Die of fright.

Croyez-le ou non mais cette année serait la toute première où Aveleen fêterait Halloween. Et si ça n’avait pas été pour Hunter, sûrement s’en serait-elle passée cette année encore. Décidément, que de premières fois en sa compagnie. Pourtant, la rouquine aimait bien tout ce qui était censé faire peur, surtout les films d’horreur, vous vous en doutez ; mais il fallait se rappeler que pendant des années, la Nouvelle Zélande avait boudé cette fête. Trop américaine, sans doute. Et puis quand l’île s’y était enfin mise, elle n’avait pas ou plus la tête à ça, toujours plongée dans les étoiles. Tout ça pour dire que si Hunter en avait envie – surtout après la façon dont ils s’étaient quittés la dernière fois, on peut dire qu’elle n’aurait pas cru qu’il veuille vraiment faire quelque chose de spécial avec elle pour cette fête semblant lui tenir à cœur – alors elle irait. Et elle ferait de son mieux pour vivre l’expérience à fond, même. Ce qui commençait par le costume. Un vaste choix s’était offert à elle et le sien se serait instinctivement porté sur quelque chose dans le thème : sorcière, alien, vampire. Ou puisqu’elle était du genre cinéphile, pourquoi pas quelque chose de plus spécifique ? Michael Myers, Jason Voorhees, pas Freddy parce que ça aurait demandé bien trop de préparation et de talent en maquillage qu’elle n’avait clairement pas, mais peut-être Pearl ? L’antagoniste de ce tout nouveau film d’horreur. Puis elle avait songé à Hunter – comme souvent – et elle n’était pas sans connaître sa passion pour les films de superhéros. Puis, quitte à fêter Halloween ensemble, autant porter des déguisements qui allaient aussi ensemble, non ? A condition de ne pas se tromper, bien sûr. Mais Aveleen se souvenait parfaitement d’une discussion qu’ils avaient eue au sujet de Daredevil. Elle se souvenait aussi qu’il lui avait dit qu’il aimerait beaucoup être à sa place – ce qu’elle n’avait pas tout à fait compris d’ailleurs parce qu’à choisir, y avait quand même des superhéros plus enviables. C’est donc ainsi qu’elle en vint à sérieusement envisager de se trouver un costume d’Elektra. Celle de la série, pas celle des comics, évidemment. De plus, ça ne lui demandait pas trop d’efforts : une combinaison noire un peu moulante et un foulard rouge suffirait largement. Puis une ceinture, ses Doc Martens préférées et le plus important pour qu’on ne puisse la confondre avec personne d’autre : les dagues. C’est ce qu’elle avait eu le plus de mal à trouver sur le net mais elle n’avait pas non plus été obligée de jouer aux enchères sur Ebay pour les obtenir.

Elle mettait la touche finale à son maquillage – pour une fois qu’elle faisait l’effort d’en porter – quand on tambourina à la porte de son chalet. Aucun doute sur l’identité de son visiteur – elle avait désactivé ses pièges en prévision - mais ça ne l’empêcha quand même pas de jeter un coup d’œil à ses caméras de surveillance pour voir Hunter devant sa porte, costumé en Daredevil. Bingo ! Sourire aux lèvres, elle ne put s’empêcher de noter qu’une fois de plus, il tambourinait et ne frappait pas contre sa porte. C’est qu’il devait avoir hâte que la soirée commence. La rouquine se décida à aller lui ouvrir mais se contenta tout de d’abord de passer la tête par l’entrebâillement pour lui demander :
« Le mot de passe ? »
Avant de se mettre à rigoler puis d’ouvrir en grand. Ce fut à son tour de rire en remarquant que même sans se concerter, ils avaient eu la même idée. Avant qu’il ne reprenne son sérieux. Ah, c’est vrai, il était toujours censé lui faire la tête. Et Aveleen n’avait toujours pas envie de s’excuser plus qu’elle ne l’avait déjà fait. Il est vrai qu’elle aurait pu le lui dire plus tôt ou juste retirer le micro de son entrée sans le mentionner, il ne l’aurait jamais remarqué, mais que voulez-vous ? Ce qui est fait est fait. Et elle ne regrettait pas tellement d’avoir agi ainsi ; sans ça, ils ne seraient pas où ils en étaient maintenant. Son sourire s’élargit en l’entendant émettre ce « wow ». Auquel elle acquiesça tout en jetant un coup d'œil appréciateur à son costume - avec une pensée pour ce qui se trouvait dessous.
« Je te le fais pas dire. »
Là-dessus, elle fourra son portefeuille et son téléphone dans sa poche puis elle attrapa ses clefs et referma derrière elle – en n’omettant surtout pas de verrouiller chacune de ses serrures -, puis elle grimpa dans le van et ouvrit la boîte à gants où se trouvaient encore une partie des sucreries qu’elle y avait fourrées l’autre nuit et y déposa ses clefs ; c’est qu’elle n’avait pas tant de poches que ça non plus sur cette combinaison. Puis, s’asseyant en tailleur, elle se tourna d’un quart vers Hunter et l’étudia quelques secondes pour voir s’il paraissait ouvert au dialogue. Difficile à dire. Le meilleur moyen de le savoir était encore de se lancer :
« Alors, quoi de neuf ? »
Le début de conversation le plus bancal qui existe au monde, nous sommes d’accord, mais c’était toujours mieux qu’un « ça va ? », non ?

Rasputia, Rasputia… Il fallut quelques secondes à Aveleen pour se remémorer où elle avait déjà entendu ce nom. Et non, rien à voir avec la chanson très drôle de Boney M. Eddie Murphy, Norbit, ça y est, elle a relié les points. Et ça la fit sourire. Norbit n’était certes pas son film préféré d’Eddie Murphy – qu’elle préfère d’ailleurs en tant que chanteur car oui, il a sorti l’un ou l’autre single et il faut bien avouer qu’il ne chantait pas mal -, mais c’était quand même regardable. Elle ne put alors que pouffer, accompagnant sa remarque d’un :
« T’es bête ! »
Avant de mieux ouvrir la porte pour récupérer ses affaires et tout verrouiller bien comme il faut derrière elle. Le regard d’Hunter ne lui échappa pas mais elle devait elle aussi avoir plein de petites étoiles dans les yeux en ce moment précis, ce qui fait qu’elle ne pouvait pas tellement parler. Non seulement elle était ravie de le voir après plusieurs jours passés à s’éviter mais elle était aussi trop contente de constater qu’ils avaient été sur la même longueur d’ondes en ce qui concernait le choix de leur costume respectif et puis, elle ne pouvait carrément pas nier que ce costume lui allait comme un gant à lui aussi. Sans trop savoir ce qui était prévu au programme pour ce soir – tout ce qui comptait à ce stade, c’était de passer la soirée avec lui, peu importe l’activité qu’ils feraient -, elle sauta sur la banquette du côté passager et eut alors pour mission de ne surtout pas laisser le silence s’installer entre eux.

C’est ainsi qu’on se retrouvait à demander quoi de neuf à quelqu’un. Puis, même si c’était bateau, ça intéressait quand même la rouquine. Et c’est ainsi qu’elle apprit qu’un de ses logiciels lui en faisait voir de toutes les couleurs. Et qu’il se payait quelques insomnies depuis la dernière fois qu’ils s’étaient vus. Fronçant les sourcils, Aveleen se demanda l’espace d’une seconde si c’était de sa faute. Jusqu’à ce qu’il le lui confirme d’une manière détournée. A moins que ça ne soit qu’un prétexte pour venir mettre le sujet du micro sur le tapis. D’un air un peu buté, elle changea soudain de position, s’avachissant sur la banquette, étendant ses très longues jambes devant elle – autant que possible en tout cas -, elle sortit une dague d’un fourreau et se mit à jouer avec en la faisant tourner autour de son index d’un air distrait. Avant qu’elle ne lui échappe et qu’elle l’envoie malencontreusement dans le pare-brise. Tiens, ça faisait longtemps qu’elle n’avait plus fait preuve d’une telle maladresse.
« Oups, pardon… »
Elle se pencha un peu pour vérifier qu’elle n’avait pas fait trop de dégâts mais la dague étant en plastique, ça ne risquait pas tellement. Dans tous les cas, elle la rangea, croisa les bras sous sa poitrine et regarda le paysage défiler par la fenêtre.
« Je t’écoute pas tout le temps, tu sais ? Je l’ai jamais fait d’ailleurs. Juste en passant sur cette fréquence. Ou quand j’avais envie d’entendre ta voix. T’as qu’à me le rendre s’il te dérange, de toute façon j’en ai plus besoin, maintenant. »
Pas parce qu’elle en avait marre d’entendre sa voix, que du contraire ! Mais parce qu’elle lui faisait confiance. D’ailleurs, ça faisait déjà un moment que c’était le cas.

Soit, loin d’elle l’idée de s’attarder là-dessus si c’était pour se prendre le bec une fois de plus. Au lieu de quoi, elle préféra écouter le programme de la soirée. Une maison hantée dans le centre-ville ? Non, elle n’en avait pas entendu parler et n’y avait pas prêté attention en roulant dans le quartier mais elle voulait bien le croire. Même que, dit comme ça, ç’avait l’air vraiment trop cool !
« Grave ! »
Le van ralentit alors qu’il lui demandait si elle ne préférait pas aller réclamer des bonbons à ses voisins et c’est avec un petit sourire empli de malice qu’elle tourna la tête dans sa direction pour lui demander :
« Parce que t’as croisé beaucoup de maisons en venant, peut-être ? »
Puis bon, la récolte de bonbons, c’était quand même pour les enfants. Pas sûr que les maîtresses de maison soient très contentes de voir une perche aux longues jambes, en combinaison moulante, réclamer des friandises à leurs maris. Suite à quoi elle attendit qu’ils arrivent dans le centre pour remonter son foulard rouge sur le nez. Et surtout constater qu’il y avait foule. Des gens de tout âge et presque tous déguisés – sauf ces crétins qui trouvaient toujours qu’une paire de lunettes de soleil faisait un déguisement valable – étaient en train de faire la queue devant la maison hantée en question.
« Bon, ben dirait bien qu’il va falloir qu’on prenne un peu notre mal en patience. Si tu croises un gamin avec un sac de bonbons, rackette-le, ça sera plus marrant d’attendre en grignotant. »
Non, elle n’était pas vraiment sérieuse mais l’idée était quand même très tentante. Sautant de voiture, elle eut à peine de l’occasion de faire deux pas dans la direction de la file d’attente qu’elle entendit quelqu’un l’appeler. Tournant la tête dans cette direction, elle vit alors Todd au guichet – un client de la pizzéria -, en train de lui faire de grands signes pour qu’elle approche. Ce qu’elle finit par faire. Un petit échange s’ensuivit où elle présenta très brièvement les deux hommes puis Todd lui proposa de la faire – et non de les mais Hunter venait avec, c’était non-négociable – passer plus vite et gratuitement qui plus est. Let’s go !

Si Aveleen s’était mise à jouer avec sa dague, c’était pour se donner une raison de ne pas rebondir sur le sujet. Bien sûr qu’elle regrettait. Un peu, en tout cas. Enfin, ce qu’elle regrettait surtout, c’était de ne pas avoir fait savoir à Hunter qu’elle l’avait placé sur écoute plus tôt, avant qu’ils ne commencent à se fréquenter plus souvent et plus sérieusement. Ou peut-être tout simplement de le lui avoir juste dit. Si elle n’en avait jamais parlé, tout se serait nettement mieux passé, c’était un fait. Mais parce qu’elle l’appréciait, assez pour le laisser pénétrer son antre – au sens propre comme au figuré, d’ailleurs -, elle ne pouvait pas concevoir de ne rien lui dire. Par contre, ce qui était sûr, c’est qu’elle ne regrettait pas de l’avoir placé, ce micro. Déjà parce qu’elle ne le faisait pas juste pour s’amuser ou pour se renseigner sur qui trompe qui dans le voisinage mais bien pour sa propre sécurité et puis sans lui, Hunter aurait continué de n’être qu’un client comme les autres à qui elle venait livrer sa pizza de temps en temps. Alors non, elle n’avait aucune envie de s’excuser pour ça. Ce qu’il n’avait pas l’air d’attendre d’elle de toute façon, sinon, elle ne serait pas présentement assise sur la banquette de son van, à jouer avec sa dague d’un air buté. Sa remarque quand elle envoya celle-ci dans son pare-brise la fit rire et ça ne la dérangea aucunement de s’excuser avant de la ranger bien sagement. La rouquine aurait pu en rester là, mais elle eut soudain envie d’apporter quelques précisions à ce qu’elle lui avait déjà dit sur le micro. Comme le fait qu’elle ne passe pas son temps à l’écouter non plus. Ça, elle tenait à ce que ça soit bien clair. Pas comme les raisons pour lesquelles elle passait sciemment sur sa fréquence, bien qu’elle avoua tout de même ressentir le besoin d’entendre sa voix par moment. Il devait se dire qu’elle pourrait juste l’appeler au lieu de l’espionner mais Aveleen n’était pas de cet avis ; l’appeler reviendrait à admettre qu’il lui manquait, qu’elle trouvait sa présence réconfortante et tout ce qui s’ensuit, or ça, elle n’était toujours pas sûre de vouloir le reconnaître elle-même, alors le laisser ne serait-ce qu’y penser ? Nope, même pas en rêve. Quoi qu’elle lui dise, Hunter ne trouvait rien à répondre, gardant les yeux fixés sur la route, au point qu’elle finit par se taire, lui laissant alors l’occasion de lui parler de la seule chose qui comptait apparemment pour lui ce soir-là : la maison hantée du centre-ville.

Tant mieux ? Oui et non parce que du coup, les choses semblaient tendues entre eux. Pas beaucoup, mais un peu quand même. Et ça la perturbait un peu, comme si elle ne savait d’un coup plus de quoi lui parler, ni comment se comporter. Heureusement pour elle, il se chargea de lancer les nouveaux sujets de conversation, comme le fait qu’elle avait des hommes de Neandertal comme voisins. Parce qu’ils avaient autrefois plaisanté quant au fait que pour Hunter, qui ne connaissait rien de l’endroit où elle vivait à ce moment-là, elle aurait tout aussi bien pu vivre dans une grotte que ça ne l’aurait pas plus étonné que ça. La rouquine pouffa, en rajoutant une couche :
« On n’aurait sûrement eu droit qu’à des baies qui nous auraient filé la chiasse toute la nuit, autant éviter. »
Très glamour. Là-dessus, ils arrivèrent dans le centre et trouvèrent étonnamment une place assez vite compte tenu du monde qui faisait déjà la queue ; il faut croire que cette maison valait vraiment le détour. Prendre place tout au bout de la file d’attente était un poil démotivant, surtout qu’ils n’avaient même pas de bonbons sous la main pour les aider à patienter, mais s’il le fallait vraiment…

Par chance, c’est à peine sortie du van qu’Aveleen se vit interpellée. Par Todd, un client de la pizzéria qu’il lui arrivait de livrer et qui cherchait toujours à sympathiser avec elle de la plus étrange des façons. En lui parlant un soir de tous les différents gaz qui existent ; la rouquine n’avait pas compris sur le moment qu’il essayait d’engager la conversation et avait tourné les talons mais puisque c’était devenu une habitude… Dans tous les cas, c’était lui qui s’occupait de la billetterie, aussi pouvait-il la faire passer devant tout le monde et gratuitement, si c’était pas carrément cool, ça ! En revanche, il ne devait pas s’attendre à ce qu’elle soit accompagnée puisqu’il grimaça un peu en saluant Hunter, tandis que de son côté, elle le remerciait chaleureusement. Puis c’est devant les lourdes portes closes de la maison de l’horreur qu’ils purent prendre place, attendant qu’on forme leur petit groupe avec les prochains de la file. Sur ce temps, Hunter se montra curieux et voulut mieux observer ce qui se trouvait sous le foulard. Sa réplique eut le don de la faire rire.
« Tu trouves ? J’espère que tu me trouves belle aussi sans parce que tu verras pas ça souvent. »
Elle ne lui apprenait rien étant donné que c’était la toute première fois qu’il la voyait maquillée. C’est qu’elle n’aimait pas trop ça ; déjà, ça demandait du travail, du temps et puis tous les fonds de teint qu’elle avait essayé cachaient ses taches de rousseur. Bref, des trucs de filles auxquels elle n’avait plus besoin de penser ce soir-là puisqu’on les fit alors passer dans l’entrée. Si sombre qu’on n’y voyait rien. Légèrement désorientée, Aveleen se laissa guider par Hunter qui avait posé les mains sur ses épaules en levant plus haut les genoux pour ne pas se prendre les pieds dans un coin de tapis ; elle écouta d’une oreille distraite l’histoire des lieux. Une maison hantée mais pas que par des fantômes, comme c’est original. D’ailleurs, c’était pas qu’une maison, c’était aussi un asile de fous avec un cimetière à la cave et un labyrinthe à la sortie, façon Shining. Ah oui, tout ça… Bon bah c’était parti. C’est à ce moment-là que la rouquine sentit qu’on lui prenait la main et poussa, bien malgré elle, un hurlement, reculant de quelques pas, quitte à marcher sur les pieds d’Hunter dans la foulée. Fallait y aller progressivement, quand même ! Elle récupéra sa main et devint écarlate en constatant que ce n’était pas un figurant qui lui avait joué ce tour mais Todd. Apparemment, il avait décidé de prendre sa pause maintenant pour pouvoir faire cette attraction avec elle. Enfin, avec eux.

Pourquoi une grotte ? Voilà la question qui ne cessait de tourner en boucle dans sa tête depuis qu’ils avaient eu cette discussion l’autre soir. Si c’est parce qu’elle avait précisé qu’elle n’en sortait pas, alors c’était juste une façon de parler, histoire de préciser qu’elle s’y connaissait un peu en pop culture quand même. Bien que sa tasse de thé, c’était plus le cinéma et surtout – vous vous en seriez bien douté -, tous les films qui se passent dans l’espace. Star Wars, Star Trek, Stargate, Alien, Rencontre du Troisième Type, Interstellar et ainsi de suite. Dans tous les cas, elle trouvait ça drôle. Et elle n’était pas la seule puisque le rire d’Hunter emplit subitement l’habitacle du van. Un son qui lui avait un peu manqué, mine de rien, et qui résonnait très agréablement à son oreille. L’air très fier de lui, il lui fit alors savoir que si les néandertaliens qui lui servaient de voisins leur avait offert des baies plutôt que des bonbons, comme elle venait de le suggérer, alors elle aurait été seule à avoir la chiasse toute la nuit parce qu’il n’était pas question qu’il y touche, lui. Aveleen fit la moue puis rétorqua :
« Lâcheur ! »
C’est que dans son plan, il ne ferait rien pour lui éviter ça, il la laisserait se démerder – et ça serait le cas de le dire – toute seule. La rouquine fut contente de voir qu’en dépit de la façon dont ils s’étaient quittés la dernière fois, ils n’avaient pas de mal à discuter comme avant. Et le temps que cette pensée se forme dans son esprit, ils arrivaient déjà dans le centre.

Puis devant la maison qu’ils allaient visiter ; une chance pour elle que le fait de livrer des pizzas lui permettait parfois de rencontrer des gens puisqu’elle reconnut suffisamment vite Todd, tenant le stand de la billetterie. Ce qui leur permit d’être les prochains sur la liste des invités. Le temps qu’on forme le petit groupe qui leur tiendrait compagnie tout du long, Hunter vint à l’examiner de beaucoup plus près et lui avoua qu’il la trouvait belle. Même maquillée, oui, c’est vrai que d’habitude, c’était l’inverse qui se disait et l’inverse qui importait, raison pour laquelle elle avait répondu plus par réflexe qu’autre chose. Mais Hunter ne faisait presque jamais rien comme tout le monde et ça faisait partie des choses qu’elle appréciait le plus chez lui. Ainsi il lui confirma qu’avec ou sans maquillage, il la trouvait belle. Très flatteur. Aveleen fut ravie de porter son foulard de superhéroïne criminelle, sans quoi il l’aurait vue rougir une fois de plus. Puis il ajouta qu’elle faisait ce qu’elle voulait de son corps. Encore heureux, oui, le fait de devoir constamment plaire à l’autre faisait partie des raisons pour lesquelles se mettre en couple ne l’avait jamais trop tentée ; quand bien même trouverait-elle l’envie et la motivation de le faire que ça demandait quand même beaucoup de temps. Du temps qu’elle n’avait pas souvent, préférant passer le sien à quelque chose de plus intéressant. Baissant les yeux, elle acquiesça d’un mouvement de tête et avoua à son tour :
« En ce qui me concerne, je trouve que tu fais un super Daredevil ! »
Une fois de plus, son regard glissa sur son corps. Oui, elle continuait de trouver que ça lui allait à merveille.

Les portes s’ouvrant sur une entrée des plus sombres mirent fin à la discussion tandis que le petit groupe entrait. Tout d’abord pour écouter l’histoire des lieux alors qu’il n’y avait pas grand-chose à voir. La rouquine bondit dans les airs en sentant une main s’emparer de la sienne alors que celles d’Hunter se trouvaient toujours sur ses épaules. Mais ce n’était que Todd. A qui elle sourit, bien qu’elle se dépêchât de récupérer sa main et qu’en plus de ça, il n’en vit probablement rien étant donné qu’elle portait toujours son foulard. Pas grave, ça se voyait quand même à ses yeux. Suite à quoi, Hunter eut tôt fait de le remettre littéralement à sa place, c’est-à-dire à l’autre extrémité de la file. Ils se mirent à avancer avec elle en tête de l’expédition. Progressant dans le couloir sombre, elle était toujours plus préoccupée par le fait de ne pas se prendre le pied dans le tapis que par ce qui pouvait bien sortir des murs. Surtout qu’elle s’y attendait, en fait, c’était le principe de ce genre d’endroits. A la première attaque d’un des figurants, Hunter lui hurla dans les oreilles en lui pressant les épaules, ce qui avait eu le don de la faire sursauter elle aussi, bien plus que le figurant lui-même en vérité.
« Non mais je m’y attendais. »
Puis elle se mit à rire en repensant à sa réaction.
« Toi, tu l’avais pas du tout vu venir en revanche ! »
Si elle était en train de se moquer ? Peut-être un peu mais c’était de bonne guerre puisqu’il y aurait forcément d’autres moments où elle ne ferait pas la fière non plus et qu’elle le savait très bien. Le couloir s’ouvrit alors sur une allée centrale bordée de part et d’autre de cellules… Une prison. Cling cling cling, les menottes des quelques prisonniers cliquetaient sinistrement contre les barreaux de leurs cellules respectives. Aveleen continuait d’avancer ; elle se doutait qu’à un moment, les portes allaient s’ouvrir, libérant les pires criminels existants sur eux mais ça ne lui faisait pas peur. Du moins pour l’instant. Et elle avait vu juste : une porte sur sa droite s’ouvrit et la criminelle qui l’occupait sauta alors sur Hunter. Elle ne fit rien de plus que poser son front sur son épaule mais ça suffit à le faire flipper. Et pas qu’un peu, elle le comprit au son de sa voix. Sans réfléchir, elle s’approcha d’eux et s’interposa.
« Okay, okay. Va falloir le lâcher maintenant, madame, je suis désolée mais il est pris pour la soirée. »
La femme partit d’un rire démentiel et accepta de le lui laisser.
« Viens là, faut qu’on avance. »
Surtout parce qu’ils bloquaient les autres derrière eux. Elle le prit par le bras et ils marchèrent côte à côte. Voilà qui était mieux. Il faut croire que Todd n’avait pas apprécié de se retrouver tout seul derrière puisqu’il choisit ce moment-là pour les rejoindre. Il se mit alors à leur expliquer que ça leur avait pris près d’un mois pour monter tout ça alors que d’autres figurants leur sautaient dessus par moment. Dont un qu’il n’avait pas vu venir puisqu’il fit un bond qui l’envoya au sol et qu’à défaut de se prendre les pieds dans le tapis, c’est dans Todd étendu par terre qu’elle se les prit à son tour, tombant dans une exclamation étouffée. Ça, c’est ce qu’on appelle un effet dominos.

Evidemment que non, c’était pas parce qu’il lui faisait un compliment qu’elle devait se sentir obligée de lui en faire un en retour. Elle le savait très bien et ce n’était d’ailleurs pas le cas. Mais Aveleen était depuis toujours quelqu’un qui réfléchissait beaucoup mais parlait assez peu. Surtout en société, en fait ; elle ne savait jamais quoi dire sur le moment et une fois que celui-ci était passé, des tas d’idées lui venaient en tête en se repassant mentalement la scène. Mais c’était trop tard. Alors bien sûr, il lui arrivait parfois d’avoir du répondant, mais c’était généralement dû à un coup de chance. En résumé, il fallait qu’elle soit vraiment très à l’aise avec quelqu’un pour pouvoir s’exprimer comme elle le souhaitait. Autant dire que ça n’arrivait pas souvent. Et dans le cas des compliments, il n’était pas rare qu’elle en fasse, non. Ça l’était plus que ceux-ci franchissent la barrière de ses lèvres, en revanche. Et ça, elle n’était pas sûre que quelqu’un qui ne soit pas dans ce cas puisse le comprendre. Elle tenta quand même :
« Bien sûr que je le sais et j’espère que toi tu sais que c’est pas pour cette raison que je le fais, ça m’a juste rappelé que je te l’avais pas encore dit. Et je te trouve encore plus canon que d’habitude. »
Ce qui n’était d’ailleurs pas un petit compliment parce qu’elle trouvait Hunter toujours canon. Même quand il sortait de douze heures sur ses écrans, et ça, c’était quand même prodigieux. Non, ça, elle n’avait pas menti lorsqu’elle lui avait avoué qu’il lui plaisait. Et puisqu’on en était au stade des confidences…
« Je savais que ça t’irait bien et j’espérais d’ailleurs secrètement que tu choisisses ce déguisement. Mais ça, je crois que ça se voit. »
Sans quoi, elle n’aurait peut-être pas pris la décision de se déguiser en Elektra, elle.

Bref, voilà qu’on les invitait à entrer dans cette maison de l’horreur alors l’heure n’était plus vraiment à la parlote. La rouquine regardait en tous sens sans vraiment y voir quoi que ce soit. Ce qui était bien sûr fait exprès ; ainsi, il serait plus facile de les surprendre en leur sautant dessus sans qu’ils puissent le voir venir. Se laissant guider, elle remarquait de temps à autres du personnel agitant des petites lampes rouges dans une direction pour indiquer le chemin, de la même manière qu’on indique aux avions où se poser. A croire qu’il y avait un ordre à suivre. Dans tous les cas, la première salle n’était autre qu’une prison à l’ambiance lugubre. Qu’elle se moque ? Mais bien entendu. Surtout qu’Hunter lui donnait matière à. En tout cas au début. Qu’il pousse un cri en se crispant sur ses épaules, c’était une chose. Le voir frôler la crise de panique parce qu’une figurante venait de poser son front contre son épaule en était une autre. C’était pas dans sa nature de laisser les gens dans le pétrin aussi ne réfléchit-elle pas avant d’essayer de raisonner la figurante et de lui laisser comprendre qu’aussi canon qu’il puisse être, ça serait avec elle qu’il passerait cette soirée.
« Elle doit être comme les chiens ou d’autres animaux : elle doit sentir la peur. »
Cette réflexion la fit sourire parce qu’indirectement, elle venait quand même de traiter cette pauvre nana de chienne. Et c’était peut-être pas très gentil mais c’était pas ce qu’elle entendait par-là, premièrement, et puis deuxièmement, c’était drôle.

Ils purent donc ensuite se remettre en marche et se virent rapidement rejoints par Todd qui, jusqu’ici, avait sagement écouté Hunter et était resté tout derrière. Et ce qu’il avait à raconter sur cet endroit aurait pu être intéressant sur le pas de sa porte alors qu’elle venait de lui livrer sa quatre saisons habituelle et que ça lui permettait de faire un petit break avant de reprendre la route mais pas trop là quand elle avait mieux à faire. Comme de veiller sur Hunter, par exemple. Non, cette petite expérience n’était pas en train de réveiller sa fibre maternelle mais le fait est qu’elle aimait bien lui porter secours quand il en avait besoin. Sa fibre de bon samaritain, disons. Ou de superhéroïne, voilà qui plairait mieux à Hunter. Bref, si elle avait plutôt prêté attention à où elle mettait les pieds, elle aurait peut-être pu enjamber Todd qui venait de s’écraser au sol. Au lieu de quoi, celui-ci l’entraîna dans sa chute. Fort heureusement, elle eut le réflexe de lâcher le bras d’Hunter au lieu de s’y cramponner, sinon, elle l’aurait fait tomber avec. Enfin, « fort heureusement » on sait pas trop puisqu’il finit par tomber à son tour, sûrement que lui aussi avait trébuché. Bien sûr, ça fit marrer tout le monde, elle y comprit. Secouant la tête, elle le rassura sur un point :
« Non, non, t’inquiètes, il te faudra quand même quelques pizzas de plus avant de me faire mal. »
Sous-entendant par-là qu’il n’était pas encore si lourd que ça. Par contre, elle ne fut pas mécontente qu’il se relève, l’attrapant au passage pour la remettre sur ses pieds. Avant d’ignorer la main tendue de Todd qui resta par terre. Avec un rappel qu’il lui fallait aussi rester derrière. Et comme si ça n’était pas suffisamment clair comme ça, les mains d’Hunter trouvèrent leur place sur ses hanches. Elle qui avait peur que les choses ne soient plus comme avant entre eux, la voilà rassurée. Bon, plus qu’à passer dans la salle suivante. Un asile, super !
« Attends-toi à ce que l’un d’entre eux te saute encore dessus, ils sont payés pour. »
De son côté, jusqu’ici ça allait, mis à part quelques sursauts tout ce qu’il y a de plus normal dans ce genre d’endroits, on pouvait pas dire qu’elle s’apprêtait à se faire dessus. En tout cas, c’est ce qu’elle pensait jusqu’à ce qu’un médecin ressemblant à Doc de Retour vers le Futur fonde sur eux, un pic à glace à la main en leur demandant s’ils étaient prêts pour leur intervention. La rouquine se raidit une fois de plus – c’est qu’il lui faudrait trouver un moyen de se détendre en sortant de là -, mais le rembarra vite fait.
« Pas de lobotomie pour nous mais demandez donc à ceux de derrière pour changer. »
C’est vrai, quoi, comme elle était en tête de file, c’était toujours elle qui se faisait attaquer.

Le faire rougir ? Serait-ce possible ? Le plus souvent, c’était elle qui rougissait et pas qu’un peu. Et comme elle était blanche comme un cul, ça se remarquait d’autant plus. Mais elle ne se rappelait pas l’avoir jamais vu rougir, lui. Peut-être parce que son teint était plus hâlé que le sien alors ça ne se voyait pas. Dans tous les cas, un jour ou l’autre, elle en ferait sa mission. Mais pas ce soir.
« Très bien, alors j’arrête. »
De toute façon, c’était le moment d’entrer dans cette maison pour laquelle ils avaient fait le déplacement. Un truc énorme soit dit en passant ; elle était un peu surprise que la ville ait décidé de mettre le paquet pour une fête que la Nouvelle Zélande ne célébrait que depuis très peu de temps, en fin de compte. Mais ça ne serait pas elle qui s’en plaindrait, c’était toujours mieux que de passer la soirée au fond de son lit à regarder des films d’horreur qu’elle avait déjà vu un million de fois parce que les récents… Ah, c’était plus ce que c’était, voilà tout. Enfin, disons que ça dépendait des jours, bien sûr. Mais cette soirée-là, elle avait surtout envie de la passer avec Hunter, à faire des choses qui leur plaisaient à tous les deux.

Comme de passer un peu de temps dans une maison hantée, donc. Pourtant, ça revenait à prendre un très gros risque étant donné qu’Hunter pouvait parfois se montrer un peu colérique. Un peu étant un euphémisme, elle avait déjà été témoin de ses crises de colère. Sa réplique, digne d’un film de superhéros la fit autant sourire qu’hausser les sourcils.
« Va pas la casser en deux non plus, steuplaît, j’ai pas super envie de retourner au commissariat ce soir. »
Ni un autre d’ailleurs, quand Aveleen s’y rendait, ce n’était jamais de gaieté de cœur. Mais effectivement, c’était un risque à courir. Et puis, c’était carrément le truc de Daredevil de coller des raclées dont on se souvenait à tous ses ennemis, pour le coup. Non, Daredevil n’avait pas d’autres super pouvoirs qu’une super ouïe – puis d’être très craquant, aussi, quand même -, mais c’est ce qui le rendait intéressant aux yeux de la rouquine en tout cas. Bref, après cette chute mémorable – et une remise en place tout aussi mémorable -, ils surent de quoi ils dîneraient ce soir. Et purent accessoirement délaisser la prison pour passer dans la salle suivante. Qui n’était autre qu’un asile. Comme tout le monde, imaginait-elle, elle n’était pas très à l’aise avec l’ambiance lobotomie, folie et électrochoc, mais ça ne la terrifiait pas non plus. Pas comme le fait que ce savant fou lui fonde dessus en leur demandant s’ils étaient prêts pour leur intervention. L’effet de surprise, ça marchait toujours, surtout dans les maisons hantées et autres trains fantômes en tout cas. Pour ce qui était des films d’horreur en revanche, beaucoup moins. Dans tous les cas, elle eut tôt fait de lui faire comprendre que depuis le début, elle se prenait l’essentiel des attaques alors que ceux du fond, eux, passaient leur temps à se marrer. Ce à quoi Hunter ajouta que l’un d’eux avait envie de se faire faire une vasectomie, se référant sûrement à Todd. La rouquine s’esclaffa alors que le pauvre Todd quand même… Il était peut-être un peu simplet sur les bords, mais il n’était pas méchant non plus. C’est alors qu’elle s’arrêta sur quelque chose qu’Hunter venait de dire mais à laquelle elle n’avait pas vraiment prêté attention tant ça lui avait paru naturel.
« Attends, ta quoi ? »
Elle n’avait pas eu le temps de tourner la tête dans sa direction pour le regarder qu’il se penchait pour venir lui murmurer quelque chose à l’oreille. Et ça n’avait rien à voir avec la précédente question. Mais ça la fit quand même sourire.
« Dégoûté à vie, le pauvre ! »
Ce fut donc ainsi qu’ils traversèrent cet asile, assez sereinement tout compte fait pour finalement se retrouver au sommet d’un escalier de pierre tout mouillé descendant vers ce qui semblait être une cave, à priori. C’était clairement un coup à se casser quelque chose, ça, et Aveleen ralentit encore l’allure pour ne pas glisser, cette fois. C’est alors qu’il la dépassa tout en précisant que, pour une fois, il passerait en premier. Un peu surprise, elle le regarda faire mais ne dit rien, saisissant sa chance au vol et, d’un pas prudent, commença à descendre les marches une à une. Si elle s’attendait à voir Hunter disparaître de son champ de vision d’un instant à l’autre ? Un peu. Mais elle espérait que ça ne serait pas le cas non plus parce qu’elle n’avait pas plus envie de terminer cette soirée aux urgences qu’à la police. De son côté, à force d’être trop prudente, la rouquine dérapa mais s’évita une nouvelle chute en se cramponnant fermement à la rampe. Arrivée au bas des marches, elle vit qu’Hunter s’était figé, lui. Aussi blême que s’il venait de croiser un fantôme, il lui apprit alors détester les cimetières. Bon, ça n’était pas dénué de sens. Elle revint donc à ses côtés et lui reprit le bras.
« C’est jamais qu’un décor. Touche, c’est même pas de la vraie pierre. »
Ce faisant, elle s’avança vers la première stèle et la toucha pour lui montrer qu’il n’y avait rien à craindre et c’est à ce moment-là qu’une main sortit du sol fraîchement retourné, lui faisant pousser un cri par la même occasion. Oh ce qu’elle pouvait détester qu’on la pigeonne de cette manière !
« Je vais ressortir d’ici aphone, tu vas voir. »

Manquerait plus qu’Hunter se paye un vrai coup de flippe et, par réflexe, mette un coup à l’un de ces figurants. Et cette idée ne sortait pas de nulle part, Aveleen l’avait déjà vu faire dans certaines vidéos, c’était un réflexe que certaines personnes avaient. Et connaissant les grosses colères d’Hunter, ça ne l’étonnerait pas le moins du monde qu’il en fasse partie, de ces personnes. Cependant sa réponse, et plus précisément la façon dont il lui répondit, la fit sourire et eut le don de la rassurer. Il faut dire que lui non plus n’avait probablement pas envie de rendre une nouvelle visite à ce flic si peu courtois qu’ils s’étaient bien amusés à faire flipper cette… Dernière nuit avant celle-ci. Et ce fut donc pratiquement sans sourciller qu’ils traversèrent la salle suivante. Les hôpitaux psychiatriques, c’était bien trop cliché pour l’un comme pour l’autre et mis à part quand un employé s’amusait à leur sauter dessus, pas question pour eux de trembler des genoux. Et la seule chose qui retint l’attention de la rouquine fut un mot qu’Hunter laissa échapper. Par mégarde, sans doute puisque, lorsqu’elle lui posa question, il préféra faire comme s’il n’avait en fait rien dit. Aveleen supposa alors qu’il regrettait de s’être un peu emballé. Soit. Elle ferait comme si elle n’avait rien entendu.

Riant un peu aux dépends de ce pauvre Todd les voilà qui surplombent un escalier menant à ce qui devait être la cave. Comme elle l’avait fait jusqu’à présent, elle s’attendait à devoir passer en premier une fois de plus mais Hunter la surprit en la devançant, prenant alors la tête de leur petite troupe. Pour un très court instant, cela dit, puisqu’une fois arrivé au bas des marches, il se rendit compte que la cave avait été reconvertie en cimetière. Et de toute évidence, il n’était pas un grand fan des cimetières. Pas mécontente de pouvoir lâcher la rampe sans avoir peur de se fracasser lamentablement la tronche, la rouquine tenta une fois de plus de le rassurer en lui démontrant que tout ça, c’est pour de faux. Ce faisant, elle en oublia presqu’où elle se trouvait et qu’à tout moment, un figurant pouvait surgir de la pénombre pour se jeter sur elle. C’est bien pour cette raison précise que ce fut à son tour de pousser un hurlement quand des mains sortirent subitement de terre pour se tendre vers elle. Un de ceux qui vous cassent un peu la gorge, même. Comme en échos, Hunter suivit le mouvement et elle aurait pu se tordre de rire si elle n’avait pas été aussi surprise. D’ailleurs elle ne dut pas être la seule puisque d’autres cris résonnèrent derrière eux.

C’est alors que sans crier gare, il lui chopa la main et l’attira plus près de lui tout en clamant que, ce que lui voulait, c’était sortir d’ici en vie. Ça aussi, ça l’amusait beaucoup mais tout ce qu’elle trouva à répondre fut :
« Tant qu’on reste ensemble, ça devrait le faire. Je te lâcherai pas. »
Et elle était tout ce qu’il y a de plus sérieux, d’autant que le savoir aussi proche d’elle alors qu’il aurait très bien pu prendre ses jambes à son cou en la laissant se démerder de son côté fit naître une douce chaleur au creux de sa poitrine. Un peu comme cette fois-là, face au requin... Jusqu’à ce que Todd trouve le moyen de remonter à leur niveau, leur demandant alors de le suivre direction la sortie. Ben pourquoi pas, après tout ? Ne faisait-il pas partie de ces gens qui ont mis cette maison hantée en place ? Si quelqu’un devait bien connaître les lieux, c’était lui. Tout en continuant de raser les murs, elle n’écoutait que d’une oreille ce que son client avait à dire sur la suite des évènements. Une frontale ? Elle se demandait bien pourquoi mais Todd ne fit pas durer le suspense plus longtemps et leur apprit que ce qui les attendait à présent, c’était une sorte de tuyau terreux. Ayant subitement chaud, Aveleen se passa la main sur le front pour s’apercevoirqu’elle ne faisait pas que le cauchemarder, non, elle avait bien des sueurs froides rien qu’à entendre ces mots. D’un geste imprécis, comme dans un cauchemar encore une fois, elle récupéra la frontale qu’Hunter était en train de lui tendre et l’observa longuement dans le creux de sa main. D’un air désespéré, elle se tourna ensuite vers Todd.
« J’ai… Pas très envie de passer par-là. Y aurait pas une autre sortie, par hasard ? »
Sans prendre la peine de formuler un mot pour lui répondre, il secoua la tête et enfila sa propre frontale. Comme à Roland Garros, elle les regarda tour à tour puis poussa un long soupir.
« Bon, okay, mais on traîne pas, alors… »
Posant la frontale sur sa tête, elle laissa Hunter l’allumer à sa place parce que de toute manière, avec ou sans lumière, pour elle ç’allait être un véritable enfer puis elle le laissa une fois de plus passer devant. En d’autres circonstances, elle se serait régalée de cette super vue sur ses fesses ou bien elle n’aurait cessé de penser à celle que Todd avait sur les siennes mais là, elle avait bien d’autres choses en tête, comme :
« Putain, quelle horreur, on dirait qu’on est en train de refaire the Human Centipede. »
Mais ce n’était pas le pire. Non, le pire c’est qu’elle avait la très désagréable impression de respirer de plus en plus mal. Comme si un poids était en train de lui écraser la poitrine. Alors elle continuait à avancer à quatre pattes, oui, mais elle n’avait pas la moindre idée de jusqu’à quand elle en serait capable.
« Vite, Hunter, plus vite s’il-te-plait, je veux sortir de là ! »
Elle aurait pu le pousser pour l’aider à avancer mais elle s’abstint ; elle l’aurait fait de manière trop brusque, sinon.