bitch party (evie)

Les cheveux ébouriffés, le regard flou d'un bébé qui vient de se réveiller après une sieste de plusieurs jours, je m'activai dans ma petite cuisine colorée. La porte de la terrasse ouverte, j'observai l'océan avec un divin apaisement. Comment avais-je pu quitter ce paradis sur terre pour vadrouiller dans un van en Europe ? On dit que l'herbe est toujours plus verte ailleurs, et pourtant ... je vivais dans le meilleur endroit du monde. Après avoir attrapé le bocal de farine caché derrière des cactus à taille réduite, eux-mêmes nichés dans de petits pots colorés, je préparai la recette phare de mon défunt père. Ces crêpes à la farine de châtaigne avaient bercé mon enfance, et j'étais aujourd'hui prête à y regoûter sans verser toutes les larmes de mon corps. La préparation achevée, je m'attelai à l'ultime tâche de cette recette de génie : la cuisson. Ni trop, ni trop peu, et des odeurs délicieuses se dégagèrent de la poêle pour embaumer toute la pièce. Associée à l'enivrante odeur de café, je fus instantanément transportée vingt ans en arrière. Je voyais mon père, debout face à la mer, dégustant son petit déjeuner avec la plus grande ferveur. Aujourd'hui, je souriais en pensant à ces doux souvenirs. Mon père me manquait. Terriblement. Mais cela faisait des mois qu'il nous avait quitté, et près de deux mois que j'étais revenue à Island Bay. J'avais récupéré les clés du centre nautique, et si les affaires étaient moins bonnes que les années précédentes (au vue des circonstances particulières), je m'en étais plutôt bien sortie. Je dégustai deux crêpes à la farine de châtaigne, des souvenirs plein la tête, avant de partir pour le boulot. Les cheveux au vent, je me rendis au centre nautique en vélo. Le soleil était brillant, alors qu'il n'était même pas encore neuf heures du matin. La journée promettait d'être magnifique, et c'était plutôt bon pour le commerce. J'ouvrais les volets bleus du centre, j'allumai le petit ventilateur dans l'arrière-boutique pour m'occuper du courrier reçu. Une bonne heure plus tard, je pris conscience que j'avais oublié un élément très important : sortir les planches de surf et les jet-ski. Comme une débutante, je m'activai à tout mettre en place pour l'arrivée des premiers clients. J'installai le dernier jet-ski sans que personne ne découvre mon retard, ou presque. Je sentis une présence non loin de moi, peut-être un client potentiel. Je me retournai avec le plus grand sourire. « Bonjour ! » dis-je toute enjouée, en découvrant une belle crinière blonde. Eblouie par le soleil, je ne parvenais à cerner le visage de cette femme dont la silhouette ne m'était pas inconnue.