{Noomes} - Un resto pour la plus belle des déesses

Nouveau coup d’œil à la ronde pour estimer si les gens présents en avaient réellement quelque chose à faire d’eux ou bien s’ils s’en foutaient royalement et ne se préoccupaient désormais plus que de ce qui se trouvait dans leurs assiettes. Difficile à dire. Certains continuaient de les regarder à la dérobée, s’attendant peut-être à une sorte de spectacle, comme une demande en mariage peut-être, parce que leurs petites têtes ne pouvaient imaginer que quelqu’un quelque part dans le monde puisse faire autant d’efforts pour sa moitié sans avoir une autre idée derrière la tête – mais Noomi connaissait Jimmy et bien qu’elle sache que ça restait une possibilité, elle en serait très sûrement la première étonnée -, mais les autres donnaient l’impression de ne plus leur accorder la moindre importance. La blonde pouffa gentiment à ce qu’il lui dit.
« Même si ce test était positif, j’crois pas qu’une bande de parfaits inconnus en seraient les premiers avertis. Même si ce sont des fans. »
De l’un comme de l’autre, d’ailleurs. D’abord les proches. Pour sa part, Noomi n’en avaient plus tellement. Enfin, elle connaissait des tas de gens, bien sûr, mais y en avait pas tellement qu’elle considérait vraiment comme des proches. Et bien sûr, la toute première personne qui serait mise au courant après Jimmy serait son père. Tous les autres, même Sarah, pouvaient attendre un peu. Du moins de son côté.

Mais ça, c’était seulement dans l’éventualité où elle serait enceinte. Possible. Probable, même, étant donné qu’ils ne faisaient pas particulièrement attention bien que la grecque continuait de prendre sa pilule contraceptive, un oubli était vite arrivé, mais maintenant que ce poids ne lui pesait plus sur la poitrine et qu’elle avait – lui semblait-il tout du moins – recouvré l’appétit, elle y croyait de moins en moins. Sans doute que l’angoisse découlant de ce qui aurait pu être une simple intoxication alimentaire avait pris d’énormes proportions. Si Noomi serait un peu déçue de cette issue ? Peut-être… Mais ça lui permettait au moins de savoir où Jimmy se plaçait à ce propos, lui. Et ça, c’était pas rien, surtout que ça n’empêchait en rien qu’un jour ou l’autre ils conviennent ensemble de l’oublier, cette pilule. Enfin bref, inutile de précipiter les choses puisqu’elle ne savait toujours pas si elle était enceinte ou non. Peut-être n’y aurait-il pas besoin d’oublier quoi que ce soit. Un sourire étira ses lèvres lorsqu’il lui demanda si elle avait déjà eu le temps de choisir quelque chose ou non.
« Non, mais maintenant, j’sais de quoi j’ai envie. »
Ce qui tombait bien étant donné que c’était apparemment aussi le cas de Jimmy. Elle le laissa appeler le serveur qui se tenait de toute façon tout à côté, un peu comme s’il n’avait personne d’autre à servir qu’eux – et compte tenu du fait qu’ils étaient toujours les derniers arrivés, ceci expliquait peut-être cela – et ils purent enfin passer commande. Pour la blonde, pas de pizza ni de lasagne pour une fois mais, une fois n’est donc pas coutume, des pâtes. Avec une sauce crème-champignons. Oui, elle se sentait vraiment mieux et puis de toute manière, elle n’était pas au restaurant pour manger des pâtes au beurre, ça, elle aurait tout aussi bien pu le faire chez elle. Et de ses blanches mains, qui plus est.

Noomi prit le temps de réfléchir à la question ; si elle ne serait pas curieuse si les rôles étaient inversés ? Peut-être que si… Sûrement que si, force était de l’admettre. Elle avait beau clamer à tout qui voulait l’entendre que les gens pouvaient bien faire ce qu’ils voulaient, ça ne lui faisait ni chaud ni froid, d’autant qu’elle faisait très clairement partie de ces gens qui pensent qu’il faut faire des expériences dans la vie, ça ne changeait rien au fait que s’il se passait quelque chose qui sortait un tant soit peu de l’ordinaire, elle ferait très certainement partie des premiers à se ruer sur le devant de la scène pour voir de quoi il s’agissait. Après avoir joué des coudes pour se faire une place, bien sûr.
« Moi ? Nooon… Jamais ! »
Bien incapable de garder son sérieux plus longtemps, elle se mit à pouffer aussitôt.
« Bon d’accord, peut-être que t’as raison. »
Pas de peut-être, en fait, il avait carrément raison et ça ne l’étonnait pas vraiment puisqu’au fond, elle n’avait plus de surprise pour lui. Mais l’inverse n’était pas vrai et Jimmy le lui prouva en lui faisant savoir qu’il n’avait pas l’intention de disparaître pour le dessert, faisant aussi bien référence au fait qu’elle sache de quoi elle avait envie désormais qu’à leur tout premier dîner en tête à tête sur le sol néozélandais. La grecque avait oublié des tas de choses depuis son accident, mais absolument aucun détail de cette soirée très particulière. Encore moins le dessert, peut-être. Une première fois qui ne lui était jamais sortie de la tête, contrairement à beaucoup d’autres. Noomi ne put donc retenir l’expression de surprise qui s’afficha sur son visage, très vite remplacée par une petite moue appréciatrice.
« Ah ça, t’es tout intérêt à pas trop t’éloigner ! »
Et pourquoi le ferait-il ? C’était généralement elle qui quittait le domicile le soir, pour aller bosser. Pas pour aller faire la folle. Quoique, ça pouvait lui arriver. Des tas de trucs complètement dingues avaient quand même tendance à lui tomber dessus quand elle sortait seulement prendre un café alors… Bref, le serveur vint se dresser à côté d’eux et la blonde laissa Jimmy passer commande en premier. Valeur sûre, les lasagnes, surtout les leurs. Puis ce fut son tour de passer commande et y eut plus qu’à attendre. Et surtout profiter car jusque-là, elle n’en avait pas encore vraiment eu l’occasion. Ce qui était dommage puisque c’était pas tous les jours qu’on privatisait quelques tables dans un restaurant, ni qu’on s’apprêtait aussi élégamment. Noomi avait un peu l’impression qu’après ça, c’est à une remise de prix qu’ils vont se rendre. Pas les Oscars qu’elle aurait sûrement tendance à boycotter si elle y était invitée parce qu’elle ne trouve plus – si tant est que ç’ait un jour été le cas – que gagner un Oscar veut dire qu’on a du talent, ça veut juste dire qu’on est dans le vent. En fait, elle ne serait même pas plus étonnée que ça de voir un jour un film Marvel remporter un Oscar, ce qui aurait été une véritable insulte au cinéma y a de ça à peine quelques années. Mais peut-être les Golden Globes, tiens. Ou les SAG Awards.
« Ça m’passe par la tête que maint’nant mais après ça, on prend l’avion pour défiler sur un tapis rouge, c’est ça ? »
Qu’elle puisse au moins se pavaner dans sa jolie robe !

Noomi pouvait toujours compter sur Jimmy pour entrer dans ses délires. Et comme avec elle, ça pouvait partir très loin, c’était pas plus mal. En un mot comme en cent, ils étaient définitivement faits l’un pour l’autre, c’était un fait. Ainsi, il marcha donc dedans, sauf qu’au lieu de s’envoler pour Los Angeles – en même temps, ils y étaient déjà allés donc autant s’imaginer une autre destination -, c’était à Las Vegas qu’ils atterriraient cette fois-ci. Histoire d’aller dépenser un peu d’argent. Mais Las Vegas, c’était pas que les casinos non plus, heureusement. Seulement, la grecque était à peu près sûre que tous les spectacles, même ceux en extérieur, sans doute, devaient être payants. A l’exception peut-être des fontaines du Bellagio. Bref, maintenant qu’il en parlait, l’idée d’aller faire un tour dans le Nevada un de ces jours tentait bien Noomi, mais c’était quand même le genre de voyages qu’il valait mieux prévoir un peu à l’avance, donc elle ne pouvait y croire. Enfin, venant de son Jimmy, ça ne la surprendrait pas tellement non plus étant donné que lui était carrément du genre à tout organiser et sans forcément la consulter d’abord. Petit sourire espiègle aux lèvres, elle répondit :
« J’ai compris, le but c’est d’me faire acheter des fringues de strip-teaseuse à la boutique de l’hôtel. »
Sinon, elle pouvait continuer de déambuler dans cette jolie robe, c’est sûr, mais quelque chose lui disait que viendrait bien un moment où elle ne serait plus de circonstance. Même si cette robe avait l’air d’avoir été créée pour être portée en toutes circonstances, justement. Bref, tout ça pour dire que ça ne la dérangerait pas de porter des fringues de strip-teaseuse, le cas échéant. Et elle n’était probablement pas la seule que ça ne dérangerait pas parce qu’elle était à peu près sûre que Jimmy ne serait pas le seul à en profiter.

Mais soit, tout ça n’était qu’hypothétique puisqu’elle était à peu près sûre que ce n’était pas ça qui l’attendait après le déjeuner. D’ailleurs, si ça se trouve, rien ne l’attendait après le déjeuner et elle s’en contenterait tout à fait parce que rien que ça, c’était déjà très cool. Et en parlant de repas, voilà qu’on leur apportait déjà leurs plats. Faut dire qu’avec tout ça, le restaurant avait déjà commencé à se vider un peu. Seuls restaient des gens s’attardant dans l’espoir d’en apprendre un peu plus sur cet évènement venu pimenter leur quotidien sans doute un peu morne. Peut-être qu’eux aussi attendaient désespérément le résultat de ce test de grossesse – encore qu’elle n’était pas du tout sûre qu’ils puissent savoir qu’il s’agisse d’un test de grossesse et non d’un stylo ou autre truc du genre mais admettons – ou encore une éventuelle demande en mariage ou autre grande annonce où on se sent obligé de mettre les petits plats dans les grands. Sa pizza fut alors posée devant elle et la blonde s’empara de ses couverts. Pas le choix, elle était au restaurant, quand même. Elle commença à la découper puis reposa sa fourchette pour l’échanger contre son verre qu’elle leva en direction de Jimmy.
« A nous et à tes idées d’génie ! »

Une fois les plats servis, Noomi jugea bon de trinquer. Non, elle ne s’attendait pas vraiment à quitter le resto, monter en voiture pour se rendre ensuite à l’aéroport direction Las Vegas. Mais elle savait très bien que Jimmy en était tout à fait capable. C’est qu’il avait toujours été plein de ressources et, très tôt, elle avait eu l’occasion de se rendre compte qu’il n’avait pas froid aux yeux. Fallait au moins ça pour pouvoir supporter la grecque au quotidien. Bien qu’au fil du temps, elle ait fini par mettre un peu d’eau dans son vin, elle pouvait comprendre qu’à force, la fréquenter soit usant et en était souvent venue à la conclusion que c’était en partie ça qui lui avait coûté son mariage. Mais en partie seulement parce qu’elle n’était pas non plus du genre à se flageller en solitaire. Non, si elle reconnaissait volontiers ses torts, elle savait très bien qu’elle n’était pas la seule fautive. Et puis ça faisait belle lurette qu’elle ne se posait même plus de questions à ce sujet : c’était pour le mieux. C’est vrai, quoi, sans ça, elle ne serait pas là aujourd’hui à manger une pizza avec le plus incroyable et fantastique homme qu’il lui ait été donné de rencontrer, en train de porter un toast à son génie tandis qu’il trinquait à sa beauté. Celle d’une déesse, selon ses dires. Bien possible puisqu’un sang grec circulait à moitié dans ses veines. Riant, elle commenta :
« Tu vas finir par m’faire rougir. »
Ce qui était rare chez Noomi mais pas impossible. Surtout quand c’était la bonne personne qui trouvait les bons mots. Bref, après une gorgée, elle attaqua son plat. Non, elle n’était pas déçue et sa nausée ayant fini par passer, elle pouvait en profiter. Enfin, pas trop non plus parce qu’elle gardait en tête la promesse d’un dessert et pas n’importe lequel, alors ça serait dommage que la digestion l’empêche de profiter de ça aussi. Puis après quelques bouchées, elle regarda autour d’elle et laissa sortir à voix haute une réflexion qu’elle s’était faite tout bas.
« Ça fait bizarre que Sarah soit pas là, tu trouves pas ? »
Et ce qui était le plus marrant dans tout ça, c’est que Sarah, à l’instar de Noomi au même âge, continuait d’être ballotée d’un foyer à l’autre. Ce qui signifiait qu’ils ne l’avaient même pas toujours dans les pattes. En tout cas bien moins qu’avant l’accident où il semblait presque impossible de décoller mère et fille. Et justement, c’était le genre d’endroits où elle ne serait jamais allée sans sa fille. Sauf peut-être durant ses heures de travail, mais le fait est qu’elle n’avait jamais eu des horaires classiques, pas même en temps que pianiste. Et passée une certaine heure, eh bien les pizzérias étaient fermées. Si elle ne savait pas que Sarah était elle aussi en train de se régaler de son côté, peut-être qu’elle serait à deux doigts de culpabiliser un brin.

Noomi avait beau être du genre à ne croire qu’en ce qu’elle pouvait voir – et jusqu’à preuve du contraire, elle n’avait jamais vu de Dieux ou alors elle était passé à côté d’Eux sans jamais les remarquer et dans ce cas, ça cassait quand même un peu le mythe -, elle ne pouvait nier qu’elle avait toujours été fascinée par la mythologie de chez elle. Qu’il s’agisse des Dieux de l’Olympe ou même des lwas – le souci avec ces derniers, c’est que l’assassin de la femme de Jimmy s’était servi de tout ce folklore pour justifier son acte et ça, c’était terrible -, d’ailleurs. Et, elle n’irait quand même pas jusqu’à dire qu’elle croyait à l’un ou à l’autre – ces mots auraient vraiment beaucoup de mal à franchir le cap de ses lèvres -, mais l’idée la séduisait un peu quand même. Alors s’entendre dire que son sang grec lui conférait le statut de déesse aux yeux de Jimmy, ça lui plaisait bien aussi. Etirant un petit sourire en coin, elle répondit :
« Ces Dieux-là, oui, c’est c’qu’on dit et si ça suffit à faire de moi une déesse, alors ça m’va. »
Mais quand même, c’était pas un petit compliment qu’il était en train de lui faire. Raison pour laquelle elle préféra ne pas tellement s’appesantir sur le sujet et formuler à voix haute ce qu’elle était en train de penser tout bas, à savoir que ça faisait quand même un peu bizarre qu’ils s’amusent sans Sarah. Ce qu’elle devait être la seule à ressentir parce que c’était quand même pas quelque chose qu’ils faisaient souvent et que, généralement, quoi qu’ils fassent, sa fille était de la partie alors y avait vraiment pas besoin de culpabiliser pour si peu. Mais il faudrait être une mère pour comprendre ce qu’elle ressentait dans ces moments-là. Là-dessus, Jimmy lui demanda ce que ça changerait pour elle ou même pour eux si la petite était là et la blonde prit alors le temps de la réflexion tout en commençant à manger – après lui avoir souhaité un bon appétit – pour éviter que ça refroidisse. C’est vrai, qu’est-ce que ça pourrait bien changer ? Au bout de quelques secondes de réflexion, elle finit par hausser les épaules.
« J’en sais rien. Faudrait que j’vérifie qu’elle termine bien son plat avant d’se ruer sur le dessert et faudrait que j’l’occupe pour qu’le temps lui semble pas trop long. »
En d’autres termes, son attention serait accaparée par Sarah parce que c’était ça, d’avoir des enfants : c’était pas de tout repos. Mais le fait est que, quand elle pouvait se permettre de focaliser toute son attention sur autre chose que sa fille, Noomi finissait invariablement par se sentir un peu perdue, comme si elle ne savait plus trop qu’en faire.
« Mais j’y peux rien, j’me sens un peu coupable d’être au resto sans elle. C’est idiot, j’sais bien… »
Voilà qui avait été dit. Et la blonde ne s’attendait pas à ce que Jimmy comprenne parce qu’elle-même avait déjà du mal à comprendre, surtout pour une pizza, en fait. A force, c’était un peu devenu leur rituel du vendredi soir de s’en faire livrer, d’ici-même, alors y avait vraiment pas de quoi en faire tout une histoire comme ça, c’est sûr.

Ça, c’est sûr que Sarah faisait partie intégrante de sa vie. Depuis sa naissance, et comme la plupart des mères sans doute, son monde ne tournait plus qu’autour d’elle. Chaque décision, même les plus personnelles, était prise en fonction de ce que pourrait en dire Sarah. Et de comment elle pourrait le prendre, de comment elle pourrait le vivre, de l’impact que ça pourrait avoir sur elle. Non, c’est sûr qu’avant qu’on ne lui fourre ce tout petit – mais très bel – alien dans les bras pour la toute première fois, elle n’aurait jamais cru qu’elle puisse vivre un jour pour quelqu’un d’autre. Et pourtant. Mais elle pourrait comprendre que Jimmy voie les choses différemment ; même s’il la considérait pratiquement comme sa fille, il n’avait pas le même lien avec elle. Dès lors, entendre parler de Sarah toutes les cinq secondes dès qu’elle ne se trouvait pas dans la même pièce aurait pu vite devenir un problème pour lui. Mais non, même pas puisqu’il venait de dire qu’elle faisait partie intégrante de sa vie aussi. Ce qu’elle avait pu constater au cours de ces dernières années, oui. Mais ça la rassurait quand même de l’entendre dire. Une bouffée d’affection lui remonta soudain dans la poitrine et, spontanément, elle posa sa fourchette et tendit le bras pour venir lui caresser la joue avec tendresse. Il ajouta ensuite que, pour une fois qu’ils n’étaient que tous les deux, il valait mieux en profiter plutôt que de culpabiliser et, par réflexe, Noomi hocha la tête. C’est qu’il avait raison ; sa fille n’était peut-être pas là, mais elle la savait entre de meilleures mains que celles de Frank et c’était pas pour une fois, ça ne faisait pas subitement d’elle une mauvaise mère.
« T’as raison, ouais. J’te demande pardon, j’promets d’essayer d’en profiter au mieux. »
Parce qu’au fond, c’était pas comme si elle faisait exprès non plus. Puis Jimmy proposa même de revenir la semaine prochaine avec la petite, si ça pouvait l’aider à se sentir moins coupable. La blonde sourit parce qu’au fond, elle n’était peut-être pas si imprévisible qu’elle le croyait. En tout cas, pas sur ce point-là. En effet, savoir qu’ils reviendraient la semaine prochaine avec Sarah suffisait à alléger ce poids qui se faisait un peu lourd sur sa poitrine.
« J’me demande bien c’que j’ferais sans toi ! »
Ben, la réponse n’était pas bien difficile à trouver puisque c’était depuis que Jimmy s’était un peu mieux incrusté dans sa vie que la mémoire de Noomi allait mieux alors c’est sûr que s’il n’avait pas été là, ça ne serait pas chez son grand-père que Sarah serait actuellement mais chez son père et la grecque n’aurait pas non plus eu droit à un dîner romantique dans ce goût-là. En fait, elle n’aurait tout simplement pas eu la tête à ça, préférant se changer les idées d’une manière sûrement bien moins saine, n’ayant alors aucune crainte d’être de nouveau enceinte ou pas. Non, c’est sûr que tous les jours elle remerciait les Dieux – ceux de l’Olympe, donc – de l’avoir mis sur son chemin dans un premier temps. Poussé vers elle dans un second.

Jimmy avait raison quand il disait que c’était tout à fait normal qu’elle réagisse comme ça. Elle était une mère après tout. Et une bonne, par-dessus le marché, alors oui, c’était normal. Mais bien qu’elle soit une mère avant tout autre chose, Noomi ne voulait pas être que ça non plus. Moins maintenant en tout cas, puisqu’à une époque, son rôle ne s’était vraiment résumé qu’à ça et à rien d’autre. Ce qui lui avait valu de se sentir si mal dans sa propre peau qu’elle n’en voulait même plus, au bout du compte, quand son ex-mari avait eu l’audace de repointer sa trogne dans sa vie. Alors sûrement que par un réflexe d’auto-défense, elle cherchait désormais à ne plus être que ça, mais une femme entière. Ce qui, comme vous l’aurez sans aucun doute remarqué, ne changeait rien au fait que son statut de mère restait tout de même au-dessus de tous les autres. Et mine de rien, c’était un sacré soulagement pour la grecque que Jimmy parvienne à le comprendre ; elle avait parfois l’impression de lui en demander tant. Raison pour laquelle elle en vint à cette confession. Maintenant qu’il partageait sa vie, Noomi en venait souvent à se demander ce qu’elle ferait sans lui. Oh, nul doute qu’elle pourrait survivre, oui. C’était une battante, elle l’avait démontré à plusieurs reprises. Même au fond du gouffre, elle était du genre à donner un bon coup de talon pour remonter à la surface. Après une durée non-déterminée dans les fonds marins peut-être, mais quand même. Bref, tout ça pour dire que bien sûr, elle pourrait survivre, tout comme il le lui fit d’ailleurs remarquer, mais ça n’aurait clairement pas la même saveur. Qu’elle n’avait d’ailleurs pas envie de connaître maintenant qu’elle avait goûté à ça. Attentive, elle écouta la suite et se sentit fondre puisqu’il poursuivit en mentionnant le fait que la question ne se posait même pas puisqu’il était là et qu’il n’avait pas l’intention de s’en aller. Qu’elle était la femme de sa vie et qu’il ne voulait plus rien rater de la sienne. Cette déclaration la laissait sans voix. Pourtant, elle savait tout ça. De toute évidence, Noomi savait qu’elle avait une chance folle que Jimmy se soit décidé à la rejoindre en Nouvelle Zélande parce qu’il l’aimait. Et qu’elle l’aimait aussi. Mais justement, elle n’avait rien connu d’aussi pur et beau de toute sa vie alors elle s’attendait parfois un peu à une sorte de vice caché dans leur relation. C’était toujours comme ça que ça marchait, non ? Ceci dit, elle avait fait le choix d’ignorer cette possibilité aussi souvent que possible et si vice caché y avait vraiment, celui-ci lui pèterait méchamment au visage, mais si ce n’était pas une fatalité, alors au moins en aurait-elle profité à fond.
« Je t’aime, tu sais ? »
En théorie, il ne devrait pas avoir particulièrement pas besoin d’un rappel parce que les mots n’avaient jamais eu de mal à franchir les lèvres de la grecque. Attention, ça ne signifiait pas pour autant qu’elle les sortait à tout bout de champ non plus, mais quand elle les pensait vraiment, à quoi bon les taire ?

Evidemment qu’il l’aimait aussi, sinon il ne ferait pas tout ça et il ne serait pas la personne la plus adorable qui ait jamais foulé cette terre avec elle, Noomi n’était pas sans le savoir. Et pourtant, à elle aussi, ça lui faisait toujours autant plaisir de se l’entendre dire. Souriant, elle acquiesça tout en serrant la main de Jimmy dans la sienne et en se perdant elle aussi dans ses yeux. C’est ainsi qu’elle se prit à imaginer la tête que pourrait avoir leur enfant si ce test s’avérait positif. Elle était bien placée pour savoir que la génétique était parfois carrément à côté de la plaque puisqu’il n’y avait qu’à placer Sarah à côté d’elle pour s’apercevoir que la petite avait tout pris de sa mère en ne récupérant que le sourire de son père, ce qui n’était pas plus mal pour le coup, mais elle était certaine qu’il hériterait de leurs yeux bleus, lui aussi. Mais mieux valait qu’elle n’y pense pas trop parce qu’elle qui était si sûre de ne pas en vouloir tout de suite, un peu plus tôt dans la journée, elle serait bien capable d’être déçue si elle apprenait que finalement fausse alerte. Tout ça pour dire qu’au fond, elle ne savait pas trop ce qu’elle voulait. Probablement parce que rien n’avait été planifié à l’avance. Comme la fois précédente, vous me direz. Et oui, elle devrait commencer à avoir l’habitude que ça se passe comme ça, mais peut-être avait-elle envie que les choses soient différentes cette fois-ci. Dans tous les cas, elle put alors se concentrer de nouveau sur sa pizza, évitant que celle-ci ne refroidisse, sans quoi elle saurait pourquoi elle aurait des nausées. Ils eurent le temps de finir leur repas au calme, les autres clients ayant tous finis par déserter avant qu’ils n’en arrivent au dessert. Puis elle consulta sa montre, estima qu’il lui restait encore assez de temps devant elle avant de prendre la direction de la radio, d’autant qu’elle n’était même pas obligée de rentrer se changer avant – ce qu’elle ferait tout de même, pas tant pour se changer mais pour embrasser sa fille qui serait rentrée d’ici-là.
« Alors, quelle est la suite du programme, m’sieur Terrier ? Enfin, en dehors du tapis rouge, évidemment. »
De son côté, elle avait bien deux ou trois idées. Ils pouvaient aller à l’opéra, par exemple. Mais ça serait quand même drôlement chiant. Ou encore au théâtre – pareil, chiant -, au cinéma en se faisant passer pour des vedettes, à une expo – mais pas celle où ils étaient allés avec Dorian parce qu’après le pain qu’elle avait collé à la personne qui jouait les statues, elle n’était pas du tout sûre qu’on l’accueillerait de nouveau avec le sourire bien que pour le coup, ça n’était rien de plus qu’un accident. Bref à peu près n’importe où sauf peut-être à la plage. A moins de trouver un coin de plage à l’abri des regards où ils pourraient profiter de leur autre dessert sans que qui que ce soit ne vienne les déranger. Mais en plein jour comme ça, fallait quand même pas trop rêver non plus.