La rencontre. | Craig & Axl.

La journée de Craig n’est pas palpitante. Il a du mal à peindre en ce moment, pourtant, il est inspiré. Mais ses projets n’aboutissent pas, il est bloqué, comme si quelqu’un lui retenait la main et l’empêchait d’agiter son pinceau. Il manque d’argent, il manque de temps, il manque de sommeil et l’envie commence à le quitter. Il regrette presque la gloire qu’il connaissait à Londres, quand sa carrière touchait des sommets. Aujourd’hui relégué au rang de simple inconnu, il souffre presque à l’idée de devoir tout recommencer, encore et encore, sans jamais parvenir à ses fins. Cette manque de reconnaissance commence à peser sur son esprit et, ce matin, il n’a pas voulu se réfugier dans son atelier. Il a préféré sortir et prendre l’air, l’hiver lui rafraîchit les joues, les mains, l’esprit. Pourtant l’air se veut étouffant, ce matin, les rues sont bondées, les habitants ont tous un objectif bien précis : aller au travail, aller au lycée, aller voir sa maîtresse – ben ouais, les hommes mariés sont tous des connards –, aller supplier le patron pour avoir une augmentation. Bref, la population se bouscule et s’ignore, tout le monde avance et cherche à accomplir son objectif de la journée. Craig, lui, s’était arrêté à côté d’un bâtiment. Adossé à celui-ci, il ne bougeait plus, comme s’il avait mis le monde en pause. Pourtant les gens ne cessaient pas de bouger, la terre continuait de tourner et les secondes défilaient toujours à la même allure. Il scrutait les gens, et son regard s’arrêta rapidement sur un gars, qui semblait sortir du lot. Comme s’il avait une toile pleine de contraste face à lui, Craig ne voyait que ce mec, qui ressortait parmi tous les autres. Il semblait totalement perdu, et cette manière de s’asseoir pour prendre son visage entre ses mains confirmait les doutes de Craig. Très peu compatissant, le brun avait pourtant envie de s’inquiéter. Parce que ce visage, il l’a déjà vu, il y a quelques années. Il s’est intéressé à son histoire, il a d’ailleurs déjà peint son histoire, en quelques coups de pinceaux, il a essayé de retranscrire la peine et la souffrance qu’il a pu ressentir durant son emprisonnement. Il s’est toujours demandé comment il réussissait à vivre aujourd’hui, s’il avait retrouvé sa place en société, s’il avait réussi à reprendre sa vie en mains. L’homme qu’il a sous ses yeux aujourd’hui ne le satisfait pas, il ne semble pas être le héro que l’on pouvait décrire dans les journaux, à l’époque de sa libération.

Le peintre a pris une liberté qu’il n’aurait pas osé si Axl n’avait pas été qui il est. Il s’est invité sur son banc, s’est assis à côté de lui, sans forcément chercher le dialogue. La réaction de son camarade l’a fait sourire, visiblement, il est en pleine crise. La panique se lit sur son visage, se voit à travers les gouttes de sueurs qui perlent de son front. Craig se relève, se place devant Axl, agrippe ses épaules pour le forcer à s’asseoir de nouveau sur le banc. ▬ Calme toi, personne ne te veut d’mal ici. Il a été violent dans son geste seulement pour le forcer à s’asseoir, mais maintenant qu’il sent qu’il a le dessus physique sur l’homme qu’il tente de calmer, il le relâche, recule d’un pas, le scrute. Il ne veut pas prendre trop de risques, ni s’en faire un ennemi inutilement. Son but était de lui venir en aide, pas de l’effrayer. ▬ T’as b’soin de parler ? Il croise ses bras sur son torse, devant le banc, comme s’il n’y avait qu’eux dans la ville. Le brouhaha des gens autour d’eux, le bruit des pas, des voitures, tout ça, il l’oublie. Pour créer un contact entre lui et Axl, qu’entre eux, comme s’il n’y avait qu’eux.