how are you? ► aoline

L'université. Il y avait des jours avec. Il y avait des jours sans. Il était vrai que Nina aimait ce qu'elle faisait. Du moins, elle n'avait pas trop à se plaindre. Pendant longtemps, elle avait cru que les portes de l'université lui seraient fermées. Pas à jamais. Mais elle s'était mal vue quitter ses boulots pour ... Et bien, pour aller à l'université. Elle avait besoin d'argent. Elle avait besoin de travailler. Elle ne pouvait pas se permettre de rester chez elle à ne rien faire ou quoi que ce soit dans le genre. Même si Carson était un bel enfoiré, elle était plutôt contente de l'avoir rencontré. Parce que sans lui, qu'on se le dise, elle n'était pas certaine qu'elle serait là où elle en était aujourd'hui. Elle était même certaine du contraire d'ailleurs. Elle serait toujours embourbée dans les dettes de sa mère. Elle trimerait toujours autant. Et ça, c'était pas vraiment supportable. Non.

Quoi qu'il en soit, elle était sur ce banc. Ou plutôt, sur la table de pique-nique. Il ne faisait pas trop froid aujourd'hui. Une chance d'ailleurs. Ouais. Elle avait été chanceuse pour le coup. Elle avait quand même son écharpe autour du cou et son bonnet vissé sur la tête. Mais c'était plus pour la forme. Et surtout, pour éviter de ... Et bien, éviter de tomber malade. Oui. Elle aurait pu rentrer. Se mettre dans la bibliothèque. Ou dans un autre coin. Mais elle avait besoin de prendre l'air. Et ça lui faisait plutôt du bien d'ailleurs. Beaucoup de bien même. Elle prit une lente inspiration. Passa une main dans ses cheveux. Elle la descendit quelque peu dans sa nuque tout en penchant la tête. Ouais. Elle était bien là. Juste ce qu'il fallait. Pas trop froid. C'était parfait. Elle prenait l'air avant de devoir rentrer chez elle. Elle espérait juste ... que le temps ne tourne pas à la mayonnaise, si on peut dire ça ainsi. Parce qu'il ne faisait pas vraiment beau. Non. Elle leva le nez vers le ciel. Les nuages se faisaient quelque peu menaçants. Ils avaient perdu de leur blancheur et étaient plus gris. Certains tiraient sur le noir. Ils dansaient dans le ciel, faisant sourire Nina. Elle avait perdu le sourire, durant pas mal de temps. Mais elle le retrouvait. Progressivement. Ca faisait du bien. Ca faisait beaucoup de bien d'ailleurs.

Posant son regard au lieu, elle constata ... Elle remarqua Aoline. Cette jeune femme qu'elle avait rencontré quelques mois plus tôt, à la Saint Valentin. Quand elle s'était retrouvée, seule, dans cette boutique pour faire des bouquets floraux et petites choses dans le genre. Quelle journée ! Et quelles péripéties d'ailleurs ! Elle se souvenait encore de la panique d'une des participantes quand elle avait vu l'abeille. Ils avaient été obligés de tous sortir. La porte avait été claquée sans le vouloir et ils s'étaient retrouvés dehors. Et comme Nina était une des plus petites, et des plus fines, elle avait été obligée de passer par la fenêtre des toilettes pour revenir dans le bâtiment et les ouvrir. Ah la la ... Quel truc de dingue ! Rien que d'y repenser, ça la faisait sourire. Comme la brune avait tourné la tête, la rouquine lui avait fait un signe de la main. "Aoline si mes souvenirs sont bons. C'est ça ?"

Aoline. La brune qu'elle avait rencontré lors de cette Saint Valentin. Elle se souvenait de ce jour comme si c'était la veille. Elle se serait crue dans un film de série B, ou quelque chose dans le genre. La rouquine avait pu sympathiser quelque peu avec la jeune femme. Oui. Pour autant, elles n'avaient pas non plus eu l'occasion de parler tant que cela. Pas que Nina n'aurait pas aimé. Mais elles n'étaient pas là pour ça à la base. Non. A la base, c'était pour faire des bouquets de fleurs. Journée étonnante. Amusante. Et c'était drôle. Drôle de la voir ici. Elle ne l'avait jamais croisé à l'université. Elle ne savait pas ... Elle ne savait pas ce que Aoline pouvait faire dans le coin. En tout cas, Nina s'était rapprochée. Elle n'était pas sauvage. Elle l'avait été, durant un temps, quand elle avait perdu le bébé. Elle avait tout envoyé chier. Et tout le monde. Ou presque tout le monde. Elle n'irait pas jusqu'à dire que ça lui avait fait du bien. Mais ça lui avait permis ... Ca lui avait permis de faire un peu le tri. De se recentrer. De penser à autre chose. Elle avait eu besoin de ça. Est-ce qu'elle le regrettait aujourd'hui ? Sans doute pas. Enfin, passons.

Nina était donc à bonne distance d'Aoline. Enfin, elles avaient fini par s'asseoir sur le même banc. C'était plus simple. Bien plus simple. La rouquine eut un hochement de la tête. "C'est ça. Bonne mémoire." avait-elle dit dans un sourire. Après tout, Nina aurait pu tomber dans l'oubli. Elle aurait pu ne pas se souvenir d'Aoline, et inversement. La rouquine avait la mémoire des visages. Cela ne voulait pas dire pour autant qu'elle se souvenait toujours d'où elle avait pu croiser telle ou telle personne. Des fois, pas moyen de se souvenir où elle avait pu croiser une personne. Et c'était pénible. Et pas qu'un peu. Enfin. Passons. Elles allaient pouvoir papoter un peu. Oui. Des choses avaient sans doute changé depuis la Saint Valentin. Pour Nina, ça n'avait été que de mal en pire. Et pas qu'un peu. Ca allait mieux. Elle remontait la pente doucement. Elle s'en sortirait. Elle l'espérait en tout cas. "Je vais bien merci et toi ?" Nina n'allait pas lui raconter tous les petits malheurs qui lui étaient tombés sur le coin de la figure. Pas qu'elle n'aimerait pas. Mais c'était sans doute mieux comme ça. Bien mieux. Il y avait des choses qu'il fallait garder pour soi. Et ça, d'une certaine manière, c'était quelque chose ... qu'elle n'avait pas envie de chanter sur les toits. Il avait des choses ... qu'il fallait taire. C'était mieux comme ça. Bien mieux d'ailleurs. "Oui. J'ai repris les cours cette année." Elle eut un hochement de la tête. "J'avais eu un petit cursus sur septembre et octobre de l'année dernière, pour voir si ça pourrait coller me plaire. Et comme c'est le cas, j'me suis réinscrite pour la rentrée universitaire de février." Elle n'aurait jamais pensé retrouver les bancs de l'école un jour. Elle avait pensé ... qu'elle serait morte en réglant les dettes de sa mère. Et une fois fini, elle n'aurait pas eu le courage de reprendre les cours. Et elle aurait tout laissé tomber. Mais elle n'en avait rien fait. Elle avait soldé les dettes de sa mère. Elle en était ravie. Et c'était plutôt chouette. "Tu es étudiante aussi ?" lui demanda-t-elle. Ou peut-être que Aoline était là pour tout autre chose. Nina allait vite le savoir.