Under the sunset [Zach]

Une chose était certaine, le sujet du couple était très sensible avec Cheyenne. Zachary l'avait remarqué à plusieurs reprises déjà. Et l'agacement manifeste de son directeur de communication lorsqu'il évoqua la possibilité que cela ne puisse pas convenir à son petit ami, eut tôt fait de lui confirmer que ce sujet restait à éviter. Il n'avait jamais vraiment connu ce qu'était la vie de couple. Sa fiancée n'était autre que sa meilleure amie et ils avaient monté un mensonge pour faire semblant de vivre ensemble. La vérité, c'est que Gabriella vivait sa vie et lui la sienne. Ils partageaient tout, sauf le sexe. Il n'avait jamais été son type, elle le voyait comme un ami. Et lui, il était attiré par les hommes. Par conséquent, s'il y avait bien un domaine où rien ne se passerait jamais, ça serait sexuel. Zachary était encore jeune, il vivait dans son altération de la vérité, sans en mesurer les conséquences. Si son désir de fonder une famille se confirmait, il faudrait bien qu'il renonce à tout ça. Gabriella l'avait dépanné pour son image mais elle n'accepterait pas qu'ils adoptent un gosse. Elle avait très certainement envie de faire sa vie, elle aussi. Ackerley n'avait pas une vie simple, tout comme son conseiller, mais pour le moment, ça ne le concernait qu'à lui, il n'y avait pas d'enfant au milieu. Donc leurs situations n'étaient pas comparables, si l'on voulait rester objectif. Il suivit Holway jusqu'à sa voiture et monta sur le siège passager. Il fut assez silencieux pendant le voyage, signe qu'il commençait à manquer d'énergie et ça se voyait. Il ne savait pas où Holway l'emmenait mais il lui faisait confiance.

De temps en temps, il portait sur lui quelques regards. Quel bel homme. S'il n'avait pas été déjà pris, peut-être qu'il aurait pu tenter sa chance ? Et visiblement, à en juger la réaction qu'il avait eu lorsqu'il le surprit nu, Cheyenne n'y manifestait pas d'opposition. Il ne disposait pas souvent de l'occasion de le contempler de profil. Aussi, il en profita, alternant les coups d'oeil vers l'extérieur et vers son conducteur. Il conduisait bien, ni trop vite, ni pas assez. La conduite d'un père responsable, en somme. Quels pouvaient donc être ces autres talents cachés qu'il ne voyait pas encore ? Zachary esquissa un sourire en les imaginant. Peut-être que Cheyenne était très bon en cuisine, un vrai cordon bleu ? Il régalait probablement son homme et son enfant. Peut-être qu'il savait toucher le bout de son nez avec sa langue ? Cette capacité génétique avait toujours suscité chez lui la fascination. Peut-être qu'en plus de tout ça, Holway était endurant, dynamique... créatif dans la sphère intime ? Ackerley fut captivé par cette hypothèse, et son imagination débordante commença à faire le travail. Il vit Cheyenne se glisser derrière lui, dans la douche, se plaquer contre sa peau, lui arrachant une décharge extrêmement agréable tout le long de sa colonne vertébrale. Il le sentit même déposer ses lèvres sur son épaule, sur son cou, pour remonter au niveau de sa nuque. Puis le piquer avec... Zachary revint subitement à la réalité et écrasa sa main contre son cou. Il y eut un bruit de claquement et quand il regarda ses doigts à la lumière des lampadaires qui défilaient, il vit son "trophée" :

- Bon sang ! Vise-moi un peu ce moustique ! Ils devraient tous êtres en hibernation ou mort par cette saison ! Il m'a bien piqué, ce saligaud !

Saligaud... plus personne ne disait ça de nos jours. Mais Zachary avait reçu une certaine éducation. Il ne disait que très rarement des gros mots ou des insultes. D'ailleurs il n'aimait pas beaucoup ça. Ils se mirent à rire et arrivèrent au drive du Burger King. Ils passèrent commande. Pour Zachary, sa fringale était aussi intense que celle de Cheyenne. Il commanda donc un grand menu Double Whooper cheese & bacon, avec des frites et une bière en boisson. En complément il demanda également un Big King XXL et un Creamy Shakes. Ils attendirent quelques minutes et le téléphone de Zachary vibra. Sur l'écran, s'afficha le nom affectueux de "Papa". Il prit l'iphone dans ses mains et le regarda pendant quelques secondes. Son visage s'était fermé. Devait-il décrocher ou non ? Il sentit que Holway le regardait et il ignora l'appel. Il tourna la tête sur le côté, faisant mine de trouver un intérêt tout particulier à l'aire de jeux pour enfants que l'on voyait et qui était déserte à cette heure. Il se sentait à nouveau nerveux, mal dans sa peau. Le téléphone vibra à nouveau. Il n'y porta pas un seul regard car il savait que s'il le faisait, il finirait par décrocher. Ce soir, ce beau moment, ça n'était certainement pas du à son père. Il ne lui laisserait pas le loisir de le pourrir. Dès que son mobile cessa de vibrer, il activa le mode avion et se mura dans le silence. Leurs commandes arrivèrent. Zachary prit les sachets en papier sur ses genoux et ils se mirent en route à nouveau. A nouveau il se laissa conduire par Cheyenne sans lui demander où ils allaient. Il lui faisait confiance et n'avait aucune inquiétude. N'y tenant plus, il piqua une frite pour au moins mâcher quelque chose. Après quelques minutes, ils arrivèrent à une aire de pique-nique sur les hauteurs d'Island Bay. Zachary sortit de la voiture et se dirigea vers une table disponible d'où on avait la meilleure vue. Elle était éclairée par un lampadaire en fin de vie, qui diffusait une lumière beaucoup moins forte que les autres. Idéal pour un cadre reposant !

- On a de la marge ! Sans vouloir nous jeter des fleurs, toi et moi, nous sommes plutôt bien batis ! Et puis, c'est un petit plaisir que l'on se fait à l'occasion ! D'ailleurs, moi, techniquement, j'ai déjà fait ma séance de sport ! Ce meeting m'a lessivé !

A peine assis, il sortit toute sa commande devant lui et prépara les choses, notamment les deux sauces mayo et ketchup qu'il avait demandé. Zachary avait une drôle de façon de manger dans un fast food. Il commandait plusieurs choses et les mangeaient par petit morceau dans un ordre toujours identique : frite en sauce, bouchée de burger, puis petite gorgée de bière frite dans la glace, nouvelle gorgée de bière, bouchée de burger et il recommençait. Tout en commençant son petit rituel il laissa échapper un petit râle de plaisir qui en d'autres circonstances aurait eu une signification très sexuelle.

- Ca fait du bien !!! Tiens, tu sais que dans le magazine Challenges, ils ont fait une enquête pour mettre en lumière le dénominateur commun de toutes les classes sociales ? On a souvent pensé à tort qu'il s'agissait du shopping ! Eh bien non, figure-toi ! Ce sont les fast-foods ! Peu importe l'argent que tu as sur ton compte en banque, tu vas toujours au fast-food pour te faire plaisir. C'est redoutable comme enquête ! Quand je pense que ces gens ont passé des mois et des années pour arriver à un résultat qui crevait les yeux et qui est évident, mais que personne ne voulait voir... Je me dis que j'ai bien fait de faire de la politique ! C'est moins ingrat !

Il éclata de rire.

- Et bien, techniquement, si, les petites bêtes mangent les grosses. A moins d'être incinérés, nous finissons tous bouffé par les vers, je te ferais remarquer ! Puis les moustiques te pompent le sang pour pondre leurs oeufs, je te ferais remarquer ! Autrement, je ne vois pas ce que tu as contre les années 50 ! C'est une très belle époque !

Il en fallait beaucoup pour vexer Zachary. Quand Cheyenne le tança, avec énormément d'humour, il se mit à rire de bon coeur. Il ne craignait pas vraiment son jugement. A vrai dire, depuis leurs première entrevue très franche, il ne craignait rien de lui. Cela ne voulait pas dire qu'il l'ignorait et ne se montrait pas attentif, bien au contraire. Holway avait l'art et la manière pour dire les choses de façon sincère et sans ménagement. Ca lui plaisait, non pas parce qu'il se montrait direct mais plutôt parce qu'il ne se lançait jamais dans une critique négative. Il pointait du doigt ce qui n'allait pas et il lui donnait des alternatives à suivre. Du coup, Zachary avait grandi, en seulement quelques mois. Cela se sentait partout, dans son équipe mais aussi et surtout auprès des gens. Sa remontée hallucinante dans les sondages en était la preuve visible. Il avait gagné en crédibilité et surtout en confiance en lui. Et ça lui faisait du bien parce que sur la précédente campagne, il n'avait pas été bien coaché. On l'avait laissé faire n'importe quoi, sans véritable conseil, en pensant sans doute que l'argent suffirait à le faire élire. Mais non, l'argent ne pouvait pas tout. Et il s'était fait démolir au débat télévisé, devant de milliers de téléspectateurs. Zachary restait malgré tout un battant, il ne baissait pas les bras, quitte à devoir s'épuiser ou à persister. Pour le staff qu'il avait lui-même composé, avec le conseil de Cheyenne, il devenait un vrai moteur. On appréciait son côté enthousiaste, son ouverture d'esprit. Et on éprouvait de l'empathie pour lui, surtout quand le vieux Ackerley venait se mêler de leurs affaires. Le meeting de ce soir n'avait fait que renforcer l'équipe, il n'en prenait pas conscience, mais passer de la fébrilité, des larmes, à un tel discours, ça rendait admiratif. Et pour cause. Peu de gens étaient capables de puiser autant d'énergie après un moment terrible.

- Plus ajustées dis-tu ? Elles sont très bien mes chemises ! Je n'aime pas quand ça me colle à la peau, ça me donne l'impression d'étouffer. Après tu sais, je n'y suis pas pour grand chose. J'ai commencé à jouer au rugby très jeune, j'en ai gardé une certaine musculature. Et puis le mal de dos aussi, ça va avec !

Il sourit et continua de manger. Il n'avait pas rébondi sur les femmes qui potentiellement pouvaient craquer sur lui. Il ne pouvait néanmoins s'empêcher de penser qu'il préférait que ça soit des hommes qui l'admirent. Mais il était trop impliqué dans son mensonge, pour cela. Gabriella et lui devaient se marier très bientôt. Il était donc officiellement hétéro et ça lui convenait. Il n'était pas prêt à vivre le rejet de sa famille. D'ailleurs, il ne savait pas s'il le serait un jour. Zachary avait encore la faiblesse de penser que son père et ses frères pourraient être fiers de lui un jour. Il explosa de rire quand Cheyenne évoqua le bruit de l'orgasme. C'est vrai qu'il s'était lâché. Mais en même temps, Zachary ne pouvait freiner son côté très expressif. Il était comme ça. C'est tout. Comme le soulignait le bellâtre face à lui, ici, il n'y avait pas besoin de rester sérieux. Ils étaient hors du boulot et ça leur faisait du bien. Trop souvent, ils se retrouvaient le nez dans le guidon, sans prendre le temps de décompresser. D'ailleurs, les semaines qui allaient venir risquaient fort d'être intenses. Ils arriveraient bientôt au vote et donc au résultat. Tous leurs efforts seraient-ils récompensés ? Peut-être ! En tout cas ce soir, c'était l'option réconfort qu'ils choisissaient ! Il hocha la tête et avala sa bouchée avant de répondre :

- Je suis d'accord, ça fait du bien de se détendre un peu sans trop penser à la politique, à la campagne, tout ça. Bon tu as sans doute beaucoup mieux à faire hors du travail, je sais que tu as une famille qui t'attend mais ça me fait plaisir que tu sois resté ce soir. Je crois que j'en avais besoin et je t'en remercie.

Il prit une frite et la trempa dans la crème glacée.

- Dis donc, c'est censé être moi, le candidat conservateur et fermé ! Tiens, goûte un peu ça, et tu parleras après, pour dire si c'est si dégoûtant !

D'un geste doux, tendre, il tendit la frite pour l'amener à sa bouche et le laisser y croquer dedans. Il attendit sa réaction, en ajoutant :

- Et au moins, si c'est dégoûtant, là, tu auras testé. C'est toi qui me disais l'autre jour en réunion qu'essayer c'était s'instruire, pas vrai ?

- Je ne vois pas trop la différence entre le rugby et à la boxe ! On a vu mieux comme sports calmes je te ferais remarquer ! Mais vas-y, dis tout de suite que je suis une crevette !

Il sourit et adopta un regard taquin, un peu troublant avec ses yeux bleus. Quand Cheyenne se retrouva avec la frite devant le nez, Zachary l'observa, pour voir quelle serait sa réaction. Allait-il refuser de goûter par principe ou bien se laisser tenter ? C'était important pour lui de savoir s'il restait ouvert ou pas. Ackerley grandissait depuis son enfance, dans un cadre hyper strict, très conservateur et sans véritable échappatoire. Les seuls moments privilégiés restaient avec Gabriella, sa meilleure amie et ses coups d'un soir, qu'il rencontrait en catimini. Pour beaucoup de gens, il était un fils à papa, avec les mêmes idées et les mêmes à-priori. Sauf que la réalité s'avérait toute autre ! Il devait bien être le seule, dans sa famille, à aimer découvrir ce qui l'entourait et à avoir soif de changement. Dans son discours improvisé, ça se sentait et ça contribuait fortement à sa percée dans les sondages. Il ne pouvait s'empêcher de faire de la politique autrement, de parler projets, avenir, progrès. Une position qui n'était pas du tout électorale puisque dans sa vie personnelle, il avait aussi cette soif d'aventures. Il explosa de rire quand Cheyenne croqua la frite et fit une mine dégoûtée. Ce n'était pas grave qu'il n'aime pas, au moins, il venait de goûter. Et c'était ça le plus important à ses yeux. A cet instant, il sut qu'il y avait vraiment une alchimie entre eux. Professionnelle, bien sûr, mais là, ça partait également sur le plan personnel. Au fond, Zachary appréciait la personne derrière le costume. Elle lui ressemblait un peu. La suite redevint plus sérieuse. Il écouta Holway avec attention et il se sentit immédiatement un peu coupable. C'est vrai qu'ils passaient beaucoup de temps à travailler, surtout avec la campagne. Zachary avait beau avoir verrouillé la disponibilité de Cheyenne dès le début, il n'en restait pas moins qu'il ne pouvait rester insensible à la situation. D'un ton sérieux et compatissant, il indiqua :

- Tu sais, si tu veux m'en parler, il n'y a pas de problème. Je veux dire, on n'est plus au bureau, nos journées de travail sont finies. Tout ça c'est du off. Je suis un peu responsable de la situation, alors si je peux aider d'une quelconque façon, n'hésite pas !

Comme souvent, il s'exprimait avec sincérité. On ne pouvait pas lui retirer son empathie et son côté avenant. Même avec les autres collaborateurs de l'équipe, il se montrait toujours d'une grand gentillesse. Quand on connaissait les rouages et les dessous de son métier, on avait deux sentiments. Soit on le pensait hypocrite et menteur. Soit on le pensait fou à lier de faire carrière dans le milieu politique, qui n'attendait que des routiers expérimentés en droit et aux carnets d'adresse longs comme le bras. Il avait quelque chose de touchant et d'humain que rares de ses confrères possédaient. Voulant un peu détendre l'atmosphère, il tenta de relativiser :

- Avec Gabriella, je dois bien admettre que je n'ai pas ce problème. C'est une amie... enfin je veux dire, c'est ma fiancée, mais c'est une amie à la base... ça aide très probablement, on ne se dispute jamais. Bon de temps en temps, ça peut être tendu, mais ça va.

Parler de ses fiançailles n'était certainement pas comparable. Eux ils faisaient semblant, alors que Cheyenne vivait une vraie histoire. Il s'en rendait compte mais ne pouvait l'avouer, au risque de faire éclater la vérité. Il poursuivit donc, de façon plus neutre :

- On pourrait peut-être organiser une sorte de soirée tous ensemble, au QG ? Ce serait l'occasion qu'il voie pour qui tu travailles et dans quel but ? Ca pourrait l'aider à mieux comprendre ? Qu'est-ce que tu en penses ?

- Tu ne me saoules absolument pas, d'accord ? Je suis là si tu as besoin de parler, c'est à ça que servent les amis ! Et puis mon père est sûrement couché à cette heure-ci alors laisse-la là où il est !

Zachary avait prononcé le mot ami et cela sortait de façon très sincère de sa bouche. Après tout, Cheyenne en connaissait bien plus sur lui que n'importe qui dans son équipe. Il avait vu le désastre provoqué par son père, il comprenait la façon dont il fonctionnait, à toujours chercher à combler et à plaire à ce patriarche cruel et ultra-renfermé. Il espérait que le sentiment était aussi partagé par Cheyenne, parce que sinon, il aurait l'air un peu idiot. Ca le vexait un peu que le jeune homme l'associe à son père. Il en était pourtant bien différent et bien éloigné. Et il pensait qu'ils se faisaient suffisamment confiance pour échanger sur plein de sujet, même s'il s'agissait de l'homosexualité d'Holway. En réalité, il ne possédait aucune animosité quelconque à son égard, au contraire. Etant homosexuel lui-même, il ne pouvait que ressentir de l'intérêt et de la compassion pour lui. Mais ça, personne ne le savait, à part Gabriella. Plongé dans sa propre réflexion, il se rendit compte qu'il ne pouvait pas formellement lui reprocher un raccourci puisqu'il restait plongé dans l'ignorance totale, le concernant. Il écouta la suite. Le fait que son idée soit validée lui faisait plaisir, d'habitude, c'était Cheyenne qui proposait et qui réalisait les projets. S'il pouvait aider, ne serait-ce qu'une fois, ça lui donnerait le sentiment de pouvoir être utile et pour son égo, ça le flatterait un peu, bien qu'il n'ait pas besoin pour se sentir bien. Par contre, il ne s'attendait pas du tout à la fin de sa phrase et manqua avaler de travers. Il se mit à rire, comme un con. En dépit des apparences, Zachary n'était pas insensible à l'humour graveleux, bien au contraire. Comprenant que ça pouvait paraitre déplacé, il s'arrêta de rire et s'excusa :

- Désolé. J'imagine que c'était un peu nerveux. La journée a été rude.

En réalité, elle l'était beaucoup moins depuis que Cheyenne était venu le rejoindre. Sa présence lui avait fait le plus grand bien. Il se sentait mieux, épaulé. Même si la fatigue commençait à se faire sentir. Redevenant sérieux, il ajouta :

- Tu sais, la vie n'est pas forcément un long fleuve tranquille. Je veux dire, il y a parfois des moments où il y a des difficultés, des obstacles. Je pense que ce qu'il se passe avec ton mari, ce n'est pas inéluctable, en tout cas je l'espère. Juste une mauvaise passe et vous en sortirez tous les deux plus forts. Vous formez une belle famille, vous avez un enfant. Je comprends que ça soit difficile à vivre, mais je suis persuadé que ça va finir par s'arranger. Je suis sûr qu'en lui montrant comment tu travailles et avec qui, ça lui permettra de mieux comprendre et ça devrait le détendre. D'ailleurs, il peut venir avec le petit, s'il le souhaite, j'aimerais bien le rencontrer !

Zachary esquissa un sourire amical en prononçant ces mots. Il finit de manger la dernière bouchée de son hamburger. Il avait fini la glace avec les frites quelques minutes plus tôt. Il avait un certain talent avec les enfants. Le feeling passait bien et il les adorait. Les entendre jouer, rire, courir partout, ça lui donnait la pêche. Un jour peut-être, il en adopterait un. Il avala un peu de sa boisson pour faire descendre le tout et sur un ton détaché, il lui dit :

- Je ne veux pas être indiscret, mais ça fait combien de temps que vous êtes ensemble ?

Zachary n'espérait pas autant de confidences de la part de Cheyenne. Surtout vu la relation qu'ils entretenaient. Travailler ensemble donnait un ton très professionnel à tout ça. Ils discutaient de stratégie, ils avaient les yeux rivés sur les sondages, enfin surtout Holway. Il arrivait fréquemment au candidat de le mater dès qu'il avait l'attention ailleurs. Et ce, en toute discrétion, car le beau directeur de communication ne remarquait rien. Il fallait bien l'admettre, ça ne convenait pas vraiment à Acklerley qui cherchait plus. De l'amitié, consciemment. Inconsciemment, pourtant, il ressentait davantage de choses. Il était attiré par cet homme, par son air très libre, par son côté sérieux et didacte. Et puis son parfum restait très agréable aussi. D'ailleurs, même si c'était la fin de la journée, il dégageait encore cette odeur très agréable, Ce parfum qui continuait à lui évoquer quelque chose, sans qu'il ne parvienne à trouver quoi. C'était pénible comme sensation car il était persuadé qu'il connaissait cette odeur. En tout cas, elle l'apaisait, autant qu'elle l'intriguait. Il sortit une cigarette qu'il s'alluma, tout en écoutant Cheyenne et ses confidences. Il savait que la réussite pouvait susciter de la jalousie, voire des reproches. Dans sa propre famille, il sentait bien que si on se moquait aussi ouvertement de ses échecs répétés et qu'on le rabaissait, c'était parce que personne ne voulait le voir réussir. Même son père, sous couvert de sa morgue habituelle et de sa bêtise, ne souhaitait que le voir chuter. S'il gagnait cette élection, Zachary risquait fort d'avoir de plus gros problèmes à régler. Des problèmes qui le dépassaient aujourd'hui et dont il n'avait pas du tout conscience. Son insouciance allait en prendre un sacré coup et ses rêves aussi, d'ailleurs.

Les propos de Cheyenne en disaient long sur l'importance de sa relation. Trois ans de relation, ce n'était pas rien. Ils s'étaient attaché l'un à l'autre. Egoïstement, Zachary eut quand même le réflexe de penser que ça faisait pas tant que ça et que la rupture serait ainsi moins douloureuse. Il bannit cette réflexion sans ménagement, s'en voulant d'avoir glissé vers cet aspect individualiste qu'il fuyait en permanence. Foutus gênes... son père n'avait pas déconné quand il l'avait conçu. Il lui avait transmis les pires travers, enfouis au fond de lui. C'était une lutte intérieure permanente qui se jouait. Les disputes, il n'avait jamais vraiment connu ça. A aucun moment, il ne s'était mis en couple, sauf avec Gabriella, mais là, il s'agissait d'une fausse situation. D'une simulation, d'une tromperie même, autant utiliser le bon terme. Vu tous les risques qu'il courrait, on ne pouvait pas lui donner tort. Quand Cheyenne ponctua ses confidences, en parlant du fait qu'il s'était laissé embrasser par un autre homme, Zachary ne put s'empêcher de repenser à cette soirée black out, durant laquelle, il avait pris un pied terrible, alors qu'il ne s'était rien passer de sexuel. Ca avait failli, ils étaient passé à un cheveu d'aller dans l'arrière salle et de s'envoyer en l'air. Sans voir leurs visages, juste à la voix et à l'odeur. Subitement, il se figea. Ce parfum !!! Il venait de retrouver la clé de cette foutue porte sur laquelle il bloquait depuis des semaines ! Mais il l'ouvrit trop naïvement, sans penser à ce qui se trouvait derrière. Des brides de la soirée remontèrent. La voix, les effluves... un visage apparu alors : Cheyenne. Il se leva d'un coup, avec une expression de surprise sur le visage. Se rendant compte de sa réaction étrange, il justifia, en regardant autour de lui :

- J'ai vu un truc voler très près de moi... désolé...

C'était totalement faux. Mais là, il se retrouvait sous le choc. Ce type à la soirée, c'était donc Holway ? Ca ne pouvait être que lui ! Même intonation, maintenant qu'il y faisait attention, même parfum... et ils s'étaient embrassés ! Zachary ne s'attendait pas à découvrir la vérité. Pourtant, il en était désormais persuadé, ils s'étaient vus, touchés, parlés... embrassés ce soir là. Et ça avait été extrêmement agréable. Seulement, Ackerley reprit le contrôle de ses émotions et il reprit la parole, en tirant de façon bien nourrie sur sa clope, comme les jours de grand stress.

- Attends... embrasser un autre, ça ne veut pas forcément dire que tu dois remettre en question. Il faut aussi voir le contexte dans lequel ça s'est passé. Si vous vous étiez disputés, si tu étais malheureux, si cet autre mec a été entreprenant et séduisant. Et puis, ça ne veut rien dire. Vous n'avez rien fait ensuite, pas vrai ? Donc, c'est que tu as pris conscience de tout ça et que tu t'es rappelé du fait que vous étiez en couple. Ca peut arriver d'avoir des moments de faiblesse, tu sais...

Oui, il tentait de recoller les morceaux. Zachary ne voulait surtout pas briser le couple de Cheyenne pour ses propres désirs personnels. Et ce soir là, il ne l'avait pas reconnu. Un peu curieux quand même, il enchaina :

- Tu as apprécié ce moment là ? Enfin, je veux dire, même si tu as apprécié, ce n'est pas forcément que tu as besoin de quelqu'un d'autre, mais plutôt d'affection, de réconfort. Non ?

A peine eut-il fini sa clope qu'il s'en alluma une nouvelle. Quelque chose clochait, ça se voyait. Et Cheyenne pouvait penser que Ackerley craignait les retombées sur sa campagne. Seulement, il préférait ça au fait de lui avouer qu'il était homosexuel, qu'il l'avait embrassé, qu'il avait aimé ça et que oui, il l'attirait comme un aimant.

Plus de doute possible... Cheyenne était bien l'homme qu'il avait embrassé à cette soirée blackout. Un baiser intense, dans le noir, où il avait goûté à ses lèvres, sans se priver. Et ce parfum... c'était lui ! La réponse, il l'avait sous le nez ! Depuis le début ! Quel moment ! Il s'était sentit tout chose, après ce moment tactile. Avec un tas de papillons dans le ventre et puis aussi une belle barre au niveau de l'entrejambe. Zachary, frustré de la fuite du bellâtre, avait fini sa soirée de façon très peu conventionnelle. Il avait cherché cet inconnu partout, sans le retrouver et finalement, il s'était rabattu vers une salle avec des glory-holes, pour laisser faire un parfait inconnu. Le moment avait d'ailleurs été très court, parce que l'extase ne tarda pas à poindre. Et ces derniers jours, il s'était fait plaisir tout seul, en repensant à ce baiser. Jamais il n'aurait pu imaginer que Holway se trouvait dans ce club ! Mais maintenant qu'il connaissait la vérité, il commençait à s'en vouloir. Et s'il avait mis en péril leur couple ? Davantage... Il ne répondit rien quand Cheyenne décrivit son état d'esprit. Excité... vraiment ? C'était flatteur et en même temps terriblement angoissant. Parce que s'il connaissait la vérité, son directeur de communication, lui, ne possédait aucune raison de se douter qu'ils avaient failli franchir la ligne rouge et coucher ensemble. D'autant que Zachary était fiancé à Gabriella, officiellement, donc, impossible de deviner le début d'un prémisce de supercherie ! Finalement, Cheyenne ferma cette parenthèse en se plaignant du froid et en proposant qu'ils rentrent. Ackerley hocha la tête. Ils montèrent dans le véhicule où il régnait un silence entrecoupé de banalités diverses, sans aucun intérêt et d'une conversation sur son domicile.

- Ca va... on s'y fait. Il y a la domestique qui vient faire le ménage le matin, de toute façon et puis... euh pardon, je ne voulais pas dire domestique... la femme de ménage, plutôt... Désolé, c'est un vieux réflexe...

Zachary avait malheureusement des réflexes très hautains parfois quand il s'exprimait. Il tâchait de se corriger au mieux mais quand il parlait de femme de ménage, la façon dont il le disait trahissait une certaine forme d'arrogance. Il vivait avec une cuillière en argent dans la bouche, en même temps. Donc, il ne pensait pas de la même façon que le reste des gens. Il continua, avec un sourire :

- Et puis la solitude a ses avantages tu sais ! En ce moment, par exemple, je suis en train de faire une maquette très prenante. Il s'agit d'une représentation miniature du Taj Mahal ! Je ne l'ai pas encore finie, mais quand ça sera le cas, je te la montrerais, tu verras, elle va être sublime ! Gabriella n'aime pas trop que je m'éparpille avec tout ça ! Ce que je peux comprendre ! Alors quand elle n'est pas là, j'en profite ! Bon, même si ce soir, je vais pioncer direct sans porte plainte... dure journée...

La soirée s'était mieux passée sur la fin. Il ne devait pas réfléchir ainsi, mais l'idée que Cheyenne et lui aient échangé un baiser volé, ça l'enchantait. C'est pourtant un conseil tout autre, qu'il lui donna, désireux de ne pas briser son couple :

- J'espère que les choses vont s'arranger avec Devon... je te le souhaite en tout cas. Mon avis, c'est que ce qu'il s'est passé lors de cette soirée n'était pas révélateur. Tu l'as dit toi-même, ça n'est pas rose en ce moment, entre vous deux. La tension, c'est normal qu'elle ait été là... je veux dire, toi et moi, on est des hommes, il y a des choses qu'on ne maîtrise pas toujours. Le plus important, c'est que tu ne sois pas allé jusqu'au bout. Ca montre que malgré toutes les disputes, tu es encore attaché à Devon. Et donc que tout n'est peut-être pas perdu pour vous deux !

Ils étaient arrivés devant le domicile de Zachary. Celui-ci posa une main sur son épaule et lui adressa un sourire amical. Il le remercia pour l'avoir ramené et l'avoir aidé. Puis il descendit du véhicule. Il regarda Cheyenne partir et soupira. Une fois à l'intérieur, il retira ses chaussures et s'alluma une nouvelle cigarette. Il commença à se déshabiller, disséminant ses fringues dans les différentes pièces où il passait pour regagner sa chambre. Quand il arriva dans sa chambre, il était dans le plus simple appareil et bien en forme. Il s'allongea et tira une latte. Sa main libre glissa sur son bas-ventre pour continuer plus bas. Tout en finissant sa clope, il s'offrit un petit plaisir solitaire, en repensant à ce baiser. Il écrasa son mégot dans le cendrier sur sa table de nuit et ferma les yeux, pour s'imaginer la suite des évènements... le corps nu et chaud de Cheyenne contre le sien. Ses mains caressant ses fesses... était-il plutôt passif ou actif ? Qu'importe... les deux lui convenaient... Le silence de l'habitation fut troublé par un gémissement d'extase lorsqu'il atteignit l'orgasme. Son coeur tapait à 100 à l'heure. Inutile de dire qu'il avait fait de beaux dégats. Et comme si l'effort avait été trop intense, Zachary s'endormit comme une masse, sans avoir eu le temps de s'en rendre compte et de tout nettoyer. Il se sentait terriblement bien. Sans doute la première fois que ça lui arrivait depuis des mois.