part de la jolie blonde, Murphy reprit la parole. « Il y trois ans, j'ai... j'ai perdu ma mère » avoua t-elle en regardant le sable, la voix basse. « Avant ça, j'étais normale, j'menais une vie normale, j'étais bien... » elle marqua une pause et enchaîna « j'connaissais pas mon père, il... il a surgit d'on ne sait où pour avoir ma garde auprès de mes frères chez qui j'étais... ». Elle marqua une nouvelle pause et lança « et... ils sont morts il y a un an ». Elle venait de dire ça sur un ton très froid, comme si ça ne l'atteignait pas alors que non. Elle faisait encore semblant. « J'vis chez mon père, ici, depuis et... et ça se passe mal ». Ses mains se frottèrent l'une à l'autre pour en chasser les grains de sable, tandis que son regard commença à se perdre sur l'horizon. « On s'parle pas et... il fait tout pour m'énerver... il est heureux que j'sois là sauf que moi... si j'suis là c'est parce que j'ai plus rien. Il ne comprend pas que... que j'peux pas être heureuse avec lui surtout que... il m'a abandonné quand j'étais même pas encore née et maintenant qu'il se sent de devenir père... il veut rattraper le truc... sauf qu'en fait j'm'en fous... » lança t-elle avec une arme de dégoût envers son père. Il était là oui, mais pour elle, c'était pas pour les bonnes raisons. Il était là parce qu'il s'en voulait, il était là parce qu'elle n'avait personne d'autre et c'était tout. Jamais quand sa mère était vivante, il n'a eu besoin de venir vers elle... et maintenant, ça ne voulait plus rien dire. « On fait que de se disputer, on s'parle pas.... il... on s'raconte rien. On est comme deux... étrangers... j'lui mens en permanence parce que... j'm'en fous en fait » avoua t-elle, tristement. Elle ferma une seconde les yeux avant de sourire bêtement amusée par la situation et de se tourner vers Lily « j'suis désolée, j'te raconte trop ma vie... ma pauvre tu n'as rien demandé » rigola t-elle alors.

Lily répondit quelque chose qui toucha beaucoup la jeune femme. Si un jour, Murphy voulait prendre l'air par rapport à son père, elle était la bienvenue chez elle. Murphy sourit. N'était-ce pas le genre de phrases que l'on dit, sans vraiment les prendre au sérieux ? Murphy ne savait pas, mais elle savait que si elle fuyait son père aujourd'hui, elle le fuirait toujours. Et malgré tout, malgré sa haine envers lui, il était là. Il était le seul à être encore là. Ayant perdu tout le monde autour... si elle crachait sur la seule personne qu'il lui restait, que cela signifiait-il ? Et puis même... s'ils n'étaient réunis que maintenant, tous les deux, n'était-ce pas pour une raison ? Parce que peut-être qu'avec sa mère et ses frères, elle n'aurait jamais prit le temps de le connaître ? Quoi que là, le temps, ils en avaient, mais ils ne parlaient pas... Lily se sentit assez en confiance pour parler d'elle. Elle avoua alors avoir apprit être adoptée. Murphy grinça des dents. Cela ne devait pas être évident à vivre, surtout à leurs âges, à la période de ta vie où tu te construis, où tu as besoin de vraiment savoir qui tu es. Murphy hocha la tête, passant ses bras finalement autour de ses genoux à présents face à elle, elle posa sa joue sur l'un d'eux. Elle comprenait. Du moins, elle avait la sensation de comprendre ce que Lily pouvait ressentir. « Je comprends... t'as l'impression que rien n'est vraiment vrai, que tout peut-être remis en question, jusqu'à son existence même. Est-ce que je suis une erreur ? Est-ce que c'est de ma faute si mes vrais parents ne m'ont pas gardés ? » oui, elle comprenait, parce que cette question, elle se la posait souvent. Pourquoi son père était-il partit ? Pourquoi avait-il renié sa paternité ? Pourquoi et surtout, pourquoi revenir quinze ans après ? Elle lui en voulait et voulait lui faire payer, c'était un fait. « tu as pu rencontrer tes parents biologiques ? » demanda doucement Murphy. L'écoutant parler, la jeune femme hochait la tête. Ce que disait Lily semblait correspondre à ce qu'elle ressentait aussi. Comme quoi oui, Lily avait raison, le monde était petit. Qui aurait cru qu'une fausse alarme à la bibliothèque allait réunir deux voisines qui s'ignoraient et qui semblaient vivre des situations où les ressentis étaient similaires ? C'était étrange, peut-être le destin ? Peut-être que ouais, ce moment sur la plage allait leur faire du bien, les aider à accepter, ou bien à vider son sac pour avancer malgré tout ? Murphy avait envie d'y croire. « Ca ne doit pas être facile de tout remettre en question de A à Z... » compatissait la jeune femme. Elle n'avait pas à vivre ça, non. Elle savait d'où elle venait, du moins... elle avait eu une vraie famille de sang. Même si son père n'avait pas été là, même si elle avait ignoré son identité pendant des années. Sa mère et ses frères étaient sa famille et elle n'avait jamais douté de son identité. Seulement son père... ça avait toujours été un mystère, un néant et même encore aujourd'hui, elle ne savait pas qui il était. Ils étaient deux étrangers portant le même nom et vivant dans la même maison. C'était tout.

La jolie blonde n'était pas très bavarde. Murphy se dit qu'elle avait peut-être entamé un sujet encore épineux pour Lily. Elle ne semblait pas vouloir entrer dans les détails, ni même trop en parler, ce qui refroidit la petite bonde. La jeune Gallagher enfuit ses mains dans le sable fin, jouant alors machinalement avec. Lorsque Lily lui fit la remarque, que ça ne devait pas être facile pour elle non plus, elle sourit nerveusement avant de répondre en fixant ses propres mains dans le sable « non c'est sûr ». Cette sensation des légers grains de sable caressant froidement sa peau, lui faisait du bien. C'était agréable. Murphy s'amusait donc à saisir du sable de cette plage par poignée, qu'elle jetait à quelques centimètres, ou bien qu'elle laissait simplement glisser entre ses doigts. Ses yeux vinrent ensuite se poser sur les gens présents sur cette plage. Des jeunes gens, plus vieux qu'elles. Qui courraient, avec des chiens. Et puis des vieux couples aussi. Murphy sourit. Tout ça semblait presque redevenu irréel à ses yeux. Le couple... elle ne savait pas ce que c'était. Sa mère ne l'avait jamais été, son père ne l'était pas et elle... elle n'avait jamais connu un véritable garçon. Alors non, elle ne savait pas ce que c'était que d'être en couple. Seulement ce vieux couple là-bas, ça lui fit quelque chose. Peut-être qu'elle en rêvait, au fond d'elle. De vivre un jour, un truc comme ça. Aussi banal que ça. Tomber amoureuses. N'était-ce pas le truc universel à chacun sur cette terre ? Elle soupira et lorsque Lily enchaîna, elle ne pu s'empêcher de retenir un léger rire « pof... je pense pas qu'un jour j'serai normale perso... en tous cas c'est franchement mal parti ». En disant ça, Murphy imagina son père. Il devait être à la maison, en train de ruminer sur leur dispute. Il devait s'inquiéter de ne pas savoir où est-ce qu'elle était, ni même pouvoir la joindre. Il allait vraiment falloir qu'elle achète un portable. Enfin... ça ne donnerait qu'une raison de plus à son père de la harceler... alors en fait, non. Murphy avait envie d'aimer son père, de lui laisser une chance, d'essayer d'être heureuse avec lui. Mais elle se sentait totalement bloquée. Bloquée par des années d'abandon, bloquée par son comportement pendant le procès de sa garde, son comportement par rapport à sa mère, par rapport à ses frères, par rapport à son silence : il ne parlait pas. Il parlait sans cesse d'un tas de trucs inutiles. Mais il ne parlait jamais de lui, il ne parlait pas de son passé, de sa famille, Murphy ignorait si ses grands-parents étaient encore en vie, si elle avait des cousins, ou bien si son père avait refait sa vie après sa mère. Avait-il quitté sa maman pour une autre femme ? Pourquoi être partit ? Que s'était-il passé ? Qui était-il ? Il y avait tant de questions qu'elle aimerait lui poser, mais elle n'y parvenait pas. Elle se sentait complètement bloquée, comme dans une camisole de force. Incapable de diriger, de dire, de penser, de choisir. Son père agissait sur elle comme des barricades. Elle ne se sentait pas à sa place à ses côtés, elle ne se sentait pas chez elle dans sa maison. Elle n'avait pas l'impression d'être sa fille. Pourtant, il essayait, de lui faire des calins, de lui donner des surnoms... mais ce n'était que de la poudre -de perlimpinpin- aux yeux et dans le fond, elle le savait très bien. Entre eux, c'était une pièce de théâtre qui se jouait, une pièce de faux-semblants et de mensonges. Sauf que là, le rideau commençait à se fermer et que dans les coulisses, la pression retombait enfin. Il fallait que ça sorte. C'était une évidence.

Murphy s'en voulait d'avoir vidé son sac sans ménagement à la pauvre Lily qui n'avait rien demandé à qui que ce soit. Quand la jolie blonde en vint à changer de sujet, ce fut avec plaisir que la petite blondinette lui enquilla le pas. « J'adore le cinéma et toi ? » demanda t-elle tout simplement, en essayant à la fois de se calmer et de retrouver ses esprits. Il ne s'agissait plus de parler le cœur serré, de vider son sac à la jolie blonde à défaut de pouvoir le faire avec son père. Elle avait craché son venin, c'était désormais fini. Son histoire ne regardait personne et surtout, ça n'intéressait jamais personne les problèmes des autres. C'était du domaine de l'intime, le plus souvent en tous cas. Murphy écouta ce que la jolie blonde avait à lui raconter, jouant toujours avec les grains de sable filants entre ses doigts. Rapidement, elle vint à secouer l'une contre l'autre ses mains, dégageant le restant de sable. Elle passa chacune des deux mèches encadrant son visage, derrière ses oreilles respectives et puis laissa son regard naviguer sur l'océan. La mer avait quelque chose d'apaisant, de calmant, de serein. Murphy aurait pu rester là pendant des heures, seule ou en compagnie de Lily. En silence ou en parlant. Peu importe. En vérité, ce n'était pas tant les discours qui avaient un pouvoir exutoire. C'était ces vagues qui se fracassaient sur les rochers, qui venaient se laisser mourir sur le sable que des gens foulaient sans jamais se rendre compte que quelque chose mourrait à leurs pieds. C'était à la fois beau, mystérieux, si simple, naturel et aussi quelque part, si dramatique. Lorsque le silence entre les deux jeunes filles revint à nouveau, Murphy prit quelques secondes avant de dire « je suis désolé d'avoir débarqué chez toi comme ça et... et de t'avoir séquestrée pour te vider mon sac » rigola t-elle gênée. Parce que oui, pour elle, c'était bien ce qu'elle avait fait. Littéralement. Ses mains vinrent se caler sous le pliant de ses genoux, qu'elle ferma dessus et toujours le regard vers l'océan, elle continua « j'ai pas pour habitude de parler, et encore moins de tout ça... » elle tourna son visage vers la jolie blonde et lança alors en souriant. Murphy se sentait souvent seule, souvent en marge. Parce qu'elle avait passé toute sa vie avec des gens qui n'étaient plus. Aujourd'hui, il fallait qu'elle apprenne qui elle était, sans l'aide de personne -c'était ce qu'elle pensait- et c'était difficile pour elle. Elle ne pouvait pas jouer sur plusieurs tableaux : régler ses problèmes intérieurs et etre heureuse. Non. Ce n'était pas compatible à ses yeux.

La jolie blonde assise à ses côtés lui annonça qu'elle aimait faire la cuisine et particulièrement les gâteaux pâtissiers. Murphy sourit, ce n'était pas du tout ce qu'elle aimait faire, ni ce pour quoi elle était douée. En revanche, son père aimait faire la cuisine. Il adorait passer du temps derrière les fourneaux afin de lui concocter des petits plats, avec des produits sains qu'il payait une blinde au marché. Murphy sourit à nouveau en repensant à son père. Elle lui avait encore une fois crié dessus, elle savait que c'était mal, mais elle ne pouvait pas s'en empêcher. Elle lui en voulait d'être heureux. C'était comme ça, c'était un fait et elle n'y pouvait rien. Lorsque Lily lui glissa qu'elles avaient une facilité à communiquer l'une avec l'autre, Murphy hocha la tête en silence. C'était vrai et c'était même assez étrange. Elle avait réussi à parler des sujets délicats, qui la touchaient vraiment et qui continuaient de lui faire du mal intérieurement. Avec Lily, elle était parvenue à en parler comme si tout était plus facile, plus simple, naturel et comme si rien n'avait de conséquences. Juste en parler, pour vider son sac, y voir plus clair et c'était tout. La jeune fille fini par répondre à la jolie blonde, lorsque celle-ci termina sa phrase « c'est vrai que c'est facile » tout en la regardant presque timidement. Finalement, ses yeux retournèrent sur l'océan et très vite, Lily reprit la parole. Elle insista sur le fait que sa maison lui était ouverte et qu'elle serait toujours là pour l'écouter si jamais ça devait se reproduire à nouveau. Murphy sourit et la remercia « c'est gentil, et si toi aussi, tu veux venir à la maison, on est au numéro 87 » précisa t-elle alors. Lily lui proposa une nouvelle sortie, pour une prochaine fois. Murphy se détendit un peu plus et lui répondit alors, d'un ton plus enjoué « hum... les films que tu devrais voir ne passent plus au cinéma... je vote pour une soirée film choisis par mes soins, avec des gâteaux que tu auras fait maison » proposa t-elle alors. Si ça intéressait Lily, Murphy se ferait un plaisir de lui montrer quelques films, qui pour elle, avaient eu un fort impact. Le cinéma n'intéresse pas tout le monde, certain s'en fichent complètement, mais si Lily voulait en apprendre davantage à ce sujet, Murphy était la mieux placée certes, mais surtout, elle en serait ravie. Pouvoir enfin parler Cinéma avec quelqu'un, pouvoir lui montrer les films qu'elle affectionnait, pouvoir en parler... bien sûr que ça lui ferait très plaisir. Son père n'aimait pas vraiment les films, elle ne pouvait pas partager cette passion avec lui. Alors si Lily était intéressée, ça serait un pur plaisir et bien évidemment, si elle pouvait lui apprendre quelques trucs en cuisine, ça ne serait pas de refus. Murphy sait tout juste se faire cuire des pâtes. Finalement, Murphy se rendit compte que le soleil s'était couché, doucement, au fil de leur conversation. Le soir était en train de lentement d'éteindre. Son père devait s'inquiéter, surtout qu'il n'avait aucun moyen de la joindre. « Il est quelle heure s'il te plait ? » demanda t-elle à sa comparse. Lorsque Lily lui répondit, Murphy lança « je vais peut-être rentrer... mon père doit se demander où j'suis » parce que même si elle était encore énervée... elle ne voulait pas qu'il se rende malade d'inquiétude à son sujet.