Désastre des astres. {Lorena&Gabriel}

Le passage d'Owen a été comme un ouragan dans la vie de Lorena. Il n'est resté que quelques minutes et pourtant il a semé le doute dans son esprit et des millions de questions émergent dans sa tête depuis son départ. Elle doute, Lorena, elle doute de tout désormais. La raison de la venue de sa mère en Nouvelle Zélande, les intentions de son beau père, sa relation avec Rayan même parce que même si il n'a pas mentionné le chirurgien clairement elle sait qu'il n'y a pas cinquante neurochirurgien à l'hôpital de Wellington. A vrai dire ils ne sont que trois dont un qui est à deux doigts de la retraite, ça ne peut donc pas être l'ami dont parle son beau père. Il ne reste plus que Rayan et l'autre médecin. Un semblant d'espoir continue d'alimenter son cœur mais elle connait bien Owen et ses manigances. Il serait capable d'avoir envoyer Rayan la séduire mais elle n'arrive pas à se dire que ce dernier lui mentirait depuis tout ce temps. Elle a coupé son téléphone ce soir, elle ne veut répondre à personne. Elle ira voir Rayan demain, elle doit mettre les choses au clair. Pour l'heure elle sort de chez elle en attrapant ses clés et elle se rend dans un des bars de la ville, celui qu'elle ne fréquente quasiment jamais parce qu'elle n'a pas envie de croiser un visage familier.

Elle plisse les yeux face aux lumières et néons à l'intérieur du bar et elle se glisse discrètement jusqu'à une table isolée un peu plus loin. Quand le serveur passe à côté d'elle, elle l'interpelle d'un signe de la main. "Trois margarita et un gin tonic" Le serveur hausse un sourcil mais elle est tout à fait sérieuse. Elle a besoin de se noyer dans l'alcool ce soir. "Je ne conduis pas ce soir pas de panique" Elle lève une main en l'air et il finit par hocher la tête et lui apporter ce qu'elle a commandé. Ça fait un moment qu'elle n'a pas autant bu mais elle en ressent le besoin ce soir. Elle sirote ses verres un par un laissant les vapeurs d'alcool envahirent son corps et quand les quatre verres sont finis elle se lève en se tenant à la table pour aller faire un tour aux toilettes avant de repasser commande. Elle se passe de l'eau sur le visage et en sortant elle passe par le bar pour se reprendre un verre. Elle tape le coin d'une table en voulant rejoindre la sienne et elle a le réflexe de tourner le regard. Gabriel. Elle reste interdite quelques minutes."Deux fois en si peu de temps, la ville n'est pas si grande finalement" sa voix est rauque et alcoolisé, elle se laisse tomber sur la banquette en face de lui et elle lève son verre. "A la tienne Strauss" et voilà qu'elle avale son cinquième verre cul sec en grimaçant.                      

Quoi de mieux pour oublier ses soucis et arrêter de penser que de se noyer dans de l'alcool le temps d'une soirée? C'est la meilleure solution qu'elle a trouvé ce soir là. Elle n'a envie de voir personne, elle n'a envie de parler à personne et elle a encore moins envie de rester toute seule dans son appartement. Elle ne sait pas à quelle heure Finn va rentrer, elle lui a juste envoyé un texto pour le prévenir qu'elle rentrerait probablement tard et définitivement pas sobre. Elle n'a pas encore la force de lui avouer ce qu'il se passe et puis de toute manière pour le moment elle n'est sûre de rien. Elle n'émet que des suppositions qui s'assemblent entre elles comme si elle reconstituait une sorte de puzzle géant dans sa tête. Elle enchaîne les verres sans les compter, assise seule à sa table, le regard vide, elle ne prête aucune attention à ce qui l'entoure. C'est seulement en revenant des toilettes et en se prenant la table d'un client parce qu'elle titube qu'elle remarque Gabriel. Allez savoir pourquoi, ses fesses se posent tout de suite en face de lui. Il la connait assez, de son passé et elle se dit intérieurement qu'avec lui au moins elle pourra parler de tout. Il ne la questionnera pas plus que ça puisqu'il ne connait aucuns de ses proches actuels. Elle laisse un petit sourire triste se dessiner sur ses lèvres quand il la suit avec son verre. Cette situation est en réalité plus gênante qu'elle ne l'aurait imaginé et très vite un silence pesant s'installe entre eux. Elle ne recommande pas de verre, elle se sent déjà assez planer mais pourtant Gabriel paye le serveur pour qu'il leur laisse la bouteille. Alors elle hausse les épaules et elle se ressert en arrêtant de compter le nombre de verres. Elle rit jaune quand il reprend la parole en faisant tournoyer son doigt sur le rebord du verre. "ça concerne bien un mec, dans le mille.." Elle soupire un bon coup et elle se décide à relever les yeux vers lui. "Mais con je ne sais pas encore, trop de doutes, trop de questions, trop de sentiments toussaaa.." Elle hausse les épaules en levant les bras en l'air avant de baisser à nouveau les yeux. Sa voix est grave à cause de l'alcool et de la fatigue. Elle parle plus doucement mais Gabriel l'entend parfaitement. "Je suppose que je le mérite après tout. Je savais pas ce que ça faisait d'avoir le cœur brisé quand je t'ai laissé. Égoïstement d'ailleurs. J'ai pensé qu'à ma gueule.." Elle boit une gorgée dans son verre en fermant les yeux. ".. à me protéger, enfin tu connais vois. Maintenant que j'vois ce que ça fait j'me sens bien conne parce que putain ça fait mal. Désolé d'avoir été une garce en partant du jour au lendemain." Sur cette note, elle attrape son verre et le termine. Elle ne lui aurait jamais dit tout ça en étant sobre mais l'alcool délie les langues. Elle lève un doigt en l'air et pointe Gabriel du doigt. "J'reste à ta table mais seulement si on arrête de parler d'amour, pas ce soir. Ce soir j'veux juste oublier et penser à autre chose ok?"  Elle plisse les yeux et réfléchit un instant. ...ou je m'en vais, t'as sûrement pas envie de voir ma tronche ouais c'est plus logique mais elle attend quand même sa réponse.                      

Les effets de l’alcool s’empare d’elle à mesure que les minutes s’écoulent et elle ne s’arrête pas pour autant. Gabriel demande carrément la bouteille et ils se resservent à nouveau. Elle ne rentre pas dans les détails quand il l’interroge sur la cause de son état. Ce soir elle ne veut pas parler de Rayan. Au fur et à mesure qu’elle s’exprime vaguement sur la situation, elle se rend compte qu’elle aussi a fait des dégâts en partant à l’autre bout du monde laissant Gabriel dans l’incompréhension. Elle se sent mal, elle le mérite c’est certain, c’est un juste retour de bâton. Il n’a pas changé et quand il l’ouvre la bouche un sourire triste se dessine sur le visage de la jeune femme. « C’est compliqué. Je ne connais pas encore le fin mot de cette histoire mais ça ne saurait tarder. » Elle marque une pause comme pour clôturer cette discussion sur sa relation amoureuse beaucoup trop compliqué dans l’instant. En plus, elle ne veut pas infliger ça à Gabriel, se plaindre d’avoir le cœur brisé par un autre homme alors qu’elle a brisé le sien. « Justement, je suis partie. C’était égoïste de ma part, j’ai pensé qu’à moi, qu’à me protéger et j’ai pas pensé aux conséquences de mes actes. » Elle l’avait laissé en plan pour refouler les sentiments qu’elle avait pour lui. A cette époque elle refusait de tomber amoureuse, sa seule préoccupation était de se protéger. Elle s’excuse, des années plus tard mais elle en ressent le besoin. Il ne méritait pas ça. Il accepte de clore le sujet et elle lui rend un faible sourire en faisant tourner son verre du bout de ses doigts. « J’ai une chienne. Nana. Quand on a emménagé avec mon colocataire, et maintenant meilleur ami, j’ai accepté qu’il prenne un chien et nous y voilà. D'ailleurs je vis à East Bay, dans un loft bien sympa même si on pense sérieusement prendre plus grand dans les mois à venir» Elle lâche un petit rire en repensant à leur première discussion dans ce café, elle lui avait dit qu’elle ne s’occuperait pas du chien par manque de temps mais au final cette boule de poil elle l’adore. Il accepte qu’elle reste et elle se contente d’hocher la tête. « Tu sais, ça va te paraître étrange que je te dise ça mais ça me fait vraiment plaisir de te revoir. » Comme avant. Comme toutes ces soirées qu’ils ont passées ensemble, à rire, à boire, à fumer, à se confier. Il est un visage familier qu’elle a besoin de voir en ce moment. « Tu crois qu’on pourra retrouver un jour la complicité qu’on avait ? » Malgré une fin de relation chaotique, elle l’a toujours considéré comme un ami exceptionnel. Elle tend le bras pour attraper la serviette en papier de Gabriel et gribouille son numéro de téléphone dessus avant de la lui rendre. « Au cas où la prochaine fois, c’est toi qui ai besoin de te confier et de te changer les idées »

Lorena n’a jamais été facile à comprendre et encore moins quand il s’agit de sentiments. Elle s’était éloignée de Gabriel pour éviter de tomber amoureuse et d’ouvrir son cœur mais elle n’avait pas réalisé à quel point elle lui avait fait du mal en faisant ça. Et pourtant, ce soir, il se tient là, assis face à elle et il ne la rejette pas. Il accepte qu’elle reste, qu’ils se tiennent compagnie pour la soirée dans ce bar au centre-ville à boire quelques verres et qu’elle se confie un peu à lui sur sa vie et les problèmes qu’elle rencontre. Elle a vaguement évoqué Rayan, sans rentrer dans les détails et la réaction de Gabriel la fait doucement sourire. Malgré le mal qu’elle lui a fait, il est prêt à être là pour elle comme il l’a toujours été. Ça la touche, sincèrement. « C’est noté, Rambo » lance t-elle sur le ton de l’humour pour clore ce chapitre. Elle sait qu’elle ne fera jamais appel à lui pour qu’il se batte en son nom mais elle apprécie l’intention.

La jeune interne décide de revenir sur leur passé en commun, de s’expliquer, de justifier ses actes et de présenter ses excuses. A sa réponse, elle hoche la tête, les yeux se baissent et elle n’ose rien répliquer. Elle décide de s’ouvrir un peu plus à lui, lui laissant l’opportunité d’en apprendre un peu plus sur la femme qu’elle est devenue et sur sa vie ici. Elle n’est plus celle qu’il a connu à New York. Lorena éclate de rire en secouant la tête. « Non ce n’est pas un Saint Bernard, c’est un Stratford bull terrier, une petite folle mais adorable. » Elle hausse les épaules avant de lui confier qu’elle souhaite prendre plus grand. « Oula non c’est pas demain la veille ça ! J’ai encore de longues années à l’hôpital avant de penser enfants ! Non, juste plus grand parce qu’on invite souvent du monde, quand lui veut ramener une fille et parce que j’en ai tout simplement envie » Un petit rire s’échappe de ses lèvres tandis qu’elle prend son verre entre ses mains pour s’abreuver. Un autre sourire anime ses lèvres quand il lui répond par la positive. Elle aimerait sincèrement retrouver leur complicité d’avant sans qu’il n’y ait cette rancune derrière. Elle décide de lui donner son numéro, ils vivent dans la même ville et elle souhaite rester en contact avec lui. « ça n’est pas tombé dans l’oreille d’une sourde. Tu sais que maintenant à l’hôpital je vis souvent la nuit ? » Elle le taquine avant de finir son verre et de le poser. « Je crois que je vais m’arrêter là avant d’être malade. J’ai pas envie d’avoir une gueule de bois de l’enfer demain matin. »