need to talk to someone (kalisha)

Encore une feuille froissée qui vole à travers la pièce et je sens la colère m’envahir. Rien ne vient, rien qui ne puisse justifier un tel acte. Là tromperie, la duperie, elle a toujours fait partie de moi, et je croyais dur comme fer que ma rencontre avec Siam aurait pu changer ce que j’étais, mais une fois encore je n’ai fait que me leurrer et leurrer mon entourage. Je pensais qu’aimer quelqu’un comme je l’aime aurait suffit à faire taire ce besoin perpétuel et inconscient de tout gâcher. Je ne sais pas comment lui avouer que je l’ai trompée, j’ai peur de la perdre et je me raccroche à chaque instant que je réussis à voler à ses côtés, avant qu’elle ne se rende compte de la supercherie.

Je sursaute en entendant mon téléphone sonner, j’ai toujours peur que Chris ne prenne le risque de me renvoyer un message, même si je lui ai bien fait comprendre que je ne comptais pas le revoir. Une nuit a suffit pour gâcher les deux ans de vie partagés avec Siam. En moi, une guerre fait rage, je ne sais s’il faut que j’avoue ma faute, ou que je continue de faire comme si de rien n’était. Soupirant. J’ouvre le message de Kali qui m’invite à boire un café. J’ai besoin de changer d’air, même si je doute que passer du temps avec Kali m’aidera à oublier les saloperies que j’ai pu faire à sa sœur, c’est certain. Il va falloir que je trouve une solution, mais laquelle ? De toute manière, le mal est déjà fait…

Mâchoires serrées, je réponds par la positive à la jeune femme et récupère tous les papiers froissés que je dépose dans la broyeuse à papier. Il n’est pas question qu’elle tombe dessus tant que je ne suis pas sûre du comportement à emprunter. Je file droit dans la salle de bain et me remaquille, me change et prépare mes affaires pour avoir de quoi payer. Une fois prête, je quitte l’appartement que je partage avec Siam pour rejoindre le café dans lequel nous avons l’habitude de nous retrouver pour papoter Kali et moi. Sur le chemin, je réfléchis si je dois lui parler de ma bêtise ou s’il serait mieux de me taire, et je décide d’aviser au moment voulu. Moto garée non loin, je rejoins le café, casque à la main, et repère rapidement la jolie blonde au fond du café. Je lui adresse un sourire qui n’est pas aussi pétillant qu’il l’a été. « Salut ma belle ! » Elle se lève et j’en profite pour lui offrir une accolade chaleureuse avant de prendre place en face d’elle. « Comment tu vas ? » On va commencer par les bases, et on avisera ensuite. Chaque chose en son temps.

Je ne le cache pas, voir Kali me fait plaisir, ça fait un moment qu’on ne s’est pas retrouvées toutes les deux. Faut dire qu’entre sa vie de mère, son boulot, le mien, chaque fois qu’on se voyait c’était surtout avec Siam, histoire de faire une pierre deux coups, rendez vous famille/amis en même temps. Mais là, j’avais besoin de parler à quelqu’un. Je ne suis pas encore certaine de réussir à lui parler de mon couple avec sa propre soeur, mais je me laisse le bénéfice du doute. En attendant, je lui demande comme elle va,elle. Je ne le fais pas pour la politesse, mais parce que ça m’intéresse vraiment. « Je vais très bien. Les affaires roulent, Emma est en pleine forme. Tout va très bien, je me sens bien ces temps-ci. Je me sens mieux. » Un sourire sincère naît sur mes lèvres en entendant ses mots. « Je suis contente de l’entendre, c’est vrai que je te trouve pétillante, en pleine forme, ça se lit sur ton visage. » Je sais pas comment elle fait, en plus avec un enfant à s’occuper, et puis la petite Emma a de l’énergie à revendre ! La dernière fois que je l’ai vue, elle courait partout et demandait ‘pourquoi’ toutes les trois secondes. Je suis loin de détester les enfants, mais bon, chez les autres c’est mieux quand même.

« Et toi ? Comment vas-tu ? On dirait que quelque chose te préoccupes. Tu as une tête bien fatiguée… » Je plonge mon regard dans le sien, clignant à peine des yeux. Avec toutes ces années passées loin d’ici, le fait qu’on se soit éloignée, je ne pensais pas qu’elle me connaissait encore aussi bien. Je tente un sourire qui n’est pas vraiment sincère, avant de passer mes mains sur mon visage en soupirant. « Je dors pas super bien ces derniers temps… » Je sens déjà mon coeur s’emballer, je suis partagée entre l’envie de lui dire, et celle de tout garder pour moi. Je ne sais pas du tout comment elle pourrait réagir. Et finalement, ça sort tout seul. « J’ai fait une connerie Kali, une grosse connerie… » Le serveur arrive pour prendre nos commandes, je me contente d’un double expressio, et sentant le regard de mon amie, je redresse mon regard, encore hésitante. « Je.. J’ai… merde… » Je passe à nouveau mes mains sur mon visage et finis par lâcher. « J’ai trompé Siam. Une fois, une seule fois, je l’ai regretté immédiatement, et j’arrive pas à lui dire… » J’ai déjà envie de pleurer, alors que je pleure jamais.

« Comment ça se fait ma belle ? Qu’est-ce qui t’arrive ? » Kali semble inquiète et elle est en droit de l’être, je fais durer le suspense sans forcément le vouloir, mais je ne sais pas quel mot choisir, ni même si c’est une bonne idée de lui parler de ça alors que la femme que je viens de tromper n’est autre que la soeur de mon amie, justement assise en face de moi. Je lâche la bombe. Une connerie, ça reste vague. Kali est pendue à mes lèvres et j’ai juste envie de faire machine arrière, mais il est trop tard. J’en ai trop dit, et je vais devoir terminer mon aveu. C’est dur, je ne sais même pas comment j’y parviens, mais c’est chose faite. Kali est au courant désormais, c’est la seule et unique personne au courant d’ailleurs.

Je peine à la regarder pendant quelques secondes et lorsque je relève les yeux vers elle, je sens toute la peine, la colère et l’incompréhension qui se mélangent en elle. Son simple regard me dit tout, et je sens mon coeur se serrer davantage. « Dis quelque chose je t’en prie… » Un murmure, pour-moi même mais pour elle aussi, j’ai l’impression qu’elle va m’en coller une, et elle aurait raison, c’est peut-être de ça dont j’ai besoin après tout. « Je… Mais… » Et voilà, elle ne trouve même pas ses mots. J’aurai jamais dû lui dire. Jamais. Je me sens encore plus conne, j’ai envie de me terrer dans un trou de souris. « Pourquoi ? » Je passe nerveusement mes mains sur mon visage en soupirant, expirant cet air longtemps retenu dans ma cage thoracique. « Je l’ai pas vu venir, j’avais vu, ça s’est fait comme ça, j’ai pas réfléchi c’était… putain… » Et voilà. Ce que je redoutais le plus est en train d’arriver, je me fous à chialer. Quelle conne mais quelle conne. « J’ai regretté à l’instant même où j’ai pris conscience. J’aime Siam putain, je voulais pas lui faire ça, je sais plus quoi faire Kali faut qu’tu m’aides ! » Oui, là j’ai clairement besoin d’aide…

Je me fous à chialer, je suis ridicule, je n’aime pas pleurer, mais là je suis à bout. Je m’en veux, je me déteste, j’aimerai pouvoir me foutre des claques, je les mérite. Je sais que Siam n’hésitera pas quand elle finira par être au courant, et je ne pourrai pas lui en vouloir. Mais je ne veux pas la perdre, c’est une certitude, alors il était inévitable que les larmes ne viennent à inonder mes joues, même si ce n’est pas dans mes habitudes. « Je suis désolée de réagir comme ça, ce n’est sûrement pas ce que tu attendais de moi. Mais tu m'as un peu prise au dépourvu à vrai dire. » J’essuie frénétiquement mes joues du revers de ma main, il n’est pas question que je me laisse aller plus longtemps, je n’ai pas le droit de pleurer, je suis celle qui fait souffrir, je devrais être plus fort que ça, je me dois de l’être. « Je sais… » que je lui dis d’une petite voix presque enfantine, celle d’un bambin pris à faire une bêtises qu’il savait interdite. « Tu me mets dans une position un peu compliquée… Bien sûr que je vais t’aider, je ne suis pas du genre à tourner le dos à mes amis. Mais je ne peux pas non plus laisser tomber ma sœur. » Je me contente de hocher la tête, je n’arrive même pas à la regarder, j’ai trop honte, trop peur que son regard change sur moi. Elle a raison, elle ne peut pas tourner le dos à sa soeur, et je ne lui demande surtout pas ça, au contraire même. « Ce que tu as fait est lourd de conséquences… C'est grave... J’espère en tout cas que tu as cessé tout contact avec cette personne ? Fille ou garçon d’ailleurs ? » Cette fois, je hoche vivement la tête. « Bien sûr, je l’ai jamais revu, c’était juste une nuit, une erreur, je le connaissais à peine, j’avais bu, je suis trop conne… » Passant mes mains sur mon visage, je finis par lever les yeux vers le ciel en espérant que mon envie de pleurer ne cesse. « Est-ce que Siam est au courant ? » Nouveau signe de tête à la négative. « J’arrive pas à lui dire, j’ai essayé plusieurs fois, mais j’ai peur, elle va me quitter j’en suis sûre, je repousse l’échéance pour avoir encore quelques moments avec elle mais je… » Mon menton se remet à trembler, merde Tasha, reprends toi. Je pousse un long soupir pour tenter de reprendre le dessus. « Elle me le pardonnera jamais… » Je n’arrive pas à voir une issue à tout ça, mis à part une séparation, et qu’elle me déteste pour le restant de sa vie. Et même si je le mérite, je sais que je ne le supporterai pas.

J’ignore si Kali tiendra sa langue vis à vis de sa soeur, j’en doute fortement, elles sont si proches. Pourtant, je ne voyais personne d’autre à qui me confier, et il m’est apparu tout à fait logique d’en parler à une amie, en l’occurrence Kali. Pourtant, je sais que c’est risqué, mais je dois me libérer d’une partie de ce poids qui pèse lourd sur mon coeur et sur ma conscience. Je sais bien qu’en parler avec Kali ne suffira pas à effacer mon erreur, à passer outre la peine que je ferai à Siam. Mais j’en ai ressenti comme un besoin. Je me mets même a pleurer, chose qui n’arrive pas souvent, très peu souvent même. Je continue d’avouer à Kali mon erreur que j’estime monumentale, je sais que Siam ne me pardonnera pas, et c’est pour cette raison que je n’arrive pas à lui dire, comme si je voulais grappiller un peu de temps en sa présence, même su temps sali par mon erreur, mais du temps avec elle. C’est ce qui me semble le plus important aujourd’hui, même si j’ai bien conscience que ce n’est pas un signe de respect de lui mentir de cette manière. Parce que oui, cacher la vérité est une sorte de mensonge, j’en ai bien conscience.

Kali semble abasourdie par la nouvelle, et il y a de quoi. Plus encore que ça, elle est tiraillée, je le vois bien. Je comprends, je n’aurai sans doute pas lui avouer ce secret mais il pesait trop lourd, et j’ai été égoïste. Encore. « Tu sais, même si je connais bien ma sœur, je ne peux pas prévoir sa réaction. Mais je pense qu’elle apprécierait déjà ton honnêteté… » Je suis incapable de lui parler de lui dire quoi que ce soit, je l’évite depuis que je l’ai trompée, et l’idée même de me confronter à elle me donne la nausée. « Je comprends que tu repousses le moment où tu vas devoir lui en parler, mais il va tout de même falloir le faire, un jour ou l’autre. » Je sais bien oui. Je me sens comme une enfant qui est en train de se prendre une remontrance. Je l’ai méritée, mais je sais surtout que ce n’est rien comparé à ce que je vais vivre le jour où je parlerai à Siam. « Et puis, vivre dans le mensonge. Je ne crois pas que tu le supporteras plus longtemps. Rien qu’à voir dans quel état ça te met de m’en parler à moi… » Pour ça, elle n’a pas tord. Je soupire longuement et passe à nouveau mes mains sur mon visage, essuyant mes larmes au passage. « Tu crois qu’il y a une infime chance pour qu’elle me pardonne un jour ? Même… pas de suite, mais un jour ? » Je m’en veux tellement. « Kali, je t’en supplie, ne lui en parle pas avant moi, je dois le faire moi, je dois trouver le bon moment… » Je garde mon regard dans celui de mon ami, espérant qu’elle comprendra ce que je lui demande. « Et quand ce sera fait, dis lui que j’ai jamais arrêté de l’aimer, et que même si je suis trop conne, je l’aime plus que j’ai jamais aimé personne avant elle… Tu lui diras ? »  J’ai l’impression d’avoir quinze ans, je suis ridicule.