Evening Talk. - Leanne & Lily-

Comment un père pouvait il abandonner son propre enfant ? Dans le fond, je me demandais s’il m’avait réellement pardonné mon mensonge d’il y a vingt ans. Parce qu’il serait toujours là avec nous aujourd’hui si cela était le cas. Mais quoiqu’il en soit, comme m’avait répété ma fille dans notre échange de sms d’il y a quelques jours, je devais avancer et ne plus penser à cet homme qui ne me méritait plus. Il avait changé, j’avais changé, on avait changé et les sentiments d’il y a vingt ans ne suffisait pas toujours. Du coup, on avait convenu qu’on passerait une soirée juste entre mère et fille ce soir. Bien sûr je savais que le sujet de son père allait être évoqué et je m’y étais préparée. Il paraissait normal qu’elle veuille en parler, il l’avait déçue autant qu’il m’avait blessée. Mais elle était une Matthews, on était fortes dans la famille, on allait remonter la pente ensemble, comme une vraie famille, mais sans papa. Mais cela n’aurait rien servi qu’on soit une famille à trois si Allan nous avait ignorées ? Alors valait mieux qu’il sorte de nos vies maintenant, plutôt que de commencer une vie de famille pour ensuite nous abandonner. J’avais donc tout préparé pour la venue de ma fille, Charly semblait également enjoué à l’idée de la rencontrer. Même si pour lui c’était juste une personne de plus qui allait venir à la maison au final. J’avais décidé aussi de sortir les vieux albums de famille afin qu’elle puisse connaitre une partie de sa famille biologique. A défaut de connaitre celle de son père, elle allait au moins en savoir plus sur celle de sa mère. Tant pis pour lui, il n’avait qu’à pas nous avoir menti ou trahi comme il a pu le faire, il a perdu la chance d’être heureux avec les deux femmes qu’il aimait, il le regrettera peut-être un jour. Pour l’heure, Lily allait arriver et j’avais opté pour une tenue très décontractée, un simple haut à manches longues fera très bien l’affaire. Il ne me fallut que quelques secondes pour terminer de tout préparer, même si ce n’était que des sushis commandés. En ce moment, je n’avais pas le courage de cuisiner, trop de souvenirs me rappelait encore trop Allan que commander était la seule solution pour l’oublier que j’avais pu trouver. Bien que les sushis me rappelaient encore trop Allan car c’était un repas qu’on affectionnait tous les deux et je vins me souvenir d’un bon moment passé à deux dans cette maison. Il me fallait quitter cette maison pour oublier l’homme que j’avais aimé et tourner complètement la page. Sauf que là ma fille venait de sonner et je partis donc lui ouvrir, Charly à mes pieds comme toujours et vint la saluer. « Coucou ma puce, ne fais pas attention à ma tête, j’ai épluché des … oignons », lui disais-je, venant de sortir un petit mensonge pour ne pas l’inquiéter. Sauf qu’elle était intelligente et allait vite comprendre ce qui me rendait triste. Je la laissai donc entrer à l’intérieur, vérifiant que ce petit coquin de Charly n’était pas sorti en douce mais il était retourné à son panier.

Jamais on n’aura les réponses qu’on pouvait se poser au fond de nous avec Lily sur le départ si soudain de son père, de l’homme que j’ai aimé et qui m’avait promis monts et merveilles lors de nos retrouvailles. Il m’avait promis que plus jamais on serait séparés, qu’on allait enfin pouvoir avoir la famille dont on rêvait. Quoiqu’il en soit, je me devais d’avancer pour ma fille. Elle qui espérait tellement de cette rencontre avec son père, elle devait être anéantie. Lorsque j’avais pris de ses nouvelles par sms, elle ne m’avait pas paru tellement triste mais à l’écrit, cela se voyait que rarement et puis les jeunes de nos jours savaient parfaitement masquer quand cela n’allait pas. Ce qui n’était totalement pas mon cas. Parce que ma fille avait beau venir ce soir, j’avais tout de même fait l’effort d’enfiler un jean, seulement en regardant de vieilles photos de son père et moi, je ne pouvais m’empêcher de me dire qu’il avait réussi à tout gâcher. A l’époque, c’était ma mère et aujourd’hui c’était lui. Ma fille était forte alors je me devais de l’être pour elle, j’allais d’ailleurs me reconvertir. Je n’oublierais jamais ces dix années à être ambulancière mais cette nouvelle rupture m’avait fait l’effet d’un électrochoc, je devais changer de métier. Pour la venue de ma fille à la maison, je n’avais pas vraiment le courage de cuisiner alors je m’étais dit que des sushis devrait lui plaire. Les sushis plaisaient à tout le monde en général et au pire des cas je lui ferais un repas juste pour elle, si vraiment elle n’aimait pas ça. Alors je trainais dans la maison à la recherche d’un coin qui ne me rappelait pas Allan, ma fille venait de sonner. Je partis donc lui ouvrir, Charly qui n’était jamais loin et vint la saluer en m’excusant de ma tête et prétextant que je venais de couper les oignons. Premier mensonge de la soirée puisque je n’avais pas cuisiné et Lily n’était pas dupe. Elle complimenta ma décoration avant de venir savoir si réellement c’était bien les oignons qui me faisait pleurer. Ma fille était intelligente comme sa mère, elle avait repéré que j’étais en train de lui mentir alors je vins lui répondre. « Merci beaucoup pour la déco, je compte déménager d’ici très prochainement donc tu pourras m’aider pour la prochaine déco si tu veux », venais je de lui confier avant de venir reprendre, baissant légèrement la tête parce que j’avais honte que ma fille ne me voit dans cet état. Depuis quand je m’apitoyais sur mon sort à cause d’un homme ? Ce n’était tellement pas moi. « Tu as raison, je n’aurais pas dû te mentir. Disons que j’ai fait l’erreur de regarder de vieilles photos et cela m’a refait penser à ton géniteur … », lui disais-je, sans lui mentir cette fois et évitant d’appeler Allan son père car à mon humble avis il avait perdu ce rôle à ses yeux en l’abandonnant en toute impunité et sans de réels remords.  

Je me doute que le départ précipité de son père a dû faire mal à Lily, même si elle m’a dit le contraire. Dans le fond je suis plus déçue pour elle de la manière dont a agi Allan avec sa propre fille. Il semblait heureux d’avoir une fille lors de leur rencontre pourtant alors que s’est-il passé dans sa tête ensuite ? Je n’ai pas la réponse et je ne l’aurais jamais alors il ne mérite pas que je pleure pour lui. Et pourtant je ne peux sécher mes larmes depuis plusieurs jours, peut être que c’est cette maison qui me rappelle trop qu’il y est venu souvent ? Probablement et c’est donc pour cela que j’avais pris la décision de quitter ce quartier où j’ai aimé vivre pour retrouver un quartier où j’ai grandi et où ma fille vit désormais, dans le sud de la ville. A peine Lily venait elle d’arriver que je commençais déjà à mentir à ma propre fille mais je ne voulais pas qu’elle s’inquiète pour moi, elle avait ses études et des examens qui devaient la stresser alors je ne voulais pas lui rajouter du stress en plus. Elle me conseillait donc de bruler les affaires qui me rappelait trop son père. Ce n’était pas une mauvaise idée mais étant bien trop sentimentale, j’en étais incapable. Parce qu’en dehors de ce qu’il m’avait fait il y a plusieurs semaines en partant comme un voleur, je ne pouvais oublier les bons moments qu’on avait passé auparavant. Elle semblait également ravie de pouvoir m’aider dans la décoration de ma future maison alors je vins lui répondre. « A vrai dire, il est fort probable que je vive dans la maison de ma tante, elle vit pratiquement plus à l’étranger qu’ici donc elle serait d’accord pour me la louer ou laisser », lui disais-je avant de reprendre. « Oui je devrais les brûler mais je peux pas rayer ce qu’on a vécu avant. Ne t’en fais pas, je ne souffre pas, je suis juste dans l’incompréhension totale, je pensais vraiment qu’on allait former de nouveau une vraie famille et finalement on est juste là toutes les deux … Mais bon preuve que les gens changent … », lui fis je, l’écoutant me demander ce que j’avais prévu pour la soirée alors je repris. « Et bien que dis-tu de se regarder un film entre filles en mangeant des popcorn ? Sauf si tu pensais à autre chose », lui fis je, commençant par attraper le paquet de popcorn et attendant sa réponse. J’avais envie d’apprendre à la connaitre, de savoir comment elle avait été enfant et comment elle vivait ce changement de pays. Parce que quitter Londres pour Island Bay devait forcément perturbé un peu.  

J’étais tellement persuadée que Lily souffrait de l’absence de son père que je n’avais pas réfléchi au fait qu’elle ne pouvait pas être autant touchée par le départ de ce dernier que je pouvais l’être. Après tout, j’avais tellement aimé cet homme que cela allait mettre du temps pour l’oublier à nouveau. Mais voilà ma fille était là et je devais me concentrer à présent sur elle. Je savais que ça allait m’aider à oublier son père, surtout qu’elle n’avait vraiment rien de lui hormis ses yeux. Voir le regard de ma fille me faisait repenser à son père et cela ne m’aidait pas tellement à l’oublier mais j’allais y arriver avec le temps. Je venais alors de dire à ma fille que je comptais déménager dans le même quartier et elle se mit à penser que j’étais le genre de maman à débarquer à l’improviste. Bien sûr que je la préviendrais quand je voudrais passer, je ne cherchais pas à être une mère intrusive, je veux seulement qu’elle sache que je suis à côté d’elle en cas de besoin alors je vins lui répondre. « Oh non ne t’en fais pas pour ça, je vous préviendrais sans problème. Je ne veux pas être une mère intrusive, tu sais », lui disais-je, histoire de la rassurer. Elle vint aussi me dire que c’était dommage qu’il nous ait laissées mais que c’était ainsi et qu’on devait se soutenir toutes les deux. Je n’en doutais pas et ma vie allait tourner autour de ma fille. J’avais tellement rêvé de la retrouver qu’aujourd’hui je ne voulais plus la perdre, je voulais tisser ce lien qui nous unissait par le lien du sang mais surtout devenir complice avec elle. Bien sûr elle avait sa meilleure amie et colocataire et je savais que par moment on ne veut pas tout dire à sa mère, moi-même j’ai été ainsi alors je vins reprendre. « Oh pour le moment je ne suis pas dans l’optique de retrouver quelqu’un. Si cela se fait, cela se fera sinon je serais juste la maman célibataire d’une adorable jeune femme », la complimentais je avant de me lever du canapé afin d’aller chercher les popcorn et tout en venant lui dire. « C’est parfait, tu peux choisir le film que tu veux, ils sont sous la télévision », lui disais-je, tout en revenant vers elle et Charlie qui se trouvait toujours à nos pieds afin que la soirée commence. Je décidais aussi de venir savoir comment elle se sentait en ville alors je repris. « Et sinon tu réussis à prendre tes marques en ville ? Tu t’es fait des amis ? », lui demandais je, venant me rasseoir sur le canapé et me demandant quel film elle avait choisi.