if you die, just get up and walk again. •• cheyenne

« Non, je ne dirai rien pour le moment. » Voilà la seule réponse à laquelle Cheyenne avait droit depuis notre départ à l’aéroport. Tandis que je le sentais crispé à son siège, jetant des regards ici et là pour sans doute y dénicher quelques indices sur notre destination, je feuilletais tranquillement un magazine pioché au hasard sur la pile mise à disposition des voyageurs. « Tiens, tu savais que Brad et Angelina s’étaient séparés ? Ah, vu ta tête, ça a l’air d’être le cas… » ajoutais-je en souriant très légèrement, amusé par la mine du jeune homme. « Pardon, les potins des célébrités, c’est pas mon dada, d’ordinaire. » Tourne et tourne, et tourne encore le couteau, Pennyworth, c’est ça qui est bon. Cheyenne a toutes les raisons d’être un peu inquiet à l’idée d’être lâché en pleine nature, avec un minimum de ressources pour survivre, mais en vérité, c’est ce dont il a sans doute le plus besoin. Lâcher les commandes, abandonner le plein contrôle de la situation pour faire confiance à un autre. Un autre qu’il ne connaît pas tant que ça, d’ailleurs. Nous nous sommes découverts lors d’un trek dans le bush australien, et ce jeune cadre dynamique m’a tout de suite interpelé. Il ne connaissait pratiquement rien aux règles de survie dans ce genre d’escapades qui n’a rien d’une banale randonnée, et c’est à travers sa soif d’apprendre et de se dépasser que nous avons noué un début de lien plutôt intéressant. Assez pour remettre le couvert aujourd’hui et pour les prochains jours. Avant que l’hôtesse ne passe son annonce après le décollage, je tourne la tête vers le principal intéressé, avec l’air le plus rassurant que je puisse trouver… ou le plus sadique, au choix. « Beau gosse, je t’emmène au beau milieu de la jungle amazonienne. Direction Bogota, puis Manaus, qui sera notre point de départ. Après, c’est boussole, GPS satellite, sac à dos et en route pour l’enfer vert. J’te laisse t’imaginer un peu, moi j’vais dormir. » Un clin d’œil plus tard, je me colle une casquette sur la tête et l’abaisse sur mon visage pour piquer un somme tranquillement… non sans garder ce fin sourire plein de bienveillance cynique.
A l’issue de notre long voyage au-dessus des nuages, nous mettons enfin le pied en Amérique du Sud. Le soleil est écrasant et une forte sensation d’humidité nous saisit à l’instant où nous nous retrouvons à l’extérieur. Autant s’y habituer, elle va nous coller à la peau jusqu’à ce que nous ayons fini. « J’vais ajuster nos sacs, tu peux passer un message à ton homme ou ton boulot, si tu veux… après, on sera hors réseau complet. » Hormis pour le GPS, mais dont la technologie n’a absolument rien de commun avec celle d’un banal smartphone. J’attrape le sac de Cheyenne et, sans trop me gêner, je jette un œil à l’intérieur. Une chose est sûre : il n’y connaissait rien en trek avant le bush australien, mais il apprend très vite. Il a su s’équiper comme il le fallait. Sans lui dire, je prends certaines de ses affaires pour les mettre dans mon propre sac, afin qu’il n’ait pas un poids trop important sur les épaules, et éviter d’être entravé pendant notre périple. Je m’étire un peu, et lorsqu’il revient vers moi, je lui colle une petite tape sur l’épaule. « Allez, en piste ! Tout droit, maintenant. » Un mur de lianes, de racines et de feuilles se dresse devant nous. Je prends la tête, d’un pas enjoué. Se remettre en question face à la nature, tester ses limites dans un environnement hostile, il n’y a rien de mieux pour tout remettre à plat et revenir aux sources. Une poignée de minutes plus tard, nous sommes complètement seuls sur un semblant de piste. « Alors, Cheyenne, pas déçu par la destination ? J’ai hésité entre ça et la Sibérie… mais entre nous, je n’avais pas envie qu’on passe notre temps emmitouflés dans des manteaux de cosmonautes. Là, tu vas pouvoir te prendre pour Tarzan… enfin, tant qu’tu me prends pas pour Jane, hein. » ajoutai-je en tournant la tête dans sa direction. Cheyenne est également le premier camarade homosexuel que je me fait… alors même si je suis très ouvert d’esprit, je ne suis pas encore complètement familier avec le concept.

Se dépasser sans cesse, ne jamais rester sur ses acquis ! Telle était la ligne de conduite que Cheyenne suivait depuis plusieurs années ! Le jeune homme n'était pas du genre à baisser les bras au moindre petit problème et cela lui avait plutôt bien réussit si on prêtait attention au succès de la société qu'il avait monté de ses propres mains.....

Mais il n'y avait pas que dans le domaine professionnel qu'Holway adoptait cette attitude ! Oui dans sa vie personnelle aussi il aimait relever des défis d'où cette nouvelle aventure en compagnie de Joshua. La destination était inconnue et sans pour autant stresser, Cheyenne aimait bien savoir où il mettait les pieds malheureusement pour lui son binôme semblait vouloir jouer avec ses nerfs en ne laissant filtrer aucun information ! ''Si tu savais comment je m'en balance de ce qui sort avec Brad ou Angelina.... Ca m'intéresserait plutôt de savoir où on s'envole.'' Et c'était vrai il e s'intéressait pas une seule seconde à toutes ces histoires qu'on trouvait dans ces fichus torchons pondus par des journalistes bas de gamme.

Pour autant Cheyenne ne prenait pas du tout la mouche il savait très bien que Joshua essayait de le charrier en se comportant de cette façon ! Les deux hommes ne se connaissaient pas depuis longtemps mais il y avait ce fameux feeling qu'on explique pas, ce lien naturel qui se construit de jour en jour et qui s'avère bien agréable pour l'un comme pour l'autre. ''L'Amazonie ? Carrément ? Tu m'as peut etre un peu surestimé.... Mais je relève le défis !'' Après tout il n'était encore qu'un novice ! Pour autant il n'allait pas changer d'avis maintenant ! D'une parce que ce n'était pas dans ses habitudes et de deux parce qu'il avait envie de se prouver qu'il pouvait y arriver ! Tout était dans le mental non ? C'est ce que les grands sportifs répètent très souvent en tout cas !

''Non c'est bon... J'ai prévenu avant qu'on décolle... En route pour l'aventure !'' Sa relation avec son petit-ami n'était pas du tout au beau fixe ce qui expliquait en grande partie sa présence ici alors il n'allait pas perdre de temps en envoyant des dizaines et des dizaines de textos !

Armé de son sac à dos qui au passage lui paraissait plus léger qu'à l'aéroport, Cheyenne emboita le pas de Joshua.! Clairement c'était l'aventure avec grand A, les paysages étaient à couper le souffler, ils allaient pouvoir se faire plaisir.

''Pas déçu non ! Mais arrête un peu avec tes clichés sur les Gays.... C'est pas parce qu'on est homo qu'on préfère être Jane plutôt que Tarzan et qu'on passé notre temps à lire la presse à scandale...'' Oh non il n'était pas vexé mais amusé par la situation. L'hétéro de base à souvent tendance à s'imaginer des tonnes de choses sur la communauté homosexuelle mais il était important de ne pas mettre tout le monde dans le meme sac. ''Tu sais, je ne chausse pas les talons haut quand je sors boire un verre, je n'écoute pas Madonna quand je monte dans ma voiture et je ne parfume pas à l'eau de rose..... Je vais te montrer qu'on peut etre gay et être un homme comme toi tu l'entends.'' Ce point aussi était intéressant dans ce début d'amitié ! Bien qu'ils aient plusieurs points communs, les deux garçons étaient aussi diamétralement opposés sur certains sujets, ils avaient donc beaucoup à apprendre l'un de l'autre. ''Méfie toi bien, je pourrai peut etre me transformer en super héros et toi en demoiselle en détresse.'' dit-il en agrippant à l'une des nombreuses lianes avant de continuer son chemin.

Surestimé ? Non, j’en doute. Cheyenne s’ennuierait dans un trek où les choses seraient plus simples, à sa portée. D’ailleurs, il ne manque pas de le remarquer lui-même : c’est un homme de défi. Se déconnecter de son quotidien, c’est lâcher prise sur tout ce qu’on maîtrise afin de se retrouver face à ce qui se trouve au plus profond de nous. Pour avoir passé une bonne partie de ma jeunesse dans les rues les plus sordides de Londres, j’ai été baigné dans ce besoin constant de me battre, me dépasser, me dépenser à en avoir la langue sur les godasses. Se crever à la tâche pour faire jaillir ce qu’il y a de meilleur en soi.
A peine sommes-nous partis que je souris en coin en l’entendant pester gentiment sur ma façon de laisser la part belle aux clichés sur les homosexuels. Le pire, dans tout ça, c’est que j’en ai conscience et que je veux délibérément changer de position sur le sujet. « Ah bon ? Tu lis pas ça, toi ? » Je surenchéris, l’air faussement étonné qu’il ne passe pas son temps avec le nez dans les gossips de people que les gens normaux ne rencontreront probablement jamais. En vérité, j’ai aussi vite accroché avec Cheyenne parce que je n’ai jamais eu d’ami gay, cette personne qui pourrait m’aider à mieux comprendre ce choix de vie, et parfois même la difficulté de l’assumer. Je tranche quelques lianes qui nous barrent la route, la végétation est épaisse et étouffante, mas je n’en reste pas moins attentif à ce que me dit mon comparse de fortune. « Donc si je me mets à chanter du Lady Gaga, là non plus tu ne chanteras pas en canon ? Décevant. » Cinglant, il faut aimer ce genre d’humour très british pour pouvoir l’encaisser. J’en veux pour preuve ce petit sourire amusé qui perle au coin de ma bouche. Et je ne me prive pas de rire de bon cœur quand il me dit que je pourrais me retrouver dans une situation de demoiselle en détresse. « Ouais, bah avant de venir me secourir, tu feras gaffe, Superman : t’as une araignée sur l’épaule. » lâchai-je en lui faisant un signe de tête. Non, il n’y en a pas, d’araignée. C’est juste pour le chambrer et voir sa réaction. Sadique ? Décidément, vous insistez, très cher.
« Tiens, approche et donne ta main, j’vais t’aider à grimper. Accroche-toi aux lianes qu’il y a sur le côté aussi. » En effet, nous arrivons à une pente escarpée et glissante. Les années dans l’armée aidant, je bondis comme un félin bien portant, et reste accroché à une racine pour aider Cheyenne à franchir l’obstacle sans qu’il se fatigue trop. Bien entendu, il pourrait le franchir seul, mais autant mettre nos efforts dans le même panier pour garder une vivacité optimale. Une fois de l’autre côté de la pente, je lui tends la machette. « Tiens, à toi de nous ouvrir la voie. Droit devant jusqu’à ce que je te dise l’inverse. » Autant ne pas être le seul maître àbord et lui derrière, l’idée est d’être toujours dans le partage. Tandis que nous reprenons la marche, je passe ma main dans mes cheveux bruns et humides. « Au fait, ça veut dire quoi, un homme comme moi ? Parce que c’est vrai, j’ai plein de clichés dans la tête qu’il faut que je vire, mais j’aimerai savoir ce que tu entends par là… » lançai-je, intrigué.

Il lui arrivait souvent de douter de lui surtout face à quelque chose de nouveau... Ce n'était pas vraiment un manque de confiance mais plutôt la peur de ne pas arriver à faire correctement du premier coup.... Cheyenne avait toujours été très dur envers lui même et cette exigence qu'il se mettait au quotidien le poussait à donner lui même.... Son problème ? C'est qu'il avait très souvent tendance à se comparer aux autres.... Bien évidemment qu'aujourd'hui il ne pourrait pas faire aussi bien que Joshua qui contrairement à lui bénéficiait d'une plus grande expérience, d'un plus grand entrainement..... Ce petit séjour serait peut-être un moyen pour Holway de calmer le jeu envers sa propre personne..... Dans la vie de tous les jours, Cheyenne coachait les autres mais peut-être qu'il avait besoin lui aussi qu'on le boost un petit peu sur certains points....

''Ca m'étonnerait.... Sauf si tu chantes Poker Face qui est quand même une masterpiece... Faut reconnaître...'' Bon et c'est vrai que Lady GaGa faisait de la bonne musique il devait le reconnaître mais de là à connaître ses chansons par cœur il ne fallait pas exagérer. Le fait de se faire charrier ne le dérangeait pas une seule seconde, c'est ce qu'on fait les vrais amis après tout alors même si Joshua était tout nouveau dans sa vie, Cheyenne se laissait faire avec plaisir.... Il savait très bien que les interventions du chef cuistot n'étaient pas du tout méchantes et n'étaient pas là pour le blesser...

A l'évocation de l’araignée sur son épaule, il regarde et sursaute très légèrement ''Bien essayé mec.... Mais je n'ai pas peur... Ca aurait été un serpent par contre..... T'aurais clairement pu te foutre de ma gueule...'' dit-il en rigolant. Oui les reptiles étaient sa plus grande phobie et il s'était déjà préparé psychologiquement à en croiser un ou deux mais si cela devait arriver pendant le trek il aurait probablement besoin de son compagnon d'aventure... ''OK..'' dit-il en donnant sa main à ce Mike Horn néo-zélandais. On ne va pas se mentir, Pennyworth est agréable à regarde et le côtoyer s'avère plaisant..... Si Cheyenne a choisit les hommes plutôt que les femmes c'est en partit pour ce coté ''force'', cette virilité qu'ils ont.... Bien évidemment une belle paire de fesses et des abdos bien dessinés ça joue aussi mais ce n'était pas que physique.... Pour autant, jamais il ne tentera quoi que ce soit envers Joshua.... Il n'avait jamais chercher à faire virer de bord un hétéro... Pour certains gays c'est un jeu, un défis mais pas pour lui...

Attrapant la machette, Cheyenne essaye tant bien que mal de couper les branches afin qu'ils puissent tout deux se frayer un chemin dans cette verdure dès plus abondante... Il fait déjà très chaud, les gouttes de sueur qui perlent sur son front sont là pour en témoigner... ''Bonne question... Depuis qu'on est gosse et depuis des générations, on nous met dans la tête qu'un petit garçon doit aimer les voitures, doit être fort, ne doit pas pleurer... Le portrait du mâle de base quoi..... L'hétéro qui écoute tel ou tel artiste comme on disait toute à l'heure, qui s'habille de telle ou telle façon.... La société cherche trop souvent à nous mettre dans des cases... Surtout quand on est gay ou même black.... Je veux bien que certains mecs sont des clichés ambulants.... Les folles comme on dit ça existe et les camionneuses chez nos amies les lesbiennes ça existe aussi mais en soit c'est quoi 10 % du reste de la communauté gay ? '' Calme et posé, il exposait tout simplement sa vision des choses en espérant que Joshua comprenne ce qu'il cherchait à lui expliquer.... ''Je me répète mais mis à part le fait que je matte les mecs plutot que les nanas je suis comme tout le monde.... Aussi gras que cela puisse être quand je pète c'est pas des paillettes qui sortent de mon cul'' dit-il dans un éclat de rire. Est-ce qu'il avait répondu correctement à la question ? Pas sur mais ca avait au moins eu le mérite de les amuser.

J’avais esquissé un sourire en coin à la remarque de Cheyenne vis-à-vis d’une des chansons de Lady GaGa, conscient que j’effleurai là l’un des nombreux clichés qu’avaient les gens à propos de la communauté homosexuelle… et moi aussi, je dois bien le reconnaître. Mais c’est justement pour faire disparaître ces clichés les uns à la suite des autres que je souhaitais en apprendre plus sur mon camarade de survie. Il n’avait rien des modèles efféminés survendus par les séries télévisées ou les comédies potaches, alors à quoi pouvait bien ressembler son quotidien ? Était-il si différent du mien ? J’en doutais, et je voulais en avoir le cœur net, histoire de balayer ces stéréotypes une bonne fois pour toutes. « Les serpents, donc… » marmonnais-je plus pour moi-même que pour lui répondre. C’était bon à savoir car, même sans vouloir faire de blague, la faune de ce biotope on ne peut plus foisonnant de vie recelait une quantité de serpents assez variée. Le tout est de faire attention où l’on met les pieds, les mains, et surtout avoir l’œil partout. Certaines zones étaient plus propices que d’autres à ces formes de vie, alors autant les éviter, le but n’étant pas de dégoûter Cheyenne de ce trek.
Je le tire vers moi pour l’aider à escalader la pente et lui colle une petite tape dans le dos lorsqu’il s’empare de la machette. Jouer les guides me convient tout à fait, cela me rappelle même mes années dans l’armée – pour celles qui n’auront pas été traumatisantes – et je me dis qu’elles auront au moins servi à quelque chose. Je secoue légèrement mon t-shirt, déjà humide par la sueur mais surtout par l’atmosphère poisseuse et lourde qui règne autour de nous. Un excellent moyen de perdre les kilos superflus, quand on y pense. Au diable les régimes aux prix mirobolants : quelques jours dans la jungle, et on n’en parle plus.
J’écoute alors la réponse à la question que je lui avais posée un peu plus tôt : qu’est-ce qu’un homme « comme moi » ? Si je m’entretenais pour garder une bonne condition physique, je n’avais jamais trop prêté d’attention à mes manières, à mes goûts musicaux, mes choix de vie, car je n’avais pour ainsi dire eu aucun modèle auquel m’accrocher. Tout ceci s’était fait instinctivement. Tout en épongeant mon front, je plisse un peu les yeux, prenant conscience que la vie de Cheyenne a dû être un sacré combat, s’il avait dû imposer aux autres le droit d’aimer d’autres choses que celles à quoi on le prédestinait. Et, bon public, j’éclate de rire en entendant sa remarque au ras des pâquerettes. « Ok, donc j’vais peut-être reprendre la tête de la marche, si y a pas de paillettes au rendez-vous ! » Je lui colle une tape sur l’épaule avec un sourire complice. « J’avais pas du tout conscience de ça, en tout cas, c’est vachement intéressant, c’que tu dis. Après, au risque de décevoir le cliché qui indique qu’on ne doit pas pleurer ou qu’on doit aimer les voitures… » Je m’arrête quelques secondes, les mains sur mes hanches, l’air grave. Puis je fixe Cheyenne avec un regard profondément désolé. « … j’crois que je préfère les motos. » L’humour britannique dans toute sa splendeur. Un clin d’œil plus tard, nous poursuivons notre périple. « Tiens, coupe les fougères qui sont sur ta droite et continue dans cette direction. T’entends ? » Je pose ma main près de mon oreille et plisse les yeux. « Y a une cascade, dans le coin. Ça veut dire qu’on va pouvoir se rafraîchir un peu. » J’observe le GPS satellite, nous marchons en direction du nord, nous sommes toujours sur le bon chemin. Tandis que les coups de machette nous frayent un chemin vers la cascade qui se rapproche, je regarde attentivement autour de nous. « Tu sais, j’plaisantais tout à l’heure sur Lady GaGa, mais pour te faire une confidence… Je pense connaître tout le répertoire de Britney, des Spice Girls, et même celui des Fifth Harmony. Donc niveau cliché, là, j’ai un doute, tu vois. » J’ai aussi eu ma larme à l’œil quand Jack a coulé avec le Titanic pour laisser sa place à Rose… mais on va éviter de trop en dire d’un coup, quand même.

Cette phobie des serpents il l'avait depuis tout petit ! D'où est-ce que cela venait ? Il n'avait malheureusement pas la réponse à cette question .... Beaucoup aimait le taquiner en mettant ça sur le compte du film Anaconda avec Jenifer Lopez mais ce n'était même pas ça.... Aimant les films d'horreurs, cette mauvaise série B qu'on regardait comme un plaisir coupable ne lui avait jamais donné le moindre frissons.....  Cheyenne avait trouvé ça important de soulever ce point car si par malheur un reptile se mettait sur leur chemin, il ne pourrait absolument rien faire, les serpents avaient un pouvoir paralysant chez le jeune homme, sa réaction ne serait pas d'hurler pour ensuite courir dans tous les sens mais au contraire de rester totalement immobile.... Cela s'était produit lors d'un voyage en famille en Egypte, un souvenir qui lui donnait dans de rares occasions quelques cauchemars mais ça il le garderait pour lui.... Pas besoin de donner de l'eau au moulin de son compagnon d'aventure....

Parler d'un sujet aussi sérieux que celui de son homosexualité à le mérite d'effacer la difficulté du trek.... Le cerveau du jeune homme est en effet occupé à trouver les bonnes explications à fournir à Joshua plutôt que de se concentrer sur la douleur lié à cet effort physique..... Aborder ce point de sa vie n'a d'ailleurs jamais été un problème bien au contraire.... Avant d'être gay, Cheyenne reste avant tout un homme comme un autre et c'est aussi ça qu'il cherchait à démontrer....

S’arrêtant pour reprendre leur souffle, Cheyenne s'essuie le visage à l'aide du bas de son t-shirt avant d'exploser de rire en entendant la nouvelle blague tintée d'humour so-british de Pennyworth ''Raaa tu me déçois.... Je suis pro-voiture.... Je suis fan des grosses cylindrées.... Peut-être parce que je n'ai jamais vraiment prit de plaisir sur une deux roues.... Mais je demande à voir...'' Fan de sensations fortes, si Joshua une fois de retour sur Island Bay lui proposait de faire un tour ce serait un grand oui.... Cheyenne aimait se faire peur...  Il a toujours adoré sentir cette adrénaline se propager dans tout son corps.

Continuant la marche, Joshua vient lui susurrer une très bonne nouvelle à l'oreille, une cascade, de l'eau, pouvoir se baigner dans un tel paysage ? Cela a pour effet de faire accélérer Holway ! Après l'effort le réconfort non ? Faut dire qu'il n'avait même pas fait attention au bruit de l'eau.... Il n'y a pas à dire son compère était vraiment un expert....  ''Ah ouai quand même ! Les Spice Girls..... Manque plus que tu nous sortes Cher et Maria Carey et on te nomme président de la prochaine Gay Pride.... Fifth Harmony ont that's my girl dans leur répertoire alors rien que pour ça t'es pardonné'' ajouta t'il en rigolant. Joshua avait beaucoup d'humour et s'en était vraiment agréable. Derrière son apparence viril, un peu brut de décoffrage se cachait un homme jovial avec une très grande ouverture d'esprit.... Le genre d'homme pour lequel Cheyenne pourrait tomber amoureux s'ils avaient partagé la même orientation sexuelle.

Comme annoncé, ils arrivèrent vers ce paysage digne d'une carte postale ! Pouvait-on se baigner ? Ou juste remplir les gourdes et se déshydrater ? Rien ne portait à croire que l'endroit était dangereux..... Après avoir posé son sac, Cheyenne commença donc à retirer son t-shirt et déboutonner son pantalon... Se retrouvant en sous vêtements, il s’apprêtait à rentrer dans l'eau.''Putain c'est magnifique.....  On dirait que vous me sortez le grand jeu Monsieur Pennyworth

J’avais esquissé un sourire en coin, amusé de la répartie de Cheyenne. « C’est parce que tu n’as pas essayé la bonne moto. Ou le bon conducteur. » Après des années de lutte, de précarité et de danger, j’étais devenu quelqu’un de relativement prudent à tous points de vue. Toutefois, le goût du danger ne s’efface pas aussi facilement : si je me refusais à risquer la vie des autres en roulant à plein régime sur les routes fréquentées par les usagers, je n’hésitais jamais à m’en donner à cœur joie sur un circuit ou sur un itinéraire peu fréquenté. Sentir la machine vibrer contre ses jambes à mesure qu’on accélère, se pencher dans un virage serré, frôler pratiquement le sol, jouer avec un danger à part… L’ivresse à son état le plus brut. Toutefois, loin de nous imaginer pour l’instant à califourchon sur une moto, je ne manque pas d’hausser les épaules l’air de rien, alors que je révèle quelques goûts musicaux souvent considérés comme un peu honteux. Il est vrai qu’avec mon physique, on ne m’imagine pas me déhancher comme une lycéenne sur des sons que même les fangirls pourraient trouver cliché. « Président de la Gay Pride ? Abandonne, j’peux pas satisfaire tout le monde, si je parais en public… » ajoutais-je, le torse légèrement bombé et un air à faire fondre un radiateur sur le visage. Au fond, Cheyenne me démontrait qu’une orientation sexuelle n’était que bien peu de choses, et que cela ne définissait en aucun cas une personne dans son ensemble. J’étais reconnaissant envers le jeune homme, il était sûrement l’un des seuls avec qui j’aurais pu avoir ce genre de conversation sans être sujet à la moindre arrière-pensée, ou l’objet d’une moquerie quelconque vis-à-vis de mon ignorance.
La cascade se profile enfin. Majestueuse, bruyante. Pure. L’eau s’écrase avec fracas sur les rochers, éclaboussant une nature dense. Une eau étonnamment pure, pour l’endroit. J’écoute d’une oreille distraite la remarque de Cheyenne, sans même le regarder. A vrai dire, mes yeux s’attachaient à découper l’environnement et l’aspect de l’eau. Quels genres d’espèces pouvaient se retrouver dans un biotope comme celui-ci ? J’essuie mon front humide et tourne enfin la tête vers un Cheyenne… à moitié nu. « Non, attends !! » Je l’attrape par le bras et le tire du côté opposé avant qu’il n’aille tremper ne serait-ce qu’un orteil dans l’eau. Je soupire puis pose ma main sur son épaule. « Regarde autour de toi. Qu’est-ce qui te dit que cette mare n’est pas infestée de sangsues ? Parce que si c’est le cas, j’te donne même pas deux minutes avant d’agoniser dans des souffrances assez abominables. » Quoi, lui flanquer la frousse ? Oui, bon, ok… un peu. Juste histoire qu’il prenne conscience que c’est pas parce que c’est beau qu’il faut toucher. Comme avec les enfants face aux vitrines de Noël. Maintenant qu’il s’est éloigné, je m’approche de l’eau à mon tour et m’accroupis juste au bord pour y tremper un doigt de la main droite. Étant gaucher, je redoute moins de choses avec celle-ci. Une minute passe, je ne sens rien de particulier, alors je sors mon doigt de l’eau : rien. Je porte le doigt à mes lèvres avant d’y passer ma langue. « Ouais, ça a l’air d’être bon. Par contre, on va s’en tenir à nos réserves d’eau pour le moment, donc évite de boire la tasse quand même… j’ai pas d’bouée canard à t’envoyer. » Mais par contre, j'ai une grosse frite. Ok, j'vais la garder pour moi, celle-là, je sais pas s'il est encore prêt pour mon humour parfois ras-les-pâquerettes. Je lui décoche un clin d’œil avant de déposer mon sac sur un rocher pour retirer mes affaires aussi. Le polo tombe, ainsi que le pantalon, ne me laissant qu’en simple boxer noir. « J’ai pas prévu assez de change, alors j’espère que ça t’ennuie pas trop. » Sans lui laisser le temps de comprendre, je retire également le boxer et m’en vais dans l’eau nu comme un ver. Si ça, c’est pas un signe qu’il n’y a aucune gêne à mes yeux de me retrouver à poil avec lui, je ne sais pas ce que c’est. Puis l’armée m’a rendu un peu moins tatillon avec la pudeur entre hommes.
L’eau est réellement claire, et j’aperçois quelques remous qui laissent à penser que des petits poissons s’y trouvent. Pas assez gros pour être mangés, mais assez pour signifier que l’eau est propice à la vie, donc saine à n’en pas douter. Je plonge la tête sous l’eau et la ressort en crachant en l’air. « Ca rafraichit ! Alors, ça te change de tes bureaux, hein ? J’sais pas comment tu fais pour tenir dans un boulot comme le tien… c’est pas usant d’être toujours à droite et à gauche pour s’occuper des petits dérapages des uns et des autres ? » demandais-je en passant une main dans mes cheveux trempés.

Ce qu'il y avait d'intéressant dans ce genre de paysage c'est qu'on pouvait passer d'en enfer vert danse et étouffant à un coin paradisiaque avec cascades et rocher.... Comme quoi la nature était vraiment bien faite.... Et puis n'oublions que quelques années en arrière, Cheyenne avait postulé pour participer à une édition du ''Koh-Lanta'' Néo-Zélandais, sa candidature avait d'ailleurs été retenue mais son agence était en plein développement il n'avait pas eu d'autre choix que de tout annuler.... Alors oui jouer les Indiana Jones ça lui plaisait énormément lui qui aimait se surpasser et découvrir des paysages aussi magnifique que dangereux.... Venir ici tout seul ? Holway ne l'aurait probablement pas fait... Trop risqué mais avec Joshua il ne risquait absolument rien.....  Les deux hommes s'étaient déjà découverts des points communs mais aujourd'hui encore certains sujets les rapprochaient comme la musique ou encore les motos...  ''Des quoi ? Non tu te fiches de moi...'' Il savait ce qu'était une sangsue mais l'idée dans trouver ici ne lui avait même pas effleurer l'esprit comme quoi la présence de Pennyworth était non négligeable.... Les gens qui partent seuls sont vraiment inconscients.... Cheyenne eut donc un mouvement de recul, l'aventure ne faisait que commencer ce n'était pas le moment de se faire attaquer bêtement par de sales bestioles...

''Pour ta gouverne, j'étais capitaine de l'équipe de natation au lycée... Oui Monsieur, Capitaine !'' dit-il en contractant ses muscles histoire de se la jouer un peu. Et oui les gays aussi pouvaient aimer le sport, tous ne passaient leur temps à faire du lèche-vitrine en sirotant un milk-shake à la fraise....  ''Euh non fais comme chez toi...'' ajouta t'il quelque peu étonné de voir son compagnon d'aventure retirer son boxer pour se retrouver en tenue d'Adam....  Un problème avec la nudité ? Certainement pas.... Cheyenne apprécie très souvent d'être nu lorsqu'il se retrouve seul dans son appartement mais pour le coups ces deux là ne se connaissait pas et c'était assez étonnant de voir quelqu'un d'être aussi ''nature''mais après tout chacun faisait comme il le souhaitait....

Bien évidemment et face à une telle plastique, le regard de Cheyenne se pose sur le postérieur bombé de l'aventurier ainsi que sur son intimité plutôt généreuse.... Si Dieu nous a donné des yeux autant s'en servir non ? Et puis n'allez pas lui faire croire qu'une autre personne aurait détourné le regard....  Tout ça pour dire que le Joshua était officiellement un avion de chasse.... Cheyenne aurait clairement pu en faire son quatre heure mais non il ne tenterait pas la moindre petite chose... Gardant son boxer, il avança timidement dans l'eau essayant tant bien que mal de regarder Pennyworth dans les yeux mais faut dire que chez lui tout était désirable, le torse aussi.... ''Euh oui ça me change c'est sur...'' Concentre toi bordel ! ''Non mais je suis comme un comptable qui reste toute la journée derrière son écran d'ordinateur... Je vois des trucs tu ne peux même pas t'imaginer... Les gens ont vraiment des vies tordues.... On croirait pas.... Entre tous ceux qui font des photos pornos qui se retrouvent sous la toile, ceux qui arnaquent même les gens de leur propre famille.... Le monde n'est pas très très beau..... En ce moment, je bosse pour un futur candidat en politique alors ça me change un peu... J'ai l'espoir de le faire gagner.... C'est vraiment très motivant...'' On sentait au son de sa voix qu'il aimait son travail que malheureusement beaucoup ne comprenait pas ou assimilait à quelque chose de très ennuyant... Mais il n'en était rien....  ''Attention Piranha à ta gauche..'' Profitant de la surprise de son compagnon d’aventure, Cheyenne le poussa dans l'eau... Autant s'amuser un peu non ?