un petit tour de camion ? (noomi)

un petit tour de camion ?
crédit/ tumblr ✶ w/noomi

Si nous sommes connus comme faisant des trajets entre la caserne et les lieux d’accidents ou d’incendie, il arrive aussi de nous voir ailleurs. Comme nous vivons plusieurs jours de suite à la caserne, nous devons parfois faire des courses ou alors le plein d’essence. C’est dans cette dernière situation que nous nous trouvons actuellement. Comme la matinée a été un peu calme, j’ai proposé à toute mon équipe de sortir après le repas, histoire de profiter de cette accalmie pour faire les tâches qui nous demandent un peu de temps. Parfois, c’est ce genre de déplacement qui réveillent l’alarme. Parfois, ça ne change rien. Nous verrons bien dans quelques minutes où nous nous situons aujourd’hui. Le chauffeur gare le camion à la station service et je le laisse s’occuper de faire le plein, alors qu’avec les autres pompiers, nous nous dirigeons vers la caisse. Pour payer l’essence, bien évidemment, mais aussi pour prendre quelques trucs à grignoter – nous faisons du sport à longueur de journée, nous pouvons bien manger des barres chocolatées ou des bonbons de temps à autre. Pour remplir un camion de cette taille, faire le plein prend un peu de temps, alors nous attendons sagement que notre collègue termine. En vaguant dans les petites allées de la boutique, à regarder tout ce qui est proposé à la vente, sans forcément être décidée à ajouter quelque chose de plus à notre panier, je tombe sur un visage qui me semble familier. Vous me direz, quand on travaille pour la ville, les visages de beaucoup de personnes peuvent nous revenir au détour d’une rue. Mais là, c’est un peu plus que ça. « Noomi ? Ça fait une éternité que nous ne nous sommes pas vues. » Au point même que je ne suis pas complètement sûre que ce soit elle. Nous avons pourtant partagé une courte histoire, une aventure, à la sortie du lycée, ça devrait aider. Ce n’est qu’au moment où mon regard croise le sien que je comprends que je suis face à la bonne personne – cela m’évitera de me faire chambrer à la caserne, en fonction des réponses qu’aurait pu me donner une inconnue. « Comment vas-tu ? Qu’est-ce que tu deviens depuis le temps ? » Si le temps va bientôt nous manquer, ce n’est pas encore le cas, alors autant en profiter pour se lancer dans une conversation. Une conversation banale, mais rapide. Si nous remarquons que le courant passe toujours entre nous, nous pourrons toujours envisager de nous revoir, pour rentrer un peu plus dans le détail des dernières années manquées.

Comme à son habitude, Noomi profitait d’un jour où son ex-mari avait la garde de Sarah et où James bossait sur un roman ou sur un album pour faire tout ce qu’elle avait à faire avant d’aller travailler à son tour. Pas de courses à faire ce jour-là – et tant mieux parce qu’elle avait horreur de ça – mais il lui fallait passer à la poste récupérer un colis et faire le plein de la Mustang, sans quoi elle ne pourrait même pas faire le déplacement jusque South Bay. Son colis dans le coffre de la voiture, la blonde attendait que le réservoir se remplisse, son regard se baladant d’un passant à l’autre quand il s’arrêta sur un camion de pompiers. Peut-être Wade et le reste de son équipe ? Elle aurait pu ne jamais le savoir si elle n’avait pas remarqué à cet instant que son paquet de cigarettes était presque vide. A force de voir sa fille faire la grimace à chaque fois qu’elle s’en grillait une, Noomi s’était décidée à réduire sa consommation, quitte à faire comme tout le monde aujourd’hui et à combler le manque de nicotine par une vape, mais la transition ne s’était pas faite aussi nette que prévu alors elle préférait garder un paquet au fond de son sac où piocher quand le besoin se faisait vraiment ressentir. C’est ainsi qu’elle se retrouva à pousser la porte du petit magasin. Et à slalomer entre les pompiers qui avaient l’air d’attendre que le réservoir de leur camion ait fini de se remplir lui aussi. Pas de Wade en vue. Mais une jeune femme l’interpella alors. Se retournant, la grecque s’attendait à faire face à une fan. Mais non, c’était quelqu’un qu’elle connaissait. D’ailleurs, elle se rendait à présent compte que cette voix lui était familière.
« Ça alors, Romi ! Sacré bail, oui. »
Avant le divorce, avant sa fille, avant l’accident. Avant toutes ces choses qui avaient fait de Noomi une nouvelle personne.
« Super bien et toi ? »
Quant à ce qu’elle était devenue depuis le temps, ça lui faisait toujours le même petit pincement au cœur de dire qu’elle n’était malheureusement pas devenue une star internationale comme elle en rêvait tellement autrefois. Mais tant pis, c’étaient d’autres choses qui étaient venues combler sa vie, finalement.
« J’suis maman d’une petite fille et j’anime une émission de radio la nuit depuis plusieurs années maintenant. Et toi alors ? T’es devenue un soldat du feu, à c’que j’vois ? C’est trop cool ! »

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Quand on y réfléchit bien, dans une ville aussi grande qu'Island Bay, ce n'est pas surprenant de croiser d'anciennes connaissances. En réalité, ce qui l'est vraiment, c'est que cette rencontre ne soit pas arrivée avant, surtout avec Noomi que j'ai côtoyée à la sortie du lycée. On parle quand même d'une dizaine d'années, je suppose que les choses se font et se défont, peut-être même qu'elle n'était plus en ville – ce qui expliquerait les retrouvailles d'aujourd'hui. Avant de faire un trop gros nombre d'hypothèses à ce sujet, je préfère la questionner directement. Ainsi, j'apprends qu'elle est devenue mère et qu'elle travaille en tant qu'animatrice pour une émission de radio. C'est fou, mais quand nous nous sommes quittées, je crois que je ne l'imaginais dans aucun de ces deux rôles. Mais nous étions encore jeunes, ça doit jouer. « Une fille ? Moi aussi ! De trois ans et demi. » Elle n'a pas donné ce détail de son côté, mais si les âges se rapprochent, je suppose qu'elle n'hésitera pas à me le dire. « En effet.. j'ai commencé des études de commerce, mais j'ai très vite abandonné pour faire quelque chose de plus physique. » Et avec moins d'études aussi, quelque chose qui ne m'emballait pas tellement à l'époque. J’ai essayé de suivre les pas de mon père, de faire en sorte de travailler à temps plein dans son entreprise, mais quand j’ai croisé ces pompiers, j’ai dû me rendre à l’évidence : je n’étais pas faite pour un travail de bureau. « C’est un rythme particulier, mais ce n’est pas déplaisant comme métier. Ça sort un peu de l’ordinaire. » Tout comme elle, quand on y réfléchit bien. Si je ne me trompe pas, elle est la première personne que je rencontre à travailler dans ce domaine. Pourtant, pour animer les stations de radios toutes les journées, c’est bien que les employés ne se font pas si rares. « Comment s’appelle ton émission ? Durant nos sorties nocturnes, nous pourrions peut-être l’écouter. » Peut-être pas à l’aller, quand nous sommes dans le feu de l’action à nous demander ce qui nous attend à l’arrivée. En revanche, au retour, pour nous détendre un peu, ce pourrait peut-être être une bonne idée. Je ne sais pas si c’est une émission qui pourra me plaire, ou à mes collègues, mais je suppose que ça ne coûte rien d’essayer au moins une fois. Et puis, je me dis que ça ne peut pas être pire que certaines émissions écoutées par certains. Même si je ne peux malheureusement pas toujours dire quelque chose, au risque de passer pour la lieutenante un peu chiante.

Si depuis leur dernière rencontre, Noomi est devenue maman, Romi aussi. Il y a trois ans et demi. Contrairement à la blonde, c’est un rôle qui lui allait bien mieux puisque Romi faisait partie d’une famille nombreuse. Peut-être qu’elle se trompait mais ça devait faire envie… Ou tout le contraire. En ce qui la concernait, elle, l’envie de devenir mère ne l’avait pas prise avant qu’elle n’apprenne qu’elle allait le devenir. Et c’est avec pas mal de doutes et de questions qu’elle s’était lancée dans l’aventure. D’autant que c’est pile à ce moment-là que son ex-mari avait pris la décision de mettre les voiles. Ce qu’elle n’avait pas vraiment regretté, soit dit en passant, mais disons qu’élever un enfant en tant que mère célibataire, ça n’avait pas été du tout cuit.
« Vraiment ? T’as des photos ? »
Ce disant, Noomi sortit son téléphone de sa poche pour lui montrer des photos de Sarah. Son portrait tout craché à l’exception du sourire qu’elle tenait de Frank.
« La mienne a eu dix ans en janvier. »
Elle ne poussa par contre pas le vice jusqu’à demander s’il y avait un monsieur Hallenstein dans le tableau parce qu’elle était bien placée pour savoir que c’était le genre de questions qu’on préférait parfois ne pas entendre et préféra se concentrer sur le métier de Romi. Pompier. C’était quelque chose. Elle haussa les sourcils en l’entendant lui dire qu’en dépit des horaires, c’était pas déplaisant comme métier. Disons que ça devait être gratifiant mais se mettre en danger comme ça tout le temps… Dixit celle qui le faisait autrefois au quotidien sans même faire partie de la profession.
« Ça doit être excitant ! Et tu dois avoir des tas d’anecdotes à raconter. »
Non, elle ne pourrait pas parce qu’elle était une artiste dans l’âme – en même temps, en tant que petite nièce de Telly Savalas, on peut dire que ça coulait dans ses veines -, mais, comme tout le monde, elle avait beaucoup d’admiration pour tous ces gens qui risquaient leur vie pour sauver celle des autres. Enfin, quand ils n’étaient pas seulement appelés pour aider un chat coincé dans un arbre à en descendre mais elle supposait que ça arrivait quand même moins souvent que tout le reste.
« Nuits Blanches à Wellington. D’habitude, mon public est composé de jeunes étudiants ou même d’adolescents, mais j’tâche d’faire en sorte que l’cont’nu d’mon émission puisse intéresser tout le monde. Et j’reçois pas mal de stars internationales, quand elles ont l’temps d’faire un crochet par le studio. »

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Si être mère est un point commun que nous avons, il faut croire que Noomi a bien plus d’expérience que moi, puisque sa fille a déjà atteint un âge à deux chiffres. « Dix ans ? Déjà. Tu l’as eu à Island Bay ? » À l’image qui se dessine sous les yeux, je ne peux m’empêcher de sourire — il faut croire que quand nous devenons mère, il y a quelque chose qui change en nous, même vis-à-vis des enfants des autres. Avec ma question précédemment posée, je me renseigne indirectement sur ce qu’elle a pu faire durant ces dix dernières années, sur les trajets qu’elle a fait à l’intérieur ou en dehors de la Nouvelle-Zélande. À mon tour, je dégaine mon téléphone. Il ne me faut que quelques minutes pour trouver une photographie récente de Lilly — sans parler de mon fond d’écran où nous nous sommes amusées, à trois avec ma sœur, à faire toute sorte de grimaces. « La voilà. Elle ressemble beaucoup à sa mère, sa deuxième maman. C’est elle qui l’a porté. » Je n’ai jamais eu de tabou à parler de cela, alors ce n’est pas aujourd’hui que ça va commencer. Et puis, si le sujet d’Alice est lancé, ça devrait aller : j’ai appris avec les années à ne plus pleurer à sa simple évocation. Le sujet des enfants — filles — abordé, Noomi me questionne sur mon métier, qui saute aux yeux avec ma tenue et le camion qui se trouve à l'extérieur. Bien que populaire, ce métier n'est pas fait pour tout le monde et je suis plutôt fière de faire partie de ceux qui peuvent s'en vanter, surtout en étant une femme. « C'est le moins que l'on puisse dire ! » Dis-je, en référence aux anecdotes. « Et puis, ça ne concerne pas que les interventions : nous avons de petits rigolos à la caserne. » C'est quand même mieux comme ça : nous vivons sous le même toit et au même rythme plusieurs jours par semaine, il serait dommage de ne pas s'entendre et de ne pas s'amuser un minimum — d'autant plus avec un métier comme le nôtre. Après mon boulot, c'est le sien qui est passé au crible et je ne peux m'empêcher de la questionner sur le nom de son émission. Je n'écoute pas toujours la radio, mais peut-être que je suis déjà tombée dessus un jour. « Étudiants, adolescents, c'est tout nous ! » Je plaisante un peu là-dessus, surtout qu'elle évoque le fait d'essayer de viser plus ou moins tout le monde. Pour avoir des auditeurs, c'est certainement mieux comme ça. « Tu es toi-même une vraie star à ce que je vois. » Être écoutée par du monde, recevoir des célébrités, ça fait pas mal je trouve. Mais ce n'est sûrement pas surprenant quand on porte son nom.

Dix ans déjà, oui. C’est vrai qu’il lui semblait que depuis qu’elle était maman, les années passaient à toute vitesse. Normal, suite à son accident, y avait cinq ans dont elle ne se rappelait pas grand-chose – et c’était sans doute mieux comme ça parce que le seul souvenir qu’elle pourrait en garder était une spirale infernale de laquelle elle s’était crue prisonnière durant de très longs mois. Et puis ça la démoralisait d’y penser parce que c’était la moitié de l’âge de sa fille. Au lieu de quoi, la grecque préféra se concentrer sur la question qui suivit et hocha la tête pour confirmer que c’était bien à Island Bay qu’elle l’avait eue.
« Oui, mis à part quelques aller-retour chez ma mère, j’ai jamais quitté la ville. »
Et elle ne le ferait sans doute jamais parce que son père se sentait bien ici et que Noomi ne pouvait décemment s’imaginer vivre loin de lui. Pourtant, elle savait que c’était en partie ce qui l’avait empêchée de faire carrière dans la musique ; tout aurait été tellement plus simple si elle était restée aux Etats-Unis avec sa mère et qu’elle était partie à New-York ou encore à Los Angeles. La preuve c’est que James n’avait pas eu de mal à s’y faire un nom, lui. Mais ça ne servait à rien d’avoir des regrets, d’autant qu’elle se faisait à la vie qu’elle menait maintenant. Là-dessus, Romi lui montra des photos de sa propre fille et la blonde se pencha sur le téléphone pour admirer la bambine qui, selon son amie, ressemblait à la maman qui l’avait portée. Un sourire aux lèvres, elle acquiesça.
« Elle est vraiment trop chou ! Ça m’manque l’époque où Sarah avait encore cet âge. »
Sans vouloir déprimer Romi non plus, mais la fille de Noomi entrait dans un âge où elle avait davantage besoin de ses copines de classe que de sa maman et c’était parfois blessant. Mieux valait donc parler travail. Surtout que dans celui de l’autre jeune femme, il devait y avoir tout plein de trucs à raconter. Romi le lui confirma en ajoutant que même pas qu’en intervention parce qu’ils avaient de petits rigolos à la caserne. Elle la crut sur parole et demanda :
« J’ai pu en avoir un aperçu, ça t’dit quelque-chose, Wade Rhodes ? »
L’image d’étudiants et d’adolescents collaient à merveille avec les petits rigolos dont elle venait tout juste de lui parler en tout cas et ça l’amusa d’imaginer une caserne remplie de pompiers faisant les idiots. Ça changeait de l’image si sérieuse qu’on en avait généralement. Puis elle balaya sa remarque d’un geste de la main en toute modestie.
« Ma célébrité s’arrête une fois que les ondes se brouillent à la sortie d’la ville. »
Mais il fallait tout de même reconnaître qu’elle était plus connue qu’elle ne l’avait jamais été en tant que pianiste.

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De ce que je peux apprendre, Noomi n’a jamais quitté la ville. Moi non plus et pourtant, nous ne nous sommes pas recroisées depuis la dernière fois, depuis la fin du lycée presque. Ou alors, c’est peut-être arrivé et nous n’avons juste pas fait attention. La vie est comme cela parfois : nous nous côtoyons quotidiennement un jour et le lendemain, nos cercles d’amis changent. Nous ne voyons plus les mêmes têtes, plus les mêmes lieux, même si nous restons bien les mêmes personnes dans le fond. Évoluer, grandir, ça fait partie du processus. Comme celui d’avoir une famille – pour la plupart des gens. Pour ça, nous y sommes passées toutes les deux, à des périodes différentes, mais le résultat est le même et nous avons maintenant de petites personnes sous notre responsabilité. Aux photographies que je lui présente, de Lilly, la jeune femme est nostalgique de cette époque avec sa fille. « Ça passe vite, n’est-ce pas ? » C’est quelque chose que l’on m’a dit et je commence à le confirmer avec les trois dernières années passées. Mais Noomi, avec une expérience de quelques années en plus devrait facilement pouvoir me le confirmer – même si ma mère, avec six enfants, ne doit certainement pas se tromper en me le disant. Si parler de nos filles est quelque chose d’assez normal, nous passons logiquement au sujet de nos métiers après. Elle dans la radio, moi à la caserne et ces deux métiers apportent leur lot de questions. Noomi s’interroge sur les anecdotes que mon boulot créent et pour le coup, elle a raison. Il en existe un tas, que ce soit lors des interventions, lors des événements ou juste lors des moments les plus simples à la caserne. Cette évocation semble lui faire penser à quelqu’un d’autre : Wade Rhodes. « Oui, bien sûr ! Nous travaillons à la même caserne ! Nous sommes sur deux gardes différentes, mais il nous arrive de passer des moments ensemble parfois, tous les pompiers réunis. » Pour que la ville ait toujours des personnes près à venir lors d’accident ou d’incendie, il est important d’avoir toujours quelqu’un à la caserne. Et pour ça, pour être toujours apte à partir lors d’un appel, il est primordial d’avoir des temps de repos. C’est-à-dire que quand je travaille, l’équipe de Wade se repose et inversement. « Tu le connais depuis longtemps ? Est-ce que je dois m’inquiéter d’une quelconque fascination pour les pompiers ? » S’inquiéter, peut-être pas. Ce n’est pas toujours que l’on arrive dans les extrêmes. C’est même plutôt rare. Rare, mais pas impossible. Et encore, en tant que femme, je pense que je suis plutôt chanceuse de ce côté-là : l’attrait pour les pompiers est souvent tourné vers mes collègues masculins, avec leurs abdominaux dessinés et leurs magnifiques poses dans le calendrier annuel.

Noomi acquiesça tandis que Romi lui demandait confirmation de si le temps passait vite. Beaucoup trop vite à son goût, même. Mais bon, ainsi va la vie, personne ne faisait d’enfants pour les garder au stade de bébés ou de bambins. Certains étaient même très contents de voir ces tranches d’âge passer à toute allure parce qu’il est vrai que c’était les moments où les enfants réclamaient le plus de votre attention, mais pas la grecque. Aussi bizarre que ça puisse paraître, elle avait adoré ces moments où elle n’avait plus vraiment l’occasion de voir qui que ce soit d’autre en dehors de Sarah – et de son père, bien entendu -, parce qu’il fallait s’occuper d’elle tout le temps. Peut-être aussi que ç’avait été sa manière à elle de dealer avec un abandon et un divorce, de s’enfermer dans son petit cocon. Et ça lui avait été salvateur. Mais soit, c’était le genre de choses dont elle ne parlait même pas avec un thérapeute alors… Dans tous les cas, de fil en aiguille, les deux jeunes femmes en vinrent à parler de leur job respectif et si Noomi trouvait qu’il y avait pas grand-chose à dire du sien, celui de Romi faisait en revanche parler.
« Figure-toi qu’il y a cinq ans de ça, j’ai eu un accident d’voiture assez grave et il a été l’premier sur place. Depuis, on est dev’nus potes. »
Comme quoi, le monde était petit. Ç’aurait même pu être Romi à sa place. La question suivante eut le don de faire franchement rire la blonde. Ah… Fut un temps où elle n’aurait pas eu tort. Bien qu’au fond, Noomi n’ait pas vraiment fait attention à la profession des gens qu’elle s’envoyait. Disons que, comme beaucoup, l’uniforme, le danger, c’étaient des choses qui lui plaisaient bien même si, si obsession il y avait, ça lui était un peu passé depuis qu’elle sortait avec un musicien. Chanteur et écrivain. Bref, il semblerait bien qu’elle ait finalement opté pour un artiste. Ce qu’elle était aussi alors on pourrait croire que ça créerait des rivalités au sein du couple mais même pas puisque Noomi faisait de la radio, maintenant. Comme quoi, ça arrangeait bien des choses.
« Ah, j’avais jamais vu les choses sous cet angle, mais maint’nant qu’tu l’dis… Et dire qu’aucun d’vous m’a jamais proposé d’faire un tour de camion… »
Quel gâchis quand on y pensait.

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Si la jeune femme connaît un pompier, c’est parce qu’elle a été une victime un jour ? Pour être honnête, je suis un peu sur le cul de l’apprendre. Sous prétexte qu’Island Bay est une petite ville et que Noomi était l’une de mes amies, j’aurais dû être au courant ? Nous ne parlons pas forcément de ce genre de choses, de nos interventions, entre pompiers de différentes gardes, même si la finalité ici est bonne, puisqu’à première vue, Noomi s’en est sortie et sans trop de séquelles – du moins, pas qui se voient. Mais à son plus grand regret – ça s’entend dans sa voix, la blonde n’a jamais eu l’occasion de faire un tour dans un camion de pompiers. À cette évocation, je ne peux m’empêcher de rigoler un peu. Lors des visites de la caserne, c’est généralement les enfants que l’on invite à monter dans les camions. On oublie trop souvent que certains adultes peuvent en avoir envie aussi. Surtout qu’à bien y réfléchir, de telles visites auraient un contenu bien différent. Généralement, ce qui intéresse les enfants, c’est de s’asseoir derrière le volant et de faire retentir la sirène. Alors que les adultes, j’ai envie de croire qu’ils se préoccuperaient un peu plus de ce que nous faisons et comment – les outils utilisés, la routine mise en place. « Tu sais.. il n’est jamais trop tard pour ça. » Je hausse légèrement les épaules, avant de tourner la tête vers mes collègues. Chacun semble occupé à se trouver des friandises, alors que celui qui a fait le plein est enfin revenu vers eux. « Depuis quelques heures, c’est plutôt calme pour nous. Est-ce que tu veux venir faire un tour ? » Techniquement, il ne faut jamais dire que c’est trop calme, au risque de se retrouver débordés. Mais là, pour justifier une telle invitation, j’étais obligée. Si nous étions appelés sur une intervention, alors Noomi ne pourrait pas monter sur le camion. « Avec un peu de chance, l’alarme sera un peu plus bruyante si nous faisons venir une inconnue. » Je dois avouer qu’il y a un peu de ça dans ma proposition. Et à défaut de s’ennuyer, autant en profiter pour lui faire réaliser l’un de ses rêves. « Je ne souhaite le malheur de personne, mais il faut avouer que quand c’est trop calme, je n’aime pas ça. » C’est sûrement pour cela que je n’ai pas hésité longtemps avant de quitter mes études : rester assise à un bureau ne me convenait pas. Alors que courir dans des bâtiments en feu.. c’est une autre histoire.

Jamais trop tard, hein ? Sérieusement, quelles étaient les chances pour que Noomi tombe sur Romi aujourd’hui, que celle-ci soit devenue pompier entre-temps et que leur camion soit justement arrêté à la pompe à essence, hein ? Sans parler du fait que, par-dessus le marché, son amie et son équipe ait apparemment du temps devant eux puisqu’elle ne lui proposa pas de passer par la caserne – qui se trouvait pratiquement à deux pas de son appartement, soit dit en passant – un autre jour, non, mais bien de le faire maintenant. Ayant sûrement gardé une âme d’enfant, la blonde hocha vivement de la tête en guise de réponse, presque des étoiles dans les yeux.
« Tu déconnes ! Avec grand plaisir ! »
Non parce qu’en disant ça, elle ne s’était pas attendue une seule seconde à ce qu’on lui propose de passer à l’action. Là-dessus, Romi lui fit comprendre qu’avec une inconnue à bord, peut-être que l’alarme se ferait à nouveau entendre et Noomi se demanda un instant s’il s’agissait là de croyances de pompiers. Si oui, c’était intéressant. Comme toutes les croyances et superstitions quelles qu’elles soient, au fond. Dans tous les cas, l’explication qui suivit la fit sourire et elle vint tapoter amicalement l’épaule de la jeune femme.
« J’te r’connais bien là. »
Après tout, Romi était une femme d’action, elle l’avait toujours su. La grecque aussi mais d’une toute autre manière puisque, si elle était tout sauf sportive – jamais elle ne prenait les escaliers de son immeuble, par exemple, à moins que l’ascenseur soit en panne -, ça ne l’empêchait pas d’être active. Et de se fourrer dans les pires situations qui soient. Dont elle finissait toujours par miraculeusement sortir. Voyant que les coéquipiers de Romi étaient toujours en train de faire leur choix, elle s’avança vers la caisse et pointa du doigt le paquet de cigarettes qu’elle était venue chercher et qu’elle régla en moins de temps qu’il en faut pour le dire avant de revenir vers son amie et d’annoncer :
« C’est bon, j’suis prête. »
Tandis qu’elle rangeait le paquet au fond d’une poche, elle la laissa la précéder au dehors et lui emboîta le pas sans avoir l’air trop excitée non plus parce qu’on la prendrait probablement pour une folle. Pas que ça lui importe tellement au fond, mais bon, elle se doute que même si elle était sur le point de monter dans un camion de pompiers, on n’allait quand même pas la laisser arroser les passants à coups de lance à incendie, ça resterait très sage.

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À l’évocation de Noomi et d’un possible tour en camion de pompier, je ne peux m’empêcher de sauter sur l’occasion et de lui proposer de réaliser l’un de ses rêves – si on peut vraiment en arriver à ce qualificatif. Jusqu’ici, notre journée est plutôt calme, alors autant profiter de cette occasion pour faire en sorte d’occuper notre temps. Au quotidien, nous nous rendons sur des accidents ou sur des incendies, mais il n’est pas non plus rare que nous prenions du temps pour éduquer les gens sur notre métier : nous pourrions donc considérer que cette petite pause, avec une ancienne amie, est en réalité l’une de mes tâches à faire aujourd’hui. Emballée par l’idée, la blonde doit encore payer ce qu’elle est venue chercher ici. Je profite de ces quelques minutes seule pour mettre mes collègues au courant. Maintenant, libre à eux de venir m’aider pour la visite ou de rester ici, à saliver sur tous les en-cas disponibles. « Allons-y ! » Dis-je à la jeune femme, alors que celle-ci revient vers moi. Je salue la personne qui se tient derrière la caisse, lance un dernier regard à mes collègues et quitte l’établissement. Le véhicule est garé à quelques mètres seulement, près à repartir. Inutile de déverrouiller la porte, celle-ci est toujours laissée ouverte pour nous permettre de grimper à l'intérieur au plus vite en cas d'appel – néanmoins, la clef est toujours retirée, afin d'éviter de voir un blagueur prendre les commandes du camion durant notre absence. J'ouvre l'une des portières et redescends sur la terre ferme pour lui laisser le champ libre. « Frottes bien tes pieds avant de monter. » Quand je veux, je peux prendre un air sérieux et ça, ce ne sont pas les hommes qui sont sous mes ordres qui diront le contraire. « Je rigole ! Je doute que les gars dans la boutique le fasse, alors ne te prive pas. » Encore une fois, dans la précipitation, nous ne passons pas par toutes les étapes réalisées par les gens soignés. Même si le camion est généralement nettoyé à chaque garde, que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur. « Si vraiment tu as les chaussures pleines de boue, je leur ferais nettoyer. » Il ne s'agit là que d'une hypothèse, surtout qu'à première vue, ses pieds semblent propres – la pluie des derniers jours ne permet pas de rendre les chemins trop humides. « Après toi. Fais-toi plaisir ! Si jamais tu veux utiliser la sirène, préviens-moi juste avant. » Ce n'est pas forcément quelque chose que je recommande, mais je sais que c'est bien souvent compliqué de se retenir. Alors histoire d'éviter que mes tympans ne finissent en miettes, je préfère me boucher les oreilles suffisamment vite.

Au « allons-y » de Romi, la grecque ne se fit pas prier. Pour se retrouver au pied du camion dans lequel elle ne se permit pas de grimper tout de suite non plus. Pas qu’elle soit très impressionnée – il en fallait quand même plus que ça -, mais elle ne voudrait pas créer d’ennuis à son amie qui avait la gentillesse de l’inviter. Aussi respecterait-elle les consignes à la lettre, une fois n’est pas coutume. C’est donc ainsi qu’elle la vit ouvrir la porte d’un camion resté ouvert et ne put s’empêcher de se poser une question bien précise. Non parce que bon, ça devait quand même en tenter pas mal. Même si elle se doutait que les clefs ne restaient pas non plus sur le contact pour éviter que ce genre de choses ne se produisent trop souvent. Ça n’empêche qu’il y avait d’autres façons de démarrer un moteur.
« Vous avez jamais eu d’vol ? »
Qu’on ne s’y méprenne pas, quelle que soit la réponse, Noomi n’avait clairement pas l’intention d’essayer quoi que ce soit de son côté, surtout parce que depuis qu’elle était devenue maman, elle s’était un peu calmée sur ce genre de choses. C’était d’ailleurs d’autant plus le cas depuis que son ex-mari avait eu l’audace de revenir au pays pour qu’ils se disputent tous deux la garde de Sarah. Mais la question se posait. Bref, entendant la remarque de Romi, la blonde baissa automatiquement les yeux sur ses chaussures, un peu surprise.
« Euh… Oui. »
C’est là qu’elle lui fit savoir qu’il s’agissait d’une blague et que Noomi se mit à rire. C’est vrai que maintenant qu’elle y pensait, c’était un peu bizarre comme remarque. Puis son amie enchaîna sur le fait que si ses chaussures étaient vraiment sales, c’est à ses collègues qu’elle ferait nettoyer ça parce qu’eux ne se privaient pas pour tout saloper. Quel caractère ! Ça lui plaisait toujours autant.
« J’commence à r’gretter de tout juste sortir de chez moi et d’n’avoir pas eu l’temps d’me salir encore ! »
Réflexion accompagnée d’un rire parce que ça aussi c’était une blague. Quoique… Tout ça pour dire qu’elle grimpa donc à l’avant, côté passager et, comme le lui avait appris son accident de voiture un peu à la dure, boucla systématiquement sa ceinture.
« Oh trop bien, j’vais pouvoir essayer même si y a pas urgence ? J’vais garder ça pour le trajet d’retour. »
Parce qu’elle imaginait que les autres automobilistes cédaient alors le passage et qu’elle n’avait pas non plus envie de créer un bouchon.

un petit tour de camion ?
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« Pas dans notre caserne. Pas depuis que j’y suis. Nous devons vivre dans une ville où les gens sont un minimum intelligents et où ils respectent notre métier. » Dis-je, alors que la blonde me questionne sur un éventuel vol de camion. J’ai bien conscience que cela peut être tentant, que ça fait une case à cocher dans la liste des choses à faire dans une vie, mais un camion de pompiers qui disparaît, juste pour amuser un peu la galerie, ce sont potentiellement plusieurs vies qui sont mises en danger. Si un jour cela arrive, j’espère ne pas être de garde : je n’ose pas imaginer les réprimandes que tu te prends de la part du département, même si ce n’était pas vraiment de ta faute. Arrivées à côté du camion et maintenant prêtes à monter, je plaisante un peu, avant de l’inviter à monter. Inutile de prendre des pincettes pour ça, nous y montons rarement avec délicatesse lors de nos interventions. Elle grimpe et s’installe sur le siège côté passager, sur lequel elle s’attache. Lorsque j’évoque l’alarme du camion, Noomi semble agréablement surprise. Il faut croire que je vise juste avec mes propositions, comme si petit à petit, je réalisais ses rêves. « Si elle ne retentit que deux-trois coups, nous pourrons dire que c’était une fausse manipulation. » Bien sûr, quand nous travaillons à la caserne, nous connaissons nos outils par cœur, mais ça, les autres ne sont pas censés le savoir. Et puis, j’aime croire qu’ils nous pardonneront tout, surtout si ce n’est que pour les faire patienter quelques secondes. Attendre au feu pour une vie sauvée, ça vaut le coup, non ? « Tu es à la place du chef là ! De la cheffe en l’occurrence. Mais ne t’en fais pas, je te la prête avec plaisir pour un petit tour ! » Je passerais à l’arrière le temps du petit tour, ça me fera découvrir de nouvelles choses aussi. Ça me fera retrouver quelque chose plutôt, une place que j’occupais avant d’être lieutenante. « Nous devons attendre les autres, on ne sait jamais. » Si nous sommes appelés dans les minutes à venir, nous devons être en capacité d’être efficace, avec ou sans visiteur dans le camion. Et puis, parmi eux, il y a le chauffeur. Nous montons tous dans ce camion, plusieurs fois par jour, mais nous ne sommes pas tous capables de conduire un engin comme celui-ci. Un quatorze tonnes, ça ne se bouge pas en un simple claquement de doigts. « Est-ce que tu veux les appeler ? Tu es plutôt douée pour parler à une radio de ce que j’ai pu comprendre. » Peu importe ce qu’elle dira, elle les fera sûrement rire – ils ont tendance à être bon public pour tout – et si jamais elle n’en a pas envie, alors je m’occuperais de leur demander d’accélérer un peu.

A la réponse de Romi, Noomi hocha la tête. Il faut croire que les gens étaient vraiment mieux éduqués en Nouvelle Zélande qu’en Amérique parce que si c’était arrivé à la Nouvelle-Orléans, là où vivait toujours sa mère, elle était certaine qu’une bande de jeunes fous – dont elle aurait autrefois pu faire partie, même – serait partie avec y a fort longtemps. A tel point même que plus aucun pompier ne prendrait le risque de laisser un seul camion ouvert. Quitte à ce que des gens meurent, de toute manière c’étaient les Etats-Unis, on n’avait pas la même notion de la vie humaine… Bref, son amie lui confirma ensuite que non, elle ne rêvait pas, elle aurait bel et bien le droit de faire retentir la sirène si elle le voulait. Mais pas plus de trois coups, comme si c’était le code à respecter pour que personne ne s’en inquiète. La blonde tâcha de garder ce détail dans un coin de sa tête même s’il y avait de grandes chances qu’elle oublie à cause de sa mémoire défaillante pas tout à fait rétablie encore mais ça valait quand même la peine d’essayer. Là-dessus, Romi lui apprit être à la place de la cheffe mais qu’elle lui cédait exceptionnellement volontiers, ce qui arracha un sourire à la grecque, très attentive à tout ce qui était en train de se passer. Nouvel acquiescement quand elle ajouta qu’il leur fallait attendre les autres. C’est vrai qu’elle avait cru qu’il n’y aurait qu’elles deux mais ça ne la dérangeait pas que le reste de l’équipe se joigne à elles, elle n’avait pas peur des foules et heureusement pour elle parce que ç’aurait pu être problématique avec un métier comme le sien. Ou même avec celui qu’elle rêvait d’exercer avant ce changement de programme inopiné et plutôt forcé. Puis elle lui demanda si elle voulait les appeler, y allant de son petit commentaire quant à ses talents d’animatrice radio, ce qui la fit rire.
« Ouais, y en a qui ont des enfants en âge d’écouter mon émission, tu crois ? »
Parce que si c’était le cas, y avait fort à parier qu’ils la reconnaîtraient dès ses premiers mots. Attrapant le micro, elle appuya sur le bouton avant de s’annoncer de sa voix suave :
« Salut à tous les gars, ici Noomi Savalas. On vous prie de ram’ner vos fesses au camion dans la s’conde ! »
Ah ça, fallait pas compter sur elle pour faire dans le conventionnel et encore moins dans le chic… Mais cette façon de parler avait su trouver son public.

un petit tour de camion ?
crédit/ tumblr ✶ w/noomi

Maintenant que Noomi s’est installée à la place passagère, à l’avant du camion, il ne manque plus que le reste de l’équipage pour démarrer. Je pourrais prendre le volant, mais pour éviter une catastrophe – ça fait bien longtemps que je n’ai pas conduit, ça doit remonter à ma formation, il y a plusieurs années – et surtout pour faire face à une éventuelle intervention pendant le tour, il est préférable d’attendre mes collègues. Je propose à la jeune femme d’utiliser ma radio pour appeler le reste de l’équipe. Comme c’est son métier de parler aux gens sans vraiment les voir et les entendre, je me suis dit que ça pouvait peut-être être marrant pour elle de s’adresser à des pompiers aujourd’hui. « Peut-être, l’équipe est très hétérogène. » Mais même s’ils ont des enfants en âge d’écouter l’émission de Noomi, sont-ils réellement au courant de ce qu’ils écoutent ? Je ne dis pas qu’ils ne sont pas de bons parents, mais disons que quand nous retournons chez nous, durant nos jours de repos, ce n’est pas notre priorité – ce n’est pas la mienne en tout cas, mais Lilly est loin d’être en âge d’écouter une mission de la sorte à longueur de journée. Elle lance son message et seulement quelques secondes après ça, nous voyons les membres de mon équipe arrivés – un temps de réaction impressionnant, même si ça l’est moins que quand c’est l’alarme de la caserne qui résonne. « Nous allons faire un petit tour. Tout le monde a ce qu’il voulait ? » Nous étions là pour faire le plein d’essence, mais c’était aussi l’occasion pour chacun de prendre quelques friandises et il serait dommage qu’il n’ait pas eu le temps pour ça. Visiblement, tout est bon pour tout le monde, même s’ils ont encore un peu de mal à comprendre ce qui se passe. « Elle s’est déjà présentée, mais pour ceux qui ne seraient pas très attentifs : voici Noomi Savalas, une star locale ! » Au moins, pour ceux qui ne la connaissent pas, cela occupera un peu leur trajet de se demander d’où elle vient, dans quel domaine est-elle une star. « Être ici, c’est un peu comme un rêve pour elle. » J’exagère peut-être un peu les choses, mais parfois, il faut au moins ça. « Alors montrons lui ce que c’est la vie de pompiers. » Même si clairement, être assis dans le camion n’est qu’une infime partie de ce que nous faisons au quotidien. Le moteur lancé, le chauffeur commence à faire rouler l’engin dans les rues d’Island Bay où, même sans sirène, les autres usagers de la route semble nous laisser la priorité.