All hail our fair Island Bay || ft. Cleo Carter

Le soleil brille, les oiseaux volent haut dans le ciel, il est un peu plus de 10h. Habituellement à cette heure, Cleo dort profondément quand elle n’est pas en tournage. Et elle n’est pas en tournage aujourd’hui. Alors comment se fait-il qu’elle soit allongée dans son lit mais occupée à pianoter sur son téléphone d’une main, et à caresser la tête de Cher de l’autre ? Me demanderez-vous. Hé bien elle-même n’en savait rien. Une insomnie de plus, probablement. Elle aurait bien aimé pouvoir dire que c’était la faute de tout le raffut provoqué par l’emménagement qui se déroulait un peu plus haut mais il n’y avait pas eu d’autre bruit qu’un taxi remontant la rue. Non, la vérité c’était qu’elle s’était éveillée en entendant Seth se préparer son petit-déjeuner en bas, il y a de ça plus de deux heures déjà et qu’elle n’était pas parvenue à refermer l’œil depuis. Enfin bref, c’est la vie, paraît-il. Et si elle savait que quelqu’un emménageait plus haut, c’est parce que la maison était à louer depuis quelque temps et qu’elle avait jeté un coup d’œil par la fenêtre en allant à la salle de bains. Loin d’elle d’espionner le voisinage mais vous savez comment c’est : on aime bien savoir qui nous entoure.

L’idée d’aller saluer sa nouvelle voisine lui avait bien traversé l’esprit mais on n’était pas à Wisteria Lane et elle n’avait vraiment rien d’une Desperate Housewife. D’ailleurs ça la fit rire d’imaginer la gueule de sa tarte aux cerises si elle avait à en préparer une comme ils le font tout le temps dans les films américains pour accueillir leurs nouveaux voisins. Surtout que ça devait tomber au plus mauvais moment, lorsqu’ils avaient emménagé avec Seth, c’était le bordel le plus total – et pourtant, eux non plus n’avaient pas tant d’affaires que ça - et l’écossaise avait été bien contente de n’avoir personne dans les pattes. Elle irait donc plus tard. Peut-être. Si elle n’oubliait pas entre-temps. Du moins ça c’est ce qu’elle croyait jusqu’à ce que le bruit strident de la sonnette retentisse. Ugh, ce qu’elle pouvait détester ce son ; la prochaine fois qu’elle passerait au magasin de bricolage, il fallait absolument qu’elle en cherche une plus mélodieuse, moins stressante. La jeune femme soupira longuement tandis que Cher était descendue du lit et aboyait dans sa direction comme pour l’avertir que quelqu’un attendait à la porte. Ah ça, elle ne pouvait pas le manquer.

Elle se leva donc et descendit en traînant des pieds, espérant que ce n’était pas les témoins de Jéhovah… quoique, ça pourrait être drôle de les envoyer bouler. Mais non, juste le facteur qui lui tendait un bidule électronique à signer en échange d’un paquet dont elle ne se rappelait déjà plus le contenu. Soit, Cleo s’appliquait à signer parce que c’était loin d’être simple sur ce genre d’appareil quand Cher profita du fait que la porte d’entrée soit ouverte pour décamper. Encore.

« Cher, non ! »

Elle lâcha le machin électronique et poussa le facteur pour courir après la petite chienne qui n’en faisait décidément qu’à sa tête. Une chance que leur rue n’était pas la plus fréquentée de toute la Nouvelle-Zélande sinon… La rouquine courait donc en plein milieu de la rue et en pyjama en appelant son chien. Chien qui n’obliqua qu’une fois devant la maison où l’on emménageait, comme par hasard. Cleo arriva un peu essoufflée pour voir Cher en train de faire la fête à un nouveau venu. C’était quand même la troisième fois qu’elle lui faisait le coup ; il y avait d’abord eu le chien de Riley, le molosse de la fourrière et puis maintenant celui-ci, il fallait croire que Cher était bien plus sociable que ses maîtres. Elle avisa sa nouvelle voisine assise sur les marches du perron et lui adressa un :

« Salut ! »

Avant de poursuivre, une fois qu’elle eut un peu reprit son souffle.

« Désolée pour l’intrusion. On habite un peu plus bas et elle a filé avant que j’aie le temps de faire quoi que ce soit. »

Elle désigna sa boule de poils au cas où on ne saurait pas qui est « elle » dans l’histoire mais c’était bien inutile étant donné qu’il n’y avait personne d’autre dans les parages.

Une chance que le chien de la nouvelle voisine ait l’air aussi joueur et amicale que Cher elle-même ; Cleo espérait que sa mini-diva ne tombe jamais sur un chien plus agressif. En parlant de ça, la maîtresse du petit Border Collie avait l’air tout aussi amicale que son toutou puisqu’elle lui fit immédiatement savoir qu’il n’y avait pas de problèmes - d'ailleurs, son accent lui rappelait chez elle. Elle avait l’air de s’intéresser à Cher, ce qui n’étonna guère la rouquine car partout où elle passait, tout le monde n’avait d’yeux que pour elle. Il est tellement plus facile de s’intéresser aux animaux qu’aux gens, c’est d’ailleurs une excellente de raison de faire connaissance, sans quoi Cleo trouvait toujours ça un peu étrange. Elle aussi présenta sa main à l’adorable Border Collie quand la jeune femme lui demanda l’âge de Cher.

« Cinq mois, ce qui explique son côté pile électrique, j’imagine. »

Puis sa voisine se redressa, semblant se rappeler qu’elle-même ne s’était pas encore présentée. Cleo agita la main comme quoi ce n’était rien, elle ne pouvait pas vraiment parler étant donné qu’elle-même était en pyjama, ça fait probablement aussi partie des choses qui ne se font pas, donc bon… puis elle serra la main qu’Eliza lui tendait et lui adressa un sourire chaleureux.

« Et moi Cleo, enchantée aussi. Bienvenue à east bay ! »

L’écossaise allait ajouter qu’elle avait vu la voiture remonter la rue mais se ravisa bien vite, songeant que ça faisait un peu vieille pie qui espionne ses voisins alors qu’il n’en était rien. Au lieu de ça :

« Vous verrez, le quartier est assez tranquille et agréable. Ça ne fait que quelques mois qu’on a emménagé mais on n’a jamais eu à se plaindre. »

Pour ce qu’elle en savait, en tout cas, car il était vrai qu’elle partait travailler tard, la plupart du temps, ce qui faisait qu’elle devait être la personne la plus dérangeante du coin étant donné qu’elle rentrait souvent aux petites heures du matin mais ça ne devait plus poser de problèmes depuis qu’on lui avait retiré son permis et qu’elle se déplaçait principalement en vélo.
Cleo pointa du doigt son petit corgi.

« Voici Cher et ce brave toutou, c’est quoi son nom ? »

Cette fois, on pourrait vraiment dire que les présentations étaient faites.