karma police → jimmy

Mine de rien, Iggy aimait bien passer du temps en compagnie de Jimmy. Elle s’amusait toujours bien et elle avait l’impression que c’était réciproque. Même si elle avait parfois la conviction qu’il aurait aimé que ça aille un peu plus loin entre eux. Ce qui aurait pu arriver au début. Mais maintenant, elle s’était trop confiée, il en savait bien trop sur elle. Première fois que ça arrivait. Ça ne faisait sans doute pas d’eux de véritables amis parce que… Oh, elle ne savait pas trop, peut-être que ce n’était tout simplement pas dans sa nature de faire confiance aux autres et que ça ne lui avait pas trop mal réussi jusqu’ici alors autant continuer en ce sens, mais il était tout de même à ses yeux ce qui s’en rapprochait le plus. Alors quand il la mettait au défi de faire chier la police – son passe-temps favori après le vol de riches -, bien sûr qu’elle fonçait. En y mettant le paquet, même, puisque c’est une blonde tatouée aux yeux marron qui venait de quitter la villa – après s’être assurée que Charli était en cours (peu probable à cette heure) ou où elle le voulait, ça ne la regardait pas de toute façon, mais pas là – au lieu de l’habituelle Iggy. D’ailleurs, Iggy était de sortie ce soir-là. Elle avait laissé la place à Megan. Un nom parmi tant d’autres qu’elle avait choisi totalement au hasard et qui ne lui serait peut-être d’aucune utilité. Mais vous savez ce qu’on dit : mieux vaut prévenir que guérir. Puis, et c’était en grande partie la raison pour laquelle elle ne s’était jamais fait prendre, elle était du genre organisé comme voleuse. Tellement qu’elle n’avait d’ailleurs pas choisi ni le jour ni l’heure au hasard. Elle s’était renseignée pour savoir à qui elle aurait à faire, quel était le meilleur moment pour s’y prendre et ainsi de suite. C’était toujours comme ça avec Iggy, rien n’était jamais laissé au hasard. Une vraie pro et heureusement. Tout ça pour dire qu’en théorie – parce que rien n’est jamais sûr non plus -, tout devrait bien se passer. Et c’est donc à telle heure et tel endroit qu’elle donna rendez-vous à Jimmy. Un peu à l’écart du poste de police, en fait. Elle le surprit à l’attendre et se glissa derrière lui pour lui poser une main devant les yeux – geste qu’elle avait toujours trouvé stupide, au demeurant.
« Devine qui c’est ! »
En même temps c’était pas bien compliqué puisqu’elle n’avait pas encore pris la peine de changer sa voix ni même de prendre un quelconque accent, ce qu’elle ferait le moment venu, donc oui, sa voix était reconnaissable. Mais sa voix uniquement. Puis elle se révéla à lui et, écartant les bras pour qu’il puisse mieux la regarder, lui demanda :
« T’en penses quoi ? Je t’avais dit que le blond ça m’allait bien aussi. »
Même si cette fois encore, c’était elle qui le disait…

Kate ? Dans l’esprit d’Iggy, ça sonnait très british. Sans doute parce que Kate était le diminutif de Katherine à la base et que ça, ça sonnait british, un peu comme Elizabeth, Anne et compagnie. Autant dire que ça lui évoquait quelque chose qui n’allait absolument pas avec les tatouages et tout ce qui s’ensuit. Ce qui était parfaitement idiot, Iggy s’en rendait bien compte parce qu’il devait y avoir des Kate tatouées de par le monde mais que voulez-vous ? Les clichés ont la vie dure. Mais elle aurait pu partir sur un dérivé, comme Cait, par exemple. Ça se prononçait de la même manière mais ça faisait plus punkette selon elle. Bref, c’est avec un sourire amusé qu’elle répondit :
« Presque : Svetlana. Avec le bon accent, ça passera crème. »
Si elle disait ça, c’est parce qu’il s’agissait d’un accent qu’elle avait déjà travaillé par le passé et qu’elle maîtrisait plutôt bien. Tout pour que les autorités ne se mettent pas à rechercher une brune aux yeux verts du coin au cas où. Là-dessus, Jimmy lui fit comprendre qu’en blonde, il la trouvait aussi à son goût. Peut-être même encore plus, ce qui n’était pas peu dire. Et d’après lui, elle ferait tomber n’importe quel homme sous le charme. Pour peu qu’il aime les femmes, bien sûr, Iggy n’avait pas cette prétention. Elle étira un sourire en réponse à cette pluie de compliments avant de réfléchir à la question. S’il lui était déjà arrivé de draguer un type gay par mégarde ? Puis elle finit par faire une légère grimace, un souvenir lui revenant en mémoire.
« Ça a dû arriver une fois ou deux, ouais. Pas pendant le taf parce que je me renseigne toujours avant de me lancer, mais juste pour me faire offrir un verre ou autre chose. »
Maintenant qu’il la connaissait mieux, Jimmy devait bien se douter qu’elle était du genre pique-assiette et, aussi riche soit-elle, pas question pour elle de mettre la main au portefeuille si quelqu’un d’autre pouvait le faire à sa place. Ce qui arrivait donc souvent.
« Pas grave, j’ai juste changé un peu mon approche et ça a quand même marché. »
Plutôt que de leur faire du rentre-dedans, il avait suffi de se rendre agréable et de devenir leur meilleure copine, le temps d’un instant. Dans tous les cas, cette question l’intriguait.
« Pourquoi cette question ? T’as des histoires croustillantes à ce propos, toi ? »

Voyant cette expression de surprise, elle se dit que les gens comme lui, qui sont au courant de ses activités mais qui ne sont pas du milieu, n’ont en fait aucune idée de l’ampleur de la chose. Ni de ce dont elle et même ses collègues sont capables. Un jeu d’enfant pour elle de se faire passer pour une slave, surtout après le changement de couleur de cheveux. Même si au fond, avec sa peau claire, ses yeux perçants et sa chevelure sombre, Iggy ressemblait trait pour trait à toutes ces scammeuses qu’on pouvait voir dans des émissions où des pigeons se retrouvaient mariés à de jolies nanas des pays de l’est uniquement pour la green card. Une activité qu’elle aurait pu faire, même. Mais non, ça manquait de panache. Et puis elle n’aimait pas du tout l’idée de profiter de gens qui, aussi stupides soient-ils, n’avaient pas les moyens de se faire arnaquer. Peut-être que c’était idiot mais s’en prendre exclusivement à des hommes très, très riches qu’elle détestait soulageait pas mal sa conscience. Petit sourire en coin, elle haussa les épaules avec beaucoup de désinvolture.
« Pas quand on est dans le personnage, non. »
Parce qu’on pouvait en dire ce qu’on en voulait mais son activité se résumait à ça : être une actrice. Bien meilleure que celles qu’on pouvait voir sur grand écran la plupart du temps, sans vouloir se vanter, parce que sa liberté en dépendait. Bref, se méprendre sur la sexualité d’une personne qu’on avait dans le viseur – quelle que soit la raison pour ça, d’ailleurs -, c’était sûrement déjà arrivé à tout le monde. A Iggy bien entendu, mais à Jimmy aussi, à n’en pas douter. Nouveau sourire suivi d’un acquiescement. Bien sûr qu’elle parvenait toujours à retomber sur ses pattes. Question de survie. Là-dessus, il lui avoua avoir des histoires croustillantes aussi de son côté, mais il n’était apparemment pas sûr qu’elle veuille toutes les entendre. Ah bon ?
« Ah ouais ? Pourquoi ça ? Tu crois que je suis facilement choquable ? »
Peut-être la prenait-il pour quelqu’un de prude à force. C’était pas tellement ça, mais elle pouvait comprendre qu’on en vienne à cette conclusion. Et ça lui allait parfaitement. Par contre, il consentit à lui raconter quel sort il réservait aux gays qui avaient osé se méprendre à son sujet. Ce qui ne la fit même pas sourciller parce qu’après tout, c’était sûrement aussi chiant que le harcèlement de rue dont absolument toutes les femmes étaient victimes à un moment ou un autre, mais elle n’aurait pas cru qu’on puisse se tromper au sujet de Jimmy. Suffisait de le voir mater une jolie blonde du coin de l’œil quand vous discutiez avec lui pour vous apercevoir que son regard ne déviait jamais sur un joli blond. Mais bon, les gens ne sont pas si observateurs que ça. Acquiesçant à nouveau, elle arqua un sourcil en l’entendant lui dire que le plus drôle c’était de se fritter avec le mari d’une femme draguée.
« Ça a l’air hilarant, ouais. Marrant, je t’imaginais pas en briseur de couples. »
Le tout dit avec humour parce qu’elle imagine que c’est pas non plus sa spécialité. Encore que… Soit, à la question suivante, Iggy secoua la tête.
« Nan, t’as qu’à m’attendre là. »

Comme les acteurs, oui, exactement. Et à ce compte-là, Iggy méritait un Oscar, au moins. L’habitude, elle passait d’un rôle à l’autre depuis toujours, lui semblait-il. A tel point que pendant longtemps, elle n’avait pas su qui elle était réellement ; ce qu’elle aimait, ce qu’elle détestait, elle l’avait toujours adapté en fonction de la personne qui lui faisait face sans se poser plus de questions que ça. Et si elle n’avait pas pris en quelque sorte sa retraite y a de ça plusieurs années, elle en serait probablement toujours là. Ç’eut été dommage. Bref, après un sourire, elle lui demanda s’il avait peur de la choquer et il lui avoua que pas du tout. De la manière dont il le dit, on aurait même pu comprendre qu’il la croyait être la personne la moins choquable de sa connaissance. Ou presque. Peut-être, elle ne s’était jamais vraiment penchée sur la question pour tout dire. Mais Jimmy n’avait pas tort quand il disait qu’elle avait dû avoir son lot de bizarreries. C’est vrai qu’elle en avait vues et vécues, des choses. Parfois même des situations moralement ambigües pour quelqu’un qui se targuait de ne voler qu’aux riches parce qu’après tout, c’était quand même rarement de l’argent durement gagné à la sueur de leur front. Mais ça devait sûrement aller de pair avec une activité comme la sienne.
« C’est pas faux. »
Et c’est sûrement ainsi qu’il se laissa aller à quelques confidences. Comme le fait qu’il n’ait jamais vraiment fait attention au fait de draguer des femmes mariées. Et quand elle lui fit remarquer qu’elle ne l’imaginait pas dans le rôle du briseur de cœurs, Jimmy n’eut même pas l’air d’en être désolé. Que du contraire. Au fond, il n’avait pas tort : on avait toujours tendance à rejeter la faute sur le tentateur – plus souvent la vilaine tentatrice, même -, mais la personne en couple l’était tout autant. Si ce n’est plus.
« Ouais c’est une façon assez juste de voir les choses. Et si ça t’empêche pas de fermer l’œil de la nuit alors c’est nickel. »
C’était pareil pour elle. Et Iggy n’avait jamais eu de mal à trouver le sommeil. Bref, en quittant Jimmy, elle faillit lui donner une fourchette, puis jugea préférable de s’abstenir. Normalement, elle ne devrait pas en avoir pour plus de trente minutes. Mais sait-on jamais, un imprévu pouvait toujours survenir. Il n’en fut rien, trente minutes plus tard, elle était de retour. Grand sourire aux lèvres parce que son plan avait fonctionné comme sur des roulettes et carte de police en main.
« Ça te dit qu’on en profite un peu ? Je suis sûre qu’on pourrait avoir des donuts gratuits. »
Bien sûr, Iggy se doutait que Jimmy voudrait tout savoir de comment ça s’était passé et elle lui raconterait tout dans les moindres détails, mais chaque chose en son temps.

A l’évocation de ne pas fermer l’œil de la nuit, mais pas pour les mêmes raisons que celles mentionnées un peu avant, Iggy plissa les yeux. Aucun des hommes qu’elle avait connus aussi intimement n’était parvenu à tenir toute une nuit. Ils finissaient invariablement par piquer du nez. Souvent un peu aidé par un somnifère subtilement versé dans leur dernier verre du soir quand elle bossait et qu’elle n’avait pas vraiment eu la possibilité de s’esquiver plus tôt. Ce qui arrivait parfois.
« Crâneur ! »
Elle serait bien restée plus longtemps à le vanner ainsi mais le devoir l’appelait. Aussi partit-elle, tel Batman ayant aperçu le Batsignal dans le ciel. Pour revenir une demi-heure plus tard, insigne de police en main. Voilà qui devrait leur permettre de s’amuser un peu, bien qu’elle n’ait aucune idée particulière en tête, y aurait toujours moyen de faire de l’abus de pouvoir. Voire même de l’extorsion, si la situation s’y prêtait. Mais mollo, Iggy n’oubliait pas qu’il fallait qu’elle reste aussi sage que possible dans cette partie du pays. Et se déplacer dans une autre serait peut-être un peu suspect. Encore que les gens sont parfois stupides et, quand ils voient une carte de police, ne prennent pas la peine de vérifier d’où le flic peut bien venir et a le droit d’exercer. Bref, ils verront ça plus tard. Ce qui intéresse Jimmy pour le moment, c’est de savoir ce qu’est devenu le type. Enfin, il voulut tout d’abord savoir si elle avait récupéré des uniformes au passage. Ce à quoi elle répondit par un haussement de sourcils avant de se désigner d’un geste de la main.
« T’as vu comment je suis sapée ? Où tu veux que je planque ça ? »
Pas d’uniformes, donc. D’ailleurs en gardaient-ils ici ? Elle n’avait pas vérifié et commençait à en douter.
« Dans la salle de repos. Menotté au radiateur. Tu peux aller voir si tu veux. Mais non, pas de photos et je ne suis pas maître chanteur. Quand ses collègues rentreront et le trouveront là, tout le monde fera tout pour étouffer l’affaire. »
Pas si une carte se baladait dans la nature mais il suffisait de la ramener. Ou de trouver quelqu’un pour s’en charger à votre place. Compliqué de remonter la trace de quelqu’un quand la personne était passée maître dans l’art du déguisement et savait parfaitement ce qu’elle faisait.

Se la raconter auprès de qui au juste ? Non parce que bon, même si Iggy excellait très clairement dans son domaine, elle ne pouvait pas non plus se permettre de le crier sur tous les toits, ça ferait d’elle une bien piètre arnaqueuse quand même… Alors bien sûr, elle avait des tas de connaissances dans ce milieu, avec qui elle pourrait éventuellement parler de tout ça parce que vu que tout le monde trempait jusqu’au cou dans des affaires louches, tout le monde avait tout intérêt à la fermer, mais elle ne se sentait suffisamment proche de personne pour ça. Avec un ricanement, elle répondit :
« Bah pas tellement. Je le ferais sûrement plus souvent si y avait pas toujours un risque qu’on aille ensuite me balancer. »
Et puis s’il était question de se la raconter quant au fait qu’elle était capable de se mettre tout le monde dans la poche, surtout les hommes, encore une fois, elle aimerait bien, mais elle évitait parce qu’alors, les gens commenceraient à se méfier d’elle. D’autant que personne n’aime les vantards. Bref, là-dessus, Jimmy lui fit part de ses théories quant à ce qu’elle aurait pu faire des uniformes mais étant plus farfelue l’une que l’autre, Iggy se contenta de secouer la tête. Non, elle n’avait rien fait de tel ; il faudrait donc se la jouer flic en civil. Puis elle répondit par la négative encore une fois quand il lui demanda si elle l’avait bâillonné. Pour quoi faire ? Si elle l’avait laissé là, c’était bien parce qu’elle se fichait qu’on le trouve. En fait, elle comptait même là-dessus.
« Ouais, c’est un peu le but. Je me suis pas foulée pour cacher les clefs, non plus. S’il les trouve, il pourra se libérer et sauver son honneur avant que ses collègues ne le trouvent dans cette position un peu gênante. Y a rien de tel que la honte pour que les gens la bouclent. Et je sais, ça a l’air super cruel dit comme ça, mais je me suis évidemment renseignée sur ce type avant de me lancer là-dedans et j’ai aucun regret. »
Un petit con de flic qui s’amusait à jouer les gros bras, même dans le privé semblait-il. Ça lui donnerait une bonne leçon. Ou pas. Mais Jimmy restait sceptique. Haussant les épaules, Iggy lui rappela :
« Va voir si tu veux. Je suis pas en train de te mentir. »
Même si au fond, il avait raison de ne pas lui faire confiance ; il valait mieux ne jamais croire un seul mot sortant de sa bouche. Pourtant, elle s’était montrée étonnamment honnête avec lui jusque-là. Elle lui laissa à nouveau la possibilité d’aller vérifier s’il le souhaitait avant de rire à sa proposition.
« On peut faire ça si tu veux, ouais. Mais faudra la lui rendre. »
Parce que non, elle n’allait pas non plus voler une caisse et l’abandonner ensuite sur le bord de la route comme un vulgaire petit criminel à la con.

Elle ? Se vanter hors de son milieu professionnel ? Pas tant que ça : Iggy avait toujours tendance à dire qu’elle était moyenne en tout sauf pour rouler les gens dans la farine. Ce qui du coup, demandait qu’elle excelle dans pas mal de domaines quand même, mais c’était donc revenir sur ses activités. En dehors de ça… Disons qu’Iggy était parfaitement consciente qu’elle n’était pas quelqu’un de bien au sens où on l’entend généralement. Une criminelle manipulatrice qui a préféré abandonner son enfant plutôt que de s’en occuper… Non, ça, y avait décidément personne auprès de qui ça pouvait passer. Pas même elle. Pourtant, ça faisait pas non plus d’elle quelqu’un de foncièrement mauvais, d’autant qu’elle avait ses raisons, mais ça faisait d’elle quelqu’un de pas très recommandable. Et donc, pas de quoi se vanter. Haussant les épaules, elle finit par répondre :
« Quand même pas tant, non. »
Puis elle entreprit d’expliquer comment son plan s’était et allait se dérouler. Il sembla d’ailleurs convaincu. Ou à peu près en tout cas parce que, quoi qu’elle dise, il n’était toujours pas sûr qu’elle n’était pas en train de se payer sa tête. Quand il lui demanda si elle savait comment on s’y prenait avec des menottes, Iggy eut un sourire un peu coquin.
« Moins avec celles des flics, j’avoue. Mais on trouve quand même des tutos sur YouTube. »
Celles qu’on utilisait parfois dans l’intimité étaient bien moins difficiles à ouvrir, fallait que tout le monde puisse avoir le contrôle de la situation. Bref, comme s’il avait peur qu’elle lui tende un piège, Jimmy refusa d’aller jeter un coup d’œil pour s’assurer qu’elle n’était pas en train de lui raconter des craques. Tant pis pour lui. Ça changeait rien au fait qu’Iggy avait fait ce qu’elle avait dit. Et qu’elle était maintenant prête à arrêter quelqu’un pour réquisitionner son véhicule. C’est vrai que c’était aussi marrant que tentant. A condition bien sûr que ça ne reste qu’un emprunt. Ce avec quoi Jimmy était d’accord parce qu’il n’avait vraiment pas l’étoffe d’un voleur, dites donc. Voilà ce que c’était d’avoir de l’argent à ne plus savoir qu’en foutre. Mais avant d’en arriver là – sûrement parce que tout deux cogitaient à comment s’y prendre pour obtenir le nom et l’adresse de la personne afin de lui restituer sa caisse -, il préférait se faire la main sur une bande de jeunes un peu plus loin. Leur mettre un gentil petit coup de pression. Pourquoi pas, après tout ? Ça se rapprochait à peu près de l’idée qui lui avait effleuré l’esprit quand elle se demandait quoi faire de cette plaque.
« Allez, c’est parti ! »
L’espace d’une seconde, elle détailla Jimmy en se disant que c’était peut-être plus crédible si elle allait les questionner solo, mais le fait est qu’il allait finir par s’emmerder s’il devait rester à chaque fois sur le côté parce qu’il détonnait un peu. Tant pis, après tout, même les riches fréquentaient des dealeurs. Parce que ces gars-là avaient des tronches de dealeurs. Ou de consommateurs en tout cas. S’approchant, elle les accosta d’un :
« Hé les gars, on cherche de quoi se marrer un peu. Vous savez peut-être où on peut trouver ça ? »
Un peu discret mais pas trop. Ce qui n’aurait très certainement jamais marché si elle avait eu sa dégaine habituelle mais là… Disons qu’elle se fondait bien dans le décor.

Sans trop exagérer, on peut tout apprendre sur YouTube. Même comment manger une banane pour les… Euh extra-terrestres en visite sur cette magnifique planète qu’est la Terre, sûrement. Et le pire – ou le mieux, c’est selon -, c’est que la plupart du temps, ces tutos peuvent vraiment aider. Alors bon, dans le cas du forçage de serrure de menottes et du crochetage d’autres serrures, on pouvait vraiment se demander à qui ça pouvait bien servir en dehors des criminels comme elle, mais vous seriez surpris ; les gens qui racontent des histoires, quelle que soit la manière dont ils s’y prennent, ont aussi besoin de ce genre d’informations, parfois. Et d’autres encore, à n’en pas douter. Haussant les épaules, Iggy formula sa pensée :
« Ça sert beaucoup dans la fiction j’ai l’impression. Dans n’importe quel truc où on peut le placer, on n’hésitera pas à te faire remarquer que les menottes qu’on trouve dans les sex-shops sont pas du tout les mêmes que celles que les flics utilisent. Quand ils n’utilisent pas des colsons évidemment. Faut bien montrer la différence. »
Ça s’est déjà vu. Et là, à moins de se promener avec une pince sur soi, y avait pas vraiment moyen de s’en défaire. Bref, elle pourrait continuer cette conversation indéfiniment tant elle trouvait ça intéressant en ce qui la concernait mais il était quand même un peu temps de passer à l’action et de se servir un peu de cette fameuse carte. Leur cible : une bande de jeunes sûrement un peu plus jeunes que sa fille, ce qui explique qu’elle n’a pas peur de leur parler et qu’ils n’ont que moyennement l’air de se méfier. Disons que si elle avait été seule, Iggy n’aurait eu aucun mal à les faire parler mais Jimmy ressemble à ce qu’il est. A savoir un mec riche alors forcément, y avait de quoi se poser des questions. Et faut croire qu’il s’en douta puisqu’il prit à son tour la parole pour leur dire que tant pis, ils iraient voir ailleurs. Quelque part où ils seraient mieux servis. Bonne idée, ça marchait toujours ce genre de stratégies aussi débiles soient-elles. Iggy commençait déjà à tourner les talons quand on leur proposa de l’herbe. De l’herbe ? Mais pour peu qu’on ait une ordonnance, c’était devenu légal, ça, comme de se shooter à la codéine. Non, ce qu’ils voulaient, eux, c’était quelque chose d’un peu plus excitant. Comme de la coke ou de l’ecstasy, ce genre de trucs. Enfin, ils n’en voulaient pas vraiment, c’était juste pour leur mettre un petit coup de pression pour détention de drogue, quoi. L’un d’eux fini par parler :
« Tu crois qu’nous aussi on roule sur l’or ou quoi ? S’tu veux d’la coke, faut aller voir Pablo un peu plus loin. Mais si ça t’fait pas peur, j’ai ça. »
Là-dessus, il sortit d’une poche un petit sachet de cristaux. De la meth. Ouais, ça se tenait, c’était un peu la coke des pauvres.