une soirée agitée (livia)

Bailey aime travailler la nuit. Il n’a pas un métier très compliqué. D’ailleurs, il ne sait même pas s’il peut appeler ça un métier, il ne compte pas passer toute sa vie dans cette radio. Mais son boulot lui plaît, il aime les personnes qui participent aux émissions, il aime l’équipe avec laquelle il travaille, il aime l’ambiance qui règne quand la plupart des habitants de la ville dorment. Bref, il adore ce travail et actuellement, il n’en changerait pour rien au monde. C’est la seule chose qui est réellement stable dans sa vie. Contrairement à ses amis, sa famille ou ses études. Il n’y a que ce rôle de stagiaire qui ne bouge pas, qui reste fixe, et qui l’aide à s’épanouir. Quand il quitte la maison qu’il partage avec Livia le soir pour ne rentrer qu’à l’approche du matin, il se sent bien, heureux. Et il a ressenti ces mêmes sentiments ce soir, en laissant la maison à la fêtarde qu’il a pour colocataire. Les deux jeunes gens se sont entendus assez rapidement, même s’il y a parfois quelques désaccord sur le bordel qui traîne, sur la vaisselle à faire ou sur nuits trop agitées, l’entente se fait plutôt bien. C’est vrai qu’ils ne vivent pas ensemble depuis très longtemps, mais pour le moment Bailey ne voit pas de raisons de déménager. Il est bien dans cette maison, avec elle.

La soirée à la radio s’est terminée rapidement et, comme toujours, Bailey prend le chemin du retour, assez fatigué. Il ne s’est jamais endormi au volant, n’a jamais abusé de la vitesse pour arriver plus vite à la maison. Sur la route, il reste calme, se repose l’esprit et commence déjà à penser à son lit, étant presque heureux de le retrouver. La voiture garée à proximité de la maison, le brun verrouille celle-ci avant de rejoindre son domicile. Quand il arrive devant la porte, il remarque déjà que quelque chose ne va pas : la porte est entrouverte. Il fronce les sourcils en poussant celle-ci, avant de soupirer grandement face au scénario qui se présente à lui. Tout est retourné, rien ne semble être à sa place. Pour lui, une chose est sûre : la coupable est sa colocataire et ses soirées, dont une qu’elle a visiblement organisé ce soir, sans le mettre au courant. Il entre dans la maison, claquant la porte derrière lui, sa colère se ressent dans cet acte désespéré. Il n’a clairement pas envie de faire le ménage, il veut juste aller se coucher. ▬ Livia, c’est quoi ce bordel ? Il crie à travers la maison, ne sachant pas vraiment où elle se situe. Il n’y a plus personne, ici, seulement les restes d’une tempête dont il la croit responsable. Il avance jusqu’au salon, levant les yeux au ciel en voyant sa colocataire sur le sol, à quelques pas du canapé. Il est possible qu’elle n’ait pas réussi à atteindre le meuble en étant dans un état d’ébriété trop important. ▬ Debout, tu vas m’ranger ça hein. Même si elle n’est qu’à quelques pas de lui, il parle sur le même ton, c’est-à-dire en criant, dans l’espoir de la réveiller.  

Il ne veut rien entendre, ce soir. Il a envie d’aller se coucher, de parcourir ces pièces dévastées pour rejoindre sa chambre et s’écrouler sur son matelas, qui l’attend depuis de trop longues heures. Il ne sait pas réellement ce qu’il s’est passé durant son absence, tout ce qu’il sait, c’est que ça n’était pas prévu. Une fête organisée à la dernière minute ou une after après avoir rencontré une personne quelconque dans un bar. Qu’est-ce qu’il en sait ? Livia est une femme imprévisible, qu’il apprend à connaître petit à petit. Il évite de s’immiscer dans sa vie privée, bien qu’il l’affectionne comme une amie depuis qu’ils se sont rencontrés, depuis cet emménagement. ▬ Qu’est-ce que tu viens de dire ? Il s’arrête net à son « va te faire foutre », une phrase qui ne passe visiblement pas. Il préférerait l’abandonner à son sort, la laisser dans ce foutoir dont il la pense responsable. Le brun fait machine arrière et revient sur ses pas pour pouvoir voir Livia, qui se lève pour s’écrouler dans le canapé. Ce n’est certainement pas dans cette position qu’elle va pouvoir ranger, là, elle est plutôt partie pour finir sa nuit. Les blessures de sa colocataire ne sont pas évidentes et l’énervement lié à ce bordel ne l’aide pas à y voir clair. Il est aveuglé, comme si l’évidence ne voulait pas lui sauter aux yeux. ▬ Je sais que tu as un style de vie différent des autres, que t’es un fêtarde et tout ça.. mais tu vis avec quelqu’un d’autre maintenant, il va falloir que tu l’imprègnes et que tu.. Il se coupe, le regard vers la brune, il s’est enfin intéressé à elle, à son cas. Et la couleur rougeâtre du sang ne le laisse pas indifférent, il se rapproche d’elle en fronçant les sourcils. ▬ C’est du sang ? Ça aurait pu être de la peinture, du feutre, peu importe. Qui sait ce qu’il se passe entre jeunes, dans des soirées improvisées. Il a envie de savoir ce qu’il s’est passé, qu’elle lui retrace sa soirée, qu’elle lui explique comment elle a pu en arriver là. ▬ Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Peut-être qu’il aurait dû lui poser cette question dès le début, avant de l’accuser à tort.

L’inquiétude a remplacé l’énervement. Il a beau être fatigué, la santé de sa colocataire passe avant le reste. Il ne sait pas ce qu’il s’est passé ici, ce soir, pendant qu’il était au travail. Et finalement, il se rend compte que ça n’a pas énormément d’importance. La seule chose dont il doit se soucier, c’est d’elle. De ce sang, de cette douleur qu’elle ressent. Il s’en veut presque d’être allé travailler, ce soir. Parce que petit à petit, le déroulé de la soirée s’incruste dans ses pensées. Et il comprend qu’elle n’a pas fait la fête, que ce qu’il s’est passé est bien plus grave qu’il aurait pu l’imaginer. Ça paraît irréel, parce que ça se passe que dans les films, ça, normalement. Ça ne devrait pas arriver en vrai, on ne devrait pas se sentir en danger chez soi. On ne devrait pas se faire frapper, voler, rabaisser. Et pourtant, c’est bel et bien arrivé ce soir. Il ne sait pas si les hommes ont emportés quelque chose avec eux, il n’est pas capable de faire l’état des lieux pour le moment. La pièce est trop saccagée pour se rendre compte des choses, il vérifiera qu’il ne manque rien quand il rangera, tout à l’heure. Il ne va rien lui imposer, ce qu’elle a vécu ce soir doit être terrifiant, et il est loin d’être un monstre, au contraire, Bailey est un garçon compatissant. Surtout que Livia, il l’aime bien, il n’a pas envie de se brouiller avec elle. ▬ Si jamais j’les retrouve.. C’est des menaces en l’air, évidemment, il ne fera rien. Il n’est pas imprudent à ce point, mais ça témoigne de sa colère. Les dents serrées, le brun tend une main à sa colocataire. ▬ Je t’emmène à l’hôpital. Peut-être qu’il exagère ses blessures, peut-être que c’est réellement grave. Il n’en sait rien, mais mieux vaut prévenir que guérir, non ? Elle a mal, c’est suffisant pour s’inquiéter, suffisant pour la prendre au sérieux. Il espère simplement que ce n’est pas trop grave et qu’elle réussira à se remettre facilement, aussi physiquement que mentalement.

À la base, elle n’était qu’une inconnue dans une soirée qu’il n’appréciait pas. Et puis elle est devenue sa colocataire, du jour au lendemain. Sans qu’il ne le prévoit, elle est entré dans sa vie et depuis, il n’imagine plus réellement passer une journée sans la voir. Colocataire ou amie, il ne sait pas vraiment comment il peut la définir. Il sait juste qu’elle a une place spéciale dans son cœur et que même s’ils s’engueulent de temps en temps à cause du ménage ou des horaires de l’un et de l’autre, il tient à elle. Et personne n’a le droit de lui faire du mal volontairement. Encore moins chez eux, sous leur propre toit. Ça le met hors de lui, et il s’en veut presque de ne pas être rentré à la maison quelques minutes plus tôt, de ne pas s’être dépêché sur la route. Peut-être que s’il avait été là, il aurait été le principal concerné de cette agression et qu’elle n’aurait pas subi tant de violence. Mais visiblement, les hommes qui sont venus ici sont suffisamment lâches pour s’en prendre à une femme. Et bien qu’elle soit une véritable terreur mentalement, Livia ne fait pas le poids physiquement. Non. Enfin, si, je sais faire les bandages. Et encore heureux, il a quand même entrepris des études de médecine. Mais non, elle a besoin de consulter. Je préfère qu’ils te prennent en charge. Les médecins. Parce qu’on sait jamais, mh, j’ai pas envie de te retrouver inconsciente demain matin. Il s’assoit à ses côtés et attrape sa main, celle de son bras qui n’est pas blessé. Un simple geste pour lui prouver qu’il est là et que, maintenant, plus rien ne peut lui arriver. Je sais. Enfin, j’imagine. Mais ça va aller, ok ? C’est terminé maintenant. Ils ne reviendront pas. Il le dit mais ne sait même pas s’il peut se croire lui-même ou non. Il n’en sait rien, peut-être qu’ils voudront revenir pour terminer ce qu’ils ont commencé. C’est également pour ça qu’il veut emmener Livia loin d’ici, elle a besoin de se reposer dans un endroit où elle peut se sentir en sécurité, et ce lieu n’est plus sûr pour le moment. Tu veux manger un morceau ou boire quelque chose, avant ? Et après je t’emmène. De ton plein gré ou non, on ira là-bas. Il sait se montrer persévérant quand il le faut et il sait qu’avec du recul, quand elle aura digéré tout ce qu’il s’est passé, elle se rendra compte qu’il a fait tout ça uniquement pour son bien. Et même si elle se met à le détester dans quelques minutes parce qu’il a trop insisté, il ne s’en voudra pas.