eating is religion ; pv.helsie

Etant journaliste pour la rubrique culinaire d’un célèbre magasine, c’est naturellement à moi que revient le plaisir d’assister aux inaugurations des nouveaux restaurants. Travailler tard le soir ne m’a jamais dérangé, il faut dire que je vis seule avec un chat au mauvais caractère et qui se fiche bien de l’heure à laquelle je peux bien rentrer. Donc, comme personne ne m’attend, je peux bien faire quelques heures supplémentaires. La seule chose qui me dérange, c’est le fait de rentrer seule, car on ne sait jamais sur qui ou quoi on va tomber. Et avec ma peur de l’être humain, ce n’est pas chose facile. Le journal m’a payé une entrée, comme à l’accoutumée et c’est, vêtue, d’une robe bleue nuit toute simple et d’une petite paire de ballerines que je me rends à cette soirée. Je ne prendrais pas de photographies parce que je suis incapable d’en faire des qui ne soient pas floues, mais je suppose que le journal a dû envoyer quelqu’un pour en faire, comme d’habitude. En tout cas, je suis soulagée que l’on ne m’ait plus proposé la moindre interview. Ils savent bien que ce n’est pas de mon ressort et qu’avec mon tempérament effacé, ce n’est tout simplement pas possible. C’est bien pour cette raison que j’ai choisit la rubrique culinaire. Elle me permet de faire deux choses que j’aime : écrire des articles et donc faire le travail que j’ai toujours voulu faire et, me goinfrer à l’œil. Parce que, forcément, pour pouvoir écrire un article digne de ce nom, je vais devoir gouter différents plats que le restaurant propose. Et ça, ce n’est clairement pas un problème pour moi ! Vraiment pas. Mais, une fois sur place, après avoir montrer ma carte de presse et que la personne, préposée à l’accueil des affamés est vérifier mon nom sur la liste, je me retrouver devant le buffer des amuses bouches, incapable de faire un choix, tant il y en a. Ils sont beaux. Ils sont appétissants. Ils ont l’air délicieux. Et pour ne rien gâcher, ils sentent divinement bon. Bref, quel choix cornélien que celui-là ! Je me tâte, je réfléchie, j’hésite. J’avance une main, puis me ravise. Je ne sais tout simplement pas sur quel pied danser et j’en viens à me dire que la meilleure des solutions serait de tout gouter, quitte à faire exploser les coutures de ma robe. C’est là qu’une voix féminine intervient, me conseillant de choisir les feuilletés à la mozzarella, qui sont, dit-elle, délicieux. « Alors je vais me laisser tenter ! » répondis-je, en me servant.

Je n’aimais pas être prise en photo. Je détestais ça. J’avais toujours été ainsi. Petite fille, mes parents et mes grands-parents avaient toujours un mal de chien à me faire poser. Et d’ailleurs, je faisais toujours la gueule sur les photographies. C’est plus fort que moi, je ne sais pas sourire sur commande et pour être tout à fait franche, je n’en ai pas envie. Chose surprenante pour une journaliste, je détestais la presse. Je détestais la presse à cause de toutes les choses négatives que l’on pouvait y trouver. Je ne trouvais pas ça normal que l’on expose des photographies d’actrices en maillot de bain et que l’on face un gros plan sur leurs cuisses en disant qu’elles ont de la cellulite. C’est d’un mauvais gout ! Se sont des femmes comme toutes les autres, bien sûr qu’elles ont de la cellulite. Je ne connais personne dans mon entourage à ne pas en avoir. Même moi, j’en ai. Et je suis persuadée que les pseudo journalistes qui pondent ce genre d’article en ont aussi. Comment réagiraient-elles si c’était un gros plan de leur cuisse qui se retrouvait en couverture d’un magazine people ? Elles n’apprécieraient pas. Peut-être même qu’elles porteraient plainte contre ledit magazine. On m’a toujours dis qu’il ne fallait pas que je fasse aux autres, ce que je ne voudrais pas que l’on me fasse à moi. C’est pourquoi, lorsque je suis tenue de me rendre à l’inauguration d’un restaurant, si je trouve ça moche et mauvais, je ne ferais pas l’article. Je n’ai envie d’étaler quelque chose de négatif dans la presse, parce que c’est dévalorisant. Mais, malheureusement, la plupart des gens ne sont pas comme ça. En tout cas, bien que je n’ai gouté qu’un seul feuilleté au fromage, il est délicieux et me laisse présagé que le reste sera tout aussi bon. L’article à venir devrait donc être élogieux, car, quand j’aime, je n’y vais pas par quatre chemins ! « Alors nous deux ! » que je réponds, lorsque la jeune femme qui m’a conseillé le feuilleté m’indique que le buffet est son point de repère, en soirée. Je suis un peu pareil. Je n’aurais pas choisi la rubrique culinaire, si je ne pensais pas qu’à manger. « Je m’appelle Helsie ! » dis-je, par la suite, voulant me présenter, ce qui était fort rare, il faut bien l’admettre.

L’idée de rester chez moi en compagnie de mon chat acariâtre ne me disait rien du tout, mais je n’avais pas plus envie que ça d’être ici. J’aimais mon travail, je faisais ce que j’avais toujours voulue faire. Mais devoir me rendre à toutes les ouvertures de restaurants, magasins de bouche et autres truc culinaires, ce n’était vraiment pas quelque chose que j’appréciais. Mais, je le faisais, puisque je n’avais pas le choix. Ça faisait partie du contrat que j’avais signer. Je devais me rendre dans ses lieux, gouter les plats, visiter le restaurant et juger s’il valait le coup ou pas. Evidemment, les critiques, ça n’était pas mon truc, alors, si ça ne plaisait pas, je rendrais un papier neutre. Les gens se feraient leur propre opinion. Je n’aimais vraiment pas me montrer méchante et d’ailleurs, je n’avais jamais rendu de papier « négatif ». Ça ne plaisait pas à ma rédactrice en chef, mais, tant pi pour elle. Si ma façon de travailler ne lui plaisait, elle n’avait qu’à compter sur mes collègues de travail ; avec qui je ne m’entendais pas des masses. Mais voilà, j’étais trop importante pour elle. Pas que je sois indispensable, loin de là ; me lancer des fleurs ce n’est pas mon truc ; mais disons que je rendais service sans chercher une quelconque marque de reconnaissance. Si je devais remplacer quelqu’un pour la rédaction d’un article et que ça ne devait pas se savoir, alors, je ne disais rien si mon nom n’était pas sur le papier. Je me fichais pas mal que mon nom soit connu ou pas dans le milieu de la presse. Voilà pourquoi, j’étais importante aux yeux de ma rédactrice en chef, parce qu’elle pouvait faire ce qu’elle voulait de moi, je ne bronchais pas. J’avais tort, bien sûr et je le savais, mais, j’étais comme ça. Une bonne patte. Une crème. Un Bisounours. Elle se présenta à son tour et nous trinquâmes ; elle avec sa flute de champagne, moi avec mon cocktail sans alcool. « Oh non, je suis journaliste ! » que je réponds. Je ne connaissais pas du tout les propriétaires, seulement de vue. Ils avaient l’air sympathiques. Je me saisie d’un autre petit-four, que j’avalais tout rond.

J’ai voulu devenir journaliste parce que j’ai toujours aimer écrire. C’est ce que j’ai toujours voulu faire. Alors, certes, à la base, je ne me destinais pas à ce type de journalisme. A la base, je voulais être comme tout journaliste qui se respecte, faire des reportages, aller à la rencontre des gens. Et je suppose que si je n’avais pas subi cette agression lorsque j’étais adolescente, il y a fort à parier que je serais devenue ce genre de journaliste. Mais voilà, on ne peut jamais savoir de quoi sera fait l’avenir. Le futur n’est pas écrit, loin de là. Tout est à construire, et même si on sait ce que l’on veut, on ignore si on arrivera à l’obtenir. Moi, je n’ai pas du tout eut ce que je voulais à cette époque. J’ai perdu beaucoup de choses. Ma mère. Mais, pas seulement. J’ai aussi et surtout perdu fois en l’humanité. C’est pour cette raison que j’ai choisi de devenir journaliste culinaire. Parce qu’il me permet de réalisé mon rêve de toujours, mais sans les inconvénients que cela implique. Je suis à l’abris dès lors ou je n’ai pas à interviewer des inconnus. Visiter un lieu et donner mon avis, c’est parfait pour moi. « En quelque sorte ! » que je réponds lorsqu’elle me demande si c’est comme être critique culinaire. « Disons que oui, je donne mon avis, mais ce n’est certainement pas moi qui vais décider sile restaurant mérite de figurer dans un guide touristique ou pas ! » ajoutais-je, avec un sourire. Je n’étais pas qualifier pour. Non, moi, je parle plutôt des bons plans, des liens à connaitre, à visiter au moins une fois dans sa vie. Après, les gens sont libres de se faire leur propre avis par la suite. « Ce que j’aime le moins, c’est lorsque je dois parler régime. Ce genre de truc ne fonctionne pas vraiment et ça me déplait de parler d’un truc que les gens vont essayer pour rien ! » précisais-je.

J’explique à Zoë en quoi consiste mon travail, ce qui n’est pas des pus faciles étant donner le brouhaha dans la salle de restaurant. Je lui indique réaliser des dossiers sur des thèmes particuliers, comme par exemple Noël, la Saint-Valentin avec recettes de cuisine à la clé, ce genre de chose. Mais aussi, que je suis souvent envoyé dans divers lieux afin de donner mon avis, de commenter si ça vaut le coup ou pas. Généralement, lorsque je ne suis pas conquise, je ne m’attarde pas sur le sujet. Je préfère laisser les gens se faire leur propre avis. Je n’aime pas « noter ». Je trouve ça moche de juger le travail des autres, parce que, personne ne peu savoir ce qu’il ou elle aurait fait en de pareilles circonstances. Je ne suis pas critique culinaire, je ne suis que journaliste, ce n’est donc pas à moi de juger si la cuisine d’un restaurant est de qualité ou pas. Bien sûr, je suis comme tout le monde, j’ai des goûts, des exigences, mais je n’aime pas juger. J’explique aussi que je dois très régulièrement parler régime, chose que je déteste faire. Devoir trouver et tester des recettes, soi-disant miraculeuses, très peu pour moi. Mais, je le fais, j’y suis bien obligée. Comme, elle s’en étonne, je m’apprête à lui expliquer que je le fais, parce que personne ne veut s’en chargé, mais je n’en ai pas le temps. Elle doit s’éloigner pour faire des photos, le temps du discours d’inauguration. Je la salue d’un signe de main, puis, comme s’éloigne pour bombarder des propriétaires et les différents convives, je sort ma tablette pour y rédiger mes premières impressions. Les discours pompeux n’étant pas vraiment ma tasse de thé, je n’écoute qu’à moitié. De toute manière, je n’ai pas besoin de prendre ce genre de notes. Quand enfin, c’est terminé, nous sommes invités à prendre place pour le repas. C’est là que je retrouvé par hasard, Zoë, qui se trouve assise à la table ou je suis sensée prendre place. Là, elle interverti mon étiquette avec celle d’un autre invité, ce qui me fait pouffer de rire. Je n’aurais jamais oser faire ça pour ma part. « C’est irlandais ! » que je réponds, à sa question, avant de prendre place. « Mon père est né à Island Bay, mais il à déménager en Irlande, pays de naissance de ses parents et de ses grands-parents quand il avait trois ans. Mais, nous sommes revenus ici à mon adolescence ! » expliquais-je. Toutefois, je n’entrais pas d’avantages dans les détails.

J’ai quitté l’Irlande alors que je n’avais pas encore dix-sept ans et pourtant, mes souvenirs sont flous. J’aimais mon île, j’adorais courir dans les landes et regarder les vagues s’échouées sur la plage, on voyait tout ça depuis la maison. Même le temps, pourtant rarement clément m’avait manqué lorsque je suis partie. Et pourtant, aujourd’hui, je me rappelle à peine tout ça. Je sais très bien pourquoi. A cause de ce qui s’est passé la bas. Ces terribles souvenirs que j’aimerais effacés car ils m’empêchent de vivre et d’aimer, mais qui feront à jamais partie de moi. J’ai presque occulté tous les bons souvenirs que je garde de l’Irlande, des paysages aux gens que j’aimais, tout à disparu de ma mémoire. Je n’ai gardé que ce je voudrais oublier et ça me hante depuis tout ce temps. En posant cette question, Zoë ne sait pas du tout qu’elle a mis le doigt sur un point sensible, mais je ne dirais rien. Je ne la connais pas assez et je n’ai pas envie de gâcher la soirée avec mes problèmes personnels. Des problèmes personnels, nous en avons tous. Je n’en ai pas plus ou moins que ma voisine. Chacun porte sa croix. La mienne est simple bien lourde à porté parce que je lui accorde bien trop d’importance. Plus que je ne le devrais. Le hic, c’est que j’ai beau avoir vu des tas de spécialistes, rien n’y a changé. Je me dois de vivre avec, même si c’est dur et que ça me bouffe de l’intérieur, au point d’avoir choisit de rester derrière un bureau à parler bouffe avec mes lecteurs, alors qu’à la base, j’aurais aimé parcourir le monde et aller dans des endroits dangereux pour rendre l’information. La encore, c’est quelque chose dont je ne parlerais jamais, parce que ça n’intéresse sans doute pas les gens. C’est mieux de faire comme si tout allait bien, pas vrai ? « Oui, c’est beau. Enfin, dans mon souvenir, ça l’est ! » que je réponds, le plus simplement du monde. Que dire de plus ? La planète est belle, encore faut-il en prendre soin. Car en Irlande, comme partout ailleurs, il y a de la pollution, des espèces en danger, parce que les gens pensent à leur petit confort avant de pensé à ce qu’ils laisseront derrière eux. D’autres convives se joignent à nous et je sens mon courage se refermer comme une coquille d’huitre. Une personne inconnue, je peux supporter, mais trois ou quatre, c’est beaucoup trop ! D’autant plus que se sont des hommes. La jeune femme a soudain une exclamation de dégout lorsqu’elle découvre le plat principal. « Je pensais qu’il y aurait plusieurs choix possibles ! » admis-je déçue, je n’étais pas plus fan qu’elle de cabillaud. Le poisson, ça pue ! Et c’est pleins d’arrêtes. On nous apporta de nouvelles flûtes de champagne, mais je reposais la mienne. Je n’aimais pas ça. Je n’en avais déjà pas bu précédemment, ce n’était pas pour le faire maintenant. « Santé ! » fais-je, en levant un verre vide de tout liquide.

Je ne suis pas très bavarde, aussi, je me montre plutôt avare en détails et le fait qu’elle ne pose pas d’avantages de questions, qu’elle ne se montre pas plus curieuse m’arrange bien. Je l’ai dit, je ne suis pas très bavarde et je n’aime pas tellement parler de moi. Et plus encore, parler de l’Irlande et des mauvais souvenirs que j’ai laisser là-bas. Evoquer mon travail ne me dérange pas, bien que j’ai toujours du mal à faire comprendre aux gens que oui, bosser dans la rubrique culinaire d’un prestigieux journal est un choix et non pas une obligation. Il est vrai que travailler pour le magasine Vogue et se cantonner aux recettes et aux régimes peut paraitre étrange, mais moi, ça me convient. Je ne me vois vraiment pas faire autre chose de ma vie. Un travail ou je serais amené à côtoyer des inconnus me terrifie. Alors, rester derrière un écran d’ordinateur, ça me semble être correct. Et puis, je ne gagne pas si mal ma vie alors on ne peut pas dire que je sois à plaindre, n’est-ce pas ? Non, vraiment, je ne vois pas pourquoi je choisirais une autre carrière si la mienne me convient. Nous trinquons, même si je préfère laisser ma flûte de champagne de côté. Je vais attendre qu’on nous serve de l’eau en carafe. Ils en serviront, c’est obligé, non ? Je n’ai jamais vu une table sans carafe ou bouteille d’eau, car je ne suis certainement pas la seule personne dans cette pièce à ne pas boire une goutte d’alcool, d’autant plus que ma voisine d’en face ; qui vient juste de prendre place est enceinte jusqu’aux oreilles. Et s’ils n’en servent pas, j’en demanderais une. Zoë m’indique qu’elle vas demander aux patrons s’il y a possibilité de changé de menu, du moins, le plat principal. Elle revint quelques minutes plus tard, toute joyeuse, sa requête ayant été approuvé. « C’est une bonne chose ! » que je réponds. Je n’ai rien contre le poisson, mais j’admets qu’il n’obtient pas toutes mes faveurs. Loin de là.