Une rencontre musclée (ft. Cheyenne)

ONGLET 1 ONGLET 2

« Une campagne électorale ca se prépare ! Ne reste pas planté là comme un handicapé mental ! Contacte la presse, fais ton clip de campagne ! Tu nous as déjà assez humiliés la dernière fois ! »

***

Les mots du père Ackerley résonnaient en Zachary comme des couteaux qui s’entrechoquent. Ils étaient durs. Ils provoquaient autant de blessures que des lames froides plantées dans la chair. Il ne pouvait toutefois pas s’exempter de tout tort. La dernière élection fut une lourde défaite. Il avait été pulvérisé, explosé, par son adversaire. En cause, sa naïveté mais aussi son impréparation. Bien qu’il en endosse toute la responsabilité, il n’en demeurait pas le seul coupable. Il avait été très mal entouré. Novice et peu voire pas coaché, voilà un cocktail idéal pour perdre. Il puisait dans ses ressources et son tempérament combattif pour ne pas sombrer. Même raillé par son élitiste de famille, il s’accrochait. Il ne faisait pas ça pour eux. Pas pour son père. Lui ne serait jamais content, jamais satisfait. Il critiquait sans cesse car il aurait agi autrement à la place des autres. Il restait aigri, hargneux comme un chien enragé, déçu de ne plus être chouchouté par des électeurs, qu’il désignait sobrement comme des veaux. Et encore, il restait poli. Pour lui, la populace ne méritait que son mépris. Il la voyait comme un consommable permettant de propulser la fusée conservatrice vers le haut. Zachary se gardait bien de lui dire que sans ce consommable, justement, sa fusée retomberait et se crasherait sur le sol en explosant. Il ne voulait pas créer de polémique et ajouter de la tension à une relation déjà bien minée. Et puis son père lui permettait de vivre. Comme il aimait le lui rappeler, il n’était rien, sans son argent. Il ne possédait rien. Pour payer domestiques, pardon, personnel, il fallait bien du blé. L’argent achète toujours le silence, c’est bien connu.

Candidat aux législatives, Zachary avait bien l’intention de devenir député. Et pour cela, il souhaitait s’entourer d’une équipe de choc. Il avait donc cherché un nouveau coach, un peu comme on lance une bouteille à la mer. Dans ses démarches, malheusement, il ne fut pas vraiment heureux. Les quelques consultants contactés feignirent d'avoir un planning chargé. En réalité, il se doutait bien que personne ne voulait prendre le risque de ruiner sa carrière à ses côtés. Aussi, quand sa directrice de cabinet lui annonça que quelqu'un les avait démarchés à ce sujet, Zachary pensa à un poisson d'avril. Il comprit que cela n'en était pas un, en voyant le CV de Cheyenne Holway. Il fallait être couillu pour prendre une telle initiative. Evidememnt, cela plut à Zachary, qui aimait bien les forces de proposition. Cet homme allait peut-être pouvoir l'aider pour son projet. Il voulait tourner un clip de campagne et pour cela, il avait travaillé sur une idée. Plutôt créatif, il détaillait ses idées sur un cahier, notait les fulgurances sur son concept. Il raturait, réécrivait. Il voulait un mini film, dynamique, qui resterait dans les esprits de tous. Avec des effets spéciaux, des séquences fortes. Il fallait toucher toutes les catégories sociales, toutes les tranches d’âge. Et pour réaliser ce mini chef d’oeuvre, un nom : Mike Watham. Réalisateur montant, populaire, il incarnait l’énergie et le cachet dont il avait besoin. Il irait donc le voir à l'occasion, pour discuter avec lui du projet. Evidemment, il ne se doutait pas une seule seconde que le réalisateur avait des vues sur Gabriella, sa (fausse) fiancée. Il avait l'art de se mettre dans des situations délicates, sans le faire exprès !

Zachary n'avait pas encore signé le contrat pour embaucher Cheyenne. Ils devaient avoir un entretien aujourd'hui, justement. Habillé d’un costume impeccable, avec sa cravate nouéen Windsor, il attendait patiemment dans son bureau. Il était plutôt bien situé. Le père Ackerley en était propriétaire. Il donnait sur une avenue, dans un quartier très bourgeois où se multipliaient les bijouteries, les boutiques de prêt-à-porter de luxe et les restaurants très chics. C'était le quartier des avocats réputés et des banques. Bref, un lieu où il y avait beaucoup d'argent, pierre fondatrice de la famille. Le père de Zachary avait sorti un gros chèque pour rénover les lieux et accélérer les choses. Le temps s’achètait, comme il aimait le rappeler. Enfin, il aurait été capable de monnayer des enfants pour les faire travailler dans une usine en Afrique ou en Inde... tout s’obtenait par des billets. Une devise qui marquait l’existence de la famille. Au moins, le jeune trentenaire n'avait pas à s'inquiéter de trouver un QG. Il lui fut offert sur un plateau d'argent. D'ailleurs, il n'avait pas parlé de la venue de Cheyenne pour un entretien et une séance de travail. Il ne voulait pas que son vieux débarque pour tout régenter. Il voulait avoir le privilège de choisir, pour une fois, de laisser son coeur et son intuition parler. Alors qu’il patientait, Zachary relisait son projet de film. Il avait tout mis au point, ou presque. En fait il possédait un véritable script. Le réalisateur n’avait plus qu’à dire oui et les affaires se lançaient ! Le téléphone sonna. Il répondit, c'était sa secrétaire. Il lui indiqua qu'il arrivait. Zachary se leva. La démarche élégante, distinguée, sans qu’elle ne soit hautaine, il sortit de son bureau et s’avança vers la salle d'attente où son éventuel futur collaborateur attendait. Zachary entra dans la pièce et s’avança vers Cheyenne pour lui serrer la main.

- Monsieur Holway, n'est-ce pas ? Enchanté, je suis Zachary Ackerley. C'est un plaisir de vous rencontrer. Venez, allons dans mon bureau, nous y serons plus à l'aise pour parler.

Il parlait de façon amicale et sincère, bien que tenu par une politesse propre à ces riches qui ne considèrent pas les autres comme des valets. Il le conduisit à son bureau et l'invita à s'asseoir après avoir fermé la porter. Il reprit la parole :

- J'ai lu avec attention votre CV et votre lettre de motivation. Je dois dire que j'ai été assez intrigué par votre profil et par votre démarche. Je suis quand même curieux de savoir ce qui a pu vous amener à une démarche proactive auprès de moi.

Il en profita pour le regarder. Plutôt beau gosse, le Cheyenne. Il ne l'imaginait pas comme ça, en vrai. Son regard avait un côté mystérieux et captivant. Il évita de se faire trop insistant. Dans son milieu professionnel, comme familial, mieux valait éviter de montrer de façon trop prononcée son attirance pour les hommes.

ONGLET 1 ONGLET 2

Holway & Associés existait depuis maintenant trois ans et on ne va pas se mentir ça n'avait pas toujours été facile. La première année s'était d'ailleurs avérée catastrophique si bien que Cheyenne avait pensé mettre la clef sous la porte à plusieurs reprises. Tout juste diplômé d'un master en communication & relations internationales, le jeune homme n'avait pas attendu très longtemps avant de montrer son entreprise... Son but ? Gérer les scandales et autres dérives des habitants de Wellington.... Ses proches l'avait imaginé bosser dans la publicité ou dans tout ce qui touchait aux médias étant donné le cursus scolaire qu'il avait suivis mais lui n'avait pas envie d'un boulot ''classique'' non Cheyenne voyait les choses en grand peut-être un peu trop sans doute mais au moins on ne pouvait pas lui reprocher son manque d'ambition.... Alors oui peut-être qu'a l'époque il aurait dut prendre un peu plus de temps avant se se lancer dans la fosse aux lions.... De l'argent oui il en avait perdu mais le garçon n'avait jamais baissé les bras.....

S'étant entouré d'une équipe de choc, Holway était parvenu à décrocher des contrats importants comme celui des photos volées d'un célèbre joueur de foot néo-zélandais qui au final n'avaient jamais fuitées dans la presse et le bouche à oreille avait fait le reste..... Certaines personnes ne comprenaient pas tout à fait ce qu'il faisait de ses journées mais lui était fière de pouvoir apporter son aide à tout type des personnes et croyez-en sa ''jeune expérience'' les gens qui avaient des choses à cacher étaient beaucoup plus nombreux qu'on ne pourrait se l'imaginer....

De fil en aiguille et à force de fréquenter du beau monde, son agence s'était fait un petit nom dans le monde politique, un virage à 180 degré qui n'était pas pour lui déplaire..... Oui travailler pour ce qu'on appelait la haute société était loin d'être dégueulasse d'autant plus que financièrement parlant à se ressentait.... Vénal ? Pas plus que ça mais il aurait été stupide de cracher sur de nouveaux contrats qui permettait d'ajouter un ou deux 0 sur les honoraires...

Son nouveau défis ? Zachary Ackerley ! Ce jeune homme qui avait lamentablement perdu face à Madame Hawkins lors des précédents élections municipales... Son choix de vouloir rencontrer et de bosser pour un loser avait étonné le reste da sa team mais Cheyenne croyait en ce garçon.... Tout n'était pas à jeter chez lui bien au contraire.... Ackerley avait été la triste victime de l'incompétence de son staff et d'un certain manque d'expérience.... Oui le challenge était culotté mais c'est ce qui faisait vibrer Holway !

Vêtu d'un costume et d'une paire de chaussures valant plusieurs centaine de dollars, Cheyenne arriva au QG située sur Center Bay. Accueillit premièrement par la secrétaire, le maître des lieux appelons le ainsi ne tarda pas à faire son apparition. Après une poignée de main et un simple bonjour, les deux hommes s'installèrent dans le bureau de celui à qui l'expert en gestion de crise avait envoyé son CV.

''Ce qui m'a poussé à venir vers vous ? Rien de plus simple : Vous épargnez une nouvelle branlée comme ce fût le cas face à Hawkins.... Et sans vouloir m'avancer parce qu'au final vous et moi on ne se connait pas, c'est à mon avis votre souhait le plus profond....''

Cash pistache, il ne faisait pas dans la demi-mesure... Soit on appréciait, soit on détestait mais Cheyenne n'était pas là pour cirer des pompes... En se présentant de cette façon il ne faisait que tester son potentiel client... Disons que sans avoir même signé son contrat, Holway commençait déjà à avancer ses pions.

''Quant à ma démarche, je n'ai fait que subir la procédure que je ne sais quel idiot à souhaiter mettre en place.... Je n'ai pas pour habitude d'envoyer mon CV et ma lettre de motivation dans l'espoir qu'on me recontacte mais vu que c'est le protocole à respecter pour décrocher un entretien avec vous, j'ai pris sur moi !.... Maintenant si je suis ici c'est pour redorer votre blason et votre image et croyez moi ce n'est pas une mince affaire.''

ONGLET 1 ONGLET 2

Boum. Cela faisait même pas une minute qu'ils se trouvaient là, à discuter, qu'un missile skud venait de péter au visage de Zachary. Il ne l'avait pas du tout vu venir. Celui-ci ne sut pas vraiment quoi répondre. Il était complètement décontenancé par ce retournement de situation. Et pourtant, les choses n'auraient pas du se passer ainsi. Il s'agissait d'un entretien d'embauche, par définition, c'est lui qui aurait avoir l'ascendant dès le départ. Il ne savait rien de Cheyenne, si ce n'est ses qualités et ses motivations, inscrites sur les documents qu'il avait reçus. Seulement, il n'y avait pas écrit grande-gueule sur son CV ! Ni narquois, blessant... ou incisif. Parce que c'est comme ça que Zachary prit sa réponse. Comme une attaque, à laquelle il n'était pas préparé du tout. Il avait l'impression de revivre ce terrible débat contre Hawkins. Elle l'avait complètement écartelé, il ne pouvait rien y faire. Et Cheyenne n'y alla pas de main morte, à tel point que le jeune homme eut l'impression d'avoir son propre père en face de lui. Ce dernier se montrait tellement infect et cassant, qu'il lui minait le moral. Même parmi les rangs des conservateurs, il le faisait passer pour un incapable, un gamin qu'il fallait surveiller et qui finir par ramasser des poubelles s'il continuait. Zachary possédait pourtant du mérite. Il était travailleur, il aimait la politique, non pas pour la carrière mais pour les connaissances que ça lui apportait au quotidien et pour la noblesse du métier. Il appréciait l'idée de pouvoir s'investir pour les autres, pour de grandes causes. Un point de vue naïf, surtout pour son paternel, qui le comparait à un bisounours de façon très régulière. Zachary avait espéré pouvoir faire quelque chose de bien, en se cherchant un coach. Mais il prit conscience qu'aux yeux de tous, il passait pour un raté. Il ne put cacher le fait que ça lui faisait mal. Comme lors du débat télévisé, son désarroi se lut sur son visage. Celui-ci laissait tellement transparaitre ses émotions. Il resta scié sur sa chaise, à écouter le constat de son interlocuteur. Il ne s'attendait pas du tout à ça. Il reprit la parole, sèchement, un peu hautain car sur la défensive :

- Pour votre gouverne, l'idiot, c'est moi. C'est comme ça que ça marche avec moi. J'aime savoir que mes collaborateurs sont réellement motivés par un poste et ont un parcours intéressant. Si vous plier à cette procédure ne vous convenait pas, rien ne vous obligeait à m'envoyer les documents. Votre vie aurait pu tranquillement continuer, la mienne aussi et tout irait bien dans le meilleur des mondes. J'espère que vous n'attendez pas que je vous remercie ou que je vous félicite pour avoir envoyé votre CV et votre lettre de motivation. Parce que ça n'est pas près d'arriver.

Zachary était gentil et docile. Il encaissait les attaques de son père sans broncher, celles de ses frères également. Mais qu'un inconnu s'y mette lui aussi, là, non... Il avait donc réagi de façon très stricte, mais ce costume ne lui allait pas. Il n'était pas à l'aise dedans. Et puis, les propos de Cheyenne résonnaient dans sa tête. Tant et si bien qu'il baissa les yeux. Des fois, il se demandait pourquoi il faisait tout ça. Ca ne servait à rien. Il aurait mieux fait de tout plaquer et d'aller ramasser les ordures. Au moins, personne ne viendrait lui dire comment vivre, travailler ou agir. Quand il reprit la parole, l'entrain l'avait quitté. Sans le savoir, Cheyenne l'avait blessé plus qu'encouragé. Pourtant, il n'en voulait pas à son interlocuteur. Celui-ci disait des choses vraies. Il avait cruellement besoin de trouver quelqu'un de compétent, tout le monde le fuyait.

- Ce n'était peut-être pas une bonne idée que d'organiser cet entretien. Vous avez l'air compétent et oui, vous avez raison, j'aurais bien besoin d'aide. Mais, je ne crois pas en mériter ou pouvoir en trouver. Vous êtes le seul à avoir fait la démarche. Le seul en trois mois... je crois que je suis une cause perdue, comme vous le dites. Je préfère que vous partiez et que vous trouviez quelqu'un avec qui réussir. Je suis cramé, je le sais...

Il soupira. Cheyenne avait aligné quelques phrases et voilà qu'il était KO et résigné. Echec et mat. Zachary balança son idée de scénario dans la poubelle, résigné.

ONGLET 1 ONGLET 2

Son coté rentre-dedans et cette façon de n'épargner personne lorsqu'il ouvrait la bouche agaçait énormément mais c'est aussi ce qui lui avait permit d'ouvrir des dizaines et des dizaines de portes alors pourquoi changer une recette qui s'avérait terriblement efficace ? Le but de Cheyenne n'était pas de blesser son futur client mais au contraire de provoquer un électrochoc et de réveiller le gladiateur qui sommeillait en lui.....

''Je n'attends aucun remerciement de votre part et encore moins des félicitions.... J'attends juste de pouvoir signer ce contrat qui m'a poussé à me plier à vos exigences.... Mais c'est bien... Vous ne vous êtes pas laissé faire.... Il y a du progrès.... En ce qui me concerne l'entretien est réussi.... Je veux bosser avec vous, sachez que je joue aussi l'image de ma société et je n'ai pas envie de me planter...''

Peut-être qu'il était nécessaire de préciser ce dernier point histoire de montrer qu'il était là que sa démarche était on ne peut plus sérieuse.... Oui il fallait être couillu pour présenter les choses sous cet angle là mais encore une fois Holway n'était pas là pour faire dans la demi-mesure.... En quelques minutes, il montrait au candidat en politique qui il était et qu'elle était sa façon de faire..... Cheyenne n'avait pas envie de bosser pour un faible et à travers son comportement et sa façon d'engager la conversation cela lui avait permit de voir que Ackerley n'en était pas un...

''On va se calmer.... Où est le gladiateur qui a tant bien que mal essayé de me remettre à ma place toute à l'heure ? C'est celui là que je veux voir et pas celui qui se tire une balle dans le pied et qui creuse sa propre tombe''

Peut-être y était-il aller un peu trop violemment tout compte fait.... Le manque de confiance s'expliquait souvent par une pression familiale et un dénigrement passé ou permanent.... C'est ce que la psy avec qui il bossait lui avait expliqué et pour contrer cette faille il était nécessaire de souligner les qualités de la dite personne...

''Ecoutez.... Vous avez des défauts mais tout le monde en a..... Rappelez vous comment Hawkins à réagit face à la mort de son fils ? Aucun réaction justement..... Ce pauvre jeune homme qui s'est retrouvé coincé sous les gravats d'une pâtisserie ne lui a même pas tirer une seule larme..... Elle n'est pas si célèbre que ça..... Vous êtes jeune, vous avez une bonne gueule, un nom accrocheur, votre programme et vos idées sont plutôt bonnes, vous dépoussiérez la politique.... Il faut vous battre et pour ça vous avez juste besoin d'avoir les bonnes armes et je suis l'une d'entre elle... Alors non vous n'êtes pas cramé... Battez-vous ! Avec moi ou un autre peu importe mais battez-vous... Il y a quelque chose à faire avec votre nom, j'en suis persuadé !''

ONGLET 1 ONGLET 2

Ce qu'il y avait de bien avec Zachary, c'est qu'il était une vraie éponge à émotions. Il avait la capacité de se relever facilement même si c'était pour continuer à recevoir des coups. Il faut dire que cette campagne fut violente. Et après, combien de fois s'était-il retrouvé à subir les remarques de son père, cassantes, humiliantes. Pourtant, cela n'entamait pas son envie. Certes, il baissait les bras, mais Cheyenne devenait la critique de trop. Il fut un piètre candidat, lamentable, laminé face à Hawkins. En même temps, il ne possédait pas la même expérience qu'elle. Et s'il se sentait aussi heurté par les mots de son interlocuteur, c'était aussi parce que jusqu'à maintenant, aucun de ses collaborateurs ne lui parlait ainsi. Il ne pouvait nier la franchise de Cheyenne, ni son énergie. Et soudain, lui revint en mémoire la superbe phrase de Cicéron, dont il était un fervent admirateur : "C'est dans l'adversité que se révèlent les vrais amis". Passionné de littérature et d'éloquence, il s'imaginait un jour arriver au niveau de cet Imperator romain. Il releva les yeux pour observer le jeune homme face à lui. Sans tomber dans le sentimental, il appréciait la main qu'il lui tendait. Certes, cette façon de faire avait quand même été cocasse. D'abord une bonne gifle, qu'il méritait, au demeurant, et puis ensuite, une épaule pour se redresser. La jeunesse avait un côté touchant, dans le sens où elle dévoilait une grand sincérité. Sa personnalité n'était pas aussi froide et blindée que Hawkins. D'ailleurs, il glissa un mot en ce sens :

- Je n'aime pas me servir de la vie privée pour attaquer les gens. On a tous notre vie en dehors de la politique. J'ai pensé lui parler de son fils, pour rétorquer, mais je n'ai pas voulu le faire. C'était bas, ça n'apportait rien au débat. Et puis, même si c'est un métier compliqué en terme de mental, ça ne justifie pas de tomber dans la boue. Je crois que ce qu'il manque cruellement en politique, c'est du débat de fond, sur les idées, pas sur les gens.

Son père lui en voulait à mort de ne pas l'avoir dézinguée pour la mort de son fils, mais Zachary détestait faire du mal aux gens. Il faisait de la politique pour la noblesse du métier, parce qu'il croyait en ce qu'il pouvait apporter. Il n'allait pas dans une arène, même s'il avait effectivement un côté gladiateur. En fait, dans ce débat, il avait été mis KO, littéralement. Il s'était relevé, pour encaisser la suite, alors que d'autres seraient partis. Et il avait aussi du gérer l'après. Assailli par les journalistes, décrié par son propre camp, tout cela l'avait affecté mais ne l'avait pas fait renoncer. Il ne gardait aucune haine, ni aucune rancoeur à l'égard de son ancienne adversaire. Il en était incapable. Il reprit sa position initiale sur sa chaise, celle du battant, motivé et énergique. Il ne devait pas se laisser aller à des turpitudes.

- Il va y avoir du travail. D'abord, je crois que je ne vais rien vous apprendre, mais je n'ai jamais été franchement coaché. Le staff précédent ne le jugeait pas nécessaire... à croire qu'ils se sont trompés. Ensuite, on m'a toujours donné sur une liste ce que je devais faire. C'est fini. La liste, j'ai envie de l'écrire, quitte à ce que nous en parlions après. Je veux pouvoir parler de telle ou telle chose parce que je trouve que c'est important, pas parce qu'il y a un fait divers dans la presse qui subitement doit devenir une affaire nationale. Et puis, je ne veux pas que mon nom soit un bagage. Hawkins a eu raison de le souligner, dans Ackerley, on voit l'image de mon père. Je veux que ça soit la mienne. Je ne veux pas que l'on m'associe à l'homme politique qu'il a été. J'insiste là-dessus, car je ne partage pas le style et la façon de faire de mon père, sachez le. Enfin, il faut que vous sachiez que je suis quelqu'un de créatif... j'ai des idées qui me viennent et je suis capable de vous envoyer un mail ou un SMS en pleine nuit pour ne pas l'oublier...

Il marqua une pause. En gros il venait d'édicter quatre règles pour que leur collaboration puisse se faire. Cheyenne ne marquant pas d'objection, Zachary poursuivit :

- Ce qui m'amène aux questions d'ordre pratiques. Avez-vous des enfants ? Pouvez-vous vous rendre disponible à tout moment ? Et puis, quelle rémunération souhaitez-vous pour compenser tout cela ? L'argent n'est pas un problème pour moi.

ONGLET 1 ONGLET 2

Si Cheyenne s'était un poil assagit dans sa façon d'exposer son projet auprès de Monsieur Ackerley s'était aussi pour lui montrer qu'il savait faire la part des choses et qu'il était conscient du potentiel de ce dernier..... Holway n'avait en effet pas envoyé sa lettre de motivation pour rien ! Oui si tout était était perdu d'avance pour le jeune candidat politique, Cheyenne n'aurait pas perdu son temps à suivre ce fameux protocole évoqué en début d'entretien..... Alors quand il insistait sur le fait qu'il était nécessaire de se battre ce n'était pas pour rien.... Zachary était en quelque sorte le jeune Clark Kent qui n'avait pas encore trouvé comment utiliser ses pouvoirs pour devenir Superman....

''J'entends.... Mais malheureusement sans pour autant vous transformer en monstre à trois têtes il faut vous montrer un peu plus pugnace.... L'attaquer sur sa famille n'est pas une bonne idée je vous l'accorde.... Du moins ce n'est pas votre job..... Je m'en occuperai pour vous si jamais je suis engagé....''

Autant Cheyenne était douée pour éviter que certaines photos fuitent dans la presse autant il excellait pour brasser la merde et faire circuler certains clichés qui pouvaient s'avérer compromettant pour un politique ou une quelconque célébrité.... N'oublions pas qu'à Holway & Associés, le jeune homme bossait avec des photographes, des journalistes, des avocats... Il avait donc toutes les ressources nécessaires lorsqu'ils cherchaient à nuire à quelqu'un....

''…. a contrario attaquez vos concurrents sur ce qu'ils ont proposés et n'ont jamais mis en place.... Ce n'est pas très difficile croyez moi... Vous êtes un gentil, on ne va pas vous le reprocher mais il faut apprendre à sortir les crocs de temps en temps et à ne pas toujours sortir votre plus beau sourire...''

Nous étions dans une époque ou un tout petit rien était rapidement source à diverses polémiques alors pour faire parler de sa petite personne il ne fallait surtout pas hésiter à frapper fort. Qu'il ne souhaite pas attaquer ses concurrents sur leur vie privée était tout à fait respectable mais disons qu'il pouvait le faire de façon intelligente mais pour l'instant Cheyenne n'allait pas non plus dévoiler toutes ses cartes....

Il l'écouta exposer attentivement exposer sa vision de sa propre politique et au fur et à mesure qu'il parlait un sourire se dessinait sur le visage de l'expert en gestion/

''J'aime ce que j'entends.... Vous pouvez être certain que je prendrai en compte vos envies, je suis là pour ça de toute façon mais je ne manquerai pas de vous dire si telle ou telle chose est mauvais pour votre carrière et vice versa..... Comme vous l'avez vu je n'ai pas la langue dans ma poche.''

Qui dit coaching dit pousser la personne dans ses derniers retranchements alors il ne fallait pas avoir peur de la critique surtout quand cette dernière avir pour but d'être constructive.

''Mes honoraires de départ sont de 4 8000 NZD par mois.... En terme de disponibilité mon portable est toujours allumé et les week-ends ont pour moi une toute autre signification que la majorité des gens vivant sur cette planète..... Je ne suis pas le genre à compté mes heures.... Par contre quand je suis en OFF je suis en OFF... Ne vous attendez pas à ce que je débarque dès qu'on me sonne si j'ai mieux à faire.... Je ne suis pas non plus le toutou qu'on siffle... Mais j'ai pour habitude de mener à terme mes contrats... Mon compagnon a un fils et son emploi du temps lui permet de gérer la vie de famille.... Mais nous ne sommes pas là pour parler de moi. Affaire conclue ?'' dit-il en tendant sa main une seconde fois.

ONGLET 1 ONGLET 2

Attaquer les gens sur leur vie privée, ça n'était pas du tout le genre de Zachary. Et il n'était pas trop chaud à l'idée de laisser quelqu'un de son staff s'en charger. Il se souvenait des méthodes utilisées par son père. Le vieux Ackerley n'était pas un enfant de choeur. Il payait des prostituées grassement pour qu'elles colportent des rumeurs sur ses adversaires. Il allait même jusqu'à payer des privés pour récupérer des informations compromettantes, des scandales financiers, des adultères, des vices personnels. Combien de fois le jeune Zachary avait vu défiler des dossiers... Un jour, piqué au vif dans sa curiosité, il avait regardé le contenu de ceux-ci. Il avait refermé aussitôt qu'il vit les photos. Cela l'avait marqué. Voir un vieillard dans le plus simple appareil, attaché à des sangles en cuir par des maîtres sadiques, forcément, on pouvait ressortir choqué. Il n'en demandait pas tant. Il comprit néanmoins ce jour là qu'il ne ferait jamais ce type de choses. Bien trop honnête pour ça, bien trop naïf, sans doute. Dans cette guerre perpétuelle de l'image, il fallait parfois se salir les mains. Peut-être parviendrait-il à le comprendre, un jour. Pour l'instant, il n'aimait pas beaucoup l'idée que son futur conseiller en communication puisse prendre ce genre d'initiative de par lui-même. Mais il y reviendrait plus tard. Le contrat n'était pas encore signé. Il se montra particulièrement attentif à ce qu'il expliquait, notamment à la rémunération et sa disponibilité. Il ne voulait pas un chien docile, il préférait un félin capable de prendre son temps et de se rebiffer, si jamais il en éprouvait la nécessité. En cela, Cheyenne collait parfaitement au profil, à un détail près... majeur. Sa dernière confidence fit tiquer Zachary. Il avait bien dit "son compagnon". Quel gâchis qu'il ne soit pas célibataire... mais non ! Il secoua la tête pour se reconcentrer. Son père n'allait jamais accepter de payer un gay... jamais. Zachary regarda la main tendue, sans la saisir. Il reprit la parole :

- N'allons pas trop vite en besogne, Monsieur Holway.

Il n'avait rien contre son homosexualité, mais c'était son père qui finançait et il devait bien en tenir compte à un moment ou à un autre. Il joignit les mains et parla d'un ton neutre :

- Je vous offre 65 000 NZD par mois, avec les conditions suivantes. Tout d'abord, je persiste et je signe, je ne touche pas à la vie privée des gens. C'est la même chose pour mes collaborateurs. Par conséquent, vous ne ferez rien qui pourrait contrevenir à cette règle. Dans le cas contraire, notre collaboration prendrait fin de façon immédiate. Même si je suis en position délicate et que vous pensez bien faire. Je préfère perdre que d'avoir utilisé des méthodes ordurières, que je n'approuve pas. Je tiens à ma conscience, plus qu'à ma carrière, Monsieur Holway. Cela va peut-être vous surprendre mais c'est comme ça. Ensuite, je ne vous demande pas une disponibilité de tous les instants. Je respecte votre vie personnelle. Je souhaite simplement vous avertir sur le faire que vous devriez mettre votre téléphone en mode "Ne pas déranger", passé une certaine heure. Pour éviter que je ne vous importune.

Il esquissa un sourire. Il se connaissait. Des fois, dans le feu de l'action, il passait un coup de fil sans faire attention à sa montrer. Combien de fois avait appelé Gabriella pour lui parler de sa dernière idée du siècle à 4h du matin ? Il ne comptait plus, mais trop, sans doute ! Son sourire s'effaça lentement. Il restait un dernier point et pas des moindres.

- Enfin, il y a un détail et non des moindres qui pourrait coincer. Vous êtes libre de mener votre vie comme cela vous chante, mais cela doit rester privé. Les gens ne doivent pas savoir que vous êtes homosexuel, surtout pas ceux qui nous financent. Ce ne sont pas des défenseurs de la tolérance. Mais sans eux, je ne suis rien. Je ne vous juge pas et à titre personnel, cela ne me pose aucun problème. Mais je vous demande un motus absolu. Si toutes ces conditions vous conviennent, alors, deal.

Ce fut à son tour de lui tendre la main, pour sceller leur accord. Il espérait que Cheyenne comprenne et accepte. Sinon, il était très très mal... Il ne pouvait pas se permettre d'attendre encore trois mois pour espérer dégotter un candidat. D'autant que là, il en prenait conscience à mesure que le jeune homme parlait, il tenait une véritable pépite entre les doigts.

ONGLET 1 ONGLET 2

Cheyenne ne voyait pas l'utilité d'en dire davantage sur sa vie privée, il n'avait rien à cacher mais dans le cadre professionnel pourquoi raconter ce qu'il faisait de son temps libre et avec qui il le faisait ? Ça ne servait pas à grand chose.... D'ici quelques semaines et s'il était embauché par Ackerley probablement que sa langue se délierait histoire de rendre les réunions un peu moins pompeuses et un peu plus légères mais Holway partait du principe que le privé devait restait privé. Après répondre aux questions pratiques comme ce fût le cas par rapport à sa disponibilité et au fait qu'il ait des enfants aucun soucis vu que cela avait un impact dans le boulot mais n'allez pas croire que Cheyenne allait parler du dernier film qu'il était aller voir au cinéma....

Venant d'exposer ses ''maigres'' exigences, l'expert en communication attendait maintenant la réponse de celui qui serait peut-être son nouveau client. Il espérait que l'issue lui soit favorable car mine de rien l'occasion de pouvoir décrocher un contrat avec un politique était très rare.... Quand un staff existe déjà, personne ne souhaite en changer sauf cas de force majeure.

Les conditions de Zachary étaient beaucoup plus nombreuses ce qui était normal sachant qu'il payerait la facture.... En soit tout ce qu'il demandait était classique, rien d'exceptionnel.... Encore une fois, le fait de ne pas s'attaquer à la vie privée des autres prétendants s'avérait dommage mais tant pis Cheyenne trouverait d'autres moyens sommes toutes ''ordinaires'' pour nuire aux concurrents de son client.

''Je m'attendais à ce que ce point soit abordé de toute façon.... Je suis venu en connaissant le terrain.... Je sais très bien que votre père à des idées très arrêtées sur l'homosexualité, les personnes noires et autres minorités.... Je sais aussi que vous n'avez pas la même vision des choses tout du moins pas de façon aussi extrême.... Maintenant vous n'y êtes pour rien... Comme le dit l'adage, on ne choisit pas sa famille.'' On ne pouvait malheureusement pas empêcher les gens d'avoir leurs idées. Pour autant Cheyenne laissait ça de coté ! Bien qu'il soit amené à bosser pour les Ackerley, il ne travaillait pas pour le patriarche.

''Ma vie privée n'interférera pas dans notre collaboration. Votre père et les autres membres de votre famille ne sauront rien de mes préférences... Je n'en parlerai pas... Alors, deal. Vu les honoraires que vous me proposez, ce serait crétin de refuser.... Je tenais aussi à préciser que je ne fais pas ça pour l'argent.... J'ai d'autres ambitions...'' dit-il en souriant. L'affaire était conclue et ceci pour son plus grand plaisir.

L'expert en communication n'était pas née de la dernière pluie, il savait très bien que dans la politique tout comme dans le sport le fait d'être gay était très mal vue.... Alors même si en temps normal, il ne se cachait pas, il pouvait éviter d'aborder ce point de sa vie lorsqu'il se trouvait au QG.

''Du coup, nous n'avons qu'a nous mettre au travail dès maintenant.... A moins que vous ayez autre chose de prévu... Il serait déjà judicieux de changer les photos de vos différentes affiches de campagnes. Oublions ce coté un peu trop désuet, on a l'impression de voir votre père à votre âge... Mêmes couleurs, slogan quasi-identique, il faut changer tout ça d'autant plus si vous cherchez à vous faire votre propre nom....''

ONGLET 1 ONGLET 2

S'entendre dire que l'on ne choisissait pas sa famille mettait du baume au coeur de Zachary. Depuis sa tendre enfance, il n'avait jamais été dissocié de sa famille. Il essayait de rentrer dans le moule qu'on lui avait construit, pour faire plaisir à sa mère et ne pas provoquer de vagues. En réalité, il détestait le conflit, il préférait renier ce qu'il était pour éviter de briser ce lien familial. Il ne faisait aucun doute que le jour où son homosexualité serait connue des Ackerley, il deviendrait un véritable punching ball. Il ne se sentait pas prêt à cela, encore moins à couper les ponts avec ses parents. En dépit des tensions avec son père, et de la froideur des autres, il les aimait. On n'a que deux parents, précieux et uniques. Il ne voulait pas les décevoir, il les respectait et éprouvait pour eux de la tendresse, un sentiment "ovni", il fallait bien le dire. Le constat restait le même. Depuis des années, il ne vivait ni sa vie, ni sa carrière, il la subissait. Et ce moule, soit-disant taillé pour lui, ne lui convenait pas, en vérité. Il n'était pas aussi conservateur que les autres. Le mariage gay, l'avortement, l'adoption pour les couples homosexuels, il trouvait ça normal, moderne, ancré dans les moeurs. Dans la société, il existait deux forces, celles qui luttaient pour préserver des traditions anciennes et celles qui luttaient pour évoluer. Il comparait souvent la politique à la théorie du chaos. Le Yin et le Yan. Le passé et le futur. Avancer et reculer. Au final, s'il se montrait plus modéré, ce n'était que parce qu'il pensait qu'on pouvait conjuguer le libéralisme avec une ouverture sociétal. Comment prôner la liberté de l'argent, sans mettre en avant celle de l'individu ? Il s'agissait d'un contresens absolu. Jusqu'à présent, il tâchait de faire le dos rond, mais la dissonance restait audible, surtout dans les interviews qu'il avait pu donner. Son nouveau directeur de communication l'avait remarqué et sans qu'il n'ait besoin de le dire. Il était donc observateur, attentif et Zachary comprit qu'avant de se proposer, il l'avait étudié, analysé, pour maîtriser son sujet. Cela le gênait, au fond, d'avoir été scanné ainsi, passé au crible, par un parfait inconnu, mignon de surcroît. Savait-il qu'il était gay ? L'avait-il deviné ? Mystère...

Le moins que l'on pouvait dire, c'est que Cheyenne ne perdait pas de temps. Il n'avait même pas signé son contrat qu'il s'investissait déjà à fond dans sa mission. Zachary regarda les affiches de campagne qu'il avait fièrement mis sur les murs de son bureau, en pensant qu'elles étaient exceptionnelles. Aussi, quand Holway les critiqua vertement, il fut déstabilisé. Il écouta les arguments et finit pas hausser les épaules, avec un rire un peu forcé :

- Eh bien... à vrai dire... on m'a demandé de poser comme ça, de porter ses vêtements là... et de sourire. J'ai fait ce que l'on m'a dit. C'est dommage, je les aime bien ces affiches. Je trouve qu'elles sont belles... Il n'y a vraiment rien à en tirer, vous êtes sûr ?

Il les regarda à nouveau. Le téléphone se mit alors à sonner. Il s'excusa et décrocha. C'était son père... il parlait sèchement et fort, si bien que Cheyenne pouvait facilement l'entendre.

- Tu peux me dire ce que tu fais avec cette association pour négros là ?

- Bonjour, Père.

- Tu es devenu complètement dingue ! Qu'est-ce que tu prends de leur faire une chèque ?

- Ils font vraiment quelque chose d'intéressant pour la sécurité dans les quartiers, ils font des activités et ils...

- CE SONT DES VOYOUS !!! DES GANGSTERS !!! Bon sang de bois, Zachary, je ne laisserais pas mon argent financer cette horreur ! Leur place est en taule, nulle part ailleurs ! Ou dans leur jungle ! Tu n'es vraiment qu'un incapable et un crétin !

- Mais je...

- J'ai fait opposition au chèque ! Ne t'avise plus jamais de faire un don à une association sans mon accord !!! Sinon, je te jure que je t'envoie à l'armée jusqu'à ta retraite !

Un clac bruyant indiqua qu'il avait raccroché. Zachary en fit de même, le visage fermé. Il se doutait que Cheyenne avait tout entendu... Il y eut un moment de silence, qu'il finit par rompre, défait :

- Voilà qui ne va pas vous faciliter la tâche... il y a fort à parier que cela fasse un beau scandale... Je suis désolé...

Il ne savait pas encore comment gérer cela, mais Cheyenne aurait sans doute un conseil à lui donner. Peut-être que ça n'était pas plus mal que le chèque ne puisse pas être encaissable. Dans cette famille, on gérait tout par l'argent. Zachary ne faisait pas exception, il pensait bien faire, en finançant, mais il n'avait aucune idée de ce que valaient ses 15000 dollars... Il n'avait jamais bossé de sa vie, véritablement. La Maire Hawkins ne l'avait d'ailleurs pas raté, en affirmant, avec raison, qu'il était né avec une cuillère en argent dans la bouche. Et si son père venait de lui offrir un plateau, un nouveau départ ? Si, au lieu de faire un chèque, il allait à la place se retrousser les manches pour aider les bénévoles ? Voilà une idée révolutionnaire, qu'il n'eut même pas. Il changea littéralement de sujet, pour essayer de montrer que lui aussi, il avait des idées.

- Vous le savez peut-être, mais je suis fiancé et j'aurais voulu faire une campagne de communication là-dessus. J'ai préparé un scénario, un clip, que je voulais faire réaliser et diffuser sur les chaines de télévision, en vue de la campagne pour les législatives. Je crois qu'il est bon de rassurer mon électorat, en donnant une image, disons traditionnelle et normal. Regardez, et dites-moi ce que vous en pensez.

Il lui donna ce qu'il avait préparé. Sa façon de le présenter était très maladroite, mais il n'y avait ni haine, ni volonté de blesser dans ses paroles.

ONGLET 1 ONGLET 2

Les premières conditions étaient maintenant posées, il y en aurait surement tout un tas d'autres qui viendraient s'agrémenter au fur et à mesure de leur collaboration mais à l'instant T, les deux hommes allaient pouvoir commencer à travailler sur de bonnes bases ! Cheyenne allait donc se consacrer corps & âmes à son nouveau client et ceci dès aujourd'hui... Pour autant, il ne laisserait pas tomber les engagements qu'il avait pris avant sa rencontre avec Zachary mais il est certain qu'Holway n'hésiterait pas à déléguer certaines tâches au reste de son équipe en qui il avait une totale confiance..... C'était aussi ça qui faisait le succès d'Holway & Associés, le fait de pouvoir compter sur les uns et les autres peu importe la situation, peu importe le client..... Tout le monde savait exactement quoi faire pour solutionner tel ou tel problème ou pour aider telle ou telle personne...

Bref, Cheyenne venait de soulever un premier point et pas n'importe lequel, à savoir celui de l'affiche de campagne ! Ce n'était pas qu'une simple photographie ! Au contraire, cette image serait celle que les électeurs verraient pendant des mois et des mots alors autant bien la choisir et autant tout faire pour qu'elle soit agréable autant sur la forme que sur le fond. ''Si... Le fait que vous soyez dessus relève le niveau.... Vous êtes photogénique et ça c'est très bien.... Mais pour le reste ce serait vraiment bien de tout revoir.... Vous pouvez très bien porter des vêtements un peu plus modernes sans perdre le coté chic et sérieux... Pour ça aussi je peux vous aider...'' Il s'apprêtait à continuer lorsque la sonnerie du téléphone portable de son client le coupa dans son élan. Ce n'était pas compliqué de suivre la conversation tant la personne au bout du combiné parlait fort....

La réputation du patriarche n'était plus à faire mais l'entendre vociférer tant de haine vis-à-vis d'une culture était tout de même choquant ! Holway savait très bien que cet odieux personnage avait des idées ''d'un ancien temps'' mais jusqu'à aujourd'hui il n'avait pas eu le loisir d'assister à tout ça en direct live ! Heureusement que ce dernier n'était pas dans la même pièce que lui sinon l'expert en relation publique se serait autorisé à exprimer le fond de sa pensée, ce qui lui aurait probablement couté sa place..... Disons que Cheyenne avait vraiment du mal avec les gens qui s'en prenaient aux minorités quelle qu'elle soient...

''Vous n'avez jamais pensé à lui dire de se taire ? Et encore je pèse mes mots.... Je vais gérer au mieux ce problème ne vous en faites pas.... Ce que je remarque depuis toute à l'heure c'est que peu importe le point qu'on aborde l'ombre de votre père est toujours au dessus de vous.... La preuve avec ce qui vient tout juste de se passer.... Il vous met des bâtons dans les roues.... Peut-être sans le vouloir mais toujours est-il que son comportement, ses choix ont un impact négatif sur votre image.''

Si il s'autorisait à parler ainsi c'est parce qu'il avait compris qu'entre le père et le fils ce n'était vraiment le grand amour.

''Quoi qu'il en soit et bien que je n'ai pas envie de le défendre.... Il n'a pas tord sur tout.... Ne dépensez pas votre argent de cette façon.... Ne sortez pas vos billets pour aider toute la Nouvelle Zélande.... On abordera tout ça plus tard.''

Dans sa têtes les idées fusaient mais il lui faudrait prendre le temps de la réflexion pour choisir la meilleur. Pour réussir, Zachary devait faire parler de lui (en bien), se montrer, participer à des évènements organisés par la ville, aider telle association..... Cheyenne allait donc prendre le temps de lui préparer un programme digne de ce nom de façon à le ''peopoliser'' un peu.

''Allons-y.'' dit-il en souriant. Non, il n'était pas blessé par les termes ''traditionnelle et normal''. Holway savait très bien ce que son client cherchait à dire en utilisant cette tournure de phrase

''J'aime beaucoup ! Je me trompe où votre père n'a pas mit son grain de sel dans cette petite vidéo ? Là, j'ai l'impression de voir qui vous êtes vraiment. J'ai un petit peu de mal avec la musique mais c'est un détail sans grande importance. Le reste est parfait et si je peux me permettre votre femme est magnifique. Il faut vous montrer comme ça désormais..... Les gens aimeront..... Moi le premier..''

ONGLET 1 ONGLET 2

Photogénique. Ce mot, si simple, lui fit pourtant plaisir. A vrai dire, on ne le lui avait jamais dit, encore moins son père qui le trouvait idiot, benêt. Il ne ratait jamais une occasion de le rabaisser. Certaines fois, Zachary se demandait pourquoi. Il ne comprenait pas cette propension à l'humilier en permanence, comme s'il craignait qu'il ne lui vole sa réputation. Néanmoins, après la conversation houleuse avec son paternel, quand Cheyenne lui demanda s'il n'avait jamais eu envie de le faire taire, Zachary se sentit mal à l'aise. Dans la mesure où c'était lui qui payait les factures et qui lui permettait de vivre, il ne valait mieux pas s'en faire un ennemi. D'ailleurs, le tout nouveau coach ferait bien de ne pas faire de vague, parce que le vieux Acklerley n'était pas connu pour être aimable et humain. Il avait viré des gens comme des malpropres, en les faisant pleurer à chaudes larmes. On ne plaisantait pas chez lui, il avait un côté très autoritaire qui empêchait tout familiarité. En définitive, peu importait qu'il lui mette des bâtons dans les roues. Il avait le pouvoir, c'était tout ce qui comptait. Il fallait oublier toute velléité de rebellion. Et quand Cheyenne enchaina en lui conseillant de ne pas dépenser son argent, il fut encore plus surpris. Il y reviendrait peut-être mais pour lui, et sa vision candide jouait pour beaucoup, il n'y avait aucun mal à donner puisqu'il avait de l'argent ! Bon, d'accord, il ne s'agissait pas du sien à proprement parler, mais de celui de son père. N'empêche, il avait quand même le droit de soutenir une association ! Il ne comprenait pas pourquoi c'était négatif en terme d'images. Leur attention se porta sur le projet que Zac avait fait. Il n'était pas serein... est-ce que Cheyenne allait aimer ? Il scruta son visage, concentré. A un moment, il crut déceler un froncement de sourcils. Finalement, quand la vidéo fut terminée et qu'il reprit la parole, ce qu'il dit le soulagea complètement.

- Mon père n'est pas au courant de ce projet, non. Mais je pense que ça lui plaira, c'est dans le ton de ce qu'il aime... traditionnel... tout ça. Pour la musique, je vous avoue que je ne suis pas un spécialiste, c'est loin d'être mon fort ! En fait, j'ai souvent des difficultés à trouver les bonnes mélodies. Après, si vous avez une idée, je ne crache pas dessus ! Merci pour Gabriella. C'est une grande amie... enfin je veux dire, c'était une grande amie... avant nos fiançailles. Euh... c'est toujours une amie... bref, vous m'avez compris !

Zachary s'était rattrapé in extremis. Un peu plus et il se vendait. Il fallait qu'il fasse attention, à l'avenir. Ce serait con de casser cette image fausse de futur marié hétérosexuel. Il changea rapidement de sujet :

- Je suis content qu'elle vous plaise ! J'ai hâte qu'elle soit publiée ! Il faudra peut-être arranger certaines choses mais je vous laisse vous en charger, les finitions, tout ça, c'est votre travail maintenant pas vrai ?

Il lui fit un large sourire. Il fouilla dans la poche de son veston et en sortit un paquet de cigarettes. Il en prit une, qu'il pinça machinalement à ses lèvres puis il l'alluma, afin d'en tirer une bonne bouffée. Afin de ne pas trop gêner Cheyenne, il se leva et se dirigea vers la fenêtre, près de laquelle il se cala. Maintenant que le projet était sur les rails, Zachary voulait revenir sur quelque chose qui l'avait troublé. Entre deux lattes, il demanda :

- Vous m'avez dit tout à l'heure que je ne devais pas dépenser mon argent pour des associations. Je ne comprends pas trop pourquoi. Je veux dire, j'ai de l'argent. Je n'ai qu'à claquer des doigts et je peux en financer une. Mon père m'a toujours dit que l'argent permettait d'avoir plein de choses et que les associations étaient celles qui en avaient le plus besoin. Bon, il aurait voulu que je finance une association anti-avortement... c'est sûr... Mais pourquoi ne pas donner un peu d'argent à la caserne de pompiers, ou au commissariat ? Ils ont besoin de moyens, j'en ai. Autant en profiter non ?

La réalité, c'est que Zachary n'avait aucune notion de l'argent ni de ce que cela impliquait. Pouvait-on le lui reprocher, lui qui avait grandi dans le luxe, éduqué à grand coup de leçons capitalistes ? Non, c'était évident que non. Pourtant, c'était probablement sa plus grande faille, car cela le déhumanisait complètement et l'amenait sur la même voie que son paternel. A la différence près, c'est qu'il n'avait pas le même caractère borné, aigri et mauvais que son père. Cheyenne allait donc pouvoir en faire quelque chose.

ONGLET 1 ONGLET 2

En toute objectivité, il fallait bien reconnaître que Zachary Ackerley était plutôt beau garçon ! Oui Cheyenne le trouvait à son goût c'est certain mais ce n'était pas que ça.... Le candidat à politique avait ce petite quelque chose qui fait qu'on se retourne dans la rue ou qui retient l'attention de telle ou telle personne... Après soit on aime, soit on aime pas mais on ne pouvait nier le fait que son physique n'était pas ''passe-partout''.

Complimenter l'un de ses clients n'était pas une technique d'approche pour Holway ! Disons qu'il n'était pas là pour brosser les gens dans le sens du poil et dire ce que les gens aimeraient entendre pour se sentir bien dans leur tête, non Cheyenne ne mangeait pas de ce pain là mais en de très très rares occasions il fallait bien reconnaître qu'une gentille parole pouvait débloquer certains nœuds et faire avancer la situation.... Mais jamais ô grand jamais le conseiller en image ne dirait le contraire de ce qu'il pensait.....

''Je demanderai à l'un de mes associés pour la musique..... C'est un accro à l'informatique qui bidouille des sons sur son ordinateur une bonne partie de la journée... Il arrivera à vous faire quelque chose d’impeccable et de TRADITIONNEL qui collera aux images que vous avez choisis de vous et je cite ''votre amie''....'' dit-il non sans se moquer légèrement. ''Mais oui je vous ait compris....''

La naïveté de son client ou plutôt son coté ''je cherche à bien faire'' le poussait à sourire et à se montrer un tout petit peu moins sérieux qu'à son arrivé. Perturbant ! Cela sous entendait aussi que Cheyenne se sentait à l'aise ce qui dans une telle collaboration n'était au final pas plus mal ! A contrario et c'était là tout le problème ce trait de caractère pouvait être à frein dans sa carrière.... En voulant choisir les bons mots, les bonnes tournures de phrases on pourrait reprocher à Ackerley un manque de confiance en lui, un manque de naturel, il faudrait donc travailler sur ça.... Mais pas aujourd'hui ! Chaque chose en son temps ! Ca ne servait à rien de lui en mettre plein la gueule dès le premier jour si ce n'est le démotivé complètement et le rendre encore plus hésitant qu'à l'accoutumé.

''C'est mon job' oui ! La décision final vous appartiendra mais je m'occupe de boucler tout ça ! Il faudra aussi qu'on organise un rendez-vous avec votre femme.... Son image est aussi importante que la votre...''

Les bases semblaient être posées ! Chacun savait ce qu'il avait à faire pour ne pas marcher sur les plates bandes de l'autre... A voir si ça tiendrait sur le long terme mais il fallait espérer.... Par le passé Cheyenne avait déjà cassé des contrats à cause de certains clients qui ne lui laissaient aucun marche de liberté.... A quoi servait-il dans ce cas là ? Encore une fois, ce n'était pas dans sa nature de mettre son poing dans sa poche et de s'écraser.... Il préférait tout arrêter plutôt que d'aller contre ses principes ! Choix difficile à faire mais au moins il conservait son intégrité et ça c'était le plus important pour lui.... Aussi paradoxale que ça puisse être un sale caractère permet parfois d'accroitre une ''bonne réputation'' surtout dans ce genre de profession...

''Non... On ne s'est pas comprit..... Je ne dis pas qu'il ne faut pas donner.... Loin de là.... Au risque de me répéter, dans la politique tout est basé sur l'image... Chaque choix, chaque mot sera décortiqué par les médias et par vos concurrents....'' Ce qui n'était pas toujours évident ce qu'il ne fallait pas réfléchir comme une personne lambda mais plutôt comment la presse et la concurrence allait analyser les choses dans une époque ou tout était prétexte à polémique et à critiques... ''Donner mais sans l'impression de jeter l'argent par les fenêtres... Apprenez par exemple à ce que coute réellement une boite de six œufs...'' Nouvelle référence à son débat compliqué avec Madame le Maire Hawkins. ''Les gens qui vont potentiellement voter pour vous on parfois du mal à manger dignement jusqu'à la fin de mois et s’endettent pendant des années pour avoir une maison et une voiture... Alors si ces mêmes personnes voient que pour vous lancer la construction d'un hôpital entier revient pour eux à faire leurs courses au supermarché du coin ça risque de faire grincer des dents...'' Oui c'était difficile à comprendre et pourtant cette nuance était très importante....

''Pour plaire au ''peuple'' il faut se mettre à leur niveau... Mais on va y arriver croyez-moi.'' dit-il en s'autorisant à poser sa main sur son épaule. Un simple geste d'encouragement, de soutien, rien de plus, rien de moins... ''Vous allez devenir un grand, j'en suis persuadé. Il faut juste penser électorat et non Papa Ackerley''

ONGLET 1 ONGLET 2

Cet entretien s'avérait décidément très riche et très constructif. Ackerley ne regrettait pas d'avoir lancé cette annonce, de lui-même. Le fait de ne pas devoir recevoir l'aval de son père, pour tout ça, lui apportait une certaine sérénité. Il restait maître de son choix, pour une fois. En quelques mots, quelques minutes, Holway l'avait convaincu. Une nouvelle relation commençait, professionnelle, basée sur le dynamisme car on ne pouvait pas retirer ça à son nouveau directeur de communication ! Tout allait pour le mieux. Enfin... presque... car Zachary ne s'attendait clairement pas à ce que Cheyenne ramène l'histoire de la boite d'oeufs sur la table. L'allusion le piqua d'autant plus au vif que ça lui rappelait une douloureuse expérience, une humiliation dont il ne cessait d'entendre parler depuis. Ses frères ne manquaient pas de lui dire d'apprendre à se faire une omelette dès qu'il les croisait. Certes, c'était pour rire, pour le taquiner, mais l'épisode restait bien trop frais pour qu'il relativise. Vexé, il répliqua, perdant ses nerfs comme lors du débat :

- Quand les gens vont voter, ce ne sont pas des oeufs qu'ils vont mettre dans leur enveloppe, à ce que je sache ! Tout le monde se fout du prix des oeufs ! C'est complètement démagogue de prétendre le contraire !

Sans s'en apercevoir, il avait levé la voix et il avait crié. Ses mains tremblaient, signe que cette histoire d'oeufs l'affectait profondément, bien plus que ce que l'on pouvait imaginer. Il s'agissait d'un traumatisme dont il mettrait longtemps avant de se guérir. Cheyenne, lui, ne s'était pas départi de son calme et il poursuivit son argumentaire, apportant avec pragmatisme un autre éclairage sur la réalité. Zachary était poli, de nature, et à l'écoute, aussi il tendit l'oreille, analysa chaque mois, les assimila. Il tremblait toujours, parce que son interlocuteur n'allait pas dans son sens. Mais il argumentait, il expliquait, donnant un point de vue non partisan, juste factuel. Zachary avala difficilement sa salive, il avait écraser son mégot dans le cendrier, un peu brutalement. Son côté soupe-au-lait, ça faisait partie de son caractère, Cheyenne allait devoir composer avec, et s'armer d'un peu de patience, car si son patron disposait d'une capacité d'adaptation impressionnante, il avait du mal à se terrer derrière une carapace. Une remarque pouvait donc avoir un impact complètement imprévue sur lui, sur son affect. Il y eut un silence. Zachary sortit fébrilement une autre cigarette, qu'il alluma. Il pouvait en fumer une dizaine d'affilée quand il repensait à ce débat contre Hawkins. La voix peu assuré, il tenta de se justifier :

- J'essaie de faire de mon mieux... je n'ai aucune idée de combien coute six oeufs... j'ai des domesti... des employés qui font les courses pour moi... je ne peux pas faire semblant... et puis... j'essaie d'aider, moi... c'est tout... je peux le faire, je veux le faire... sinon à quoi tout ça me sert ? J'ai conscience que je suis un privilégié, on ne manque jamais de me le rappeler, mon père le premier... mais qu'est-ce que je peux y faire ? Je ne vais quand même pas faire semblant d'être pauvre ! Je... bref... de toute façon, le chèque est annulé... alors...

Il vivait ça comme un échec personnel. Cheyenne allait avoir beaucoup de travail à faire sur ce plan là, non pas à cause du fait qu'il se vexait vite, mais parce que Zachary était convaincu de bien agir. Ses intentions n'étaient pas mauvaises, il ne donnait pas par intérêt, il avait une grande sincérité dans son geste. Seulement, personne ne voulait la voir, encore moins les journalistes, qui évoquaient des magouilles pour acheter des voix. Une attaque reprise par le camp adverse, qui ne le ratait pas. Il vivait cela comme une profonde injustice. Il soupira et lâcha :

- De toute façon, quoi que je fasse... je suis coupable... parce que j'ai de l'argent... c'est comme ça depuis le début...

Il sentit la main de Cheyenne sur son épaule et cela le troubla. Sa paume chaude offrait un contact agréable à travers sa chemise. Il ne put s'empêcher de lever les yeux vers lui et de se perdre dedans. Il s'engouffra dans ses iris, émerveillé par la couleur de ceux-ci, comme s'il partait en voyage, dans une destination paradisiaque. Cela dura quelques instants. Il se rendit vite compte qu'il perdait pied et se reprit en se levant. Il feignit de se jeter un oeil à la fenêtre. Son coeur battait fort sus sa poitrine. Sans qu'il ne puisse expliquer pourquoi. Continuant de fumer, il se tourna vers Cheyenne et reprit la parole, en fuyant son si beau regard :

- Le plus simple, c'est que je vous demande avant d'envisager un don... au moins, je sais que vous aurez la franchise de me dire s'il s'agit d'une bonne ou d'une mauvaise idée. Je ne sais pas si je deviendrais un grand... je veux simplement être moi... pas à l'image de mon père, juste moi-même. J'aimerais que les gens arrêtent de me regarder pour ce que mon nom inspire... qu'ils me regardent pour la personne que je suis...

Il y avait quelque chose de touchant dans ce qu'il disait. Il fallait bien l'admettre, Zachary donnait envie qu'on lui fasse un gros câlin. Mais déjà de cette main sur son épaule l'avait perturbé et que ça l'avait troublé... Cheyenne avait peut-être noté ça... difficile de passer à côté, en même temps...

ONGLET 1 ONGLET 2

Cette collaboration risquait d'être très intéressante dans le semaines à venir car rien était joué d'avance ! Chez Zachary il y avait absolument tout à construire, le candidat aux élections était un peu comme un bloc de pierre qui se transformerait en une gigantesque et imposante statue d'ici quelques temps..... Relever un tel défis motivait réellement Cheyenne.... Il y passerait forcément beaucoup de temps mais le jeu en valait la chandelle !

Le fait qu'ils ne soient pas tout le temps d'accord sur tout n'était pas non plus un problème, il était au contraire importante d'assumer ses positions, d'assumer ses actes, c'est ce qu'on attendait d'une personne qui prend le pouvoir après tout..... ''On s'en moque de combien coute une boite de six œufs..... Ce qu'il fallait retenir dans tout ça c'est la valeur de l'argent.'' Son client avait été piqué au vif est tant mieux ! Les critiques constructives font avancer c'est une certitude.... Toujours est-il que Cheyenne n'avait pas voulu blesser l'homme qui se tenait en face de lui....

Les justifications d'Ackerley étaient très justes ! Bien évidemment que son discours sur la volonté d'aider les autres était plaisant.... On allait pas reprocher à quelqu'un de vouloir aider son prochain d'autant plus à notre époque.... Le problème c'est que lorsqu'on convoitait la place de Maire et peut être viser un rang beaucoup plus important par la suite il fallait être mesuré....

''Sans aucun jugement de ma part, je ne vais pas vous reprocher d'être née avec une cuillère en or dans la bouche... On ne vous demande pas de vous excuser d'être riche.... Un Maire pauvre ça n'existe pas, un président non plus.... Mais l'électeur de base n'a pas forcément eu autant de chance que vous.... Vous en êtes encore au stade de ''je dois convaincre mon public'' alors on va tout faire pour vous rendre un peu plus accessible et on va y arriver. Je vous demanderai juste de ne pas vous foutre de certaines de mes idées.... Certaines risque de vous surprendre... '' Inutile de préciser qu'un gros travail attendait les deux hommes sur ce point ! Ayant un peu l'impression de tourner en rond, Cheyenne ne voyait pas l'utilité d'en rajouter plus aujourd'hui.... Ils y reviendraient plus tard avec des idées plus concrètes....

C'est a cet instant que leur regard se croisèrent, ça ne dura pas très longtemps mais il venait clairement de se passer quelque chose.... Le fait de se faire confiance sans doute.... C'était difficile à dire tellement cela avait été bref et intense.... Faut dire aussi que Zachary se confiait à lui sans aucune retenue ce qui rendait l'ambiance assez particulière. Holway mettait donc ce ''trouble'' sur le compte de l'émotion.

''Je suis là pour vous conseillez alors aucun problème. Je vous promets que d'ici quelques mois on ferra la différence entre vous et votre père.... Je vous le promets.'' Il se répéta volontairement pour marquer le coup. ''On va en rester là pour aujourd'hui....Je vais commencer à bosser sur quelques stratégies.... Je vous présenterai ça lors de notre prochain rendez-vous. Merci de m'avoir accordé du temps.... Je suis content qu'on puisse bosser ensemble... Sincèrement'' conclu t'il en lui serrant la main avant qu'on vienne le chercher pour le raccompagner jusqu'à sa voiture.

ONGLET 1 ONGLET 2