i shot the sheriff

La lune, les étoiles, c’est pareil au fond. Métaphoriquement parlant en tout cas et la rouquine acquiesça d’un mouvement de tête enthousiaste. Avant de s’accouder à la table et de poser le menton sur ses mains jointes pour réfléchir à la question qui suivit. Comment cette passion qui, au fil du temps, avait fini pour tourner à l’obsession lui était-elle venue ? D’aussi loin qu’elle se souvenait, Aveleen avait toujours été fascinée par le cosmos. Enfant, elle avait tanné ses parents pour qu’ils lui achètent un télescope. Ce qu’ils avaient refusé parce que ça l’obligerait à veiller un peu tard et que ça ne coïncidait pas avec la vie à la ferme où il fallait se lever aux aurores. Qu’à cela ne tienne, dès qu’elle avait pu, elle avait intégré le club d’astronomie de son lycée. Et donné de sa personne pour qu’ils puissent s’acheter un télescope digne de ce nom, pas la longue vue de pirates qu’on avait de base mise à leur disposition. Mais on commençait tout doucement à s’écarter du sujet initial. Avec désinvolture et même amusement, elle finit par hausser les épaules.
« Je crois qu’on est tous un peu fascinés par ce qui se trouve au-dessus de nos têtes. Je connais personne, pas même mes parents, qui regarde les étoiles et reste indifférent. Et j’ai l’impression qu’on passe tous par une phase où on veut devenir astronaute. Ou rockstar, ou pompier, ou vétérinaire mais c’était pas mon cas. Puis c’était si loin de tout ce que je connaissais jusque-là que je me suis réfugiée dans cette passion autant que possible. Au point de vouloir en faire mon métier. En fait, le but était même d’intégrer un jour la NASA mais c’était peut-être un peu trop ambitieux. J’ai donc revu mes exigences à la baisse et c’est comme ça que j’en suis venue à travailler dans une base militaire, plutôt. »
Ce qui lui allait aussi bien puisqu’elle vivait de sa passion et ça, tout le monde pouvait pas en dire autant. Puis elle secoua la tête lorsqu’il lui fit comprendre qu’il fallait le dire si jamais il se montrait trop curieux. Tant qu’il se contentait des réponses qu’elle voulait bien lui donner concernant son changement de situation, y aurait pas de problème. Que du contraire même, l’occasion de parler de sa passion lui était trop rarement donnée depuis qu’elle avait quitté la base. Mais la serveuse ne devait pas être de cet avis puisque c’est ce moment qu’elle choisit pour leur apporter leur commande.
« A vous aussi ! »
Pourtant, elle ne se rua pas tout de suite sur son assiette et préféra prioriser son verre. Ç’aurait peut-être été de bon ton de trinquer mais tant pis, ils pourraient le faire plus tard.

Il est vrai que rares étaient les gens qui pouvaient toucher leur rêve du bout des doigts comme ç’avait été le cas d’Aveleen. Sur ce point, on pouvait dire qu’elle avait eu de la chance. Mais ce n’est pas ce qu’elle dirait parce qu’elle avait énormément sacrifié de sa vie pour en arriver là. C’était pas de la chance, c’était du mérite. Quand tous ses camarades de classe prenaient le temps de faire la fête, elle révisait. Quand ils connaissaient leurs premiers émois, elle révisait. Quand ils se rendaient finalement compte que leur but était inatteignable et commençaient à en chercher un autre moins dur, elle s’accrochait et continuait à réviser. C’est donc ainsi qu’à trente-cinq ans, on se retrouvait adulte sans jamais avoir connu rien d’autre. Pas étonnant que depuis qu’elle n’était plus que livreuse de pizzas, la rouquine avait un peu l’impression de commencer à vivre. Alors évidemment que son job lui manquait et qu’elle n’hésiterait pas une seule seconde à échanger ce qu’elle avait maintenant contre ce qu’elle avait autrefois connu, mais puisque c’était impossible, autant tirer profit de la situation autant que possible. Bref, pour en revenir à la conversation en cours, il avait tout à fait raison. Certes, au final elle avait dû faire une croix sur son but ultime, mais terminer là où elle avait fini, c’était déjà incroyable pour quelqu’un qui avait grandi dans une ferme.
« Ouais, c’est sûr. Et même si je n’en aurai jamais la confirmation maintenant, j’ai quand même envie de croire que c’était au moins aussi bien. »
Comme ça, elle n’aurait vraiment aucun regret. Par contre, elle avait des regrets concernant sa reconversion encore assez fraîche, ça oui. Mais comme dit précédemment, c’était pas de son ressort alors autant ne pas trop y penser. Autant se focaliser sur la bouffe. Ce qui ressemblait quand même beaucoup à ce que pourrait dire une personne en dépression qui a besoin de ça pour compenser mais c’était pas tout à fait le cas d’Aveleen. Pour ce qui était du fait de devoir à tout prix compenser avec la nourriture en tout cas parce qu’en ce qui concernait la dépression en revanche, c’était une autre histoire. Enfin, ça dépendait du moment. Bref, les croques, donc. Après les formules de politesse d’usage, la rouquine prit une bouchée et put constater que c’était effectivement loin d’être dégueu. Parce que oui, en fonction de la qualité des ingrédients, même quelque chose d’aussi simple qu’un croque pouvait passer de tout juste comestible à d’enfer. Entre deux bouchées, elle fit part de son avis :
« C’est que c’est plutôt bon, vous aviez raison. Maintenant que je connais l’adresse, je vais essayer de pas l’oublier. »
Et peut-être qu’elle pourrait ensuite faire découvrir l’endroit à son tour.

Bien sûr que ça faisait un peu – beaucoup – mal de se voir rappeler que son rêve avait pris fin, mais son client ne connaissait pas les vraies raisons de ce downgrade alors elle ne pouvait pas lui en vouloir. Ni même à elle parce que bien qu’il ait été noté qu’elle avait été virée pour faute grave, histoire que personne dans le milieu n’ait la bonne idée de la reprendre, sans doute, Aveleen savait pertinemment que c’était pas vrai ; elle avait été quelqu’un de d’abord studieux puis de professionnel. Et elle ne dédiait sa vie qu’à ça alors jamais elle n’aurait pris le risque de tout venir gâcher. Un malheureux concours de circonstances, donc. C’était la vie. Raison pour laquelle elle sourit en hochant la tête. Non, bien sûr qu’il n’était pas question de mettre ce jeune homme qu’elle ne connaissait pour ainsi dire pas – même si nous sommes d’accord que vivre l’expérience de folie que peut être un braquage, ça crée des liens – dans la confidence. C’est à peine si elle en avait parlé à ses parents. Enfin si, elle le leur avait quand même dit parce qu’elle ne pouvait pas garder ça pour elle seule et que, c’était peut-être un peu méchant de dire ça, mais cette histoire les dépassait carrément. Ce qui signifiait qu’ils ne seraient une menace pour personne. Dans tous les cas, c’était pour ça qu’elle s’était isolée à ce point, parce que oui, c’est vrai qu’elle avait toujours eu des tendances solitaires mais sûrement jamais aussi exacerbées. Bref, autant ne pas plus remuer le couteau dans la plaie que c’était déjà le cas. En fait, la rouquine pouvait être fière d’elle parce qu’elle parvenait maintenant à parler de tout ça avec détachement. Autant se concentrer sur ce qui se trouvait dans son assiette. C’est alors que, comme s’il travaillait pour le lieu, le jeune homme lui expliquait qu’en plus du sur place, y avait aussi moyen de prendre à emporter et même de se faire livrer. C’est vrai que le contraire aurait été dommage pour un restaurant de nos jours. Les restaurateurs n’ayant pas de service de livraison devaient s’en mordre les doigts parce que c’est ce que tout le monde voulait. Et puis c’était pas compliqué de payer quelqu’un avec un permis de conduire au lance-pierre pour s’occuper de ça. Aveleen savait de quoi elle parlait. Même s’il n’était pas question de se plaindre parce qu’on ne lui avait même pas demandé son permis avant de l’embaucher, justement. Ni même après. Elle aurait très bien pu ne pas en avoir que ça n’aurait fait aucune différence.
« C’est super. Si vous connaissez d’autres adresses du genre, n’hésitez pas à m’emmener avec vous, ça peut toujours servir. »
Même si elle ne se faisait jamais livrer. Pas par compassion envers les gens exerçant le même taf qu’elle mais parce qu’il était pratiquement impossible de venir jusqu’à sa porte d’entrée sans mettre le pied dans un piège ou l’autre. Autant éviter. Et autant éviter de devoir les désamorcer à chaque fois aussi. C’est alors qu’elle se rendit compte que sa formulation était peut-être un peu maladroite aussi crut-elle bon de préciser :
« Pardon, je suis pas en train de vous draguer si jamais certains de mes mots peuvent laisser supposer le contraire. »
Non parce qu’entre ça et le fait qu’elle ait laissé comprendre qu’elle était célibataire – plus ou moins – tout à l’heure, on pouvait se demander. C’était pas le cas, c’est juste que les interactions sociales, c’est pas son fort, à Aveleen.

Heureusement, il n’avait pas mal pris sa proposition. Manquerait plus qu’il croit qu’elle était en train de le draguer et que ça foute de l’eau dans le gaz entre lui et sa copine pour elle ne savait quelle foutue raison. Aveleen n’était pas une briseuse de couples. En fait, elle se fichait bien des couples en règle générale et n’avait pas l’intention de finir dans l’un d’entre eux d’ici peu. A moins de tomber sur une personne qui pourrait accepter de passer au second plan mais ça, ça serait pas demain la veille. Oh, et puis on s’en foutait, ça faisait trente-cinq ans qu’elle s’en sortait parfaitement comme ça, y avait pas besoin que ça change. Et donc là-dessus, il lui affirma qu’il y avait pas de mal et qu’Abigail et lui connaissaient pas mal d’adresses. Abigail ? Ça devait être sa copine. Marrant qu’elle connaisse son prénom à elle mais toujours pas celui de son interlocuteur. Il ajouta même qu’ils connaissaient des adresses où on pouvait faire plus attention à sa ligne. Ce qui arracha une petite grimace à la rouquine. Qui n’avait donc rien contre la nourriture saine mais à choisir, elle préférait la travailler elle-même plutôt que de s’arrêter dans un quelconque restaurant pour ça. Non, si elle prenait la peine d’aller au resto ou qu’elle commandait quelque chose, c’était pour se faire plaisir, par pour faire attention à son poids. Mais elle jugeait pas. Enfin, pas trop. Ces gens-là devaient être si occupés qu’ils n’avaient peut-être pas le temps de cuisiner. Si tant est qu’ils soient doués dans ce domaine d’ailleurs parce que c’était pas non plus donné à tout le monde. Et dans ce cas, ça se comprenait.
« Ouais je vois. Alors ça me tente un peu moins mais c’est cool pour vous du coup. »
D’avoir trouvé des adresses qui proposaient des trucs sains qui l’étaient pour de bon. Parce que ça aussi, fallait se méfier. Les restaurateurs ont bien compris que c’était la nouvelle mode depuis quelques années de manger sain et bio, ainsi que de proposer au moins un menu vegan et de penser aux très nombreux intolérants à tant de trucs. Alors autant pour les intolérants et allergiques, ils essayaient vraiment de faire attention – sous peine de se retrouver avec un procès au cul sinon -, autant pour tout le reste… La mention et la hausse du prix suffisait bien souvent à convaincre les plus sceptiques. Et puis personne jamais n’avait remarqué le subterfuge et tout le monde était content. Ça serait pas elle et sa parano légendaire qui allaient essayer de dissuader qui que ce soit.

Aveleen n’avait rien contre les gens qui essayaient de manger sainement. Mais elle savait que, de tout temps, il s’avère qu’il était meilleur pour la santé de manger normalement que de manger light ou bio, ou elle ne savait quoi d’autre encore. Le top du top étant de faire attention à ne pas manger trop sucré, trop salé ou trop, tout simplement. Disons que les gens avaient rapidement compris qu’il y avait de la thune à se faire en surfant sur cette vibe et qu’ils n’avaient pas hésité, même si c’était que du bullshit. Après tout, y avait des tas de gens qui marchaient alors pourquoi s’en priver ? Mais la rouquine n’était pas là pour étaler sa science. D’ailleurs, ça n’avait jamais été son genre puisqu’elle venait d’un milieu assez peu réceptif ; elle avait donc gardé l’habitude de ne pas parler de ces choses-là à moins de se retrouver au milieu d’autres scientifiques. Et encore. Posant sa fourchette sur le coin de son assiette pour croiser les mains sous son menton, Aveleen écouta donc attentivement le plaidoyer du jeune homme. Sans gluten. Ah oui, bien sûr, la nouvelle tendance. Evidemment, elle était pas experte mais si on partait du principe qu’avant – disons trente ou quarante ans -, tout le monde s’en foutait de toutes ces conneries et que personne n’était plus malade ni ne mourait beaucoup plus jeune que maintenant… Voilà. Un sourire étira ses lèvres tandis qu’elle opinait.
« Si, si, je comprends. Et sûrement que je suis un peu trop parano mais je vous avoue que j’aurais pas forcément confiance. Je préfère encore aller faire mes courses directement chez les agriculteurs et cuisiner les produits moi-même. Puis si les poules et les salades sont quand même dopées, ce qui n’est pas non plus exclu, alors c’est plus de mon ressort. »
Puis si elle voulait faire une entorse à ces ô combien jolis principes alors Burger King ou sa pizzéria faisaient l’affaire.
« Mais qui sait ? Peut-être que ça vous aidera à atteindre les cent-vingt ans promis. »
En ce qui la concernait en tout cas, elle avait pas l’intention de vivre et encore moins de bosser jusque-là. A moins que certains petits hommes verts débarquent un jour prochain et leur fassent découvrir un vie un poil plus agréable à vivre. Pendant longtemps, elle n’avait pas cru ça possible ou en tout cas possible dans un avenir proche, mais depuis quelques mois, elle avait changé d’avis.

Qui savait en effet ? Et au fond, Aveleen préférait ne pas savoir. Pas vraiment qu’elle ait peur de choper un truc moche ou même de savoir à l’avance qu’elle allait être victime d’un accident fatal, ça, c’était la vie. Non, ce qui la ferait vraiment flipper, serait d’apprendre qu’elle allait vivre jusqu’à un âge un peu trop vénérable et voir ce monde encore plus partir en fumée que ce n’était déjà le cas. C’est sûr qu’elle était pas très optimiste en ce qui concernait l’avenir. Puis elle était pas du tout en quête de vie éternelle, non plus. Si encore c’était pour se la couler douce sur une plage des Bahamas, pourquoi pas ? Mais qui pouvait se vanter de ça ? Pas les livreurs de pizzas, supposait-elle. Sans compter qu’il fallait en plus de ça supporter l’idée de vieillir et ça… Rien n’était moins sûr en ce qui concernait la rouquine. Les rides, les articulations douloureuses, c’était une chose, mais les pertes de mémoire ? La souffrance en continu ? L’incontinence ? Ah non merci, mieux valait encore partir dignement. Mais ça bien sûr, c’était son avis et elle savait très bien que tout le monde – d’ailleurs, c’était assez fou de voir que les gens continuaient à chercher désespérément un moyen de vivre éternellement, en dépit de toutes ces merdes – ne le partageait pas.
« Vous avez raison. Même si y a plus grand-monde qui la respecte, la planète. »
C’était pas tellement une exagération, tandis que le commun des mortels triait le plastique, faisait du recyclage, des jardins communautaires, leurs propres produits ménagers et tout ce qui s’ensuit, les milliardaires, eux, prenaient leur jet privé pour aller acheter du pain alors forcément, c’était deux poids, deux mesures. Et les excès des uns rendaient bien inutiles les efforts des autres. Mais encore une fois, c’était la vie. Et ça pour le coup, c’était pas de son ressort. Tout ça pour dire que c’est ainsi qu’ils finirent leurs croques et que son client lui fit comprendre qu’il était pas contre l’idée de prendre un dessert. Ça tombait bien parce qu’elle non plus. Un fin sourire aux lèvres, elle questionna :
« Et en ce qui concerne les desserts, vous recommandez quoi ? »
Un truc avec des fraises, peut-être ? Ça la tentait bien, en tout cas. Quant à savoir si c’était la saison ou non, c’était autre chose. Ses parents pourraient le dire, elle non.

Sans vouloir juger le jeune homme se trouvant en face d’elle, il était quand même du genre très optimiste, pas vrai ? Voire même un peu candide. Parce que croire qu’à l’heure actuelle, manger sain était encore possible et croire aussi que chaque petit geste pouvait contribuer à sauver la planète, c’était se montrer optimiste au point de se voiler la face, selon la rouquine. Et je vous vois venir ; non, ça voulait pas dire pour autant qu’elle était pessimiste, juste réaliste. Elle était scientifique, après tout : croire aux miracles, c’était pas vraiment son truc. Mais ça serait dommage d’enlever ses jolies illusions à quelqu’un qui voulait encore y croire et puis de toute manière, si la terre venait vraiment à ne plus être habitable pour l’espèce humaine, comme elle le croyait, ça ne concernerait pas leur génération mais les futures et comme elle n’avait pas vraiment l’intention de se reproduire… C’était peut-être égoïste, oui, mais c’était comme ça, les générations futures payaient toujours les erreurs des générations précédentes. Aveleen finit par étirer un sourire tout en haussant les épaules.
« Le point positif, c’est qu’en tant qu’astrophysicienne, si jamais faut qu’on aille coloniser une autre planète, je ferai partie du voyage. »
Même après avoir été virée, puisqu’elle connaissait bien toutes les planètes de ce système solaire, elle serait un atout. Et elle qui ne vivait que pour ça depuis qu’elle avait découvert l’existence de corps célestes dans l’univers, autant dire qu’elle trouvait la perspective excitante. Ou qu’elle la trouverait excitante si elle n’était pas convaincue que les humains quitteraient une planète pour aller en détruire d’autres en tout cas. Bref, autant ne pas trop se pencher sur la question et plutôt se focaliser sur les desserts. Si elle aimait le chocolat ? Mais tout le monde aimait ça, pas vrai ? Bien sûr elle savait que non mais ça lui semblait impossible tant c’était quelque chose qui lui plaisait, à elle. Elle garda cette possibilité de côté et écouta la suite : des desserts fruités puis de la glace locale. Rare qu’un restaurant serve de la glace non industrielle.
« Je vais vous faire confiance sur ce coup-là, va pour le fondant au chocolat comme ça, ça me permettra de goûter à la fois au fondant et à la glace. »
Autant faire d'une pierre deux coups. Le tout accompagné d’un bon café et ça serait parfait pour terminer ce repas.

En temps normal, quand on se représente la fin du monde, on imagine toujours des gens se terrant dans des bunkers. Parce que c’est un moyen d’esquiver la pollution, la radioactivité puis toutes les petites – ou pas – créatures mutantes que celle-ci pourrait engendrer. Faut dire que quand on pensait à la fin du monde, on avait tendance à supposer que celle-ci serait forcément le fruit d’une bombe et vu tous les cinglés qu’on mettait au pouvoir un peu partout dans le monde, y avait quand même de grandes chances que ça se termine comme ça, en effet. Mais il fallait pas sous-estimer une possible vengeance de la Terre qui n’aurait pas de scrupules à déchaîner les océans, les vents, la terre elle-même. En dans un scénario pareil, pas sûr que de se terrer sous la surface soit la meilleure des idées. Aveleen pourrait parler de tout ça des heures durant mais elle se rendait bien compte que le sujet pouvait être super lourd pour bien des gens qui n’avaient clairement pas envie de se rappeler que tout ça pouvait arriver et que leurs petites vies encore à peu près confortables pourraient se voir bouleversées à tout jamais sans laisser place à autre chose que l’instinct de survie. C’est pourquoi elle préféra rebondir de manière beaucoup plus légère, surtout que la perche lui était tendue :
« Puis au fil du temps, vous deviendriez peut-être une tortue ninja et je m’en mordrais les doigts d’avoir quitté la Terre parce que si j’étais restée et que j’avais continué dans la pizza, j’aurais fait fortune. »
Un petit rire ponctua sa tirade parce que vu la stupidité de certaines des personnages susnommés, valait mieux que ça ne se passe pas de cette manière, quand même. Puis son client lui fit savoir qu’ils ne devraient plus en avoir pour très longtemps. Ou en tout cas au niveau service et la rouquine secoua la tête histoire de faire comprendre qu’elle n’était pas pressée. Personne ne l’attendait, après tout. Puis il enchaîna, lui demandant son avis sur l’endroit.
« Je trouve ça très bon, c’est le genre d’endroit qui essaye pas de faire dans la dentelle par tous les moyens tout en proposant une carte plutôt variée, de bons plats et des prix intéressants. Tout ce que j’aime ! »
A l’entendre parler, on pourrait croire qu’elle était experte alors qu’en vrai, Aveleen pouvait facilement compter sur les doigts d’une main le nombre de fois où elle était allée au restaurant. Mais comme elle bossait dans le milieu, d’une certaine manière, c’était sûrement plus facile pour elle d’émettre un avis.