un petit tour de camion ? (noomi)

un petit tour de camion ?
crédit/ tumblr ✶ w/noomi

Je comprends son interrogation. Quand on pense aux pompiers, on ne nous imagine rarement faire des pansements à longueur de journée. Pourtant, nous sommes formés pour ça, pour aider les ambulanciers un jour, s’ils en ont besoin — ce n’est d’ailleurs pas impossible que des pompiers montent dans l’ambulance pour remplacer un collègue absent. « C’est notre métier. Et c’est toujours mieux que d’être envoyé quelque part pour un canular.. » C’est déjà arrivé et pas qu’une fois, malheureusement. Dans ces cas-là, quand on pense intervenir sur un feu ou sur un accident, notre formation ne sert pas à grand-chose. Alors qu’ici, si les gens viennent, on a la sensation d’être un minimum utiles, même si ce n’est pas pour beaucoup. Et puis, si jamais il s’avère que c’est plus grave que prévu, alors nous avons des véhicules plus adapté pour filer à travers la ville à toute vitesse, jusqu’aux urgences. Si nous avons parfois des petits bobos, nous avons aussi parfois plus, comme je l’évoque à Noomi. « C’est assez impressionnant, en effet. Mais on s’habitue à force. C’est juste un peu différent quand tu as, toi même, eu un enfant, je trouve. » Je n’ai pas accouché, alors c’est sûrement encore un peu différent. Mais ça reste quand même impressionnant, avec tous les enjeux que l’on connaît derrière. Et puis, finalement, participer à un accouchement ou foncer dans un bâtiment en flamme, ça se vaut niveau adrénaline, à des niveaux quelque peu différent : on donne la vie dans un cas et on essaye d’éviter d’en perdre une dans l’autre. Lorsque je remarque que l’attention de la blonde est portée sur la barre de glisse de la caserne, je lui propose de l’utiliser, sans me rendre responsable dans le cas où les choses ne se passeraient pas comme prévues. Elle monte à l’étage, avec l’énergie d’une enfant, et refuse que j’appelle mes collègues, de peur qu’ils perdent la flamme — un comble — si jamais Noomi finie étalée comme une crêpe par terre. Arrivée en haut, elle me lance son téléphone pour que j’immortalise le moment. Je suis amusée par la situation, mais je joue le jeu, lançant l’enregistrement lorsqu’elle s’élance. Il est toujours compliqué de faire cela avec grâce, mais la jeune femme s’en sort plutôt bien, jusqu’à l’arrivée au moins. « Comme on dit, c'est le métier qui rentre ! » Voilà une nouvelle petite allusion au fait qu’elle pourrait rejoindre la caserne. « Pour une première fois, je trouve que tu t’en es très bien sortie. C’est toujours un peu compliqué au début, surtout quand on ne s’attend pas à une telle hauteur. » Je m’avance jusqu’à elle et l’aide à se relever. « Ton tour à la caserne n’aura pas été vain. » Un large sourire se dessine sur mes lèvres, alors que je lui rends son téléphone. « Tu as d’autres rêves dans le genre à réaliser ? »

C’est vrai qu’étant elle-même la cible de canulars – la plupart venant de son immature d’ex-mari -, Noomi était bien placée pour savoir que ça n’avait rien de drôle. Ou en tout cas qu’on venait forcément à s’en lasser et même très rapidement. Alors oui, pour quelqu’un qui avait signé pour combattre les flammes et sauver des personnes potentiellement prises au piège dans tout ce merdier, c’était sans doute mieux de se retrouver à devoir faire un petit pansement tout simple plutôt que d’être appelées à un endroit où on se rend compte qu’il y a pas de feu, pas même la moindre petite étincelle, ni même un blessé ou un chat coincé en haut d’en arbre. Bref.
« Ouais, j’comprends. Les canulars c’est vraiment la plaie. Y en a plein à la radio aussi, tellement que j’suis obligée d’avoir quelqu’un en régie pour les bloquer. Avec d’la chance, ça vous arrive moins souvent j’espère. »
Hé oui, depuis quelques semaines, à chaque fois que sa collègue standardiste reconnaissait Frank au téléphone, elle ne le lui passait plus à l’antenne ; si ce qu’il lui arrivait de dire n’entachait en rien sa réputation, ça faisait juste perdre du temps aux gens qui voulaient partager leur témoignage, à ceux qui voulaient passer une dédicace, à la standardiste, à elle, bref, à tout le monde. Tout ça pour dire que Romi lui apprit par la même occasion qu’il y avait pas que des petits bobos de rien du tout et qu’il lui était déjà arrivé de devoir accoucher quelqu’un. Enfin, pas qu’elle, toute l’équipe, mais la grecque n’osait même pas imaginer la panique que ça devait être. Eh bien non, pas d’après son amie en tout cas. Enfin, elle n’était pas en train de dire que c’était un évènement vraiment chill non plus, juste que le fait d’avoir eu un enfant pouvait aider.
« Ouais ? J’crois que j’serais quand même terrorisée à l’idée d’mal faire, en c’qui m’concerne. »
Pourtant, elle était pas ce qu’on pouvait appeler une petite nature, mais c’était normal puisqu’elle n’avait pas les notions de secourisme de Romi et de ses collègues. Soit, c’était l’heure de son baptême du feu en ce qui concernait la rampe de la caserne et telle une enfant, plus rien d’autre ne comptait pour Noomi. Et un atterrissage pas trop en douceur plus tard, elle s’amusait comme une petite folle. Peut-être même qu’elle n’effacerait pas cette vidéo. Avec l’aide de son amie, elle se remit debout et récupéra son téléphone. A la question qui suivit, la blonde secoua la tête :
« Non, puis j’voudrais pas abuser d’votre temps non plus, c’est déjà super comme ça ! »
Ce disant, elle commença tout doucement à rassembler ses affaires avant de rappeler :
« Par contre, j’étais sérieuse pour la tournée, alors gardez ça dans un coin d’votre tête. Puis si jamais vous avez besoin d’une collecte de fonds ou j’sais pas quoi, n’hésite pas à m’passer un coup d’fil, j’ferai l’nécessaire à la radio pour vous filer un coup d’main. »
Fouillant dans une poche, elle en sortit un des post-it qui ne la quittaient plus depuis son accident de voiture ainsi qu’un marqueur et nota son numéro dessus avant de le laisser à Romi.

un petit tour de camion ?
crédit/ tumblr ✶ w/noomi

Les canulars, c'est marrant une fois, mais pas à répétition. Surtout dans un contexte comme le notre où nous ne pouvons pas refuser une intervention sous prétexte que le coup de téléphone nous paraît louche. Et si c'était vraiment une personne en danger, quelqu'un qui est simplement mal à l'aise au téléphone ou qui n'est justement pas dans les meilleures conditions pour s'exprimer correctement ? La ville n'aurait aucun mal à nous reprocher un non déplacement, même si avant cet appel, plusieurs personnes nous ont fait nous déplacer pour rien. Comme quoi, être pompier, c'est aussi beaucoup de patience. Cette conversation, sur les interventions qui peuvent aussi avoir lieu directement à la caserne, terminée, je remarque les étoiles dans les yeux de Noomi à la vue de la rampe que nous utilisons parfois pour descendre plus vite. Ça, les camions et les calendriers sont sûrement les quelques légendes qui continuent de faire parler d'elle et d'impressionner chaque personne qui franchit cette porte, peu importe l'âge. Contrairement aux enfants qui franchissent la porte de la caserne, la blonde est en âge de pouvoir l'essayer, si elle le désire. Et sans grande surprise, elle ne se fait pas prier pour le faire, au point même qu'elle me demande de la filmer pour immortaliser le moment. Je suis prête à lui ramener quelques supporters, mais elle préfère que ça reste entre nous pour l'instant. Elle s'élance, glisse et fini malheureusement sur les fesses.. mais par chance, plus de peur que de mal puisqu'elle se relève rapidement. Je lui rends son téléphone et lui demande s'il y a quelque chose d'autre sur sa liste de souhaits. Après un tour en camion, une intervention et cette descente, autant dire que la journée de Noomi a sûrement été plus sportive que prévue. Mais la jeune femme ne souhaite pas profiter plus longtemps de nous — tant qu'il n'y a pas d'appel, ce n'est pas forcément dérangeant, ça m'évite même de mettre mes hommes à l'exercice et pour ça, ils la remercient sûrement. « C'est bien noté, merci ! » Dis-je, alors qu'elle relance l'idée de payer une tournée à tout le monde ici. « Si tu as envie de faire des dédicaces à la meilleure caserne de la ville, n'hésite surtout pas, je suis sûre que ça leur fera plaisir. » J'arque un sourcil. Ça ne plaira sûrement pas aux autres pompiers du coin, mais autant profiter du fait que je connaisse quelqu'un à la radio, non ? Pendant que la blonde écrit son numéro sur un morceau de papier, je m'inquiète de son retour. « Est-ce que tu as besoin que l'on te ramène à ta voiture ? Nous ne sommes pas obligées de prendre le camion cette fois-ci, il y a la voiture du chef, ou alors la mienne, qui est garée dans la rue. » La station service n'est pas forcément loin, mais je ne voudrais pas qu'elle perde plus de temps que nécessaire.

La meilleure caserne de la ville ? Mais c’est pas la seule aussi ? A moins bien sûr que Romi n’englobe la capitale dans le tas parce que là, doit y en avoir plusieurs. Enfin, au moins une autre, quoi. D’ailleurs, maintenant qu’elle a copiné avec pas mal de pompiers dans celle-ci, peut-être devrait-elle commencer à s’intéresser à l’autre également. Elle le sait d’expérience : ça peut être super utile. Bref, pour ce qui est des dédicaces, c’est quelque chose qui peut carrément se faire. Ça lui arrive pas souvent d’en passer elle-même, généralement elle laisse ce privilège à ses auditeurs mais de la même manière qu’elle hésite jamais à donner un petit coup de pouce à ses amis musiciens, elle peut bien en glisser une de temps à autre. A quoi bon être une superstar de la radio sinon ? Et c’était que moyennement une exagération puisqu’il y avait sa tête sur certains bus de la ville. Bref, contente d’avoir retrouvé une amie, Noomi s’empressa de lui donner son numéro. Et c’était pas une tentative de drague juste que bon, elles avaient toujours deux ou trois trucs en commun et que ça pouvait être sympa d’en discuter un soir ou l’autre autour d’un verre si l’occasion leur était donnée.
« Aucun souci pour la dédicace, je t’enverrai un p’tit message quand elle pass’ra à l’antenne, histoire que vous soyez pas tout l’temps obligés d’écouter mes conneries. »
C’est sûr qu’elle savait se vendre… Mais disons qu’à ce stade, elle n’en avait plus vraiment besoin et qu’en plus de ça, y a des gens à qui les conneries plaisaient plutôt bien ; c’était parfait pour se vider la tête. Puis, sourire aux lèvres, elle écouta la proposition de son amie. C’est qu’elle était pas contre le fait qu’on la raccompagne à sa voiture, parce qu’elle aurait pu rentrer à son appart’ depuis la caserne à pied sans souci mais la simple idée de laisser sa Mustang de collection sur le mini-parking de station-service la défrisait.
« Ouais, j’veux bien, c’est gentil. Et comme tu veux pour la voiture, si tu préfères vider le réservoir d’la caisse du patron, ça m’va. Puis j’dirai rien. »
Ce disant, elle refit le chemin en sens inverse jusqu’à tomber sur la plupart des collègues de Romi pour leur dire au revoir avant de revenir auprès de son amie mais surtout de vérifier qu’elle n’avait rien oublié. Bon, au pire, elle pourrait revenir sans trop de difficulté s’il fallait.