never, never gonna give you up. (Vesper - loterie)

L'année dernière, ils avaient passé une agréable fête de la Saint-Valentin, mais cette année et bien que l'argent ne soit pas en cause, ils ont décidé de rester au pays. À vrai dire, c'est peut-être le voyage de la dernière fois qui a légèrement traumatisé Rafael, entre les Russes et les kalaches. À vrai dire, peut-être que le seul truc bien de ce voyage, lequel ils n'avaient pas prévu, puisque ce n'était pas la bonne destination, ce fut ce chat trouvé dans la salle de bain d'un motel miteux. Quoi qu'il en soit, Rafael avait trouvé un endroit magnifique où regarder le coucher de soleil, certes, c'est cliché, mais la Saint-Valentin n'est-elle pas une excuse pour être romantique ? Cela n'arrive qu'une fois par année et pour autant, cela ne veut pas dire qu'il n'aime pas Vesper, il n'est simplement pas ce genre d'homme. Ils prennent le cable car pour se rendre dans les hauteurs et espérer trouver un endroit tranquille sans les autres couples, ça gâcherait tout de suite l'ambiance. Néanmoins, ils ont encore le temps, ils peuvent donc visiter d'autres lieux dans les parages. « Il y a quelque chose que je voulais te demander depuis un certain moment. » Il n'est pas très doué pour cela, surtout parce qu'il n'a jamais été dans une relation aussi sérieuse que celle-ci et qu'il n'a donc jamais eu le temps de poser la fameuse question. Cela peut s'apparenter à une demande à mariage, mais le fait qu'il ne soit pas encore à genoux, ce n'est donc pas le cas. « Que dirais-tu de vivre ensemble ? » À vrai dire, cela le rend même un peu nerveux, sait-on jamais, elle est peut-être bien dans cette situation et ne souhaite pas plus, c'est donc le moment de vérité, puisqu'ils n'en ont jamais vraiment parlé.

Ah, la Saint-Valentin. Vesper aurait bien du mal à dire si elle adorait ou détestait ça. Du rose, des cœurs et des petits chérubins tout potelés partout. N’en déplaise aux romantiques, ça donne quand même un peu – beaucoup – envie de vomir. Pourtant, la texane est une romantique : elle croit en l’âme sœur, au grand amour, au prince charmant. Bref, appelez ça comme vous voudrez, elle a en elle ce côté fleur bleue, un peu midinette sur les bords, par moment. Mais trop, c’est trop. Et la Saint-Valentin, c’est trop. Sauf quand il est question de la fêter avec Rafa. Leur deuxième ensemble. Après tout, elle n’est pas du genre à cracher sur un voyage en amoureux ou un dîner aux chandelles. Pas de voyage en amoureux cette fois-ci. Il faut dire que la dernière fois avait été un fiasco total ; problème avec le vol, escale prolongée dans le pays – ou en tout cas la ville – le plus effroyable du monde – enfin, peut-être que le Bangladesh est pire mais selon Vesper, le match entre les deux serait serré – où ils avaient vécu tout un tas de péripéties rocambolesque. Y a pas à dire : si un jour ils ont des enfants et puis des petits-enfants, ils auront des tas d’anecdotes à leur raconter. Ne serait-ce qu’à propos de ce voyage.

Ce qui explique que cette année, ils ont décidé de rester dans les environs. La blonde n’a rien contre, d’autant que c’est l’occasion pour elle de découvrir un peu mieux la ville. Ils prennent le cable car qui lui rappelle bien évidemment San Francisco pour atteindre un joli point de vue. De là-haut, ils peuvent admirer tout Wellington. Avec le coucher de soleil, le cadre serait idyllique et on pourrait croire que l’endroit serait pris d’assaut par les autres couples mais pour l’instant, tout est tranquille. Ils se baladent donc main dans la main jusqu’à ce que Rafa se mette à parler. La tournure de la phrase pourrait très clairement laisser entendre qu’il s’apprête à la demander en mariage mais ça serait tellement cliché que Vesper ne veut même pas y penser. Ça ne leur ressemblerait pas du tout. Peut-être bien qu’ils ne sont pas faits pour le mariage, ni lui ni elle. Toujours est-il qu’elle attend la suite, percevant un peu sa nervosité ; ce qu’il a à lui demander est donc assez sérieux. Et de fait, puisqu’il lui demande ensuite si elle voudrait qu’ils vivent ensemble. Un sourire se dessine sur les lèvres de la texane : ça tombe à point nommé.

« Avec grand plaisir. Je commençais à en avoir un peu marre de faire la navette entre ma maison et la tienne. »

Une première également pour elle. Enfin, si on ne compte pas son séjour en communauté, évidemment. Elle se serre un peu plus contre lui, tout sourire.

« Tu voudrais rester sur South Bay ? »

Ce qui ne la dérange en aucun cas. Pour tout dire, n’importe où lui conviendrait tant que c’est à ses côtés.

Rafael a passé tellement de temps à faire la guerre aux terroristes, qu'il ne s'est jamais accordé le droit d'avoir une copine durant son service. Il voyait certains soldats attendre impatiemment les cadeaux et les lettres de leur famille, alors que lui, il n'en recevait que de sa maman et parfois même de Nathan, pour un peu de plus de soutien. Enfin, ce n'est pas pour se plaindre, après tout, il n'avait juste pas le temps pour une romance comme celle-là. Il est content d'avoir Vesper à ses côtés, parce qu'il ne croit pas qu'il aurait pu tomber sur mieux. C'est typique d'un homme amoureux et c'est le cas et puis, soyons honnêtes, ils ne sont pas comme tous ses couples niais et ennuyeux. Voilà ce qui fait qu'ils sont assez uniques dans leur genre et ce pour quoi il l'aime, elle est parfaite pour lui. Il lui serre doucement la main, bien qu'il soit devenu plutôt nerveux, à cause de cette fameuse question, qui est une autre étape dans leur couple. Il se met à sourire, parce qu'elle accepte sa proposition et à rire, parce que c'est vrai que ce n'est pas toujours commode de prendre la navette et se rendre à South Bay. « Je trouve l'endroit parfait pour élever des enfants, pas toi ? » Il la taquine bien évidemment, car au final, on s'en fout un peu de l'endroit où ils vont vivre, tant qu'ils sont ensemble, ce n'est pas cela l'amour ? « J'avoue que j'aime bien le quartier dans lequel je suis actuellement et pas seulement parce que la plage est à proximité et que le coucher de soleil est à tomber. Néanmoins, on peut toujours voir avec un agent immobilier, si tu veux et décider de ce qui nous convient le mieux. » C'est certain qu'ils vont devoir faire attention à ne pas se faire arnaquer, heureusement qu'ils ne sont pas cons à ce point. « Alors, tu veux visiter le vieux cimetière ? Il paraît que c'est super romantique en février. » Qu'il dit de façon sarcastique et pour plaisanter bien sûr. « Ou bien le jardin botanique ou peut-être que tu as faim aussi. Tu as peut-être un autre plan en tête ? »  

A la question « veux-tu rester sur South Bay ? », la réponse ne l’étonne guère. Un endroit parfait pour élever des enfants. Oui, c’est sûr qu’on peut voir les choses de cette façon. A condition bien sûr de ne pas les laisser trop traîner du côté de certaines villas. Heureusement qu’avoir des enfants n’est pas une condition sine qua non pour eux, donc. Un sourire malicieux flotte sur ses lèvres.

« Tant que la terre est assez bonne pour y faire pousser mes tomates, moi ça me va. »

Parce qu’ils savent tous deux qu’en disant ses tomates, elle ne parle bien évidemment pas que de ses tomates. En fait, elle n’est même pas sûre d’avoir jamais eu un seul plant de tomates. Des tas d’autres plantes en revanche, ça oui. La blonde écoute ensuite ses arguments ; il est vrai que la mer à quelques pas – pour elle qui possède deux bateaux, c’est important – ainsi que la vue au coucher du soleil ne la laissent pas indifférente. De toute manière, qu’est-ce qu’elle connaît exactement aux autres quartiers en dehors du sien. Pas grand-chose, à vrai dire. Tout ce qu’elle sait c’est que le centre, c’est le centre, mais emménager là-bas voudrait dire renoncer à un jardin et ça, ça serait triste.

« J’avoue que t’as de bons arguments. Et puis tu sais bien, ce qui m’intéresse surtout, c’est de pouvoir vivre avec toi. Et notre chat. »

A défaut d’avoir des enfants, c’est déjà pas si mal. Cela étant, oui, ils pourraient toujours prendre leurs renseignements auprès d’un agent immobilier histoire de voir ce qu’il a à leur proposer, ça ne mange pas de pain. Rafa lui propose ensuite deux alternatives pour leur Saint-Valentin, à savoir le jardon botanique ou alors le cimetière. La seconde option la fait marrer et pas qu’un peu ; c’est dans l’ordre des choses, après le train fantôme. Vesper fait mine de réfléchir quelques secondes.

« Bien que le cimetière me semble être une destination incontournable pour des amoureux, on pourrait peut-être commencer par le jardin botanique ? »

Comme si de rien n’était, la blonde sort un sécateur de son sac et le lui agite sous le nez. Non, bien sûr qu’elle ne se balade pas toujours avec un sécateur dans sa poche mais puisqu’elle savait qu’ils seraient dans les environs, autant en profiter pour piquer quelques boutures de plantes rares, non ? Ce qui est sûrement interdit mais est-ce que ça les a jamais arrêtés ?

C'est peut-être parce qu'il trouve son coin paisible, qu'il a envie de rester là, que le centre lui paraît bruyant, qu'il n'a pas envie d'y mettre les pieds avec toute cette agitation. Néanmoins, puisqu'ils vont vivre ensemble, le quartier doit convenir à toutes les deux et pas seulement qu'à lui. Quant au chat, peu importe l'endroit où ils iront, cela sera toujours mieux qu'une salle de bain crasseuse. « Tu as raison, moi aussi. » C'est après tout, c'est réellement tout ce qui compte, qu'ils soient ensemble, il est bien d'accord avec cela. Il est heureux qu'elle accepte, cela rend plus officielle leur relation, bien qu'elle le soit déjà. Il se penche vers elle pour l'embrasser, une marque d'affection dont il ne se lasse pas. C'est encore le jour et ils ont encore le temps de visiter les lieux avant la tomber de la nuit et bien avant cela, le coucher du soleil, qu'il souhaite regarder au sommet, avec une vue panoramique sur la ville. « Ça me va comme idée ! » C'est vrai qu'il n'a jamais mis les pieds là-dedans, pourtant, il est de retour depuis plusieurs années, il n'a jamais pris le temps de visiter les lieux, autres que les bases quoi. Rafael reste surpris sur le moment, quoi que pas si étonné de la voir sortir un sécateur de son sac. « À ce que je vois, on ne fait pas les choses à moitié ! » Il pouffe de rire, surtout en voyant la réaction d'un autre couple qui passait par là. Si cela paraît anormal aux yeux des autres, ce n'est pas le cas de Rafa, enfin, si cela avait été le début de leur relation, peut-être qu'il aurait pu prendre peur, mais ce n'est actuellement pas le cas. Ils marchent donc vers le jardin botanique. « Et donc, il n'y a que des fleurs et des arbres là-dedans ? » La question peut paraître bête, mais il n'est pas très connu pour avoir déjà mis les pieds dans un quelconque jardin botanique, enfin, peut-être que Vesper a déjà visité un endroit dans le genre avec ses nièces, c'est pourquoi il lui demande. « Ah non, il y a des abeilles. » Une fois devant l'entrée, il regarde vite fait les affiches qui sont plantées un peu partout. « Tu n'as pas d'allergie ? » Au pire, ils pourront toujours esquiver cette partie du jardin. « Nous sommes invités à aller manger chez le général Miller et son épouse. Je peux décliner, si cela ne te tente pas. »

Rien de tel dans une relation amoureuse que ce moment où tu ce qui importe, c’est d’être avec l’autre. Bien qu’elle ait été un jour fiancée – bon sang, ça semble remonter à une éternité -, Vesper n’avait pas réellement connu cette phase. Disons qu’à l’époque, il s’agissait plutôt d’un move visant à provoquer sa mère qui lui avait toujours répété de ne jamais se marier alors elle s’était en quelques sortes jetée sur le premier venu. Pas très intelligent, non. Une chance qu’elle ait renoncé, donc. D’autant que ça lui a permis de rencontrer Rafa qui a tout l’air d’être la personne faite pour elle, celui qui lui répond la même chose sans que ça n’ait l’air forcé une seule seconde. Ils échangent alors un baiser toujours aussi renversant et de la même façon qu’ils sont d’accord pour vivre ensemble et voir un peu quel serait l’endroit qui leur conviendrait le mieux, ils sont également d’accord pour aller faire un tour au jardin botanique. Sachant qu’ils seraient dans les parages, la blonde n’a pu s’empêcher d’emporter son sécateur avec elle, des fois qu’ils croisent le chemin d’une plante ou encore d’une fleur qui lui plairait vraiment beaucoup et qu’on ne trouverait nulle part ailleurs. Avec un temps de retard, Vesper se rend compte qu’à agiter ainsi son sécateur sous le nez de son petit ami, elle pourrait donner l’impression qu’elle est plutôt en train de le menacer. Aussi le fait-elle disparaître dans une des poches de son sac aussi rapidement qu’elle l’en a sorti.

« En majorité, oui. Des plantes qui servent à la médecine ou à l’enseignement surtout. »

Ce qui en fait un endroit surtout intéressant pour toutes sortes de scientifiques mais est-ce que la texane ne pourrait pas prétendre un peu à ce titre, elle qui concocte pratiquement tous ses remèdes elle-même ? Sans doute que non… Bref, elle rit à l’évocation des abeilles. Oui, là où il y a des fleurs, il y a toujours des abeilles.

« Ainsi que des papillons. »

Ils se dirigent vers l’entrée et observent un peu les panneaux explicatif lorsque Rafa lui demande si elle n’a pas d’allergies. Vesper ouvre alors la bouche pour lui demander si lui est allergique aux piqûres d’abeilles, ayant fait le rapprochement mais c’est alors qu’il ajoute qu’un général et son épouse les ont invité à dîner. Ah, tout prend sens.

« Aucune allergie à signaler. Non, n’annule pas, on peut bien dîner une fois avec eux. C’est quel genre ? Il faut que je sorte ma rangée de perles ? »

Elle dit ça en plaisantant mais s’il le faut, elle peut faire un effort.

Il y a au moins une chose que l'on peut dire sur eux, sur le couple qu'ils forment, c'est qu'ils sortent plutôt de l'ordinaire. On ne peut pas dire qu'ils soient le genre à se contenter d'un dîner à chandelles ou d'une balade main dans la main au centre-ville, rien que pour admirer les buildings qui détruisent la vue qu'offre Wellington. C'est peut-être pour cela qu'il préfère être à South Bay, avoir la vue sur l'océan en se réveillant, c'est toujours mieux que de se faire réveiller en pleine nuit par un coup de feu ou tout simplement par un klaxon. Quoi qu'il en soit, pour l'heure, ils mettent cela de côté afin de profiter de cette journée spéciale, enfin, il paraît. La Saint-Valentin se résume souvent à s'envoyer en l'air, ce qu'ils peuvent faire les jours suivants. Bref, passons, heureux qu'ils ne soient pas comme tous ses couples qui sortent tout droit d'une comédie romantique bidon. Direction les jardins botaniques, il ne peut s'empêcher de se demander s'il y a autre chose que des plantes et des arbres, ainsi que des fleurs. « J'ai déjà utilisé des plantes médicinales, enfin, je l'ai appris en étant scout aussi et puis durant une mission. Maintenant, j'ai tout oublié. » Qu'il dit en riant. Il n'est pas expert dans le domaine, car à l'époque, on l'avait guidé pour la mixture, d'autant que c'était vite fait, mais que cela avait été assez efficace, le temps que le soldat retourne au camp, la faute d'une dangereuse araignée dont il a oublié le nom et ce n'est pas plus mal.

« Non, plutôt le genre à te faire serrer les fesses. » Maintenant qu'il le dit à voix haute et qu'il en prend conscience, cette phrase sonne très étrange maintenant. « Hum, ce n'est pas ce que tu crois hein. Je veux dire.. c'est un général et c'est vraiment le type qui aimait hurler sur les soldats, en gros, il valait mieux ne pas lui désobéir. Enfin, il s'est peut-être assagi depuis ma dernière mission. Son épouse est plutôt charmante, mais peut-être un peu à côté de la plaque. » Puis une fois qu'il est monté en grade, Rafael avait sa propre unité et heureusement, il n'avait pas toujours affaire à lui, même avant cela. De toute façon, le général préfère souvent rester à l'arrière, tel un lâche qui préfère sacrifier ses moutons aux loups. Ils entrent à l'intérieur, il paie les billets d'entrées pour pouvoir avoir accès à l'ensemble du jardin.

Ça ne l’étonne pas le moins du monde d’apprendre que Rafa a un jour été scout. Dans sa tête, elle l’imagine toujours tel un explorateur tout à fait capable de s’en sortir au beau milieu de la jungle face à une panthère. Tout en semant les narcos-trafiquants ou encore en leur tirant dessus de très, très loin. Pourquoi se ferait-il courser par des narcos-trafiquants ? En voilà une bonne question. Mais la réponse est vite trouvée en fin de compte : à cause de ses origines. Pour le coup, Vesper est comme tout le monde, vous lui dites « Colombie », elle pense immédiatement aux barons de la drogue avec leurs costards blancs, leurs voitures cubaines d’un autre temps et leurs villas scintillant sous le soleil en bord de mer, bordées par la jungle. Enfin soit, tout ça pour dire qu’elle se l’imagine toujours très débrouillard, ce que sont également les scouts. Elle sourit en l’imaginant savoir se servir d’une boussole ou encore se repérer en vérifiant de quel côté pousse la mousse au pied des arbres.

« C’est vrai ? Je pourrais t’apprendre deux ou trois bricoles si ça te tente. »

Sans vouloir se vanter, Vesper est plutôt douée avec les plantes. Baumes, crèmes, tisanes… quand on passe son temps à se cogner, se couper, se casser des trucs ou encore se brûler, vient un temps où on se dit que ça reviendrait tout de même moins cher de fabriquer ses propres remèdes soi-même. Et de fil en aiguille, c’est ainsi qu’on en vient à faire ses propres crèmes anti-âges et ainsi de suite. Rien de vraiment scientifique mais l’essentiel c’est que ça donne des résultats, n’est-ce pas ?

La description de Rafa lui fait arquer un sourcil de surprise. Elle ne l’aurait jamais imaginé ainsi et pour cause, le suite de sa phrase lui fait pousser un soupir de soulagement. Bien qu’au fond, elle aurait quand même eu beaucoup de mal à y croire.

« Ah, je vois. C’est un gros con, en somme. »

Pas besoin de sortir les perles pour lui, alors. Mais la texane saurait se tenir et s’empêcherait de lui balancer ses quatre vérités en face au cours du dîner. Elle essayerait donc de copiner avec sa femme. Après avoir payé les billets, les voilà donc qui entrent dans le jardin botanique. Pour quelqu’un qui n’y connaît rien, ça devait être si peu intéressant. Ou peut-être pas, ça doit quand même être joli et ressourçant. Mais pour Vesper, c’est l’occasion de faire le plein. Cela dit, pas question de prendre tout et n’importe quoi, seulement ce qui pourrait éventuellement lui servir. Voilà donc qu’elle s’attarde devant les petits panneaux expliquant en détail les vertus des plantes présentes. Jusqu’à ce qu’elle en trouve une qu’il lui faut absolument. Fouillant déjà son sac à la recherche du sécateur, elle lance à Rafa :

« Tu veux bien faire le guet ? J’en ai pour deux secondes. »

« Oh oui, pourquoi pas, ça peut être instructif. » Il se souvient que des bases et quelques autres petits trucs de son séjour chez les scouts. Il n'est donc pas contre un petit rappel et ça leur fera une activité en plus à faire, autre que voyager accidentellement dans un autre pays ou de se retrouver dans un sous-sol avec des sadomasochistes. Quoi qu'il en soit, il ne risque pas de leur arriver grand-chose dans un jardin botanique, quoi qu'on sait jamais, ce n'est pas comme si la malchance les accompagnait partout hein. Rafael avait presque oublié le coup de fil de son supérieur, enfin, ancien, mais ici, dans l'armée, il y a toujours un respect, même pour le général Miller, malgré sa grande gueule et ses manières, il savait mener les troupes. -quand il était présent bien sûr.- « On peut dire ça comme ça. » Il n'irait sûrement pas lui dire en face, parce qu'il n'est pas connu pour être ce genre de personne, mais comme la plupart de ses anciens camarades, il l'a pensé à quelques reprises. Donc, pour la première fois, il fout les pieds dans un jardin botanique, il repère tout de suite les cerisiers. « Tu crois qu'il en existe des miniatures ? Parce que je doute que cela rentre dans ma voiture. » Dit-il en pointant l'arbre aux fleurs roses ou prunus serrulata si vous préférez. Est-ce qu'ils passeraient inaperçu aussi ? Il doute fortement que cela soit possible de voler un cerisier japonais en toute discrétion sans se faire prendre par les gardes de sécurité. Rafael suit Vesper dans sa quête des plantes rares et il hoche la tête, il la couvre, le temps qu'elle fasse ce qu'elle a à faire. « Tu as souvent fait ça ? » Parce que lui, non, à part les lingots d'or avec Noomi, il n'a jamais vraiment volé quoi que ce soit et ce n'est pas qu'il a un balai là où il faut, mais il fait ou faisait partie de l'ordre, si on veut. « Viiiite, quelqu'un approche.. » Il regarde dans tous les sens avant de se rendre compte que ce n'est qu'une personne comme une autre qui passait par là. « Fausse alerte, c'était juste un homme qui portait pratiquement le même habit qu'un employé. » Un brun vraiment affreux.

C’est donc entendu, Vesper lui apprendra quelques trucs dès qu’elle en aura l’occasion. Ça serait une activité calme et un peu mignonne. Ce qui les changerait de la plupart de leurs autres activités et ne pourrait pas leur faire de mal. Bien sûr qu’elle adore risquer sa vie dans ce gigantesque bled paumé qu’est la Russie ou encore en s’incrustant dans la villa de vacances de Steven Spielberg sans y avoir été invitée mais force est d’admettre que parfois, il faut aussi pouvoir se poser. C’est qu’ils commencent tout doucement à prendre de l’âge, mine de rien. Bref, suite à l’explication de Rafa quant à ce fameux général, la blonde en déduit que c’est un con et comme ce n’est pas vraiment son genre de mâcher ses mots, elle le dit tout haut. Et sourit en voyant Rafa confirmer mais du bout des lèvres seulement. Qu’il se rassure, elle ne va pas arriver ce soir-là en s’exclamant « salut, connard ! » ou quelque chose dans ce goût-là. Non, si Vesper n’a pas été élevée de cette façon – toutes les Walker disent leur façon de penser, que ça plaise ou non -, c’est en vivant à Los Angeles qu’elle a appris que toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire.

« Ça roule, je garde cette info dans un coin de ma tête. »

Premier arrêt les cerisiers. Elle tend le bras et saute pour en attraper deux, une qu’elle donne à Rafa, l’autre qu’elle dé-queute et mange avant de recracher le noyau dans sa paume.

« Sûrement. Il existe des variétés japonaises qui sont plus petites, il me semble. Mais il paraît qu’avec juste le noyau, on peut faire pousser un arbre. »

Elle range donc le noyau dans la poche de sa veste, même si ça doit fatalement prendre des années et des années avant d’obtenir quelque chose qui ressemble seulement à un arbuste et qu’il vaut sans doute mieux en acheter un qui les a déjà, ces quelques années avant de tomber sur une plante rare. Ils se mettent d’accord et Vesper s’agenouille dans la terre pour récupérer une racine en vitesse. Mais une bonne, qui donnera de jolies pousses.

« Non, souvent je les achète chez le pépiniériste mais bon, ça peut pas faire de mal. »

A personne et surtout pas à la plante donc pourquoi pas ? La blonde se hâte en entendant l’alerte qui n’en est pas une vraie. Enfin, pas tout à fait car si le type habillé comme un employé est passé, il est très vite suivi par une vieille dame poussant un chariot. Vesper se redresse immédiatement et vient se planter à côté de Rafa, comme si de rien n’était alors que la femme s’arrête à leur hauteur. Sa réplique laisse entendre qu’elle n’est pas dupe. Bon, pour la discrétion, on repassera. Soit, elle s’intéresse donc à ce qui se vend par ici. Sait-on jamais, si elle vendait des échantillons des plantes qu’on ne trouve qu’ici.

Bon, il n'a pas prévu de construire un jardin, ni même commencer à planter des arbres, d'autant que l'avoir dans sa cour arrière, il serait plus facile à repérer pour les voleurs. Bien sûr, il n'est pas con à ce point, ils ne peuvent pas voler un foutu arbre dans un jardin botanique, à moins qu'ils reviennent cette nuit, mais encore, ça serait vraiment de la folie. Au lieu de cela, Vesper se risque plutôt à attraper deux cerises pour pouvoir y goûter. Il fait de même à son tour et il grimace légèrement au début, il faut dire qu'ils sortent tout droit de l'arbre sans même avoir été nettoyé, il recrache le noyau et sourit. « Oh, ça serait génial, pourvu qu'on soit encore là pour voir la magie opérer. » Si les arbres prenaient moins de temps à pousser dans la terre, même pour un beau cerisier, mais à vérifier tout de même et sinon, ils pourront toujours planter les noyaux, ils n'ont rien à perdre avec cela. Après quoi, ils passent aux plantes plus rares et qui sont plus faciles à voler, je veux dire, à regarder de très loin.Il regarde vers Vesper, simple curiosité de la regarder à l'action et également dans le genre de couloir dans lequel ils sont et puis, fausse alerte, ce n'est pas un gardien, en revanche, une vieille dame se pointe, dont il n'avait pas aperçu à la première vue, elle s'approche d'eux. Elle est même assez futée celle-là, en faisant des sous-entendus sur ce qu'ils font. Rafa secoue négativement la tête. « On surveille juste, à cause des enfants, là-bas, ils sont perturbants.. on est des amoureux des plantes. » Bon d'accord, il n'est pas très convaincant et c'est bien pour cela qu'il n'a jamais envisagé de faire de la comédie et du théâtre. Il se racle la gorge et il se penche vers le chariot, il n'est pas cheap, mais il avait déjà prévu un cadeau, mais un de plus, ça ne devrait pas lui déplaire, du moins, il suppose. Cela dit, il préfère tout de même avoir son avis, il ne s'y connaît toujours pas en plantes. « Chérie, il y a un truc qui te plaît là-dedans ? » Fleurs, plantes, ce qui se trouve sur le chariot, il y a peut-être même ce qu'elle recherche.

C’est vrai que ça serait génial qu’ils puissent voir les noyaux plantés pousser pour devenir de magnifiques cerisiers. Encore qu’elle n’est pas experte en la matière non plus, il faudrait qu’elle se renseigne, si ça se trouve, ça prend moins de temps que ce qu’elle imagine. Quoi qu’il en soit, elle sourit.

« On les plantera dans notre futur jardin. »

A condition bien sûr que celui-ci ne donne pas directement sur la mer. Bien sûr, ça serait moins propice à un jardin mais pas impossible non plus. Et puisqu’elle est désormais l’heureuse propriétaire de deux bateaux, ça ne la dérangerait pas plus que ça d’avoir un endroit où les y amarrer… Il faudrait qu’ils réfléchissent sérieusement à la question. Et surtout voir ce dont ils ont tous les deux envie. Piscine ? Pas de piscine ? Accès à la plage ? Jardin ? Garage ? Cave ? Grenier ?Pour ce qui est de l’intérieur en revanche, la texane n’a pas la moindre exigence ; tant qu’il y a un four, une gazinière, un canapé et un lit, ça lui suffit amplement. Il n’y a qu’à voir la maison qu’elle occupe en ce moment ; si petite, toute étroite et en hauteur que ça lui paraît toujours démentiel qu’ils parviennent à y tenir à deux.

Bref, là n’est pas la question puisqu’ils se font alors tout deux choper en plein méfait, si on peut dire. Une vieille femme poussant un chariot couvert de plantes et autres fleurs les incite alors à lui en acheter l’une ou l’autre. Rafa lui fait alors savoir qu’ils surveillaient juste lesdites plantes contre les terribles envahisseurs que sont les enfants traînant un peu plus. C’est fou ça, qui peut bien emmener des enfants dans un jardin botanique ? Ça doit leur paraître tellement barbant. Mais soit, la blonde hoche la tête en signe d’assentiment, un sourire plus qu’angélique aux lèvres. N’étant pas une grande fan des roses, ça explique pourquoi Vesper n’en avait pas encore et également pourquoi c’est là-dessus que se jette son dévolu. Saint-Valentin oblige, ça sera donc un mini-rosier pour elle. En plus de ce qu’elle a déjà piqué et compte encore voler ensuite, bien entendu.

« Je vais prendre ça. »

Et de son côté, par pur bonté d’âme, la texane achète également quelques paquets de graines. Oui, c’est la Saint-Valentin et oui, ils sont censés se faire des cadeaux mais puisque c’est Rafa qui a déjà payé les entrées, il n’est pas question qu’il paye tout non plus. Son rosier sous le bras, elle passe alors l’autre sous celui de son Valentin et l’emmène un peu à l’écart après avoir salué la femme. Elle se penche assez pour lui chuchoter.

« On va prendre un peu de distance, des fois qu’elle soit capable de nous suivre pour s’assurer qu’on n’abîme rien. »

Cela serait bien la première fois qu'il s'adonne à un autre projet, depuis son retour de l'armée, il a consacré beaucoup de son temps au centre qu'il a ouvert pour les anciens soldats et cela ne lui ferait pas de mal de pouvoir se changer les idées avec un autre projet. Enfin, là, ils auront sûrement de quoi faire avec la maison, les détails et le choix du quartier. Heureusement, ni l'un, ni l'autre ne semble très difficile, mais il aimerait avoir une pièce pour jouer de la guitare, alors une maison insonorisée serait sûrement le mieux, quitte à payer plus cher pour cela et sans compter la piscine. Quoi qu'il en soit, ils auront tout le temps de réfléchir à cela. Bref, il n'aurait jamais cru se faire surprendre par une vieille dame, bien qu'elle ne le dise pas à voix haute, elle semble avoir compris ce qu'ils sont en train de faire ou ce n'est peut-être pas la première fois que la dame voit une telle scène. Rafael n'arrive pas à correctement se justifier, ce n'est pas un expert en mensonge et il se sent plutôt mal à l'aise, de toute façon, pas besoin de confirmer, elle l'a déjà deviné. Il se racle la gorge, il laisse choisir Vesper, ce dont elle souhaite avoir sur le chariot, donc va pour le mini-rosier qu'il paie rapidement, laissant même un pourboire. Il sourit, plus les paquets de graines que Vesper venait d'acheter, ils auront déjà de quoi faire pour commencer leur futur jardin. Ils s'éloignent finalement un peu de la dame, qui reste un peu à les regarder avant de s'éloigner de la zone. « Comment a-t-elle pu savoir ? » Dans tous les cas, ils vont devoir se montrer plus prudents pour pouvoir sortir d'ici sans les menottes aux poignets.

Une fois la voie libre, ils retournent à leurs petites affaires, il regarde autour d'eux, personne ne semble prêter attention à ce qu'ils font, d'autant plus que le jardin botanique commence à être bondé de monde. C'est alors que deux gardes de sécurité s'approchent d'eux, jamais bien armé, une lampe de poche, voire peut-être une matraque. Rafael est pris de panique, enfin, il se dit surtout qu'il n'est pas question d'être humilié de la sorte pour avoir volé des plantes et donc, il attend que Vesper termine ce qu'elle est en train de faire avant de lui attraper la main. « Viens avec moi, si tu veux vivre. » Oui, c'est une réplique de Terminator 2, avec la voix d'Arnold en moins. Quoi qu'il en soit, ils courent jusqu'à la porte où il est écrit exit. Ils atterrissement dans un stationnement et normalement, cela devrait être bon, enfin, il espère. « Tu crois que c'est la faute de la vieille ? » Dit-il entre deux voitures.

Une chose est sûre, c’est que cette mignonne petite bonne femme avec son chariot recouvert de plantes en sait des choses. On se demanderait même elle peut bien savoir tout ça. Ce qui est le cas de Rafa, d’ailleurs, puisqu’il le formule ensuite à voix haute. Enfin, pas trop haute non plus, juste assez pour que Vesper l’entende. Qui sait ? Peut-être bien qu’elle est magique, cette dame ? Si ça se trouve elle lit l’avenir. A moins qu’elle ne l’ait juste supposé en les voyant marcher sur les pelouses alors ça doit être interdit. La texane n’a pas vu d’écriteaux le stipulant mais elle a très bien pu passer à côté sans les voir. Ou en faisant exprès de ne pas y prêter attention, allez savoir.

« Peut-être qu’on ne peut juste pas marcher sur les pelouses. »

Elle dit ça en haussant vaguement les épaules parce qu’au fond, elle l’ignore. Tout ce qu’elle sait c’est que certaines personnes peuvent très vite se transformer en nazis du gazon. A l’instar des propriétaires – et aussi des joueurs pour elle ne sait quelle raison étant donné que l’endroit ne leur appartient même pas – de clubs de golf. Si ça se trouve, ce n’est même peut-être pas du vrai alors qu’est-ce que ça peut bien faire que vous arrachiez un peu d’herbe avec le bois de votre propre club en tentant un swing, hein ? Et pourtant, ça ne les empêchait pas de vous menacer de vous envoyer le leur dans la tronche. Oui, peut-être bien que Vesper a une dent contre les joueurs de golf et qu’elle rêve secrètement de leur rouler dessus avec une de leurs voiturettes un de ces quatre, c’est possible.

Quoi qu’il en soit, ils poursuivent donc leur balade sans plus se soucier de la dame aux plantes en ce qui la concerne et s’attardent de-ci, de-là, jusqu’à ce qu’un petit groupe de gardes ne s’approchent d’eux. Oh ça va, ce n’est certes pas permis mais ils ne font quand même rien de grave. Au point que la blonde en vient à se demander si c’est vraiment pour eux qu’ils sont là. Après tout, le jardin botanique est de plus en plus peuplé. Mais Rafa en est certain, lui, alors par réflexe – et le moins qu’on puisse dire c’est que les siens restent très bons -, ni une ni deux, il lui attrape la main, le tout accompagné d’une réplique de film à mourir de rire, et ils se mettent à courir comme des voleurs – ce qu’ils sont un peu pour le coup – pour quitter le domaine du jardin et se planquer entre deux voitures sur le parking.

« Nan, je crois pas, on faisait rien de trop grave pour une fois ! »

Car oui, bien sûr, évidemment qu’ils ont fait pire. La blonde baisse les yeux sur le gravier.

« On va faire un tour au cimetière ? Tu connais des gens qui y sont enterrés ? »

Les cimetières c’est cool comme endroit, à condition de ne pas avoir de la famille qui y repose.