breakfast (lily)

Fils unique, une chance comme une malchance. La chance d’être le seul aimé de ses parents, le seul couvert de cadeaux, le seul dont on se préoccupe, celui qui attire toute l’attention. La malchance, c’est cette solitude pénible qui s’empare de nous quand on développe une profonde haine envers nos propres géniteurs. Là, seul dans sa chambre, on regrette de ne pas avoir un grand frère ou une petite sœur avec qui fait des conneries, avec qui prévoir des plans machiavéliques pour énerver les « vieux ». Craig avait apprécié et détesté ces deux parties de sa vie, comme tous enfants uniques qui se respectent. Et puis il avait rencontré la fille des amis de ses parents. Il apprendra bien plus tard que cette fille avait été adopté par ceux-ci mais ça, ce n’est qu’un détail et ça change en rien l’amour qu’il lui porte depuis toutes ces années. Ils étaient presque voisins, toujours fourrés ensemble quand il restait dans le droit chemin, pour ses débauches et conneries, il préférait aller voir ailleurs. Il lui parlait de toutes les bêtises qu’il faisait depuis sa plus tendre enfance, durant son adolescence et même au début de son âge adulte. Elle savait tout, mais il ne voulait pas qu’elle l’accompagne, dans rien. Comme une petite sœur, il voulait la protéger, toute faire pour qu’elle ne lui ressemble pas. Peut-être que ça avait marché, peut-être pas. La seule chose sûre et certaine, c’est que cette amitié entre eux, même quinze ans après, ne s’était jamais estompée. De Londres à Island Bay, ils étaient restés les mêmes amis qu’à l’âge où elle ne savait pas encore parler. Il l’avait revu ici sans s’y attendre, croisée dans un fast-food alors qu’il n’était venu ici que pour manger. Ils avaient eu l’occasion de légèrement discuter et depuis, plus rien, pas de nouvelles, pas d’appels, pas de messages. Elle était l’une des rares personnes pour qui il faisait le premier pas, vers qui il revenait sans arrêt, s’il en avait l’occasion.

8h du matin, Craig était pour une fois étrangement matinal. Il avait envie de faire une surprise à Lily, il connaissait son adresse et il était temps pour lui de la revoir. Il était passé à la boulangerie pour prendre deux cafés à emporter et des croissants, le petit déjeuner parfait pour deux anciens Londoniens, qui ont connu des traditions françaises selon les envies de leurs parents. Une fois leur futur repas payé et dans des sachets, il embarquait sur la moto qu’il s’était récemment payé, roulant jusqu’à l’appartement de la petite blonde. Son casque sur un bras et le sachet dans l’autre, il se débrouillait comme il le pouvait pour sonner à sa porte, attendant patiemment qu’elle vienne lui ouvrir. ▬ Surpriiise ! Balançait-il à la jeune femme une fois la porte ouverte, souriant comme un con, c’est vrai qu’il était toujours heureux de la voir, elle.

Craig n’est pas un homme très tactile, il préfère éviter au maximum les contacts s’il le peut. Une poignée de main sera toujours plus intéressante qu’une bise et, rares sont les gens qu’il accepte d’étreindre. Sa petite amie la seule personne qui peut le prendre dans ses bras et l’avoir contre lui, même d’une manière peu intime. Les autres personnes, plus loin elles sont et mieux il se porte. Pour Lily, c’est légèrement différent puisqu’il voit en elle sa petite sœur. Il n’est pas très proche de sa famille, il n’a pas pour habitude de prouver à son père ou à sa mère qu’il aime ceux-ci à coups de câlins mais, s’il en a l’opportunité, que l’on fait le premier pas vers lui, il ne refuse pas. C’est la même chose pour la blondinette, qu’il n’hésite pas à serrer contre lui lorsqu’elle vient se blottir contre lui. ▬ Hey ma belle. Dit-il à son oreille quand il l’avait contre lui, avant de se séparer d’elle pour pouvoir rentrer dans l’appartement. C’était la première fois qu’il venait ici, il ne comptait pas lui faire un rapport sur sa décoration mais c’est vrai qu’il laissait traîner ses yeux un peu partout, pour voir sa personnalité s’exprimer à travers ses meubles. ▬ J’ai apporté le petit-déjeuner. Dit-il en lui montrant le sachet qu’il avait dans ses mains. Il n’attendait pas son invitation et s’installait dans le canapé, sortant les deux cafés et croissants qu’il avait acheté il y a quelques minutes, préférant le boire avant qu’il ne refroidisse. Il le portait rapidement à ses lèvres et buvait une gorgée avant de reporter son attention sur elle. ▬ J’ai commencé à prendre mes marques ici, tout va bien de mon côté. Il n’était pas là depuis très longtemps mais sa vie semblait correcte, maintenant. Il avait quelques toiles à peindre pour quelques clients, bien sûr, ils n’étaient pas très nombreux mais suffisants pour le faire vivre. Il y avait sa petite amie et d’anciennes têtes qu’il revoyait de temps en temps, comme elle. Après son divorce précipité et son déménagement tout autant rapide, sa vie reprenait un rythme qui lui plaisait davantage. ▬ Et toi, ça va bien ? Qu’est-ce que tu racontes de beau ? Il n’était pas le genre d’homme à discuter énormément avec les gens mais il s’intéressait quand il s’agit d’un proche, comme Lily.