mois des fiertés ○ loterie rp

Qu’on se le dise, Iggy n’était pas là pour représenter quoi que ce soit. Représenter quoi ? Les gens qui aiment l’argent ? Quelque chose lui disait que ça serait un mauvais plan. Pourtant, elle était convaincue qu’ils seraient nombreux mais combien iraient jusqu’à le revendiquer, hein ? Ce nombre devait être proche de zéro. Non, si elle était là, c’était surtout pour s’amuser un peu, profiter de l’ambiance ainsi que de la musique. Le souci, c’est qu’elle ne s’était pas attendue à ce que tout le monde, vraiment tout le monde, soit maquillé comme au carnaval alors qu’elle non. Iggy n’aimait pas ça ; déformation professionnelle sans doute, elle avait coutume de se fondre dans le décor. Un véritable caméléon. Question de survie, il fallait bien lorsque vous aviez la police à vos trousses. Rien de tel ce jour-là, rassurez-vous mais ça explique qu’elle se sente mal à l’aise et qu’elle s’empresse de chercher le stand prévu à cet effet. Enfin, après s’être pris une bière – servie dans un gobelet cartonné et non dans une bouteille en verre pour éviter que l’idée vienne à quelqu’un d’en casser une pour égorger quelqu’un d’autre avec le tesson. Ah, ça lui rappelait le bon vieux temps – parce qu’il fallait pas déconner non plus.

Au bout de quelques minutes à s’être frayé un chemin parmi la foule, elle finit par le trouver, ce fameux stand. Et elle remarqua que d’autres semblaient également y attendre. Enfin, une personne. Un gars, plus précisément. Le fauteuil est libre mais il ne semble y avoir personne pour maquiller. Pourtant, tout le matos était resté à disposition.
« Bah alors, y a personne ? »
Peut-être avait-il ou elle décidé de prendre sa pause ? Qu’à cela ne tienne, ils n’allaient tout de même pas attendre indéfiniment. Iggy posa sa bière sur la table de travail et tapota l’assise du fauteuil tout en regardant le gars.
« Venez là, mon bon monsieur. Qu’est-ce qui vous ferait plaisir ? »
Non, elle n’était pas maquilleuse professionnelle mais elle n’en était pas moins une femme qui savait se faire un trait d’eyeliner correct alors elle pourrait tout à fait s’en sortir pour peindre le visage de quelqu’un d’autre aux couleurs de l’arc-en-ciel ou autre, en fonction des envies de chacun. Et puis même se le faire à elle, si personne ne revenait d’ici-là.

Un truc de dur à cuire ? Iggy visualisait parfaitement ce que ça pourrait donner mais elle était loin d’être sûre que ça plairait beaucoup à ce monsieur. Son idée la fit rire tandis qu’il changeait d’avis pour un papillon. Ah. Radicalement différent, on pouvait le dire. Il lui demanda d’ailleurs si elle aimait ça. Elle considéra la question quelques secondes. Iggy ne raffolait pas des insectes en règle générale, ils venaient toujours gâcher ses après-midis à se prélasser au bord de sa piscine mais on parlait là d’un dessin et ce que ça lui évoquait, c’était les nunuches qui s’en faisait tatouer un sur la cheville, sur l’épaule ou encore – sainte mère de Dieu – sur l’aine. Il paraît même que certains tatoueurs refusaient carrément ce genre de dessins mais c’est seulement ce qu’elle avait entendu dire car sa peau était vierge de toute encre. Elle finit par hausser les épaules.
« C’est pas pire que bien d’autres choses, je suppose. »
C’est alors qu’il sembla s’apercevoir qu’elle non plus n’était pas maquillée et l’idée qu’il en tenait une petite couche lui traversa bien l’esprit. L’espace d’une seconde, avant de repartir aussi sec, c’était pas son genre de juger la consommation d’alcool des autres. Ni quoi que ce soit d’autre et encore moins dans ce genre d’évènements, en fait.

Va pour le papillon ; Iggy attrapa un pinceau qu’elle humidifia avant de le tremper dans la peinture pour visage et de commencer à peindre sur le visage de ce gars qui parlait à présent de lui peindre un cœur ensuite. Elle ne put se retenir, c’était plus fort qu’elle, il fallait qu’une grimace déforme ses traits.
« Ah, tout sauf ça, par pitié. »
Oui okay, ils étaient censés être là pour célébrer l’amour sous toutes ses formes et le cœur était le parfait symbole de l’amour mais c’en serait trop pour elle. Pourtant, elle estimait que ce jeune homme ne devait pas être super habile de ses mains pour ce qui était de maquiller quelqu’un d’autre – bien qu’elle pourrait se méprendre -, alors peut-être que ça finirait par ressembler plus à une paire de fesses qu’à un cœur mais c’était du pareil au même, elle n’avait pas plus envie de se balader avec ça sur le front, merci bien.
« Juste me peindre toutes les couleurs de l’arc-en-ciel comme un maquillage tribal, ça serait déjà bien, vous croyez pas ? »
Petite gorgée de bière tandis qu’elle-même abusait des couleurs pour son propre dessin. Elle recula un peu pour admirer le travail. Stylé ! Ça ressemblait un peu aux maquillages que l’on faisait aux enfants dans les parcs d’attractions mais c’était stylé quand même.

Bien que les amis d’Iggy se comptent sur une main amputée de presque tous ses doigts, ça ne serait pas la première fois qu’elle maquillait quelqu’un. Cela dit, la dernière fois remontait à l’enfance, à l’époque où son quotidien n’était fait que de manèges et de barbes à papa. Il y avait un stand comme celui-ci tenu par un forain de leur petite troupe. Et comme son frère et elle étaient un peu les coqueluches de la bande, ils n’étaient pas rare que les autres forains leur passent tous leurs caprices. Comme d’utiliser la peinture pour visage d’un professionnel pour lui dessiner un poney sur la joue. En voyant le résultat on pouvait donc dire qu’elle avait gardé de bons restes de cette époque. Mais pour l’heure, Iggy n’avait aucune envie de se vanter. Non, elle préférait écouter son « client ». S’ils n’étaient pas là pour s’aimer ? Ben c’est-à-dire qu’elle était surtout là pour faire la fête en ce qui la concernait, elle n’avait prévu d’aimer personne.
« Ouais, c’est ce qui se dit mais justement, c’est tellement implicite qu’il est inutile d’en rajouter une couche. »
Elle mit la touche finale à son chef-d’œuvre et laissa le jeune homme admirer le travail. Puis pouffa à sa question avant de reprendre son sérieux.
« Ça vous va à ravir, oui. »
Tant qu’il ne le prenait pas mal, c’était tout ce qui comptait. Et en même temps, ça serait un comble qu’il le fasse étant donné que c’était ce qu’il voulait.

Bref, Iggy se laissa ensuite asseoir dans le fauteuil, songeant que ça rappelait d’une bien triste façon les visites chez le dentiste et décida de se relaxer.
« Oh allez, si tu le dis, vas-y, je te fais confiance. »
S’amuser, pas se prendre la tête à se demander à quoi elle pouvait bien ressembler. Vous noterez qu’elle aussi était passée au tutoiement tout naturellement, elle préférait comme ça. Du moins quand la situation s’y prêtait, ce qui semblait être le cas. Puis, de l’air de la personne qui cherche un sujet intéressant à aborder mais n’en trouve pas, elle demanda :
« Belle journée ? »
La question la plus bateau de la création sans doute mais elle avait envie de continuer à bavarder et ne trouvait rien de mieux à demander. Elle aurait pu demander s’il était venu seul car elle ne voyait personne faire le pied de grue à côté du stand mais elle se doutait qu’on ne venait pas ici seul et que ses amis devaient sans doute l’attendre autour d’un verre ou quelque chose comme ça.

Laisser son visage entre les mains d’un parfait inconnu, Iggy n’était pas certaine qu’il s’agisse de la meilleure idée qui soit, mais elle était là pour s’amuser. Lui aussi était là pour s’amuser alors autant jouer le jeu jusqu’au bout ; tant qu’il ne lui crevait pas un œil, c’était bien tout ce qui comptait. Ce qui explique qu’elle se relaxa quelque peu et se mit à poser des questions idiotes. Enfin, une en particulier. La pluie, le beau temps, vraiment le genre de trucs dont on parle lorsqu’on ne sait pas quoi dire et force est d’admettre que c’était le cas ; pour une fois dans sa vie, Iggy Rayne ne savait pas quoi dire exactement. Sans doute parce qu’elle n’avait pas prévu d’escroquer ce pauvre gars ni qui que ce soit d’une façon ou d’une autre ce jour-là. Sa remarque la fit rire. Oui, elle aurait pu.
« Hm ouais, c’est sûrement parce que j’aime pas faire ce qu’on attend de moi. »
Et c’était vrai dans n’importe quel domaine hormis celui du taf. Là, elle n’avait pas trop le choix sans quoi ça serait voué à l’échec. Un brin de malice pétilla dans ses yeux tandis qu’elle ajoutait :
« Mais c’est vrai, tu t’appliques. Et j’ai effectivement trouvé nulle part où pisser depuis que je suis là. »
Cela dit, pas sûr qu’elle en ait plus envie que ça, elle sait bien que les gens sont des porcs et que ça se remarque surtout quand il est question de devoir utiliser des toilettes publiques. Puis s’il y tenait, elle voulait bien prétendre s’appeler Michelle. Un prénom comme un autre qu’elle avait dû emprunter au moins une fois. Bref, elle s’empara d’un miroir main tout taché qui se trouvait là et observa le travail de jeune homme car c’est une chose de dire qu’il s’applique, c’en était une autre de pouvoir le constater de ses propres yeux. Pas mal, les cœurs ressemblaient à de vrais cœurs et pas trop à l’émoji pêche. D’autant qu’à chaque fois, il s’était embêté à peindre une moitié d’une couleur et l’autre d’une autre. Bon, ça faisait quand même beaucoup de cœurs pour quelqu’un qui n’en voulait pas au départ mais dans l’ensemble, elle n’était pas mécontente du résultat.
« Tu pourras te vanter de m’avoir peint des cœurs sur la figure. »
Tout le monde ne pouvait clairement pas en dire autant. En revanche, s’en vanter à qui ? Voilà qui resterait une énigme irrésolue.

Est-ce que ce type était sérieusement en train de lui proposer d’aller pisser un coup chez lui ? Tout au long de sa vie remplie d’aventures, Iggy avait été confrontée à toutes sortes de choses mais rien qui s’approchât de près ou de loin à ça. Et de loin, ça pouvait effectivement ressembler vaguement à un piège façon Silence des Agneaux mais de un, Iggy n’était pas genre à avoir froid aux yeux, de deux, son maquilleur avait tout de même l’air fort imbibé. Et c’était pas qu’un air, elle pouvait le sentir de là où elle se trouvait. Durant quelques minutes, elle pesa le pour et le contre. Et c’est le pour qui finit par l’emporter. C’est vrai, que risquait-elle à accepter ? Qu’il s’avère plus pervers qu’il ne voulait bien le montrer ? Bof, ça serait ni le premier, ni le dernier et il lui était déjà arrivé de traiter avec ce genre de personnes. Les pours en revanche étaient plus facile à voir : elle se soulagerait la vessie dans des toilettes plus propres que celles qu’on peut trouver dans le coin – en tout cas l’espérait-elle mais pas trop non plus car c’est un homme qui lui faisait cette proposition - et serait repartie pour quelques heures au moins.
« C’est quand même pas banal de proposer à quelqu’un qu’on connaît pas d’utiliser ses toilettes. Mais c’est sympa et ça tombe bien alors j’accepte. »
Et peut-être qu’elle le regretterait. Ou peut-être pas ; la seule façon de le savoir, c’est d’accepter. Puis, le jeune homme la prit au mot et se vanta d’avoir pu dessiner des cœurs sur le visage d’une certaine Michelle. Il est vrai qu’elle ne l’avait pas corrigé sur ce point. Et qu’elle n’en ressentait toujours pas le besoin donc elle resterait Michelle pour encore un petit moment.

Par contre, en ce qui concernait les « gros nazes » comme il venait de les appeler, cette information capitale semblait leur en toucher une sans faire bouger l’autre. Iggy ne s’était attendue à rien de moins venant d’eux. Une fois de plus, elle le complimenta d’un :
« Super travail ! »
Avant de s’enquérir :
« Alors, c’est par où chez toi ? »
Inutile de nier qu’Iggy était tout de même curieuse de voir l’endroit où vivait un tel personnage ; s’il habitait le coin, ça signifiait qu’il devait s’agir d’un appartement plutôt chicos. Non, promis qu’il ne s’agirait pas d’un repérage quelconque, elle se sentait bien à Island Bay.

Ah ça, ça ne serait pas Iggy qui allait le contredire quant au fait que c’était pas banal d’être sympa en ce bas monde. Egoïstes, opportunistes, avares et mieux que quiconque, elle savait qu’on ne pouvait se fier à personne. Ne compter que sur soi-même, toujours, voilà ce qu’elle avait retiré de son activité professionnelle. Mais aucun des deux n’étaient là pour débattre à ce sujet, aussi hocha-t-elle simplement la tête d’un air approbateur. Puis tout le monde célébra cette fameuse Michelle avec des cœurs sur la face et pour une obscure raison, ça l’amusait beaucoup. Mais elle ne s’attarda pas tant que ça là-dessus, étant donné que le jeune homme lui pointait du doigt la direction dans laquelle se trouvait son appartement et qu’elle lui emboîta ensuite le pas. Sur le trajet, il voulut savoir ce qu’elle faisait là. Bien que la formulation puisse en laisser supposer le contraire, elle sentit qu’il ne s’agissait que de curiosité de sa part. Puis, sans vraiment lui laisser le temps de répondre à la première question, il enchaîna avec une deuxième. Celle-ci aurait pu la surprendre, voire carrément la choquer mais il n’en fut rien. Pratiquement jamais de tabous avec Iggy. D’un air vague, elle commença par hausser les épaules.
« Est-ce que ça a de l’importance ? »
Pas tellement parce qu’elle avait noté qu’il n’avait pas prononcé le mot mais plutôt parce qu’elle était d’avis que ce genre de manifestations devrait avant tout mettre tout le monde sur un pied d’égalité. Est-ce que c’était pas ce que tout le monde réclamait tout le temps ? Egalité des sexes, égalité des salaires, égalité des ethnies, égalité des sexualités également. Et elle était bien loin d’être contre cette idée. Elle était du genre à penser qu’aucun de ces facteurs ne devraient entrer en ligne de compte en ce qui concerne notre jugement envers autrui. Nouvel haussement d’épaules.
« Je vais pas te mentir, ma préférence va aux hommes, je suis surtout là pour l’ambiance. Puis j’ai une fille qui elle n’a pas de préférence alors on pourrait dire que je suis ici pour elle aussi. »
Sans pour autant s’en servir comme une excuse non plus, évidemment. Puis c’est avec un sourire espiègle qu’elle ajouta :
« T’en fais pas, je vais pas te juger si toi aussi tu es là pour faire la fête. »
Au vu de sa réaction, ça semblait une explication plausible.

Spoiler:

Non, à moins de vouloir pécho à tout prix, la sexualité des gens au sens large n’avait aucune importance. Ça, c’était le point de vue d’Iggy, en tout cas. L’un, l’autre, ça ne faisait absolument aucune différence pour elle. Et il en allait ainsi de bien d’autres choses encore : la religion, la couleur de peau… On n’ira pas jusqu’à dire les opinions politiques parce que ça, c’était le genre de choses qui vous foutait un pays à sac. Mais qu’on laisse les gens aimer ce qu’ils veulent et être comme ils sont et ce monde tournerait déjà un peu plus rond. Elle hocha la tête, approuvant la réponse de Chris et se laissa stopper sur sa lancée, le temps d’une nouvelle question. Quelque chose dans son attitude laissait comprendre que celle-ci comptait pas mal pour le jeune homme, aussi Iggy prit-elle le temps de la réflexion. Et, avant d’y répondre, il fallait qu’elle lui précise quelque chose :
« Alors pour tout te dire, on n’a pas vraiment le genre de relation mère-fille que tout le monde semble attendre de la part de parents et enfants. »
Inutile d’entrer dans les détails, c’était pas une thérapie non plus.
« Mais, l’essentiel c’est qu’elle soit heureuse, non ? Peu importe ce qu’elle aime. »
Enfin, disons qu’il y a tout de même des limites. Telles que les cadavres, par exemple. Mais tant que l’autre personne est vivante et consentante alors c’est tout ce qui compte. D’ailleurs, elle crut bon d’ajouter :
« Et peu importe qu’elle ne soit pas comme moi, aussi. Vouloir le contraire serait comme de demander à absolument tout le monde de fantasmer sur Margot Robbie ou Chris Evans, ça serait impossible. »
Même si une majorité des gens les aimait, ces deux-là, ça n’empêchait pas qu’il y en avait sur lesquels ils n’avaient aucun effet et même certains qu’ils rebutaient carrément. D’accord, la pertinence de ce propos vous échappera peut-être carrément mais ça signifie surtout que tout le monde est différent. Et que tous les goûts sont dans la nature, l’un n’est pas plus valide qu’un autre, ils le sont tous de la même manière. Contente d’elle, c’était comme si on ne pouvait plus l’arrêter.
« D’ailleurs, les étiquettes c’est idiot. Si tu veux mon avis, ce à quoi on correspond le plus n’a pas d’importance non plus puisqu'on ne l’est jamais à cent pour cent. »
Bon, ça commençait à devenir un peu trop philosophique même pour elle qui n’avait pas de verre dans le nez, alors il fallait pas demander concernant le jeune homme. Mais elle espérait tout de même l’avoir rassuré.

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