My pride, my ego, my needs, and my selfish ways Ϟ Leo & Brooke

Adossé contre sa voiture, il admire le grand hôtel en face de lui. Il sait qu’elle est ici, dans l’un des coins les plus luxueux. Se contenter de la simplicité, qu’elle pourrait appeler médiocrité, ce n’est pas son genre. Ni celui de Brooke, ni celui de son mari, qui s’est bien habillé pour ces retrouvailles improvisées. Il a ressorti un de ses vieux costumes, un de ceux qu’il n’a plus enfilé depuis une dizaine de mois. Les joggings et pantalons trop larges sont devenus ses meilleurs amis, il a dit adieu aux vêtements qui lui allaient parfaitement. C’est triste de se laisser aller comme ça, lui disait souvent l’un de ses voisins. Qu’est-ce qu’il en a à foutre, de ce que pense les autres, sincèrement ? Il s’est fait la même réflexion quand il engueulait son banquier, celui qu’il a partagé durant des années avec Brooke. Celui qui sait tout de ses achats et petites folies, quand elle s’amuse à faire chauffer la carte bleue. Il lui a crié dessus, au téléphone, lui a dit qu’il le ferait virer s’il n’obtenait pas certaines informations. Le banquier a essayé de lui faire comprendre que Brooke est maintenant à l’autre bout du monde et qu’elle ne dépend plus de lui, mais Leo n’a rien voulu entendre. Après quelques jours de négociations et d’appels qui fusent dans tous les coins, il a obtenu ce qu’il voulait : un compte rendu de ses derniers achats et paiements. Une indication précieuse pour savoir où elle se trouve précisément à Island Bay et quels sont les lieux qu’elle a l’habitude de fréquenter. Son plan était simple : se rendre à cet endroit et l’attendre, toute la journée et toute la nuit, s’il le faut. Lui tomber dessus et rentrer dans sa tête, dans sa vie, dans tout ce qui devrait encore lui appartenir.

Il a eu mieux. Elle habite dans un hôtel. Il ne sait pas pour quelle raison, il ne sait pas pour combien de temps mais ça lui suffit amplement. Il aura tous ces détails plus tard, il pourra même le demander à la principale concernée. ▬ Bonsoir, je recherche la suite de Brooke. Je suis son mari. Carte d’identité à l’appui, l’hôtesse ne peut pas nier qu’ils possèdent le même nom de famille. Elle ne peut pas deviner leur séparation et ce divorce, qui met beaucoup trop de temps à être prononcé. Le blond a son information et c’est avec un large sourire sur les lèvres qu’il erre dans les couloirs de l’établissement, jusqu’à arriver à cette fameuse porte. La dernière qui le sépare de sa femme, qui doit être ici. La réceptionniste lui a parlé d’un rendez-vous important mais, habillé comme il est, il lui a facilement fait croire qu’il était également attendu. Quelques coups à la porte et des pas qui résonnent derrière celle-ci et enfin, il revoit son visage. Un visage qui a longuement hanté ses nuits et qu’il ne pensait plus jamais revoir. ▬ Je t’ai manqué ? Il voit bien à sa réaction qu’elle s’attendait à tout, sauf à lui. Ça le fait sourire, l’impertinence se lit sur son visage, il se joue déjà de la situation. ▬ Toi non plus, la maison t’attend. Il parle de celle qu’il a laissé à New-York. Aujourd’hui, elle n’est plus à son nom, ni à celui de Brooke. Mais elle sait très bien ce à quoi il fait référence. Ce regard glacial, il le connaît par cœur, il l’a déjà affronté des centaines de fois et celui-ci ne l’a jamais effrayé. Le blond pousse la porte pour entrer, regarde autour de lui. Il entend discuter un peu plus loin, il sait qu’il dérange et ça, ça lui fait encore plus plaisir. ▬ Tu vas devoir dire à tes invités de rentrer chez eux. Toujours le même sourire sur ses lèvres, il sait qu’elle bouillonne déjà, qu’elle est à deux doigts d’exploser.

À sa tête, on pourrait presque croire qu’elle a vu un fantôme. Le fantôme de leur mariage, celui de cette histoire brisée en mille morceaux après son infidélité. Aujourd’hui, il n’y a plus rien qui lie ces deux anciens amants, si ce n’est une vieille alliance qui doit traîner dans un tiroir et ce contrat de mariage, signé il y a quelques années. Contrairement à l’amour qu’ils pensaient se porter, une chose a perduré à travers le temps : sa répartie. Le blond sourit à sa réponse, il le savait déjà. Elle ne dira jamais qu’il lui a manqué, que ça a été dur sans lui et toutes ces choses, qui pourraient la placer comme une « victime ». Elle se fait toujours passer pour une femme forte mais Leo sait très bien quand elle est sur le point de s’écrouler, quand ses émotions sont prêtes à prendre le dessus sur sa raison. Elle reste impassible, froide, suffisamment pour presque le faire douter et imaginer qu’elle ne ment pas. New-York était leur nid d’amour, lorsqu’il y avait encore de la vie sous leur toit. Aujourd’hui, ce n’est plus que de vieux souvenirs, qu’elle doit certainement tenter d’oublier. Lui, il s’y accroche tant bien que mal, se dit qu’il retrouvera peut-être ses vieilles habitudes. Elle le pique là où ça doit faire mal, logiquement, pour quelqu’un qui a des remords. Ses torts, sa tromperie. C’est mal le connaître que d’imaginer qu’il s’excusera, suite à une phrase comme celle-ci. Il prend ses paroles comme une perche très bien tendue, comme un bâton donné pour se faire battre. ▬ J’y ai pensé, mais j’ai oublié de lui demander son numéro. C’était un coup d’un soir, une erreur qu’il a amèrement regretté. Il ne lui a jamais présenté ses excuses en face à face, la seule fois qu’il a admit être désolé, c’était en rentrant de cette foutue soirée. Depuis, il garde sa fierté et nourrit son ego, tout en perdant sa femme chaque jour un peu plus.

Il n’a pas peur de la sécurité, ni de qui que ce soit dans cet hôtel. La seule personne qui l’intéresse, il l’a devant lui. C’est Brooke, seulement elle. Elle peut appeler qui elle veut, dire qu’il y a un intrus dans sa suite et qu’elle souhaite s’en débarrasser, il est hors de question pour lui de partir avant d’avoir réglé ce qu’il y a à régler. Mais le problème est là : lui-même, il ne sait pas ce qu’il est venu lui dire. Il avait envie de la revoir et il a fait ce qu’il fallait pour y parvenir. Maintenant, il se retrouve nez à nez avec elle, sans avoir préparé un argumentaire pour défendre sa cause. ▬ Je reste, Brooke. Il a à peine le temps de prononcer ces quelques mots, qu’un des hommes en costume se pointe, lui demande si tout se passe bien. À cette question, il ne peut pas s’empêcher de rire avant de regarder sa femme d’un air très sérieux, se fichant bien de ce qu’elle lui répond. ▬ Madame Bailey ? Quitter un homme mais garder son nom, c’est un beau concept. Il n’a jamais signé les papiers du divorce et elle non plus, c’est vrai, mais il n’y a plus rien entre eux depuis près d’un an. Les hommes un peu plus loin discutent entre eux mais semblent s’impatienter, ça s’entend dans les voix qui déraillent, dans les tons qui augmentent petit à petit. Finalement, elle ose lui poser la question que lui-même ne s’est pas posé. Qu’est-ce qu’il fait ici ? Réfléchir avant de répondre, ça n’a jamais été sa tactique. La preuve, il répond du tac au tac, ne laisse même pas quelques secondes de suspense. ▬ On a des choses à régler, toi et moi. Et non, il n’a pas emmené les papiers du divorce, il n’est toujours pas prêt à les signer. ▬ Des choses à arranger, même. Une réconciliation, c’est le mot interdit auquel il ose penser, tandis qu’il la dévisage. La manière dont il se fout de l’importance de cette réunion et d’à quel point il l’énerve se lit sur son visage, il est finalement là pour une raison et ne partira pas tant qu’il n’a pas ce qu’il veut. Juste une discussion entre adultes sensés, sans aveux tragiques et baffes inoubliables.

Cette tension qui entoure les deux – normalement – futurs divorcés, Leo la connaît par cœur. Ça lui avait presque manqué de ne plus se disputer avec elle, pour une raison x ou y. Elle ne fait plus partie de son quotidien depuis des mois et pourtant, ses vieux démons s’emparent de lui comme s’il n’y avait eu que quelques minutes de séparation. La haine, l’amour, c’est comme le vélo : ça ne s’oublie pas à travers le temps. Il ne peut pas s’empêcher de sourire en regardant Brooke. D’un côté, il est heureux de la revoir. Il sait que sa présence n’est pas désirée et qu’elle souhaite son départ plus que n’importe quoi d’autre au monde. Ça le rend encore plus heureux, car il lui fait cet effet. Tant qu’ils partagent un sentiment, il y a quelque chose entre eux. Et visiblement, elle n’a pas encore pris la décision de l’ignorer totalement. Elle prend même du temps pour lui en le tirant hors de la suite, pour pouvoir parler en toute tranquillité, sans se donner en spectacle. Comme elle, il sait être d’un grand professionnalisme et lui aussi, il préfère régler ses histoires privées loin de ses clients, ne pas se faire remarquer pour de mauvaises raisons. Désormais loin des regards intéressés de ses collaborateurs, Brooke se lâche enfin, dit ce qu’elle a sur le cœur. ▬ Mademoiselle Fletcher. Il répète simplement. Plus personne ne l’appelle comme ça depuis des années et peu de personnes pensaient avoir à le refaire un jour. Leur mariage n’était pas parfait, au contraire, ils avaient tous deux des tas de choses à se reprocher, rien ne fonctionnait réellement et chaque dispute brisait quelque chose entre eux, quelque chose qui ne peut pas se réparer. Sauf qu’ils n’osaient pas penser au divorce, ni lui, ni elle.

Il pourrait s’arrêter ici et comprendre qu’il n’y a plus rien à faire pour ce mariage. Que son erreur leur a été fatale, qu’ils ne peuvent plus rien bâtir sur ces fondations trop peu stables. Ce serait bête d’abandonner au moment où elle est le plus déstabilisée, au moment où elle le hait plus que n’importe qui. ▬ On a tous les deux nos torts dans ce mariage. Tu le sais très bien. Il s’autorise un pas en avant. Le couloir est vide et elle a annoncé quelques minutes à attendre aux investisseurs, il a encore du temps devant lui avant d’être dérangé par un de ces vieux cons. Un pas en avant, un de trop, qui l’oblige à reculer. ▬ Tu étais à des kilomètres de la parfaite petite épouse. Il fait encore un pas en avant, cette fois-ci, il oblige Brooke à toucher le mur, bloquée entre celui-ci et l’homme qu’elle aimerait voir devenir son ex-mari. ▬ Tu t’es déjà demandé ce qui m’a poussé à te tromper ? Il n’a jamais été un amoureux de l’amour et il était loin de se douter qu’un jour, il se marierait. Pourtant, il a aimé sa femme avec sincérité et même si tout n’était pas rose, il n’a jamais prémédité une action comme celle-ci. Tout est allé trop vite car, entre eux, tout allait toujours trop loin. Il n’a plus qu’une question à lui poser, celle qui résume tout. ▬ Si tu veux à ce point divorcer, pourquoi tu n’as pas encore signé les papiers ? Elle semble déterminée, prête à en finir avec lui depuis longtemps. Alors pourquoi faire durer cette procédure durant presque une année, si c’est réellement ce qu’elle souhaite ?

C’est presque désagréable à entendre. Qu’elle est d’accord avec lui, consciente qu’il n’est pas le seul coupable et qu’elle est également responsable dans cet échec qu’est leur mariage. ▬ J’ai seulement été celui qui fait la connerie de trop. Il se le dit à lui-même autant qu’il lui annonce. Une connerie, ce n’est pas un mot que l’on prononce quand on est fier de nos actes. Peut-être qu’à travers cette manière de décrire son infidélité, elle comprendra qu’il regrette, qu’il n’a jamais voulu en arriver là. Et ce, même s’il la provoque encore de temps en temps à sujet. Elle le cherche, il réplique. Rien de plus. Pourquoi revenir à la charge, si elle n’est pas la meilleure des femmes ? C’est une bonne question. Elle le connaît bien, elle doit savoir qu’il a une réponse pour tout. Même si ce n’est pas ce qu’elle veut entendre. ▬ Loin d’être la femme parfaite, loin d’être le meilleur des maris. On allait bien ensemble. Ensemble, c’est certainement le dernier mot à utiliser pour les définir, maintenant qu’ils sont séparés. Il la regarde droit dans les yeux. Son regard se veut toujours aussi méchant, froid, mais il voit bien au fond de ses yeux qu’il y a cette petite étincelle. Ce petit quelque chose, qui lui montre bien que cette rencontre lui fait un certain effet. Il ne lui faut que quelques secondes pour qu’elle le lui avoue d’elle-même, il ne lui est pas complètement indifférent. C’est suffisant pour lui, c’est ce qu’il est venu chercher, ce soir. Il voulait juste savoir s’il a encore une quelconque importance, si elle n’est pas encore passée à autre chose. Il a sa réponse. Alors quoi ? C’est ce qu’elle lui dit, alors qu’elle tente de l’esquiver.

Sauf que non, il n’a pas envie de la laisser partir. Pas après ce qu’elle vient de lui dire. Il attrape son bras, fait lui aussi un pas de côté pour être de nouveau bien en face d’elle. Le mur est toujours là pour le soutenir, son allié dans cette bataille. ▬ Tu n’as pas cherché à me comprendre. S’il ne l’avait pas fait, ils seraient peut-être bien plus malheureux qu’aujourd’hui. En couple, désespérés par cette relation. Ils fonçaient droit dans un mur, tout ce qu’il a fait en couchant avec une autre, c’est en bâtir un plus proche d’eux. Le choc a été brutal, tout comme la claque qu’il a reçu. ▬ On a jamais essayé d’arranger les choses. Il répète ce qu’il a dit, quand ils étaient dans la suite. Arranger. C’est mieux que de vouloir mettre un terme à une relation qui a duré huit longues années, non ? ▬ Il faudrait qu’on tente, maintenant. Sa voix est plus basse, comme si l’ambiance venait de retomber. Une tactique qu’il connaît trop bien, celle qu’il utilisait à l’époque pour mettre un terme à énormément de disputes. Il relâche finalement son bras, sauf qu’il rapproche son torse de son buste, ils ne sont plus qu’à quelques millimètres de se toucher. Et son visage, lui, descend dangereusement vers celui de sa femme. Il ne connaît plus ses lèvres, ça fait des mois qu’il rêve de les embrasser, d’y goûter à nouveau. C’est lorsqu’il arrive presque à sentir son souffle contre les siennes, qu’il se fait déranger. Il ne pourra certainement pas assouvir cette envie ce soir. La porte derrière eux s’ouvre, le blond se dégage directement, libère sa femme de son emprise qui, finalement, n’était que mentale. L’investisseur qui est déjà venu les déranger tout à l’heure revient à la charge, se plaint ouvertement de l’attente et dit à Brooke qu’ils peuvent écourter le rendez-vous, si c’est réellement nécessaire. Leo le regarde quelques secondes avant de tourner ses yeux vers elle, il sait qu’il en fait suffisamment pour qu’elle comprenne qu’il est bel et bien de retour dans sa vie. ▬ Sauf si madame Bailey y voit un inconvénient, on a terminé, je vous la rend. C’est à lui de se jouer de ce nom de famille car, au fond, elle lui appartient toujours.