karma police → jimmy

Ah, ben aucune chance que ça se passe de la même manière que la fois avec Sam parce que cette fois, personne n’avait volé de machins mayas ayant la réputation d’être maudits. A moins que ça soit le cas de cette voiture mais alors, on pourrait dire que les mayas étaient une civilisation vraiment très, très avancée. A la réplique suivante, Iggy ne put retenir un ricanement ; c’était bien une phrase de mister know-it-all, ça aussi. Faut dire que Jimmy tendait le bâton pour se faire battre, un peu. Mais c’était à l’évidence un trait de sa personnalité.
« Disons que c’est compliqué quand ton interlocuteur croit tout savoir sur tout. »
Parce qu’en ce qui la concernait, si elle ne connaissait pas les assurances plus que ça, elle l’admettait volontiers, elle connaissait les arnaques en revanche. Et c’était de ça qu’il s’agissait, d’arnaques à l’assurance. Bref, puisque Jimmy a réponse à tout et qu’elle lui faisait remarquer que oui, c’était bien beau de se balader en costard valant la peau du cul mais que c’était pas forcément discret et qu’en plus de ça, si quelqu’un avait l’œil pour ça, ça en devenait carrément un signe distinctif, il répondit qu’il allait quand même pas se fringuer en plouc non plus. Lui jetant un coup d’œil, elle tâcha alors de se représenter ce à quoi ça pourrait bien ressembler, un Jimmy plouc. Et étonnamment, ou pas, si on connaissait un peu l’apôtre, ça la branchait davantage. Comme quoi, il avait pas tant de souci à se faire, il aurait toujours du succès auprès de certaines.
« Bah tu t’habilles comme tu veux mais faudra pas venir se plaindre si un témoin oculaire va balancer « le type au costume Brioni d’une valeur de quarante-trois milles dollars » aux flics. »
Mais pour ça, fallait quand même vraiment beaucoup s’y connaître alors oui, évidemment qu’Iggy le charriait. Puis, l’idée qu’il puisse lui déclarer un jour sa flamme les fit rire tous les deux. La décevoir ? Dans ce domaine, ça lui semblait impossible. A Jimmy aussi d’ailleurs puisqu’il pensait qu’elle était comme lui. C’est-à-dire quelqu’un qui croit que l’amour n’apporte que des problèmes. Ce qui n’est que partiellement faux.
« En fait, quand je t’ai dit l’autre jour que je m’étais mariée une fois pour de vrai, c’est ce que ça impliquait, ouais, je suis déjà tombée amoureuse. »
Et pas du géniteur de sa fille, non. Lui c’était juste pour s’amuser et elle avait très longuement et amèrement regretté ensuite.
« Et dans mon cas, je dirais que ça m’a plus évité de problèmes que ça ne m’en a causé puisque j’avais raccroché pour lui. »
Dit comme ça, c’est sûr que ç’avait l’air parfait. Ça ne l’avait pas été parce que rien ne l’était jamais, mais c’était quand même les meilleures années de sa vie. Elle aurait d’ailleurs pu continuer à en parler si y avait pas eu ce barrage de police un peu plus loin. Bien loin de s’inquiéter, Iggy ne chercha pas à changer son itinéraire et ne ralentit l’allure qu’en arrivant à hauteur de la flicaille.
« Si on te demande, tu dis que t’es mon frère. »

Ouais, c’est possiblement plus de la fiction qu’autre chose. Mais ça pourrait arriver. Et c’est parce qu’elle prenait ce fait en compte qu’Iggy ne s’était jamais fait arrêter. Enfin, pas depuis qu’elle a commencé les arnaques à grande échelle en tout cas. Tout ça pour dire qu’elle en rit aussi avant de se mettre à parler de son mariage. L’un d’eux, mais le seul qui avait réellement compté à ses yeux. Non, ça n’arrivait pas tout le temps non plus parce que parler de son mariage revenait à parler de Sunny et Sunny étant à la fois son passé, son présent et possiblement son futur, elle pouvait parfois s’épancher tant et plus sur le sujet. Ce qui pouvait rapidement saouler tout le monde. Elle acquiesça quand Jimmy lui dit qu’elle avait bien fait les choses. Oui. Par contre, elle se gaussa quand il lui fit comprendre que ç’aurait été dommage de pas reprendre ses activités. Comme si elle les avait reprises…
« Je suis toujours à la retraite, sinon, je ne serais plus là depuis un bail. Non, ça, c’est seulement pour m’occuper et m’amuser un peu mais pour le moment, il est pas question que je reprenne le taf. »
Iggy aurait donc pu continuer à parler de tout ça s’il n’y avait pas eu ce barrage routier. Dans la même situation, n’importe qui se serait sans doute mis à paniquer ne serait-ce qu’un tout petit peu, mais Iggy, elle, resta tranquille. Encore un truc qu’il fallait prévoir et qu’elle avait prévu. Puis le stress, ça se ressent très souvent, alors autant rester calme. Elle s’arrêta donc, baissa la vitre et commença à discuter avec l’agent. A grands coups de sourires charmeurs, de battements de cils et de phrases à double-sens. Puis qu’il soit gentil de se manier un peu parce qu’elle devait prendre son service au strip-club du coin, tout ça. Et le pire, c’est que ça marche et le policier se magne. Il demande juste à voir son permis de conduire, qu’elle lui tend et sur lequel y a bien sa photo, mais pas le bon modèle de voiture, forcément. Pas grave, il ne poussa pas l’examen plus loin et les laissa reprendre la route sans omettre de lui assurer qu’un soir ou l’autre, il passerait la voir. Mais oui, vous savez, au strip-club. A son tour, elle lui assura qu’elle serait ravie de le revoir et redémarra en jubilant.
« Hé ben, même pas besoin de mentir à ton sujet, il en aurait rien eu à foutre. »
Non, c’était pas demain la veille qu’Iggy se ferait arrêter.

Ben dis donc, si elle était là que pour quelques mois, ceux-ci traîneraient en longueur parce que ça fait quand même plus de dix ans maintenant. Ce qui fait d’elle une jeune retraitée. Un peu comme les sportifs au fond. Et cette comparaison a du bon parce qu’arnaquer les gens, c’est du sport. Bref, elle secoua la tête. Non, elle était pas en train de planifier sa prochaine fuite. Sinon, elle aurait jamais accepté de faire venir Charli ici. Comme quoi, en dépit du fait qu’elle lui ait pourtant révélé des tas de choses à son sujet, Jimmy n’y comprenait rien. A elle, aux autres femmes, sans doute même au reste des gens qui n’étaient pas sa petite personne. Quand je vous dis qu’il aurait fait une cible parfaite…
« Pas de départ prévu, non. Je te rappelle qu’en plus de ça, y a ma fille dans l’histoire, maintenant. Je vais pas l’abandonner encore une fois. »
A son arrivée, elle aurait carrément pu. Mais maintenant, disons qu’elle s’était un peu attachée à Charli. Bien sûr, toujours pas comme une mère à son enfant et sûrement que ça ne serait jamais le cas, mais comme une amie à une autre. Elle n’avait pas envie de la faire souffrir. Ça n’avait d’ailleurs jamais été le but. Et maintenant qu’elle avait retrouvé un semblant de famille depuis le décès de sa grand-mère, ça serait cruel de le lui retirer. Tout ça pour dire qu’Iggy était donc retenue à Island Bay, mais pas vraiment contre son gré puisque non seulement ç’avait quelque chose de reposant – parfois trop -, mais en plus et surtout, c’était toujours là que résidait son ex-mari. Parfois, ça tombe quand même bien.
« C’est sûr que ça fait partie de ce que je suis et des fois, ça me manque un peu. Mais je repense alors qu’ici, je suis suspectée de rien et je risque pas la prison et ça me va très bien. Puis bon, je trouve toujours le moyen de rouler quelqu’un et de me faire offrir tout ce que je veux, je crois bien que c’est l’essentiel. »
Iggy ricana en entendant Jimmy se vanter d’être quelqu’un de discret. A d’autres… Puis il connaissait le coin apparemment puisqu’il lui signala qu’elle allait pouvoir accélérer d’ici peu. Y aurait un flash mais puisque la voiture était pas à leur nom, c’était le moment d’en profiter.
« Super ! Mais tu veux pas que je te laisse le volant pour ça, plutôt ? »
Alors non, elle était pas en train de sous-entendre qu’elle savait pas conduire ou que la vitesse lui faisait peur, c’est juste qu’il devait plus aimer ça qu’elle alors autant lui faire plaisir, qu’il s’amuse un peu lui aussi.

Voilà qu’après les assurances, c’est aux escroqueries et aux flics que Jimmy pensait. Et pour pas changer, il s’y connaissait mieux que tout le monde. Mieux qu’elle, qui avait baigné toute sa vie là-dedans et qui savait très exactement ce qu’elle faisait. Iggy roula des yeux et faillit bien répondre par un « oui, papa » des plus ironiques parce que clairement, son père ne lui dirait jamais qu’elle prenait des risques inutiles – bien au contraire, ses parents étaient tous deux très fiers d’elle et, contrairement à Jimmy, reconnaissaient qu’elle était plus que douée dans sa branche -, mais le fait est qu’elle avait tendance à la sortir un peu trop souvent, celle-ci. Aussi se contenta-t-elle d’un :
« Je pourrais me vexer de ton manque de confiance en moi si j’étais pas persuadée qu’en fait, tu dis ça juste parce que t’as peur de me voir partir. Continue de te passionner pour les assurances et tu me laisses m’occuper des arnaques, tu seras mignon. »
Parce que c’était certain que sa vie sans elle serait… Ben peut-être pas monotone, mais bien moins fun, en tout cas. C’était toujours comme ça avec Iggy ; elle apportait ce petit grain de folie qui manquait à bien des gens. Puis comme elle était sympa et qu’elle aimait bien partager – c’est bien entendu du sarcasme -, elle proposa à Jimmy de prendre le volant pour leur prochaine connerie. Elle s’arrêta sur le bas-côté, ils échangèrent leurs places et repartirent. Iggy n’était pas vraiment impressionnée, un de ses ex-maris adorait frimer sur les circuits. Sur les circuits uniquement parce qu’en dehors de ça, il roulait comme un papy. Y avait pas que ça qu’il faisait comme un papy, soit dit en passant, c’est qu’on donne de sa personne dans ce métier. Faut dire que c’est bien plus facile de rouler vite en ligne droite. Là-dessus, Jimmy prouva qu’il était un homme comme les autres en s’amusant comme un gosse au volant de ce petit bolide et une fois que ce fut fait, lui annonça que c’était bon, en ce qui le concernait, rien ne surpasserait cet instant. Ce jour-là tout du moins. Ils pouvaient donc rentrer. Pourquoi pas, après tout ? Toute cette histoire les avait déjà conduits bien plus loin qu’elle aurait dû.
« Ouais, je pense qu’on va peut-être pas trop s’acharner sur ce pauvre mec non plus. »
Elle se pencha pour ouvrir la boîte à gants et chercher les papiers du véhicule. Les vrais.
« Tiens regarde, il habite un coin plutôt naze de Wellington, on a qu’à l’y déposer. Puis qui sait ? Peut-être qu’en chemin, on pourra encore un peu jouer les flics. »