Running after the dog. -Marty & Juliet-

Me retrouver sans Aubrey au quotidien n’est pas facile. Je dirais même que ça fait mal, chaque fois que j’y pense. Nous avons été colocataire tellement longtemps que la vie en solo, dans sa propre grande maison est déboussolante. Sauf que je n’ai pas trop eu le choix. Je voulais rester en Nouvelle-Zélande et ma meilleure amie éprouvait le besoin de rentrer à Londres après autant d’années loin de l’Angleterre. J’ai respecté son choix et je ne vais certainement pas revenir en arrière et douter une énième fois de ma décision. Je dois aller de l’avant. Me relever de cette perte bien trop grande pour un seul homme, il me semble. Par chance que j’ai toujours mes chiens. Celeste et Lucifer ont eux aussi souffert de l’absence d’Aubrey sauf qu’après quelques semaines ainsi, les voilà qui ont retrouvés leur caractère d’origine. La première avec son nez de berger allemand curieux collé contre le sol en permanence. Le second avec sa grosse tête blonde de golden retriever qui regarde absolument partout et tire constamment pour me pousser à courir. Non, je ne compte pas le libérer. Pas ici, en tout cas. C’est en regardant au loin que je constate un chien courir à vive allure sur ses courtes pattes. Je reconnais la race de l’animal pour en avoir déjà vu avant. Sauf que j’ai l’impression que celui-ci est en train de se sauver de quelque chose. Ou de quelqu’un. Je m’élance donc dans sa direction, mes deux grosses bêtes me suivant sans discuter. Lucifer remarque toutefois ce que je suis en train de faire et il semble comprendre. Il s’élance au point où je ne peux pas le suivre. Il est un grand doux, il ne fera pas mal au corgi en fuite. Je libère donc le blond qui s’élance vers l’avant. Je ralentie de mon côté, jusqu’à m’arrêter pour voir ce qui va se passer. Luci rattrape le petit chien et porte sa tête au flanc de l’autre qui change de direction. Il court à présent vers moi. Bien joué ! Le corgi semble fatigué et je m’accroupie pour l’attirer à moi avec un biscuit dans la main. Il s’approche avec méfiance, observant Celeste. Cette dernière est couchée à côté de moi, ce qui finit par le rassurer. Il continue à avancer lentement jusqu’à croquer le biscuit. Je caresse le dos du corgi pour qu’il soit apaisé en ma présence. Il se laisse ensuite prendre. Je lis son nom sur sa médaille alors qu’il continue de manger dans mes bras. « Lewis » Je dis alors que Lucifer revient vers moi. Je caresse affectueusement mon gros bébé avant de reprendre sa laisse. Je me relève, Lewis toujours dans les bras. « Allons chercher ton maître. » Je lui dis avant de commencer à marcher, scrutant le parc pour déterminer où pourrait se cacher le propriétaire du petit chien.

Lewis n’est pas agité ou encore nerveux dans mes bras. Je sens qu’il a confiance en moi et qu’il comprend ce que je tente de faire. Mes deux chiens à moi cherchent eux aussi le propriétaire du petit corgi. La tête blonde de mon Lucifer se promène à droite et à gauche comme s’il cherchait de la nourriture. C’est pour dire comment il est concentré, lui qui est le plus gourmand être vivant que je connaisse. Je ne sais pas si nous allons réussir toutefois, puisqu’il demeure une possibilité que le propriétaire de Lewis ne soit pas à proximité. Il court peut-être depuis un moment et sa maison est bien loin. Alors, je vais faire mon possible pour trouver à qui il appartient en faisant des annonces sur internet si nécessaire une fois de retour chez moi. C’est la moindre des choses que je puisse faire pour un autre maître de chien. C’est au bout de nombreuses minutes à traverser le parc que j’entends cette femme prononcer le prénom du corgi. Je me tourne la tête dans sa direction. Elle m’aperçue simultanément et s’approche d’un pas rapide. Je souris, sachant qu’elle est celle que je cherche juste à sentir l’excitation s’emparer de Lewis en reconnaissant sa maîtresse. Je le dépose au sol en le retenant par le dos pour ne pas qu’il se sauve à nouveau. La femme l’attache de sa laisse sans tarder et je me redresse par la suite, heureux de ces retrouvailles. Je lui souris très grand en acceptant de lui serrer la main. « Je m’appelle Marty. Ce n’est rien, vous savez. J’espérais tomber sur vous dans ce parc. Si ça n’avait pas été le cas, je me serais acharné à vous retrouvez. » Je lui assure avec honnêteté. Elle a craint qu’une personne mal intentionnée s’empare de son animal. Je la regarde avec empathie, comprenant parfaitement ce qu’elle ressent. « Oui, j’ai eu de la chance qu’il se laisse approcher. Je ne veux même pas imaginer ce qui aurait pu se produire s’il s’était aventuré plus loin dans les quartiers. Il y a parfois des gens qui ne cherchent pas volontairement à être malveillant mais qui garde les chiens qu’ils trouvent plutôt que de chercher leur véritable propriétaire. » Elle doit probablement le savoir. Les personnes âgés sont les plus susceptibles d’adopter ce genre de comportement puisque la solitude les rends parfois enclin à le faire. Eux aussi aiment la compagnie des chiens. Puis le manque de ressources pour retrouver le maître du chien perdu les décourage aussi. Je dois retenir Lucifer qui aimerait vraiment être caressé à la tête par la nouvelle venue. D’ailleurs, cela l’intéresse peut-être d’en savoir plus sur ceux qui m’accompagne. « Voici Celeste et Lucifer. » Je les présente respectivement. « Mon ange et mon gros Diable. » Je plaisante en les caressant tous les deux. Le golden réussit à poser sa truffe contre le ventre de Juliet. « Il est content de vous rencontrez, c’est de la joie. Il ne faut pas avoir peur de lui. » Je préfère prévenir car il est assez imposant pour déstabiliser à l’occasion. « Venez, on va s’assoir quelques minutes à l’ombre pour reprendre notre souffle. » Je lui propose en pointant un banc à proximité.

Juliet me semble vraiment reconnaissante. Elle est apaisée visiblement depuis qu’elle est à côté de moi. Je suis heureux de voir qu’elle garde un certain humour malgré la situation qui aurait pu devenir dramatique si par exemple son corgi s’était aventuré en courant dans les rues passantes non loin. Par chance en effet que je le trouve avant cela et qu’il se ne soit pas enfuit trop loin pour perdre définitivement sa propriétaire. « C’est un bon chien, en effet. » Je complimente Lewis en me penchant un instant pour caresser son dos. Il est heureux de mon geste. Certains chiens ne sont pas très sociable ou refuse qu’on les approche. C’est une bonne bête qu’elle a là, bien élevé ça c’est certain. Je présente mes deux compagnons à Juliet comme je sens qu’elle aime autant les animaux que moi. Elle les saluts d’ailleurs aussitôt, caressant mon gros Lucifer à son plus grand plaisir. Il me frappe d’ailleurs vivement de sa queue, m’obligeant à me décaler légèrement vers la gauche pour qu’il cesse de me faire mal. Cela ne me dérange absolument pas. J’ai l’habitude de la maladresse des gros chiens. J’ai vécus des années dans un petit appartement trop remplis avec ces deux là, après tout. Juliet me présente son second chien et je souris à Jamy qui est immédiatement enchanté de faire ma connaissance. Je lui présente ma main qu’il renifle quelques secondes avant de lécher mes doigts. Je caresse sa tête par la suite pour terminer les présentations. « Vos chiens sont magnifiques également. » Je dis à la jeune femme avant de la regarder dans les yeux. Il fait chaud aujourd’hui. Je pense que ça ne serait pas une mauvaise idée d’aller se cacher du soleil et se reposer un instant à un banc du parc. L’autre humaine est d’accord et c’est ainsi que nous nous y dirigeons en compagnie de nos quatre chiens qui suivent notre cadence. Une fois assis, Celeste prend place à côté du banc où elle s’étale de tout son long pour dormir un peu. Lucifer se contente de s’assoir presque devant moi, surveillant les alentours en haletant. Il ressemble à un chien de garde bien qu’il passerait plutôt son temps à jouer ou encore à manger si on le laissait à lui-même. Il n’a pas une miette de méchanceté en lui, contrairement à ce que son nom pourrait suggérer. La conversation s’engage naturellement entre moi et Juliet. « Je ne viens pas souvent c’est vrai. Lorsque je visite le parc il est en général très tôt ou assez tard. C’est la faute de mes horaires atypiques. Comme le parc est plus près de ma nouvelle maison, je pense y venir plus souvent, d’ailleurs. C’est un endroit que vous fréquentez beaucoup, de votre côté ? » Je lui demande avec curiosité. Si elle vient souvent, je pourrais me mettre à y aller en effet plus pour que nos chiens puissent s’amuser ensemble. La différence de taille n’empêche en rien les amitiés canines. « Il faisait trop beau aujourd’hui pour ne pas faire une balade. » J’avoue ensuite, observant le ciel bleu.

J’observe les deux chiens de Juliet qui se désaltèrent un moment. Je suis ravi de voir que la brune souhaite donner l’eau restante à mes animaux. Lucifer plonge son museau dans le bol dès qu’il observe la jeune femme le déposer à proximité. Je souris à cela. « Merci beaucoup. » Je dis à l’humaine qui a également à cœur le bien-être de mes chiens. D’autre eau est versée pour Celeste qui se remet debout pour l’occasion avant de retourner se coucher là où elle était. Je regarde Juliet lorsqu’elle s’intéresse à mon métier. « Je suis médecin. Je travaille plus spécifiquement avec les nouveau-nés. » Je commence par lui dire avant de songer à cet autre métier que je pratique à temps perdu. « Je suis également musicien. Pas un célèbre, mais je fais quelques représentations à l’occasion. Je suis un auteur et un compositeur. » Je suis heureux de l’avoir dit à quelqu’un. Je cache bien souvent cet aspect de ma vie pour ne laisser transparaître que ce que les gens trouvent vraiment intéressant, c’est-à-dire ma profession médicale. Je me demande si Juliet sera comme tous les autres. J’hausse ensuite les sourcils alors qu’elle m’explique ses habitudes de fréquentation du parc. « Vos chiens vous accompagne à votre travail ? Wow, je ne pourrais jamais faire cela dans cent ans. Si je les laisse à l’étage de pédiatrie peut-être, mais avec mes petits prématurés Lucifer risque de faire plus de mal que de bien. Il est aussi maladroit qu’on peut l’imaginer. » Ce dernier pleure un coup et je viens masser son dos avec affection. « Ne le prend pas personnel, mon gros. » Je lui demande alors qu’il se calme. Je tourne à nouveau mon attention vers l’autre propriétaire de chien. Elle veut bien faire de nos chiens des amis. Je lui souris encore une fois. « Génial, alors c’est un rendez-vous ! Luci ne va pas laisser Lewis partir bien loin, je vous assure. Sans parler de Celeste qui est un chien de berger, ne l’oublions pas. » Je ris à cela. C’est une sorte de mère pour mon golden aussi, donc elle a un bon instinct à ce niveau. Elle ne perdra de vue personne, surtout pas des nouveaux amis. Je me permets ainsi de sortir mon téléphone. « Je vais prendre votre numéro afin qu’on se donne nos disponibilités, si vous voulez. Je peux m’occuper de promener vos chiens si jamais vous ne pouvez pas le faire et vice-versa si cela vous intéresse. » Je propose tout bonnement en me sentant serviable de la sorte. Je serais ravi de lui rendre un tel service si elle me l’accorde.

Je souris sous l’enthousiasme de Juliet. Elle trouve mon métier merveilleux et je ne peux pas le nier. Je n’ai pas fait dix ans de médecine pour rien, soigner est une passion pour moi. Même si la musique à toujours prit une grande place dans ma vie, être docteur est et sera toujours mon choix de carrière numéro un, à bien y réfléchir. Je ne peux pas d’ailleurs affirmer que je suis malheureux de ma position actuelle. Je n’ai pas la chance d’être célèbre pour ma musique mais je fais une différence dans le monde à ma manière. Je hoche donc la tête. « Oui, effectivement. Le soin que je donne à ces nouveau-nés est ce qui m’épanouie le plus, au fond. » Je dis cela à elle ou bien à moi-même afin de me convaincre une fois de plus que mon choix de carrière était le bon ? Je semble être un éternel insatisfait, incapable de se contenter de ce qu’il a. Je suis subjugué de découvrir que Juliet est également musicienne. Mon sourire devient tellement grand qu’il pourrait fendre mon visage en deux. « C’est vrai ? C’est super ça ! Je… je n’ai pas l’habitude de faire ce genre de choses, mais est-ce que ça vous dirait qu’on se fasse une soirée musique ? Nous pourrions de la sorte partager nos créations respectives. Ça serait tellement agréable pour moi de découvrir les chansons d’une autre personne. » Je me surprends moi-même à carrément inviter une femme que je connais à peine chez moi. Ou chez elle, ça je n’ai pas spécifié. Je me mets à rougir un peu, gêné par mon soudain enthousiasme. « Désolé, je me suis laissé emporter, je crois. Mais j’aimerais vraiment qu’on s’assoit ensemble un de ces jours pour parler musique. » Je me calme. Il le faut sinon je vais vraiment m’inquiéter de mon état. Je me concentre donc sur la suite de la conversation, sur les chiens. Parce que ça aussi ça me passionne plus que tout. Elle a vraiment de la chance de pouvoir travailler avec ses deux bêtes qui dorment tranquillement non loin. Je ne peux pas en dire autant. Elle insiste ensuite à me remercier à nouveau pour avoir retrouvé Lewis et je lui fais un geste de refus de la main. « Pas la peine de vouloir me remercier autrement que par un simple « merci ». Je suis content que cette histoire nous ait permis de nous connaître. » Oui et c’est le plus important, surtout qu’elle est emballée par l’idée que nous nous rendions mutuellement service avec nos chiens. C’est donc une belle entente que nous convenons en échangeant nos numéros. Je me lève par la suite simultanément à elle. « Je dois rentrer. Mais on garde contact pour la suite ! Bonne fin de journée ! » Je lui fais un bye de la main, à défaut de savoir si j’ai le droit de faire plus. Je salue également ses deux chiens avant de partir de mon propre côté, le sourire aux lèvres.

FIN