CHRIS ★ i know my brother like i know my own mind

Lizzie & Chris

What strange creatures brothers are!

La maison paraît toujours tellement vide lorsque Maya n’est pas là – au centre commercial avec des copines est la raison officielle, et Lizzie sait mieux que de chercher le vrai du faux dans tout cela. Maya est assez grande pour savoir ce qu’elle fait, et la discussion sur les fleurs et les abeilles est couverte depuis des années. Elle a le droit à ses secrets et son intimité, Lizzie ne veut pas devenir cette mère poule insupportable toujours sur le dos de sa fille. Elle l’a un peu trop vécu durant ses années adolescentes.

Le vit encore aujourd’hui. Lourd soupir alors qu’elle se dirige vers la cuisine pour préparer le dîner. Chris devrait rentrer dans une demi-heure, tout au plus, sa vie sociale aussi trépidante que celle de Lizzie. Cela en dit large, tout de même, que la seule adolescente de la famille a la vie la plus intéressante. Non pas que Lizzie s’en plaigne, la plupart du temps – elle apprécie plus que de raison rester chez elle avec un bon film, même le vendredi soir. Ajoutons à cela un verre de vin rouge lorsque la solitude se fait ressentir, et le tour est joué.

Elle est en train de préparer le repas – rien de plus que des pâtes au pesto, elle n’a jamais été une cuisinière avertie – lorsque la porte d’entrée claque et annonce l’arrivée de son petit frère. « Maman m’a téléphoné, » elle annonce la couleur, lorsqu’il entre dans la cuisine. Un verre d’alcool l’attend déjà, et Lizzie le lui tend sans cérémonie. « Elle persiste et signe à croire que je vais te foutre dehors avant que tu puisses réemménager chez toi. » Levé d’yeux au ciel. « Ca en devient presque insultant, à ce niveau. »

Chris n'avait pas prévu de faire des heures supplémentaires, et pourtant c'est un peu plus tard que d'habitude qu'il rentre chez sa sœur, fatigué, et un peu chamboulé par la nouvelle de la présence d'Alice à Wellington pour être tout à fait honnête. La coïncidence est presque ridicule en soit, mais bel et bien un état de fait. Lui qui avait imaginé cette confrontation un million de fois dans sa tête, s'est retrouvé bien démuni devant l'audace de la brune. A la place de la colère, c'était surtout l'incompréhension qui était venu le cueillir. Inutile de dire que son esprit est donc occupé par quelques démons de son passé qu'il aimerait pourtant bien mettre derrière lui. Ainsi lorsque Elizabeth lui parle de leur mère, il saisit là l'opportunité de se distraire un peu. Il n'est pas encore prêt à parler d'Alice de toute façon.

« Techniquement je pourrais emménager chez moi très bientôt, mais Maya a insisté pour que je reste encore un peu, une histoire de Netflix ou je ne sais plus quoi. De quoi maman se mêle exactement ? » Il demande en secouant la tête. Leur mère a cette sale manie de tout commenter dans leur vie sans jamais rien payer. Il est vrai que squatter sur une longue durée chez sa sœur n'est pas une situation très banale ou même normale, mais Chris a bien compris que pour l'instant, c'est ce dont sa famille a besoin. Vu son entourage amical, il peut bien se montrer présent pour les seules personnes qui n'ont jamais pris un malin plaisir à lui faire à l'envers. La moindre des choses vraiment. « Elle t'appelle beaucoup plus que moi, considère toi chanceuse, je pense qu'elle a compris que j'étais un cas désespéré. » Après toutes ces années, le mot est faible.

« Netflix ? » Aux dernières nouvelle, ils n’ont aucun problème à ce niveau – Lizzie le sait, parce que Maya se met à râler dès que le wifi est un peu trop lent à son goût. Elle en aurait largement entendu parler, si sa fille ne pouvait plus regarder ses séries pourries en paix. D’autant plus que Lizzie pompe leur connexion internet assez régulièrement, dès qu’elle envoie de larges illustrations à des clients ou qu’elle met en ligne de nouvelles ouvres à vendre. Alors, vraiment, elle n’a aucune idée de quoi Maya parle. Ou de quoi sa mère parle non plus, d’ailleurs. C’est de famille.

« Maman se mêle toujours de ce qui ne la regarde pas, pourquoi ça t’étonne encore ? » Le triste sort d’une mère de famille qui n’a plus d’enfants dont s’occuper. C’est bien connu que papa est le seul à remplir le compte bancaire familial, alors que maman s’occupe juste… de socialiser avec les voisines ? Un pur cliché de la classe moyenne, leur mère. « Chanceuse ? » ne peut s’empêcher de rire Lizzie. Elle secoue la tête, avant de renverser les pâtes dans les assiettes, jusqu’alors vides. Elle se tourne vers Chris, et pointe le frigo d’un coup de menton. « Fromage et eau fraiche, s’il te plait. » Elle ouvre un tiroir pour attraper fourchettes et couteaux au passage. « Elle t’épargne les beaux discours culpabilisants, oui. Si elle pouvait me forcer à sortir avec tous les célibataires de Nouvelle-Zélande dans l’espoir de me caser, elle le ferait sans problème. » Elle pose une assiette devant Chris, avant de s’asseoir en face de lui avec sa propre nourriture. « Toujours à me demander si j’ai rencontré quelqu’un, et m’expliquer l’importance d’une figure paternelle dans la vie de Maya… Epuisant. »

« Une excuse bidon pour me faire rester ici. Cherche pas à comprendre. » Chris sourit, il n'est pas dupe sur les intentions de Maya. L'ado a su se montrer plus que claire lorsqu'il le fallait. Le but n'est pas de la trahir en expliquant à sa sœur à quel point sa nièce a été honnête sur la situation cela dit. Il veut bien rester quelques jours de plus, mais à un moment il lui faudra bien reprendre possession de son appartement, ne serait-ce que si il veut inviter une nouvelle folle à passer du temps chez lui, ce qui serait une très mauvaise idée soit dit en passant, mais la solitude ne lui réussit que trop peu. Elizabeth est à l'inverse bien moins dépendante que Chris sur ce point. Le blond ne saurait se passer d'attentions et de contact physiques. C'est un amoureux par nature, pas un abruti de première, mais quelqu'un qui ne saurait vivre sans contacts humain ou encore quelques câlins devant une émission de cuisine.

Le blond ouvre le frigo et en tire les éléments indiqués par sa sœur. L'attitude de leur mère ne le surprend pas tant que ça. La pauvre femme n'a pas mieux à faire que de se mêler de la vie d'Elizabeth, c'est un peu l'effet de l'argent sur les gens qui n'ont pas à s'en préoccuper. « Moi je crois qu'elle a compris, que c'est bien moins dangereux quand je reste célibataire. Elle n'a donc plus que toi à s'occuper. Toi et Edgar le chat qui fait ses griffe sur le fauteuil du salon. » Leur mère n'est pas méchante cela dit. « Je ne crois pas que Maya ait besoin de figure paternelle. Ce n'est pas à son âge qu'on s'en cherche une, et puis elle a une mère et un oncle au top. » L'art de s'envoyer des fleurs poussé à l'extrême.

Parfois, Lizzie se demande ce qui doit bien se passer dans la tête de leur mère. C’est un peu une Mrs Bennet du vingt-et-unième siècle, après tout – elle aime ses enfants plus que tout au monde, mais elle les aimerait plus encore s’ils pouvaient lui faire le cadeau d’une vie sentimentale parfaite et bien rangée. Chris a raison – elle s’est calmée avec lui depuis le divorce, comme si elle était tellement déçue qu’elle en a presque banni Chris. Pour le bien de celui-ci, d‘ailleurs, mais tous les efforts portés dans les insinuations qu’il était plus que tant que Chris la fasse devenir à nouveau grand-mère, tous ces efforts-là sont maintenant redirigés vers Lizzie. Evidemment.

Elle n’a pas encore trouvé le moyen de dire qu’elle n’est pas vraiment un meilleur parti que son petit frère – le mariage de Chris est certes parti en flambeaux, mais au moins il est passé par toutes les étapes importantes. Fiançailles. Cérémonie. Emménagement dans une grande maison. Tout le bordel. Lizzie, elle, n’a même pas réussi à convaincre le père de Maya de rester avec eux. Pourquoi sa mère pense toujours qu’elle a le potentiel d’avoir une vie sentimentale épanouie, à ce stade, Lizzie ne le comprend même plus. Ne le comprendra jamais, sans doute.

« Elle ferait mieux de s’occuper un peu plus d’Edgar et un peu moins de moi. » Lizzie lève les yeux au ciel avant d’avaler une autre bouchée de pâtes. « Et marrant qu’elle ne me présente que des mecs. A croire qu’aucune de ses amies n’a une fille ou une nièce célibataire. » Mrs Bennet, après tout, ne vit pas entièrement dans le vingt-et-unième siècle. Non pas que Lizzie lui en veuille particulièrement. Elle s’est habituée, à force. « Une mère au top, un oncle correct, » ne peut-elle s’empêcher de corriger Chris avec un sourire. Toutes les raisons sont bonnes pour le faire chier. « Si Maya avait eu une figure paternelle comme toi toute sa vie, elle serait partie en live depuis bien longtemps. » Après tout, Lizzie s’est pas mal démerdée, toute seule pendant si longtemps. Maya n’a pas l’air traumatisée, en tous cas. Là est bien le plus important.

S'occuper plus d'Edgar serait impossible, ce chat est un pacha, un roi sur pattes et ne lui manque plus que la couronne. Chris secoue donc la tête amusé en pensant à la boule de poil. « Edgar a pas besoin de plus de soins, tu verrais l'arbre à chat qu'elle lui a acheté, ce faste, c'est ridicule. » Mais la conversation est beaucoup plus sérieuse qu'une histoire de chat ultra gâté. Leur mère est inquiète. Inquiète à tort certes, mais suffisamment concernée pour se montrer pénible avec Elizabeth. Si sa détermination à les caser leur donne de quoi se plaindre pendant des heures, Chris veut bien admettre que ce soit fatigant à la longue. Le blond ricane d'ailleurs lorsque sa sœur note que sa mère a volontairement oublié toutes les jeunes filles célibataires de son entourage. Ils savent tous les deux très bien pourquoi. « Elle a pourtant une très jolie liste qu'elle s'est empressée de me présenter après mon divorce. On pourrait échanger les recommandations tiens, on aurait peut être plus de chance. Théoriquement, il y a des avantages à être un peu plus ouverts... ? » Chris hausse une épaule et s'adosse contre le comptoir de la cuisine. Lorsque Elizabeth le taquine, Chris se saisit d'un torchon qu'il lui balance dessus. « Je te permets pas, je suis une figure plus que correcte, il y a vraiment pire que moi. Mieux je demande à voir, peut être dans ta liste de prétendants qui sait...? Invite en un à dîner pour voir. » Il la taquine aussi, les suggestions de sa mère ne sont très certainement pas du meilleur goût. Les choix de partenaires des deux Waltham non plus, cela dit.

Dans le fond, Chris et Lizzie savent aussi bien l’un que l’autre que leur mère agit ainsi parce qu’elle s’inquiète pour eux et veut qu’ils aient la meilleure vie possible. Lizzie ne lui en veut pas vraiment de pousser ses idéaux sur eux, même si cela peut parfois être plus qu’irritant. Après tout, elle a un boulot plus que convenable qui lui a permis d’acheter une maison dans une banlieue tranquille, une vie paisible, et une fille adorable qui lui ramène toujours de bonnes notes. Être célibataire n’a jamais vraiment été un point dans la balance, pour une femme qui préfère être seule plutôt que mal accompagnée. Lizzie et sa mère ont juste des rêves différents pour elle, voilà tout.

« Il y a des inconvénients aussi, » ne peut-elle s’empêcher de rire. Elle préfère ne même pas savoir à quoi le carnet d’adresses de leur mère ressemble. Si les Walthams étaient nés quelques siècles plus tôt, nul doute que leur mère aurait été au centre d’un grand réseau de mariages arrangés à base de bals, de rubans et d’officiers en uniforme. Netherfield Park is let at last !

Le rire de Lizzie se fait un peu plus bruyant lorsque Chris lui lance un torchon à la figure alors qu’elle se soit moquée gentiment de lui. S’il ne voulait pas qu’elle attrape une telle perche, mieux valait ne pas la lui tendre, après tout. « Mieux qu’un oncle qui squatte le canapé depuis des semaines et bourre sa nièce de glace et de pizzas ? Oui, je demande à voir, vraiment… » Elle offre à Chris un sourire carnassier, avant de finir son diner. Parfois, tout de même, elle se demande ce qu’aurait été la vie de sa fille si elle avait eu une figure paternelle à ses côtés depuis la naissance. Pas forcément Alfie mais… un homme, qui partagerait leur vie et leur maison. Tout serait tellement différent, dans une telle situation. « Oui, parce que je vais inviter quelqu’un ici, juste pour le plaisir de vous voir m’espionner toute la soirée… Que pourrait-il arriver de pire ? »

Des inconvénients aussi, oui sans nul doute. Chris a beau prétendre être aussi ouvert que sa sœur, il n'a encore jamais eu le courage de s'afficher librement avec quelqu'un du même sexe pour autant. Leur mère n'a rien d'une harpie qui refuserait de le voir sous ce prétexte, mais on ne peut jamais être  à cent pour cent sur de ce genre de choses, et c'est cette crainte qui garde le concept assez théorique dans son esprit. Mais parce que ce serait, de son point de vue en tout cas, ridicule d'avoir aussi peur, il aime prétendre qu'il serait tout à fait à l'aise avec l'idée, il aime y croire aussi. Il n'est pas vraiment honnête avec lui même, mais les choses sont rarement aussi simples et limpides lorsqu'on parle de sexualité. Elles ne le sont pas pour les Waltham en tout cas.

« Ma nièce ne veut pas que je parte, et elle a toujours d'excellentes excuses. » Il précise en insinuant très fortement que sa nièce n'est pas la seule qui veut le garder ici. Le canapé n'est pas des plus confortables, et son mobilier neuf vient justement d'être livré. Accélérer les choses ne prendrait pas spécialement de temps, alors il se permet aussi de taquiner Elizabeth au passage. « Je commence à croire que t'as toi aussi envie que je reste. Je ne sais pas si c'est parce que je fais la vaisselle, ou parce que tu t'ennuies quand il y a personne pour bitcher avec toi devant de la mauvaise télé-réalité, mais le résultat est le même. » Un clin d'oeil amusé plus tard il ajoute pour répondre à sa pique. « Tu crois pas que tu en fais un peu trop ? En plus on pourrait te donner notre avis éclairé. » Elizabeth n'a pas toujours ramené que des gens super fréquentables à la maison.