♠ the prom of secrets, neema

neema & isaac

the prom of secrets

Neema a écrit:

Je dois te parler boulot, c'est plutôt urgent ...  Rejoins moi à mon appart' dès que tu peux. Je ne bouge pas aujourd'hui.

Il suffit d’un mot pour faire rappliquer le loup et Neema l’avait bien compris depuis toutes ces années. A la seule évocation du boulot, de la Meute, du Holster ou de tout ce qui s’y rapporte, Shelby accourt aussitôt et toujours dans l’heure. Elle le connait par coeur et elle en joue. Elle tire des ficelles dont il n’a même pas conscience. Ils sont pantins l’un de l’autre, emmêlés dans le professionnalisme et l'ambiguïté. Elle en est folle et lui, il est fou, tout court. Si Seth avait regardé, ne serait-ce qu’une fois, plus loin que le bout de son nez, plus loin que cette soi-disant amitié à la con, elle serait peut-être sa Bonnie et lui, son Clyde. Ils fileraient peut-être le parfait amour, celui qui ne tremble jamais : entre Wellington et Tahiti, ils vivraient d’argent et d’alcool frais, sans personne pour les emmerder. Ils baiseraient sur des liasses de billets sales, picoleraient des whiskys aux prix à t’en couper le sifflet et trancheraient les gorges de tous ceux qui s’interposent. Une vie de rêve pour deux truands. Une vie manquée pour deux imbéciles.

Le bruyant moteur de la deux roues rend le silence aux rues de la ville, en bas de l’immeuble où se tapie l’égyptienne. Isaac connaît cet endroit par coeur puisqu’il y met les pieds régulièrement dans le plus grand des secrets, comme s’il étaient deux amants en cavales. Le code de l’entrée, le local à poubelles sur la gauche, les escaliers en colimaçon et le juda sur la porte. Il a machinalement fait ce même chemin sans y réfléchir, sans remarquer que les boîtes aux lettres dégueulent de courrier ou que la femme de ménage s’active pour nettoyer les traces de terre qu’il laisse derrière lui. Il avale les marches deux par deux et très vite, il pose son doigt sur le petit boîtier près de la poignée de porte et poireaute quelques secondes, le casque de moto sous le bras, avant que la porte ne s’ouvre sur Neema dont le sourire se ravive en un instant. J’ai fait au plus vite, Jacob voulait pas me lâcher, fin de nuit mouvementée au casino entre les poings qui ont trouvé des mâchoires à flatter, la marchandise qui a bien failli manquer et l’esclandre d’Ellie qu’il s’évertue à dissimuler. Quelques jours que la lionne s’était pointée dans son repère et avait tout envoyer valser, jusqu’à lui coller une claque devant ses troupes avant d’abdiquer, assaillie par les envies animales de son époux. Il avait eu gain de cause, comme souvent, mais l’honneur n’était pas sauf aux yeux de la Meute. Madame avait finalement pris la fuite et monsieur était revenu comme une fleur parmi les siens, les côtes douloureuses, l’ardeur satisfaite et la chemise froissée.

Elle est là, dans l'entrebâillement de la porte et il ne remarque pas comme elle est belle, comme elle rayonne en sa présence. Loin d’être une femme joviale et enthousiaste, elle a tout de même l’allure d’une reine lorsqu’il fait quelques pas vers elle. Trop aveugle pour s’en rendre compte, Shelby entre dans l’appartement suite à l’invitation et elle referme la porte derrière lui, les cloisonnant dans cette tanière qui est la sienne. Alors, de quoi tu voulais me parler ? Comme à chacune de ses visites, il s’avance pour poser son casque sur la table et va prendre place dans le canapé qui présente presque l’empreinte de son cul, depuis le temps. Il ouvre son manteau qu’il dépose sur l’accoudoir et passe une main dans ses cheveux mal coiffés. Au fait, elles ont rapporté beaucoup ces derniers temps ? Par elles, il entendait les prostituées, les putes qui se caillent les cuisses dehors pour ses beaux yeux. Neema en est la patronne, celle qui les gère et qui se charge des comptes alors dans son rôle de carnassier, Shelby vient aux nouvelles. Les affaires et encore les affaires. Si seulement il pouvait parler d’autre chose, voir autre chose.

The prom of secrets

Isaac & Neema

Isaac. Mon cœur se débatait dans ma poitrine lorsque j'évoquais son nom. Ce même cœur qui s'accrochait depuis tant d'années à cet amour désavoué. Il était coriace, prêt à battre aussi fort qu'il faudrait pour me rendre sourde à la moindre bribe d'abandon. Aux réflexions des personnes de mon entourage qui voulaient me voir briser mes chaînes. Prêt à m'aveugler devant l'indéfectible mur qu'il s'était construit entre lui et moi. À quoi bon aimer un homme qui vous porte si peu d'importance ? Sentirait-il, lui, un trou béant dans la moindre partie de son être si je parvenais à m'échapper de cette prison ? Si je parvenais à partir loin de lui ? Non. La réponse était simple, basique, sans appel et le pire dans tout cela, c'est que j'en avais conscience. Fallait croire que j'étais assez conne pour me laisser embrumer l'esprit par cet homme. Pourquoi était-il si particulier à mes yeux ? Voilà une question que je me posais encore aujourd'hui. Je me ressassais tous ces moments passés à ses côtés. Ces années à prendre soin de lui, sans rien attendre en retour, pas même un merci. À le ramasser par terre, à s'assurer qu'il ne prenait pas la seringue du camé d'à côté pour s'injecter je ne sais quel produit douteux… Fallait être sacrément utopique quand même, ou très conne, la différence ne tient qu'à un fil...

Boulot. Un simple mot qui permettait de faire carapater le boss en moins de deux. Il répondait toujours présent lorsqu'il s'agissait de parler affaires. La thune, c'était son moteur, sa came. Je savais pertinemment que Shelby ne se serait pas montré aussi pressé si je lui avais évoqué autre chose que nos petites magouilles avec la meute. Surtout s'il était question de sa femme. De cette putain de gonzesse qui avait foutu la merde l'autre soir. Cette garce l'avait sali en le giflant ainsi devant nous tous. Sans parler du clou du spectacle. Le voir revenir, la chemise défaite, la queue entre les jambes et la braguette à peine remontée. Puéril spectacle qui remettait en cause l'autorité du chef aux yeux de la meute. Peut-être que je prenais cette histoire trop a cœur, me laissant guider par la colère, par cette jalousie qui me rongeait. J'ai préféré l'ignorer durant quelques jours, histoire de lui faire comprendre que la pilule n'était pas passée, mais c'était à croire qu'il n'avait rien remarquer. Une fois de plus… Mais ce n'était un secret pour personne, son mariage avec une flic était vu d'un mauvais œil. C'était comme voir Robin des bois marié au shérif de la ville. Il était temps de poser cartes sur table. De le mettre face à ses responsabilités.

Isaac allait bientôt faire son entrée. Ses pas lourds et rythmés résonnaient dans la cage d'escalier. La sonnette ne tarda pas à retentir. J'ouvris la porte sans attendre, le sourire aux lèvres, hébétée par ce cœur qui battait la chamade. Pas besoin de mot pour voir à quel point j'étais heureuse de le voir. L'australien s'excusa de ne pas être arrivé plus tôt. « Rassure-moi, personne n'a été blessé ? » Je pris le temps de l'observer, histoire de détecter la moindre petite éraflure. RAS. Je lui fit signe d'entrer. Isaac fit comme chez lui. Ce n'était pas la première fois qu'il venait à l'apart'. C'était presque devenu une habitude lorsqu'on voulait parler boulot loin des yeux et des oreilles de la meute, ou bien de Jacob... Shelby ne tarda pas à demander la raison de sa venue. Je n'ai rien répondu dans un premier temps. Préférant lui tendre une bière afin d'amadouer la bête. Je pris place à côté de lui sur le sofa, laissant tout de même assez de distance pour lui faire face. Sa deuxième question me fit doucement rire. « Oh darling crois moi, mes filles sont le cadet de tes soucis… » Je le regardais tel un prédateur prêt à sauter sur sa proie. Tapotant nerveusement du bout des doigts sur l'un de mes genoux. J'étais en colère et il allait très vite savoir pourquoi. « Si je t'ai fait venir c'est pour parler d'un sujet des plus… épineux. » Ça ne va pas te plaire crois moi. Les jeux de charme ce sera pour plus tard. « T'as beau faire ton possible pour évincer le sujet, les frasques de ta petite fliquette qui te sert de femme a provoqué un sacré remue ménage dans la meute… » Je le fixais des yeux, sans un sourire. « T'as pas l'impression d'être passé pour un con l'autre soir ? » Je connaissais déjà sa réponse. « Non mais franchement Shelby, merde ! » J'étais en colère, à un tel point que je n'arrivais plus à tenir en place. « Il y a je ne sais combien de gonzesses dans cette putain ville et il fallait que tu choisisses une flic hein ? T'as toujours l'art et la manière pour te foutre, pour nous foutre dans la merde ! » C'était à croire qu'il était vraiment con. « C'est quoi ton plan le jour où ta petite femme va découvrir que son mari est à la tête d'un cartel de criminels hein ?! »

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the prom of secrets

Personne n’a été blessé Yepheh, il répète à l’affirmative la question qu’elle vient de lui poser, ajoutant ce mot, ce surnom qu’il lui donne depuis qu’ils sont gamins : celui que la mère Shelby donnait à la petite Neema lorsqu’elle venait traîner dans les pattes de son fils. Tiré de l’hébreu, il signifie belle et c’est ainsi que la juive saluait l’égyptienne. Isaac a pris le pli, trouvant au fil des années que Neema le portait à merveille sans pour autant se rendre compte de l’impact que cette attention pouvait avoir sur elle. Pour lui, ce n’est qu’un tas de lettres sans plus de signification. Pour elle, c’est un espoir, une promesse. C’est une montagne russe qui se déchaîne dans sa poitrine, emporte avec elle sa fierté et son orgueil. Il entre dans la tanière, comme s’il en était le loup, et remarque à peine le sourire qui déforme les pommettes de la femme qui lui emboîte le pas. Il est à peine assit qu’elle est déjà dans son ombre, la main tendue vers lui, une bière comme proposition. Il accepte et en boit une gorgée sans attendre tandis qu’elle s’installe près de lui. Avec ce rire carnassier dont elle a le secret, elle l’informe que ses filles l’intéresseront moins que l’attaque qui va suivre et que sa question est inutile. Shelby arque un sourcil, intrigué. Il sent la brune de raidir peu à peu, crispant ses muscles, faisant claquer les mots entre ses dents, prête à bondir sur l’animal blessé qu’il représente. Ses griffes battent le rythme sur son genou et c’est lorsqu’il observe ce vernis qui commence à s’abîmer qu’elle balance toute l’aigreur qu’elle a sur le coeur. Et c’est reparti. Il prend une grande inspiration, ses yeux roulent dans leurs orbites et il l’écoute sagement tandis qu’elle déverse sa colère aux pieds de son bourreau. Ellie était son cheval de bataille favori, celui qu’elle brandissait à tort et à travers, celui qu’elle aimait déchirer pour avoir l’attention de son boss autant que de son aimé. Personne n’est dans la merde, vient maintenant le long soupir de désespoir. Elle ne se lassera jamais, ô grand jamais, d’essayer de foutre la fliquette à la porte et Shelby refuse d’en admettre les véritables raisons.

Laissant le silence s’installer, la brune se calmer, il sort un paquet froissé de clopes qu’il tend à Neema afin qu’elle se serve. Ce qu’elle fit. La cancéreuse entre les lèvres, il lui adresse un regard, j’ai pas de plan, il porte le briquet à sa bouche et offre à la nicotine la liberté de pourrir ses poumons avant de le tendre à la louve qui grogne juste à côté. Parce qu’elle ne découvrira rien, sûr de lui et pourtant si loin de la vérité, dans le déni le plus complet, presque autant que pour sa propre maladie. Une nouvelle gorgée de bière vient lui rafraîchir l’oesophage, et puis même si elle découvrait quoi que ce soit, on f’rait comme on l’a toujours fait, le ton autoritaire et le bras qui vient s’étendre sur le dossier du canapé, il prend ses aises comme il l’entend, j’irai gentiment en taule et toi, tu me sortiras de là, tu paieras la caution avec le fric qu’on ne sait même plus où planquer et tout rentrera dans l’ordre. Avec une certitude déconcertante, Shelby pense connaître le déroulement logique des choses. Ils sont une équipe bien huilée et il ne voit dans leur organisation aucune faille. La Meute ne peut pas tomber. La Meute ne doit pas tomber. Elle est l’image de sa réussite : celle qui fait de lui un type respecté et un patron enrichi. Puis il évite soigneusement le sujet épineux que représente Ellie, celui qui semble mettre Neema en rogne pour une raison qu’il s’entête à ignorer. Un aveugle qui refuse de voir : si Shelby préfère fermer les yeux, c’est en partie parce qu’il sait ce qui lui sautera au visage quand il les ouvrira. La petite bouteille en verre n’est plus qu’à une gorgée de devenir un vulgaire déchet lorsqu’il se tourne vers la brune, une de ses chevilles venant s’appuyer sur le genou opposé donnant cette position bien masculine des mecs qui sont incapables de croiser les jambes comme le commun des mortels, de ceux qui ont peur que les chères parties suffoquent entre leurs cuisses. Tu t’inquiète pour des problèmes dont on a déjà la solution, c'est complètement con, un brin rassurant et le reste de fermeté, Isaac soutient le regard noir de l’égyptienne, enchérissant sur le dédain qu’elle semble lui porter à cet instant.  

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Isaac & Neema

Yepheh. Ce surnom me renvoyait à ma jeunesse. Au temps où nous étions presque que de simples enfants insouciants. Je revoyais encore le visage de sa mère, le son de sa voix lorsqu'elle me surnommait ainsi. Ca me rendait nostalgique, elle me manquait tout comme la mienne… Je n'aimais pas entendre Isaac m'appeler ainsi. Le brun ne se rendait pas compte des conséquences que ce simple mot pouvait avoir sur moi. Il avait ce don pour me déstabiliser. Pour toujours me faire croire à l'impossible. C'était à croire qu'il aimait me faire souffrir. Mes sentiments envers lui me rendaient fragile, vulnérable. Je n'étais qu'un funambule près à vaciller au moindre de ses mots. Je détestais me sentir ainsi… Je mis peu de temps à lui confier ce que j'avais sur le cœur. Sans pour autant y mettre les formes. Tout ce qui impliquait la meute avait le don de me faire sortir de mes gonds. Comment mettre en danger tout ce que nous avions édifier pour une simple gonzesse qui n'en valait pas la peine ? L'Australien roula des yeux tout en restant silencieux. Il me voyait comme un vieux tourne disque qui ne faisait que dérailler sur la même musique encore et encore. Comme un adolescent qui en avait marre que sa mère lui chante toujours la même chanson. Il répondit au départ par un phrase qu'il espérait rassurante. Mes lèvres se pincèrent instinctivement. J'avais envie de le gifler. De lui enfoncer sa bière au fond de sa gorge afin qu'il arrête de dire encore des conneries. Je jouais nerveusement avec mes ongles. Toc qui m'accompagnait depuis des années lorsque j'étais sur les nerfs. Il m'invita à fumer une clope, ou à me calmer un peu. Isaac me connaissait bien, rien de telle qu'une dose de nicotine pour me détendre un peu. Il me regarda sans rien dire avant de m'avouer qu'il n'avait aucun plan. Sans blague ? « Ça je m'en doutais... » Je pris sèchement ce briquet qu'il me tendait. Je n'étais pas d'humeur à faire semblant, ni à faire des manières. J'étais comme ça. Aussi rude qu'un mur en crépis.

Mais ses prochaines paroles ne me laissèrent pas le temps de tirer sur ma cigarette. C'était à croire qu'il était réellement con ou dans le déni le plus total. Je préférais l'écouter sans rien dire avant de planter mes griffes dans sa tendre chaire. Mes yeux s'écarquillèrent en entendant son discours à deux balles. Oui comme toujours, Neema allait une fois de plus le sortir de la merde… C'était à croire que tout cela était sans incidence pour lui, pour nous. Comme une vieille danse qu'on avait l'habitude d'effectuer depuis des années. Je le regardais s'installer sur le canapé comme s'il était chez lui tout en soufflant sur lui la fumée qui se dérobait entre mes lèvres. « Parfois je me demande ce qui me retient encore ici ! » Cette phrase sortit sans que je m'en rende compte. Pourquoi ? Pourquoi je m'infligeais tout cela ? J'avais économisé assez de fric pour m'en sortir, alors pourquoi ? Je le savais pertinemment. C'était ce mec, là, juste à côté de moi. Mais il fallait croire qu'il était bien trop con pour ne pas s'en rendre compte. Il me prenait pour acquis. Et puis après tout, à quoi bon ouvrir les yeux ? Son cœur appartenait à une autre. Cette bague à son annulaire était là pour le rappeler chaque jour que dieu faisait. « T'es complètement dans le déni Isaac... » Mon ton était doux. J'essayais de me contenir. Mon regard se posa tendrement sur le sien. « Arrête de me faire croire que ça te ferais rien si Ellie découvrait la vérité… » Je soutenais son regard tout en tapotant d'un ongle sur son alliance. « Tu l'aimes cette fille. » Mes paroles me donnaient la nausée. C'était une réalité. Une difficile et amère vérité. « Et arrête de jouer les loups sans cœur devant moi. » Je lui lançais un sourire complice avant de lui faire une pichenette sur son front. Chose que je lui faisais lorsqu'on était plus jeune afin de l'agacer et d'attirer son attention. Shelby n'était pas du genre démonstratif, en amitié comme en amour. Il fallait bien le connaître pour arriver à le déchiffrer. Je ne pu m'empêcher de rire en repensant à sa possible arrestation. « T'as pas pensé au possible scénario où nous finissons tous les deux en taule mon chou. » Mon sourire était amer. « Crois-moi, si ta gonzesse a une possibilité de me faire enfermer, elle le fera ! » Oh que oui… Elle serait heureuse de me voir derrière les barreaux. « Tu sais que s'inquiéter pour toi est un métier à plein temps ? »

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Elle souffle sur lui toute l’arrogance qui enfume ses poumons et lorsque la fumée se dissipe, lorsqu’il peut reposer ses pupilles sur l’égyptienne, ses canines acérées se sont changées en sourire cinglant et charmeur à la fois.  C’était elle. Edwards, Neema ou encore Yepheh, qu’importe le sobriquet que Dieu avait bien voulu lui donner, elle était cette créature tout droit sortie des remous calmes du Styx, en plein coeur des enfers. Elle est la méduse qui vous fera avaler ses couleuvres jusqu’au fond de votre gosier : la sournoiserie d’une gorgone derrière les beaux yeux d’un ange. Mais la seule personne qu’elle n’arrive pas à changer en pierre, c’est Shelby. Anti-héro dont la cécité fait la résistance, il repousse les morsures d’un revers de la main, rendant les crochets de l’égyptienne aussi inoffensifs qu’un baiser.

Alors c’est avec une douce amertume qu’elle s’adresse à lui. Le déni. Seth en était l’exemple parfait, le cas d’école dans toute sa splendeur : les choses douloureuses, non souhaitées, n’existent pas, alors si elles n’existent pas, elle ne se produiront pas. L’inconscient de l’australien était aussi clair que ça. La brune se rapproche, tactile, il se laisserait presque berner par son parfum suave mais c’est sans compter sur le drapeau de guerre qu’elle lui brandit sous le nez, une nouvelle fois. Il lève ses iris vers le plafond tandis que la griffe de Neema vient heurter son alliance avec provocation. Aimer, un mot qui l’avait adopté autant qu’il le fuyait. Agacé et piqué dans son machisme, il dégage sa main vivement, brutalement, fronçant les sourcils et lui adressant un regard ébène, fou moi la paix avec ça. Il grogne, aboie mais ne mord pas. Avec elle, jamais. Le visage soudainement clos, il laisse son regard vagabonder sur les murs de la pièce, à la recherche de son ego si cher à ses yeux. Tu sais parfaitement bien qu’ça n’a pas sa place dans notre milieu, elle le rappelle à l’ordre par une pichenette bien placée, comme un gamin que l’on réprimande pour un odieux mensonge. Il grimace et se recule son visage, comme un cabot arrosé contre son grès. Elle est forte dans ce petit jeu : celui de lire, déchiffrer et anticiper les réactions du juif. Elle le pratique depuis toujours, connait les grandes règles du jeu et mène toujours la partie, sans jamais pouvoir faire échec et mat.

L’attention de Shelby de retour dans les yeux noirs de la louve, elle rit des futurs qui s’offrent à eux. Les lèvres du brun se crispent. Impossible. Elle ne se retrouvera jamais derrière les barreaux. Impossible. Elle ne peut pas avoir peur d’Ellie. Isaac lui adresse son premier sourire de la soirée tandis que de son bras qui épouse le dossier, il vient emprisonner de sa main le menton de Neema, t’iras jamais en taule, jamais. Comme enchaînés l’un à l’autre, leurs regards s’expriment dans le silence. Un court silence. C’est compris ? Dans le plan où la prison fait partie de mes options, tu restes toujours dehors, la voix est calme et l’intonation presque bienveillante, inquiète. Ses iris bleues passent de ses lèvres à ses pommettes et enfin le brun de ses yeux. Du pouce, il caresse la peau de sa mâchoire, j’les laisserai jamais t’enfermer, comme un oiseau qu’on ne peut mettre en cage, Shelby refuse de voir ces ailes poudrées d’or privées de leur grandeur. Si la tempête se lève au sein de la meute, tout est prévu : il brandira l’innocence de ses employés, l’ignorance de ses sbires. Un patron aussi loyal que dur, hors de question de mettre ses troupes en danger. Hors de question de mettre Yepheh en danger. Elle est son salut autant que sa destruction. Il reprend finalement son souffle, rendant le sien à Neema et la délivre de son emprise pour terminer la bouteille de bière qu’il dépose ensuite sur la table basse. Ses épaules tremblent d’un rire discret et il se redresse sur le divan, les coudes sur les genoux. Tu t'inquiète pour ton prochain, c'est nouveau, amusé, il se lève, coince sa clope entre ses lèvres et prend la direction de la cuisine d’où il revient avec deux bières décapsulées : parfois une once de galanterie calme les rancunières aux talons hauts. Il s'assit de nouveau, un peu plus près cette fois et étend ses deux bras sur le dossier, en faisant passer derrière Neema en frôlant ses épaules. Une ambiguïté inavouée et pourtant palpable, me dis pas que tu t’inquiète pour ton patron maintenant, il cherche la petite bête, aime se sentir fort, gonflé par la testostérone, sans se rendre compte que pour la brune, rien de tout cela n’est un jeu.   

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Isaac & Neema

Parfois, j'aimerais que tout soit différent. J'avais la douloureuse sensation d'être débordée par les regrets. Pourquoi je ne m'étais jamais ouverte à lui ? Certainement parce que je sais depuis le début que Shelby ne ressentais rien pour moi. Et puis j'étais bien trop fière, trop imbue de moi-même pour laisser de coté cette carapace que je m'étais forgée durant toutes ces années. Aimer, le loup avait raison. Ce sentiment n'avait pas sa place dans notre sombre milieu. Mais en voyant son regard faussement farouche lorsque je touche à cet anneau, je comprends que je viens de toucher à un sujet sensible. De bousculer cet ego qui lui sert d'ancre. Comme si je pouvais y croire une seconde. J'aurais aimé trouver le courage de lui répondre. Mais j'ai préféré rester là, à côté de lui. Enfonçant mon regard dans le sien à l'idée de comprendre ce qu'il pouvait ressentir. Le touchant des bouts des doigts par une petite pichenette qui le fit grogner. Je n'ai pu m'empêcher de rire en le voyant réagir ainsi. Je retrouvais mon Shelby. Du moins c'est ce que je pensais. « Tu vas me dire que ton mariage est juste que le simple fruit de ce pari avec Aaron ? Arrête, pas à moi… » Je n'attendais pas de réponse. Je la connaissais déjà. Et s'il osait répondre à la négatif, j'étais prête à lui crever les yeux. Comment pouvait-il si facilement jongler entre ses deux vies ? Passer le jour avec ce masque d'homme parfait en tout point avant de vêtir de noir la nuit tombée. Il m'arrivait parfois de douter. De me demander si le vrai Isaac était auprès de moi ou auprès d'Ellie. Je tirais sur ma clope tout en me concentrant sur les fissures du plafond. J'étais persuadée que la petite flicette allait un jour ou l'autre tout apprendre et nous foutre tous dans la merde. Je riais nerveusement en imaginant le regard emplit de malice de la brune en me voyant croupir derrière les barreaux. Je n'imaginais pas d'autres issues pour moi. Après tout, je l'avais bien cherché… Le loup s'approcha dangereusement de moi sans que je ne m'en rende compte et mon cœur rata un bâtiment. Emprisonnant mon visage entre ses griffes. Berçant mes oreilles de paroles réconfortantes. Son ton était doux, son regard suave, tinté d'un brin d'inquiétude. J'avais le souffle coupé. J'osais à peine croiser le bleu de ses yeux. Craignant de m'emporter. De laisser mon cœur parler et briser cette étreinte. Cet organe qui avait le don pour perdre la raison lorsque le loup était à mes côtés. Je laissais mon imagination divaguer. Sentant presque le goût de ses lèvres sur les miennes. Douce chimer qui me berçait depuis des années. Il essayait tant bien que mal de me rassurer. Je pouvais voir cette détermination qui l'animait. J'avais envie d'y croire. Il était sincère. Mais Shelby n'arrivait pas à comprendre qu'il ne pouvait pas tout prévoir. Mais qu'importe… Il arrivera ce qu'il doit arriver. Ce soir je n'avais pas envie de débattre. De me battre à lui faire comprendre l'impossible. Ce qu'il pouvait être buté. Un sourire se dessinait sur mon visage alors que je déposais difficilement une main sur la sienne. Comme pour lui dire qu'il avait raison. Ce qui était complètement faux. Son emprise finit par se dissiper. Me laissant à nouveau respirer et mon cœur battre comme le commun des mortels.

Isaac se mettait à rire, découvrant que la tigresse pouvait se montrer humaine, parfois. Bien plus qu'il ne l'imaginait à vrai dire. Ce qui me fit rire à mon tour. C'était à croire que j'avais bien joué mon rôle durant tout ce temps. Peut-être un peu trop, beaucoup trop. Je le regardais se lever en direction de la cuisine. « Isaac qui met un pied dans une cuisine ? Que t'arrive t-il mon chou ? » Je le défiais du regard, tout en acceptant la bière qu'il me tendait. Je le regardais s'asseoir à nouveau, près de moi, un peu trop près, à nouveau. Laissant son bras se balader à la limite de mes épaules. Il avait un don pour me déstabiliser. La lionne que j'étais qu'un simple chaton face à lui. Ou comme une ado complètement débile qui se laissait consumer par ses hormones. Sa dernière remarque me fit sourire. Comme s'il ne le savait pas assez. Je laissais ma tête tomber au creux de son cou en toute spontanéité. « Tu sais très bien que je serais prête à tout pour toi… » Ma voix était douce. « Je serais toujours là pour toi... » Comment pouvait-il imaginer le contraire ? « Ptet même un peu trop d'ailleurs… » On pouvait sentir la malice entre mes paroles. Même s'il y avait une part de vérité. « Tu sais qu'un homme m'a proposé de m'échapper avec lui juste avant notre fuite pour la Nouvelle-Zélande ? » Pourquoi je me mettais à parler de ça à voix hautes moi ? J'en suis pourtant qu'à ma deuxième bière. C'était à croire que je voulais le rendre jaloux. Le faire réagir. Lui faire comprendre que je n'étais pas acquise. Je riais bêtement en repensant à Connor. « Il était persuadé que tu avais une mauvaise influence sur moi. »