hangover (livia)

Bailey se réveille petit à petit, allongé dans un grand lit qu’il ne connaît pas. Il a un mal de crâne horrible et un sale goût dans la bouche. Il porte les mêmes habits que la veille, a les cheveux en bataille. Clairement, ce n’est pas la meilleure matinée qu’il a passé en Nouvelle-Zélande. C’est certainement la pire, en fait. Il se redresse dans le lit, se frotte les yeux quelques secondes. C’est dur de lutter contre les rayons du soleil, contre ce ciel bien trop clair. Ça lui fait mal, il aimerait fermer les volets et dormir encore durant des heures. Ou avaler une dizaine de médicaments pour faire taire ce tambour qui résonne dans sa tête, qui s’acharne pour le faire souffrir. ▬ Fais chier.. Il siffle entre ses dents ces quelques mots, fatigué, épuisé. Il n’est pas chez Fabian, il squatte chez lui depuis suffisamment de temps pour le savoir. Ce n’est pas la chambre qu’il lui a attribué, il est ailleurs. Mais où ? Chez qui ? Le jeune Bradshaw se relève avec difficulté, fait quelques pas en avant, se tenant au mur à côté de lui. Ce n’est clairement pas son jour. Il trouve la sortie, ouvre la porte et regarde dans le couloir. Personne aux alentours. Il espère ne pas avoir été enlevé par on ne sait qui, ne pas être retenu en otage par un pauvre fou, au milieu de la campagne. Il essaye de se rappeler de la soirée de la veille, mais ça devient rapidement le trou noir. Il se souvient de cette blonde, celle qui l’a incité à s’enfiler quelques verres. Et plus rien. Son prénom, leur discussion et comment il est arrivé ici.. disparu. Des souvenirs qu’il ne retrouvera probablement jamais, l’alcool a fait ses ravages. Il espère que la personne qui vit ici pourra l’éclairer. Il arrive dans le salon et finalement dans la cuisine, c’est le matin, il y retrouve cette blonde qu’il a rencontré hier. ▬ Qu’est-ce que.. Il se racle la gorge, il a du mal à parler. Ça blesse, de boire quelque chose de fort, quand on a pas l’habitude. ▬ Qu’est-ce que je fais ici ? Il demande finalement alors qu’il se met contre le mur, une main sur le front. Il sait être matinal, mais là, clairement, il serait prêt à retourner se coucher pour deux jours.

Le sourire de Livia ne lui inspire pas confiance. Elle est jolie mais derrière son visage d’ange, elle cache de nombreux vices, il l’a su hier soir. Il était tranquillement sur le canapé du salon quand elle est venue lui proposer un jeu d’alcool. Fier et surtout joueur, il n’a pas pu refuser, alors qu’il savait très bien dans quoi il mettait les pieds. Elle arbore ce même sourire, ce matin, celui que l’on aimerait croire innocent mais qui est à des milliers de kilomètres de l’être. Elle s’approche de lui, il fronce les sourcils en sentant son doigt toucher ses lèvres pour y déposer du chocolat. Sa phrase est pleine de sens, elle sous-entend quelque chose qu’il comprend très bien. Il rit nerveusement avant de passer sa langue sur ses lèvres, pas certain qu’elle lui dise la vérité. Sauf qu’elle pourrait très bien le faire, il ne se souvient plus de rien. ▬ Tu.. Enfin, je.. Il soupire en s’étirant légèrement, les bras en avant, avant de faire quelques pas dans la pièce pour se dégourdir les jambes. ▬ On a.. enfin, tu vois ? On a couché ensemble ? Il ose dire la phrase. Au fond de lui, l’idée ne le dérange pas. Elle a un physique avantageux et son âge, il n’aurait pas pris trop de risques. Ce qui l’embête, c’est d’avoir tout oublié. Il jette un œil vers le four, curieux de voir ce qu’elle prépare. Il a faim et soif, c’est sûrement un effet de cette gueule de bois qu’il risque de ressentir durant encore de longues – très longues – minutes. ▬ J’ai vraiment tout oublié.. et je sais qu’on a passé la soirée ensemble, enfin.. La soirée, ouais. La nuit, il a oublié. ▬ J’ai des souvenirs de nous sur le canapé, après, tout est vraiment trop flou. Tu peux me raconter ? Il espère être resté avec elle et ne pas avoir fait trop de conneries. Une chose est sûre, pour lui. Après cette soirée, il est hors de question qu’il abuse une nouvelle fois de l’alcool. Il savait déjà ce qu’il encourait la veille et il a insisté. C’est la dernière fois, il ne prendra plus jamais ce risque et apprendra à boire modérément ou à ne plus boire du tout.

Il soutient le regard de Livia, non, il n’a pas honte d’en parler, ça ne le gêne pas particulièrement. Il ne sait juste pas comment se positionner face à tout cela. S’il s’est réellement passé quelque chose entre eux et qu’il a tout oublié, est-ce qu’elle va mal le prendre ? Et le fait qu’il ait dormi ici, est-ce que ça veut dire quelque chose ? Il ne sait pas. Et c’est ce sujet qui l’embête, il n’aime pas se confronter à l’inconnu, surtout quand il n’a pas de souvenirs pour s’appuyer dessus. Il l’écoute parler, secouant légèrement la tête quand elle lui parle de ses vomissements. Il n’a pas oublié, il a encore un goût affreux en bouche, il aimerait bien passer par la salle de bain pour se rafraîchir un peu. ▬ Je le savais déjà, mais tu m’as défié.. j’étais obligé. Il hausse ses épaules. Il n’avait pas un flingue sur la tempe, c’est sûr. Mais il s’ennuyait à cette soirée avant que Livia arrive. Et même s’il n’a pas supporté ce qu’il a bu, il s’est amusé avec elle. Il l’écoute lui raconter ses exploits de la veille, et finalement, elle lui avoue ce qu’il imaginait. Il ne s’en plaindra pas, elle est loin d’être désagréable à regarder et elle est suffisamment gentille pour ne pas l’avoir laissé rentrer tout seul. Dieu seul sait ce qu’il se serait passé s’il avait tenté de rejoindre Fabian dans cet état. ▬ Je m’en souviens vraiment pas. Il n’a pas un seul souvenir, il ne se rappelle pas d’elle sur lui, ou de lui sur elle. De eux ensemble dans ce lit. Il n’a que quelques flashs flous, entre la soirée et le lit. Rien pour appuyer les propos de Livia, mais il ne peut pas faire autrement que de la croire. Pourquoi est-ce qu’elle lui mentirait à ce sujet ? Il n’est pas riche, elle ne peut pas le faire chanter pour une quelconque raison, ce serait inutile de ne pas dire la vérité. ▬ Je me suis pris pour un cow-boy dans l’espace, c’est-à-dire ? Là, il ne comprend pas. C’est vrai que l’on peut faire des choses stupides une fois alcoolisés, il en a conscience, des tonnes de vidéos postées sur le web le démontrent. Alors il est bien curieux de savoir ce qu’elle entend par là, peut-être que la situation est comique, il a bien envie de rire de lui-même. Il est un peu mieux réveillé, même si son mal de crâne persiste. ▬ J’ai faim. Les odeurs des brioches commencent à se dégager, son ventre s’exprime, gargouille. C’est rare qu’il avoue vouloir manger mais là, sa gueule de bois y joue pour beaucoup.

Il ne se souvient pas avoir mentionné l’envie de vivre avec elle. Il voulait une chambre dans sa maison, pour libérer celle de Fabian et se sentir indépendant. C’est vrai qu’il ne le sera pas comme s’il louait un appartement tout seul, mais une colocation, ce n’est pas pareil que de vivre aux frais de quelqu’un d’autre. Comme il l’a toujours fait avec sa famille ou comme récemment, avec son ami. Mais cette idée est totalement sortie de sa tête, comme beaucoup de détails de la veille. Il sourit en entendant Livia, il préfère se moquer de lui-même que de s’énerver face à ses propos. Il sait qu’il s’est donné en spectacle, comme toutes les fois où il boit, il n’arrive pas à se contrôler, c’est plus fort que lui. ▬ C’est pas la première fois, peut-être la dernière. Il hausse ses épaules, ce sera la dernière avant la prochaine, sûrement. À chaque fois qu’il pense arrêter, il recommence, pour de multiples raisons. Pourtant, il ne ressent aucun bien-être après avoir bu. Il n’est pas le genre d’homme à « boire pour oublier », ça ne le soulage pas. Il souffle, presque de soulagement, en l’entendant dire qu’elle n’a pas de vidéos. Au moins, elle n’a pas de quoi le ridiculiser publiquement s’il la contrarie. Il est loin de se douter qu’elle ne lui dit pas toute la vérité, c’est pourquoi il est content, il couvre ses arrières. Il allait dire quelque chose, quand elle lui demande pour ses affaires. C’est cette phrase qui ravive en lui quelques souvenirs, cette discussion qu’ils ont eu hier soir, la déception qu’il ressentait en parlant de ses parents. Et cette maison dans laquelle il est, celle dans laquelle il voulait vivre. ▬ J’avais complètement oublié. Il admet en prenant une brioche nature, suivant Livia dans le salon. ▬ Tu veux vraiment de moi ici ? Enfin, ça te fait pas peur d’inviter un inconnu à vivre chez toi ? Il n’est pas méchant, il ne lui fera pas de mal et contrairement à elle, il ne sort pas tous les soirs faire la fête. Il peut être le colocataire parfait, il sait faire le ménage et il se débrouille dans une cuisine. Son seul réel défaut, c’est qu’il se mêle de tout ce qui ne le regarde pas. Il récolte des informations sur tout et tout le monde, pour pouvoir les utiliser si un jour il doit se défendre comme ladite personne. Il espère ne pas avoir à le faire avec elle un jour, s’ils vivent ensemble, ce serait mieux de rester en de bons termes, le plus longtemps possible. Finalement, il va s’asseoir à côté d’elle sur le canapé, croquant dans ce qui risque d’être son seul repas de la journée, comme souvent.

Il n’a pas d’appartement à son nom et il sait qu’il aura du mal à convaincre un propriétaire de lui louer un bien, ses revenus sont sûrement trop faibles. Et il n’aime pas squatter chez Fabian, il a l’impression de trop lui en demander. Il apprécie son ami et il aime passer du temps en sa compagnie, s’il le pouvait, il irait faire le con avec lui sur la console tous les jours. Mais il n’aime pas profiter de la gentillesse des gens qu’il porte dans son cœur, il préfère prendre les choses en mains et se débrouiller tout seul. Cette opportunité, il est prêt à la saisir. Une colocation, c’est différent que de vivre chez quelqu’un. Il aura sa part, comme Livia, à égalité. Ils ne se connaissent pas et peut-être qu’ils ne sont pas compatibles, le caractère de la brune est peut-être trop fort pour rivaliser avec celui de Bailey. Ou peut-être qu’ils seront complémentaires et s’entendront bien, comme deux bons amis. Il n’en sait rien et ce qu’elle vient de lui dire le motive, il a envie d’essayer. ▬ Tu ferais mieux de ne pas me sous-estimer. On peut essayer, ça coûte rien. Ils peuvent essayer de cohabiter quelques jours ensembles et si ça marche, ça durera probablement quelques semaines, quelques mois. Il ne sait pas combien de temps il a envie de vivre dans une colocation. Il sait que ça ne colle pas avec une vie de couple, pour l’instant, il profite de son célibat, enfin, il ne s’intéresse pas aux personnes autour de lui. Mais quand ça arrivera, est-ce qu’il voudra toujours vivre avec une autre femme ? C’est des questions qu’il devra se poser quand le moment viendra mais pour l’instant, il préfère manger sa brioche et penser à l’instant présent. Son mal de crâne le quitte petit à petit, bien qu’il force toujours sur sa mémoire pour se rappeler ce qu’il s’est passé la veille. Il a cru ce qu’elle lui a dit, cette histoire de nuit passée ensemble, mais s’en souvenir ne lui ferait pas de mal. Au moins pour savoir ce qu’il s’est réellement passé, précisément, pas simplement raconté à la va vite. ▬ Du coup j’ai quelques affaires à aller récupérer chez le pote avec qui je vis actuellement. Des fringues, des bouquins. Des conneries, quoi. Il a pas grand-chose à lui ici, il n’a emmené que le strict minimum quand il a quitté l’Australie, pour s’alléger. Il savait qu’il allait se construire une nouvelle vie ici, ça aurait été bête de reproduire sa vie Australienne en Nouvelle-Zélande, s’il a déménagé, c’est aussi pour apprendre à se connaître lui-même et découvrir de nouvelles facettes de sa personnalité, sans être guidé par sa famille jour et nuit, comme il le faisait à l’époque.

Livia est un défi. En elle-même, elle représente énormément de choses et Bailey semble intéressé par ça. Par cette idée de vivre quelque chose de différent, avec une personne différente. Elle est fêtarde, d’accord, et à part ça ? Ce n’est pas un « défaut » comme celui-ci qui le fera partir en courant, bien que, à la longue, ça peut devenir agaçant. Tant qu’elle ne l’embête pas constamment, il peut s’en sortir, réussir à supporter ce mode de vie légèrement plus intense que le sien. Et peut-être qu’il ne la calmera pas, qu’au contraire, ce sera elle qui l’initiera à la nuit et à ses vices, ses principes. Peut-être qu’elle lui apprendra à supporter l’alcool, à ignorer les abrutis et les commentaires déplacés, à draguer les bonnes filles. Bref, il y a énormément de choses à faire avec une colocataire comme elle, qui a son âge, qui est pleine de vie. Il hoche son visage de haut en bas en l’entendant parler, elle travaille dans un garage. Encore une chose qui la différencie des autres femmes, pourtant, elle semble plutôt féminine. Ça le surprend presque de l’imaginer avec les mains crasseuses, à cause du moteur d’une voiture. ▬ Il faut que je me repère dans la ville mais ouais, à l’occasion, on pourra se croiser là-bas. J’ai une voiture de merde, tu pourras peut-être y jeter un œil, un d’ces quatre. Il regarde Livia quitter le canapé et rejoindre la cuisine, pour poser ses affaires, se nettoyer, bref, faire sa vie. Une différence entre une maison familiale et une colocation : elle ne lui doit rien. Il n’a pas à suivre ses moindres faits et gestes, elle a droit à sa liberté de mouvements, d’actions. Pour le coup, elle ne lui prouve pas vraiment son côté bordélique, puisqu’il entend la vaisselle s’entrechoquer dans le lave-vaisselle. Elle revient finalement jusqu’à lui, lui avouant quelque chose d’assez important. Il ne s’est rien passé entre eux. Bizarrement, ça ne lui fait rien de savoir ça, peut-être qu’il se sent même soulagé. Il n’aura plus à forcer sur sa mémoire pour se rappeler de moments qui n’ont jamais existé. Et même s’il ne comprend pas vraiment pourquoi elle a menti à ce sujet, il ne lui en veut pas, au contraire, ça annonce la chose. Cette colocation risque d’être pleine de rebondissements et de surprise, à l’image de Livia. ▬ Pas grave, ça se fera une autre fois ! Il le dit en blaguant, ça s’entend dans sa voix et par son léger rire après sa phrase. Une règle d’or dans les colocations : éviter les relations entre colocataires. Il ne va pas se lancer sur ce terrain-là, ce serait trop dangereux, et elle n’est visiblement pas le genre de femme à vouloir se caser. Lui non plus, d’ailleurs. Le brun se rapproche de la porte d’entrée en regardant Livia, de haut en bas. ▬ Toujours envie, on va bien s’amuser toi et moi. Pour lui, c’est une certitude. ▬ Bon, je vais chercher mes affaires chez mon pote et je reviens. Il ouvre la porte d’entrée, regardant rapidement dans la rue pour essayer de repérer où ils sont. Car ouais, ça, il ne s’en souvient vraiment pas. Une fois le quartier imprégné dans sa tête, il quitte le domicile, allant chercher les quelques effets personnels qu’il a chez Fabian, pour les déposer un peu plus tard sur ce qui va devenir sa maison, son chez lui.

fin