un petit tour de camion ? (noomi)

C’était pas un rêve ni une illusion : la voix de Noomi avait le pouvoir de rameuter les foules. C’était le cas depuis qu’elle faisait de la radio, en tout cas. Beaucoup moins du temps où elle était supposée en vivre avec sa fille. Enfin, bien sûr que c’était toujours le cas, c’était toujours sa voix son gagne-pain mais dans un tout autre contexte. En fait, sa carrière de musicienne et chanteuse pouvait se résumer ainsi : la chance ne s’était mise à lui sourire qu’une fois qu’elle n’a plus été disponible. Heureusement pour elle que sa carrière d’animatrice radio était placée sous de meilleures auspices. Comme quoi, elle qui avait longtemps cru que c’était pas sa vocation, peut-être bien qu’elle s’était trompée et l’envie de poursuivre dans cette voie, par facilité, peut-être, avait fini par pointer le bout de son nez. Bien qu’elle n’exclue pas non plus le fait de se remettre un jour à la musique. Surtout maintenant qu’elle parvenait à mieux suivre une partition. Et qu’elle sortait avec un musicien qui lui donnait envie cette envie. Bref, tout ça pour dire que sa voix suffit à faire rappliquer tout le monde en un temps presque record, donc. Normal en même temps, si personne n’avait remarqué que Romi discutait avec quelqu’un, y avait de quoi se demander comment une parfaite inconnue pouvait bien leur adresser ce message via leur propre radio. Dans le tas, elle crut voir un visage ou deux s’éclairer en la voyant : ils la connaissaient et pouvaient constater qu’il ne s’agissait pas d’un canular. Pas plus, mais c’était déjà pas si mal ! Entendant son amie la présenter à nouveau, Noomi adressa un salut militaire au reste de l’équipe puis confirma ce qu’elle leur dit d’un hochement de tête. On se serait cru dans une de ces émissions que sa mère regardait parfois où le but était de réaliser le plus grand rêve d’un enfant défavorisé. Cette image la fit d’ailleurs rire tandis que tout le monde montait à bord et que Romi passait à l’arrière. Pas de panique, on lui tendit un casque pour qu’elle puisse continuer à lui parler si jamais. C’est ainsi qu’ils se mirent en route et qu’elle fut stupéfaite de constater que même en l’absence de sirène, les automobilistes cédaient le passage.
« Ah ouais, ça déconne pas. Ça doit être pareil pour les hommes politiques. »
Même si elle s’amuserait sans doute plus à leur faire des queues de poisson plutôt que la haie d’honneur, mais bon, chacun son délire. Et puis fallait pas abuser, les politiciens ici étaient moins cons que la plupart des américains. Qu’ils soient dans la politique ou non, d’ailleurs. Ils roulèrent donc sur quelques kilomètres sans se presser jusqu’à ce que la radio se mettent à grésiller et qu’une voix s’élève dans les casques de chacun pour leur demander de se rendre fissa à telle adresse. La grecque se garda bien de sauter sur place parce que l’issue de cet appel serait peut-être terrible mais elle pensait avoir de la chance de tomber en pleine phase d’action.

un petit tour de camion ?
crédit/ tumblr ✶ w/noomi

Maintenant que le camion est plein, il est temps de décoller d'ici – à trop attendre, nous risquons d'être appelés avant même de partir. Nous mettons nos casques sur nos oreilles et en donnons un à Noomi, pour qu'elle puisse communiquer avec nous au besoin. C'est d'ailleurs après plusieurs mètres parcouru qu'elle en fait son premier usage. « Sûrement. D'ailleurs, je crois qu'ils ont la priorité sur nous. » Un comble pour un véhicule de secours, me direz-vous. La seule option que je vois, pour que cela change, c'est le cas où ce sont eux les victimes. Après plusieurs kilomètres parcouru, une voix nous appelle à l'ordre sur une intervention – à force, le mythe de la poisse portée par les invités n'en sera plus un. « Allons-y ! » Je n'ai pas besoin de le dire à mes collègues, ils sont déjà prêts. En revanche, la blonde assise du côté passager n'a peut-être pas encore conscience de ce qui va se passer. « Actionne le bouton, à gauche. » Dis-je, tout en lui indiquant l'endroit du doigt. « Oui, celui-là. » Mon approbation donnée, Noomi s'empresse d'exécuter le geste, laissant ainsi la sirène se mettre à raisonner. Elle l'espérait tout à l'heure et voilà qu'elle a la chance de l'avoir. Il n'y a plus qu'à croiser les doigts pour que l'appel ne soit pas trop grave, la balade prendrait fin un peu dramatiquement. Si les voitures se décalaient déjà tout à l'heure, c'est une toute autre histoire maintenant. Les véhicules réagissent à la sirène plusieurs carrefours à l'avance et c'est donc un vrai boulevard qui s'offre à nous. En quelques minutes seulement, toute l'équipe arrive sur place. Sur le chemin, nous n'avons pas remarqué de fumée, l'hypothèse d'un incendie peut donc être légèrement éloignée – même si le feu peut parfois être contenu dans les murs et ne pas être visible avant que le bâtiment soit sur le point de s'écrouler. Dans nos casques, la voix était un peu floue sur ce qui nous attendait sur place, comme si les standards n'étaient pas au courant non plus. Mais au moins, la foule présente nous indique que nous sommes au bon endroit et où nous devons nous diriger. « Qu'est-ce qui se passe ? » Mes collègues n'ont pas plus de réponses, mais c'était plus fort que moi de demander. À peine le camion arrêté, j'ouvre la porte et nous descendons sans traîner. Un ou deux des gars restent là, dans le cas où nous aurions besoin d'outils rapidement et le reste de l'équipe se dirige vers la foule. « Reculez. Laissez-nous faire notre travail. » Comme on le dit souvent, la curiosité est un vilain défaut : certains sont prêts à tout pour simplement voir ce qui se passe, même si ça ne les regarde pas. En m'approchant, je comprends pourquoi ils sont si curieux. Voir l'un de ses voisins, la main bloquée dans une déchiqueteuse, ça promet un terrible concours sur celui qui arrivera à faire la plus belle photographie de la scène. À travers la radio, je demande à mes collègues restés près du camion d'apporter une scie et des cales. En parallèle, l'un de ceux venus avec moi jusqu'ici s'occupe de chercher comment couper l'électricité de la machine.

Assise aux côtés de ces combattants du feu, Noomi prit pleinement conscience de la chance qu’elle avait. Enfin, façon de parler parce que c’était quelque chose dont elle aurait totalement pu se passer, mais elle se rendait surtout compte que tout le monde ne pouvait pas s’en vanter. Loin s’en fallait. Entendant la voix de Romi résonner dans son casque, elle prêta attention à ce qu’elle venait de dire. C’est vrai qu’en plus, c’étaient eux qui avaient la priorité et pas le camion. Du coup, est-ce qu’on pouvait parler d’enfreindre le code la route ? Peut-être, mais à circonstances exceptionnelles… La grecque s’apprêtait à faire une remarque quand la radio se mit à crachoter dans ses oreilles pour lancer son appel. Ça, encore moins de gens pourraient s’en vanter ! Mais pas le temps de s’enthousiasmer davantage que Romi lui demande d’appuyer sur un bouton. Se tournant vers son amie pour voir l’endroit qu’elle lui indiquait, elle finit par trouver ledit bouton. Sans se faire prier plus que ça, elle appuya dessus et constata que c’était celui qui actionnait la sirène. Vraiment la classe ! Elle en oublierait presque qu’ils étaient appelés sur une possible urgence. Mais, en fonction de l’urgence, si urgence y avait vraiment, c’était peut-être mieux comme ça.
« Trop bien ! »
Puis Noomi se laissa porter par l’effervescence générale jusqu’à arriver à destination. Où elle ne vit aucune flamme. Bonne nouvelle. La blonde laissa tout ce petit monde s’activer sans descendre tout de suite du camion pour ne pas être dans leurs pieds. Puis, une fois qu’elle vit que presque tout le monde était descendu, elle suivit le mouvement. De loin. Toujours pour ne pas déranger. Pourtant, elle était curieuse de savoir ce qui était en train de se passer. C’est à ce moment-là qu’une femme parmi les badauds l’interpella. Se tournant vers cette voix, elle ne reconnut pas la personne, mais ça n'avait rien d’étonnant. D’une part parce qu’il n’était pas rare que ses auditeurs la reconnaissent et d’autre part parce qu’avec ses problèmes de mémoire, y avait vraiment beaucoup de monde qu’elle avait oublié au fil du temps. Voyant que la personne lui faisait signe d’approcher, elle s’exécuta et apprit que quelqu’un s’était coincé un membre dans une déchiqueteuse. La main, heureusement. Enfin, ça ou un autre membre, ç’aurait été tout aussi grave, me direz-vous, mais quand même. Noomi répondit par une grimace. Aïe. N’entendant aucun hurlement, elle en vint à la conclusion que le pire n’était pas à craindre, mais quand même, c’était pas marrant de se retrouver avec une main coincée dans une déchiqueteuse. C’est là qu’elle entendit son amie demander une scie et décida de fausser compagnie à elle ne savait toujours pas qui pour rejoindre l’équipe. Tout en veillant toujours à se tenir suffisamment à distance pour ne gêner personne.

un petit tour de camion ?
crédit/ tumblr ✶ w/noomi

À la demande de la scie, l’homme prisonnier s’exclame. Qu’est-ce qu’il croit ? Que je l’ai demandée pour pouvoir faire une amputation au plein milieu de son jardin ? Certainement pas. Je n’en ai pas les capacités intellectuelles — il ne faudrait pas qu’il se vide de son sang sous mes ordres, ça m’embêterait — et surtout pas l’autorisation. Nous devons nous assurer qu’il soit stable pour l’emmener aux urgences où des personnes plus expérimentées prendront le relai, c’est tout. Je le trouve quand même un peu mijaurée pour quelqu’un qui s’est pensé plus fort qu’une machine à dent, à la force bien plus grande que lui. Et oui, quand nous sommes appelés sur des urgences, ce n’est pas toujours pour des personnes avec une intelligence au-dessus de la normale. En réalité, pour lui, ça semble un peu différent. Malgré l’agitation qui se passe autour de nous, je ne peux m’empêcher de remarquer que son regard n’arrête pas de se poser sur une blonde, qui se tient debout, à quelques mètres. A-t-il fait cela pour impressionner son épouse ? Alors que je m’apprête à l’appeler pour lui dire de venir auprès de lui, c’est une autre femme qui arrive, brune cette fois-ci. En le voyant dans cet état, elle n’est pas loin de faire un malaise. « Bonjour madame. Il faut vous éloigner un peu. » « C'est mon mari ! Je veux rester à ses côtés ! » Il ne manquait plus que ça.. un différent entre voisins. On ne dirait pas qu'ils en sont encore là, que la femme a compris ce qui se tramait avec la blonde d'à côté, et il serait dommage que ça change, au risque de voir la situation drastiquement changer, au point même de devoir faire appel à la police. « Eddy, tu emmènes la dame à l'ambulance. On arrive avec son cher et tendre. » En plus de gagner un peu d'espace, ça nous évitera peut-être une catastrophe. Elle ne dit pas non à cette proposition, mais n'hésite pas une seconde pour envoyer quelques piques à son mari avant de s'éloigner, quelle idée il avait eu de faire ça seul, avec deux mains gauches, selon elle. Une fois que le coup de scie est mis et que la machine s'ouvre, la foule s'éparpille légèrement — juste là pour la côté dramatique des choses eux. La blessure de l'homme est stabilisée par les ambulanciers et nous le mettons ensuite sur le brancard. Une fois emmené jusqu'au véhicule et chargé dedans, je demande aux pompiers de ramener le matériel. « L'homme infidèle qui cherche à impressionner sa maîtresse, classique. » Ils ne sont pas tous d'accord avec moi, mais je suis presque sûre de ce que j'ai vu. « Alors ? Toi qui voulais seulement un petit tour. » Dis-je, cette fois-ci à Noomi.

La curiosité morbide, Noomi savait que c’était un truc qui existait. Et elle n’avait pas envie de prétendre que ça ne la touchait pas parce qu’elle était à peu près sûre d’être déjà passée à côté d’un accident de la route pris en charge par les autorités responsables de ce genre de trucs et de s’être déjà demandé dans quel état pouvait bien être le véhicule ainsi que les gens qui se trouvaient dedans, mais elle n’était par contre jamais allée jusqu’à avoir envie de voir à quoi tout ça pouvait bien ressembler. Là, c’était pareil : toute cette histoire l’intriguait, mais elle n’avait pas vraiment envie de voir la main de ce pauvre gars réduite en charpies. Pas plus qu’elle n’avait envie de voir Romi l’amputer, d’ailleurs. Mais bon, elle était pratiquement sûre que c’était pas aux pompiers qu’on demandait de faire ce genre de trucs. Plutôt à un quelconque urgentiste qui aurait fait le trajet exprès pour ça. Raison pour laquelle elle resta là et regarda son amie faire. Tout ce qu’elle fit, c’est entreprendre de libérer ce type de sa prison métallique. Et sur ce temps, elle remarqua qu’il était en train de jeter des coups d’œil inquiets en direction d’une certaine blonde. Alors que sa femme, une brune pourtant, s’inquiétait de son état pas très loin. Bah bravo, c’est du propre ! Mais qui était-elle pour juger ? Absolument personne. D’autant qu’elle n’avait pas été très fidèle du temps où elle était mariée. Et ça ne changeait rien au fait que pendant longtemps, elle avait vraiment été mordue de Frank. A chaque couple ses petites habitudes, sûrement. Mais quelque chose disait à la grecque que la femme n’était pas au courant de l’adultère et c’est là que c’était un peu dérangeant. Un peu seulement parce que dans les quartiers de ce genre comme ailleurs, ça devait être monnaie courante, au fond. C’est pas parce que les clôtures sont éclatantes que les gens qui vivent derrière le sont aussi. Bref, si là aussi on pouvait parler de curiosité morbide, alors elle plaidait coupable finalement parce qu’elle s’amusait plutôt bien de ce spectacle. Tout en plaignant la pauvre femme parce que bon, c’était quand même pas marrant. Surtout que, captant le regard de son auditeur toujours dans la foule, elle comprit sans trop de mal qu’elle était la seule personne du quartier à ne pas savoir qu’elle était cocue. Ah, les mecs, j’vous jure… Et la remarque de Romi vint confirmer tout ça.
« Ah ouais ? Vous avez souvent à faire à ce genre de cas ? »
Noomi se souvenait avoir vu des vidéos de gars en très petite tenue dans des positions délicates du genre suspendu à un balcon en tentant de s’enfuir discrètement par là sans avoir à passer devant le mari mais elle avait toujours cru à un fake. Puis elle sourit de toutes ses dents en réponse à la question qui suivit.
« J’m’éclate ! En plus de l’adrénaline, je l’impression de vivre un épisode de télénovela, c’est génial ! »
Puis elle questionna :
« Vous avez l’habitude d’aller fêter votre succès sur une intervention de ce genre en général ? »

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Sans trop de difficultés, le bras de l’homme est retiré de la machine et tout le monde peut retourner à ses petites occupations — cette histoire servira au moins à animer plusieurs conversations lors de leur futur repas entre voisins. Il est mis sur un brancard et sa femme est invitée à le rejoindre directement aux urgences. Là aussi, c’est une mission rudement bien menée, puisqu’il n’y a eu aucun écart. Maîtresse, femme, abruti. Tout le monde est resté à sa place et les secrets sont restés des secrets, du moins pour l’instant. De retour au camion, quand il n’y a plus que nous, je ne peux m’empêcher de plaisanter un peu de la situation. « On ne dirait pas comme ça, mais notre métier nous permet de savoir beaucoup de choses.. » Quand ce ne sont pas les regards en coin qui nous mette sur la piste d’un éventuel adultère, c’est une grand-mère un peu trop bavard ou un enfant encore un peu jeune pour savoir tenir sa langue. Et forcément, à ce rythme et avec toutes les possibilités qu’il y a, nous sommes au courant de tout ce qui se passe dans le quartier. C’est plutôt amusant, du moins en général, et ça apporte quelques sujets de conversation à la caserne. « Juste après ? Non. Nos futures victimes ne seraient sûrement pas ravies de nous voir arriver avec un coup dans le nez. Mais généralement, après nos gardes, nous nous retrouvons dans un bar pour relâcher un peu la pression. » Dis-je, alors que la blonde me demande si nous arrosons nos sorties du genre. « Est-ce que tu demandes cela pour pouvoir nous payer un verre ? » Un large sourire se dessine sur mes lèvres. Il ne faudrait pas que cela arrive aux oreilles de mes collègues, sinon ils seraient capables de l'embêter avec ça jusqu'à ce qu'elle nous quitte. « Allez les gars, on remballe et on y va. » Cette fois-ci, ces mots sont prononcés un peu plus forts, histoire qu'ils arrivent aux oreilles de tout le monde. Mais il n'était pourtant pas utile de préciser cette action, puisqu'ils sont déjà en train de fermer le camion, les affaires rangées dedans — ils sont plutôt doués dans leur boulot. « Est-ce que tu veux continuer ton tour ou est-ce que tu veux qu'on te ramène à la station ? » Il ne faut pas oublier que c'est là-bas que nous avons trouvé la jeune femme et qu'elle a peut-être d'autres choses à faire que de se promener en camion toute la journée, à apprendre tous les éventuels commérages des différents quartiers de la ville.

Si on lui avait un jour posé la question, Noomi n’aurait jamais répondu que les pompiers devaient forcément être au courant de tout ce qui se passait dans le quartier. Même dans la ville. Pourtant, à l’instar des médecins – en tout cas du temps où ceux-ci se déplaçaient encore -, des facteurs et probablement des livreurs, ils en voyaient – et en savaient – des choses ! Un sourire espiègle se peignit sur les lèvres de la blonde suite à la remarque de Romi.
« Tu m’en diras tant… Vous êtes aussi soumis à une espèce de secret professionnel ou quelque chose comme ça ? »
Non parce qu’on pouvait jamais être sûr de ne jamais être la victime de commérages. A plus forte raison quand on s’appelait Noomi Savalas et qu’on faisait n’importe quoi. C’était moins le cas aujourd’hui, certes ; sûrement parce qu’elle avait trente-cinq ans, qu’elle était maman et qu’elle avait enfin trouvé quelqu’un de bien avec qui se poser, mais elle avait bien compris qu’il ne fallait jamais dire jamais. Bref, là-dessus, son amie lui apprit que non, ils n’allaient pratiquement jamais célébrer une mission qui se serait soldée par une réussite juste après. Mais qu’ils se retrouvaient parfois dans un bar en fin de journée. Ça, ça ressemblait à tous les films qu’elle avait vu sur les pompiers. Et en fait, y en avait pas tellement. D’ailleurs, elle ne serait capable d’en citer qu’un. Son sourire s’élargit à la question qui suivit.
« Pas impossible. Tu m’glisseras l’adresse avant qu’on s’quitte et qui sait ? P’têtre bien qu’j’apparaîtrai un jour comme par magie pour offrir une tournée. »
Puis Romi rappela ses hommes – et femmes d’ailleurs, il devait y en avoir parmi ses collègues bien qu’elle n’y ait pas prêté attention - et il faut croire qu’elle les avait bien dressés parce qu’ils avaient déjà fini de tout remballer. Avant de reprendre sa place de passagère, son amie lui demanda si elle voulait qu’on la ramène ou si elle voulait poursuivre l’expérience. La grecque consulta sa montre, estima qu’elle avait encore un peu de temps devant elle et déclara :
« Ça s’rait dommage de s’arrêter en si bon ch’min. Surtout si c’est pour apprendre que la voisine qui espionne mes allées et venues depuis que j’suis arrivée à west bay a un amant. »
Et c’était bien dommage parce qu’elle n’y croyait pas une seule seconde. Que ladite voisine pourrait faire appel aux pompiers quelle que soit l’urgence ni qu’elle puisse avoir un amant.

un petit tour de camion ?
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Dans des situations vulnérables comme celles de leurs accidents, les victimes sont généralement bavardes – sûrement un peu malgré elles – et forcément, nous apprenons un peu tout et rien. Bien souvent, nous gardons toutes ces histoires pour nous, mais je comprends l’interrogation de Noomi pour le secret professionnel. « Techniquement, non. Sauf peut-être les ambulanciers. Mais on évite généralement de trop ébruiter ce que l’on entend. » Sinon, les gens pourraient être un peu plus sur la réserve et ce serait quand même dommage. Généralement, toutes les histoires que l’on entend ne nous concernent pas, alors forcément, nous nous en amusons un peu. Ça ne fait pas partie de notre boulot, mais il faut reconnaître qu’il est quand même plaisant d’être au centre des discussions et de savoir tout ce qui se passe. « Je prends note ! » Dis-je, alors qu’elle va dans mon sens, concernant la tournée payée dans un bar. Mais elle doit se préparer, avec les corpulences et les différentes descentes, ça pourrait lui revenir cher. Lorsque tout le monde est de retour dans les parages, avec toutes les affaires rangées à leur place, je demande à la blonde si elle veut continuer l’aventure avec nous ou si elle veut que nous la redéposons à la station service – surtout si elle a quelque chose à faire ensuite. Mais visiblement, le temps passé avec nous semble lui plaire. « Attention.. bientôt tu vas vouloir quitter la radio pour te lancer dans une nouvelle carrière ! » Ça ne se ferait pas comme ça, mais ça ne serait pas non plus impossible. Nous sommes plusieurs femmes à la caserne, un peu plus encore au département, et dès qu’on en veut un peu, on peut facilement arriver à la hauteur des hommes – même s’il y aura toujours une certaine différence au niveau de la force, qui peut parfois se réduire selon les personnes. « Je te préviens juste, les stagiaires sont ceux qui font la cuisine à la caserne. » Ils sont généralement aidés, à tour de rôle selon les disponibilités. Mais nous aimons bien les charrier un peu à ce sujet, sur la cuisine et sur les autres tâches – un peu ingrates – que nous pouvons facilement leur mettre sur leurs épaules. « On rentre ! » Dis-je, alors que nous sommes tous remontés dans le camion. D’ici notre arrivée à la caserne, nous serons peut-être appelés ailleurs ou alors, peut-être que Noomi aura l’occasion de faire un petit tour des locaux.

A la réponse de Romi, Noomi hocha la tête. Ouais, c’était assez logique qu’ils préfèrent que tous les secrets de la ville ou presque ne s’ébruitent pas. Le contraire ferait qu’ils se mettraient la ville à dos. Pourtant, Island Bay était un peu comme toutes les autres petites villes : presque tout finissait par se savoir et tout le monde aimait bien les ragots. A commencer par elle. Elle qui se plaignait pourtant de sa voisine uniquement parce que celle-ci était une commère notoire inspectant le moindre de ses faits et gestes. Mais en ce qui la concernait, c’était pas non plus à ce point.
« J’sais pas comment vous faites parce que ça a quand même l’air super tentant. »
Mais bon, elle imaginait que c’était faisable parce qu’après tout, la vocation de ces gens était de sauver les autres alors c’était pas pour aller la leur gâcher à coups de racontars par après. Nouvel acquiescement quand son amie lui fit savoir qu’elle prenait note ; aujourd’hui, Noomi n’était plus dans le besoin. Inutile de faire une émission pour s’assurer qu’il y aurait bien à manger sur leur table à Sarah et elle le lendemain soir. Non, vu que son émission était un véritable carton et ce depuis quelques années maintenant, elle pouvait se permettre de payer sa tournée sans devoir être trop regardante. Puis, suite à sa réponse concernant le fait de ne pas vouloir trop vite mettre un terme à leur petite virée, la grecque se mit à rire. Elle ? Devenir pompier un jour prochain ? Ç’avait quelque chose d’hilarant. Parce qu’elle n’avait jamais, ô grand jamais été fana de sport ; à moins que celui-ci ne soit en panne et pas sur le point de refonctionnent, elle était du genre à toujours prendre l’ascenseur. Courir n’était clairement pas son fort, d’autant qu’elle approchait dangereusement des trente-six ans et qu’elle fumait, non, vraiment, y avait que les trucs un peu extrêmes comme le saut à l’élastique ou encore le rafting qui pouvaient éventuellement l’intéresser alors elle ferait un bien piètre pompier. Mais Noomi laissa son amie aller jusqu’au bout de sa pensée avant de répondre :
« C’est super, j’fais les meilleures pâtes au ketchup que t’ai jamais goûté ! »
Sous-entendant par-là qu’elle n’était pas très douée en cuisine. Disons qu’elle savait faire le strict minimum et pour le reste, elle allait voir son père. Ou Dorian qui s’était mis en tête de lui apprendre de nouvelles recettes. Le pauvre… Elle se mit à rire de ses propres bêtises et emboîta le pas à Romi qui venait de donner ses ordres. Non, elle se contenterait du chemin de retour, d’une éventuelle visite de la caserne et puis elle reprendrait la route de la radio.

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Tenir sa langue, ce n’est pas donné à tout le monde. Mais il faut croire qu’à la caserne, on ne s’en sort pas trop mal. Peut-être parce qu’au final, hormis quelques blagues faites, ça ne nous intéresse pas tellement. « Il faut savoir qu’on voit beaucoup de monde aussi, alors bien souvent, après quelques jours, on oublie ce qui a pu être croustillant. » Même si ça nous amuse un temps, il faut pouvoir passer à autre chose et laisser un peu de place dans nos mémoires pour les histoires à venir. Elles sont nombreuses malgré la taille de la ville, comme quoi.. il ne faut pas forcément avoir beaucoup de monde pour avoir des ragots. Pire encore, pour lancer des rumeurs. Car il faut être honnête, ça pourrait facilement arriver. Comme Noomi semble partante pour poursuivre ce petit moment avec nous, je ne peux m’empêcher de plaisanter un peu de la situation. Une blague qui ne tombe pas dans l’oreille d’une sourde et encore moins dans celle de quelqu’un qui n’a pas de répartie. « Des pâtes au ketchup ? Est-ce que tu veux qu’on te dépose au prochain feu tricolore ? » Dis-je, quelque peu amusée par la proposition qu’elle vient de faire. Ce serait mentir de dire que nous, pompiers, avons un palais raffiné, mais quand même ! Pour récompenser notre dur travail, je crois que l’on mérite un peu mieux qu’un plat de pâtes assaisonné de la première sauce trouvée — sans vouloir être méchante avec les dons en cuisine de Noomi. Sans attendre plus longtemps, le collègue qui se trouve au volant du camion traverse Island Bay pour nous ramener à notre point de départ. Avec les années et les nombreuses interventions, ce n’est qu’une formalité pour lui – je suis presque sûre qu’il pourrait le faire les yeux fermés, mais nous allons peut-être éviter de vérifier cela aujourd’hui. Lorsque la caserne apparaît dans notre champ de vision, les personnes sur la banquette arrière s’agite un peu – nous aimons notre métier, mais nous apprécions toujours rentrer. « Et voilà ! Nous sommes arrivés. Fais comme chez toi. » Dis-je, alors que je saute du camion. Après tout, la caserne est un lieu public. Il serait donc dommage de restreindre la jeune femme à une ou deux pièces – il serait quand même bien qu’elle évite les dortoirs : personne n’apprécie quand quelqu’un vient fouiller dans ses affaires. « La cafétéria est par là, si tu veux boire quelque chose. Sinon, je peux te faire un petit tour du propriétaire. » C’est un peu pour cela qu’elle est ici, non ? En plus, s’il faut être totalement honnête, faire faire le tour de la caserne ne serait pas une première pour moi : il faut croire qu’en tant que lieutenant, c’est quelque chose dont j’ai pris l’habitude.

Oublier ce qui a pu être croustillant ? Parce que ça arrive si souvent qu’un scoop chasse l’autre ? Si tel était le cas, Noomi pourrait le comprendre, mais sinon… Disons que si elle apprenait que Jack, résidant à l’autre bout de la ville trompait sa femme juste sous le nez de ladite épouse, elle pourrait plus le voir autrement la prochaine fois qu’elle le croiserait au supermarché du coin. Ce qui était marrant parce qu’il y a quelque chose comme deux ou trois ans, c’était le genre de détails qui serait entré par une oreille pour ressortir par l’autre parce que sa mémoire ne lui permettait plus de garder aucune information à moins de l’y faire rentrer avec la subtilité d’un marteau-piqueur sous stéroïdes. Quoi qu’il en soit, la blonde hocha la tête. Elle avait compris que s’ils étaient témoins de la plupart des cancans de la ville, les pompiers n’étaient pas non plus du genre à aller le crier sur tous les toits et finissaient par se lasser assez rapidement de ce genre de ragots. Bon point pour eux. Puis, comme si elle n’avait pas encore compris qu’elle avait pas du tout l’étoffe d’un pompier, Romi lui fit comprendre que ses légendaires pâtes au ketchup ne seraient pas bien reçues si elle avait l’audace de les leur préparer. D’abord elle rit puis elle haussa les épaules avec désinvolture.
« Ma fille trouve qu’ce sont les meilleures pâtes au monde, v’savez pas c’que vous ratez ! »
Ils se remirent ensuite en route pour rentrer à la caserne. Dommage qu’elle ne soit pas venue à pied en fait puisqu’elle habitait le quartier, tandis que sa Mustang était restée à la station-service, mais elle était quand même super contente d’être là. C’était pas la première fois qu’elle venait ; elle se rappelait d’une fois où Sarah avait absolument tenu à aller réclamer des bonbons à Wade un soir d’Halloween où il était de garde, mais il ne lui avait jamais fait faire le tour du propriétaire et elle était poliment restée sur le pas de la porte. Là, c’était très différent. Enfin elle voyait à quoi ça ressemblait à l’intérieur. Et son premier réflexe fut bien sûr de chercher des yeux la fameuse barre. Qu’elle trouva, au fond du hangar où le camion venait d’être rentré.
« Wow, c’est immense ! J’passe souvent d’vant mais on dirait pas tant d’puis l’extérieur. »
Comme le Tardis. Ou la tente de camping d’Harry Potter. Là-dessus, Romi lui dit de faire comme chez elle. Ce qu’elle ne ferait pas parce qu’elle n’était pas chez elle et que des gens habitaient quand même là mais elle nota par où se trouvait la cafétéria.
« Avec plaisir ! J’compte sur toi pour faire en sorte qu’le métier d’pompier n’ait plus d’secrets pour moi en sortant d’ici. »
Même si en soi, c’était probablement pas si compliqué que ça non plus. En tout cas d’un point de vue technique, fallait que tout puisse être utilisé dans l’urgence.

un petit tour de camion ?
crédit/ tumblr ✶ w/noomi

Recruter des femmes à la caserne, ça ne peut pas faire de mal. C'est bien pour cela qu'en voyant l'enthousiasme de mon amie pour le métier de pompier, je lui propose de nous rejoindre. Même si pour cela, il faut d'autres compétences que celles mises en place sur le terrain et ça, visiblement, ça ne colle pas vraiment. Pourtant, elle essaye de se vendre, du mieux qu'elle peut. Je ne connais pas la fille de Noomi, mais je ne sais pas si nous devons vraiment nous baser sur ses goûts culinaires pour approuver ou non les capacités de la blonde derrière les fourneaux. Malheureusement pour elle, j'ai la même chez moi – avec quelques années de moins – et parfois, tu as beau vouloir faire tous les efforts possibles pour lui préparer un plat digne de ce nom, elle préférera toujours aller piocher dans un paquet de chips. La route qui nous sépare de la caserne n'est plus très longue maintenant et à notre arrivée, la jeune femme semble impressionnée par la taille de l'établissement. « Il faut faire tenir plusieurs camions, l'équipement de tout le monde, une cafétéria et plus d'une dizaine de lits. » Sans compter l'accueil, les bureaux administratifs ou encore les sanitaires. Mais ça, selon moi, c'est peut-être ce qui l'intéressera le moins dans cette visite – sauf si bien sûr, elle se retrouve à avoir une envie pressante. Comme nous sommes arrivés dans le hangar, c’est ici que la visite commencera. Pour tout ce qui touche réellement aux actions des pompiers, c’est bien là qu’il y a le plus de choses : les véhicules, pour commencer, ce que nous rangeons dedans, ainsi que nos différentes tenues. « Sans grande surprise, ce n’est pas ici qu’il se passe les trucs les plus intéressants : c’est surtout sur le terrain. » Néanmoins, ça elle doit s’en douter. D’autant plus qu’elle en a eu un petit avant goût tout à l’heure. « Même si parfois, des gens viennent directement ici plutôt que d’appeler une ambulance. » S’ils ne sont pas loin, ils se disent que cela évite de déranger trop de monde. Seulement.. parfois, il aurait sûrement été préférable qu’ils soient pris en charge avant de descendre la rue à pied. « Elle te fait de l’œil, n’est-ce pas ? » Dis-je, alors que je remarque que son attention est portée sur un objet bien typique des casernes de pompiers. « Je ne sais pas trop pourquoi, mais tout le monde idéalise cette rampe. » Il faut avouer que c’est bien pratique. Malheureusement, quand tu n’as pas l’habitude, si tu arrives un peu trop vite dessus, tu peux facilement te faire du mal.

Suivant son amie de près, Noomi écoutait ses explications. C’est vrai qu’il y avait tout à l’intérieur. Et aussi sûrement des trucs pour s’entraîner, non ? Un jour, la blonde avait joué à un jeu s’appelant Powerwash Simulator. Bon, ça n’avait pas du tout été son truc mais elle était quand même allée assez loin pour faire le niveau de la caserne. Et dans cette caserne se trouvait une tour. Vide, juste un squelette en fait, qu’ils appelaient tour d’entraînement. Elle n’avait jamais trop compris à quoi ça pouvait bien servir, s’était contentée de la nettoyer au karcher mais se demandait à présent si les pompiers d’Island Bay avaient quelque chose de similaire. Bon, elle supposait que si c’était le cas, elle l’aurait vue étant donné qu’elle n’habitait pas si loin non plus mais peut-être qu’elle l’avait vue sans jamais penser que ça pouvait faire partie de la caserne. Bref, cafétéria, dortoir, y avait tout ce dont on pouvait rêver. A condition quand même de rêver devenir pompier, sinon, ça serait bizarre de ne rêver que de ça mais elle se comprenait. Puis Romi y alla de son petit commentaire en lui faisant savoir que c’était pas ici que se passait le plus palpitant mais sur le terrain. Logique, c’était un peu comme un commissariat pour les flics ; synonyme d’ennui parce que c’est là qu’ils rentrent pour s’occuper de la paperasse.
« C’est sûr mais la magie opère quand même un peu ici aussi, mine de rien ! »
En quelque sorte parce qu’en un sens, c’était intéressant aussi de comprendre quel était le mode de vie des gens qui accomplissaient des miracles presque au quotidien. Et puis d’après Romi, parfois les gens venaient directement à la caserne au lieu de composer un numéro d’urgence. Ce qui intrigua la grecque. Dans quelles circonstances pouvaient-on se dire : « tiens, là, faudrait que j’aille moi-même voir les pompiers ? ». Pas quand ils étaient en feu, en tout cas, ça, c’était certain…
« Ah ouais ? Y en a qui viennent avec la main coincée dans un grille-pain ou c’genre de trucs aussi ? »
Puis son amie sembla capter son regard et la blonde répondit par un hochement de tête quand elle lui demanda si la fameuse barre lui faisait de l’œil. Bien sûr ! C’était presque légendaire à ce stade. C’est ainsi qu’elles en vinrent à se demander pourquoi ça pouvait passionner les gens à ce point et Noomi avait potentiellement sa théorie.
« J’imagine que c’est parce que ça a l’air amusant. Tu sais, c’est un peu comme les toboggans de chez Google, tout ça, ça crée un contraste. Même si on s’doute bien que vous glissez pas d’ssus juste pour le fun, j’me trompe ? »
Puis du coin de l’œil, elle regarda Romi.
« J’peux l’essayer ou c’est trop d’mander ? »

un petit tour de camion ?
crédit/ tumblr ✶ w/noomi

Noomi n'est pas la première à venir à la caserne et elle ne sera certainement pas la dernière. Ce lieu, c'est un peu comme les calendriers qui se font chaque année : une légende. Notre métier impressionne et forcément, tout ce qui s'en rapproche aussi. Pourtant, à force de fréquenter la caserne plusieurs jours par semaine, je trouve qu'il n'y a rien de fou ici – quand on enlève les personnes qui y travaillent. Finalement, hormis le matériel un peu spécifique à notre activité, ça peut facilement se rapprocher d'un bâtiment de l'université, ou quelque chose ça. Bref.. si je le vends comme ça, Noomi risque de partir rapidement. Alors, comme pour me rattraper, j'évoque les éventuelles interventions qui se passent ici, quand les patients décident de venir directement à la caserne plutôt que d'appeler les urgences. « Je n'ai jamais eu le grille-pain, mais je suppose que ça pourrait arriver un jour. » Dis-je, quelque peu amusée par le fait que cette image lui a traversé l'esprit. « Ceux qui font ça, c'est généralement pour des blessures légères. Ils ont l'impression qu'ils vont déranger s'ils appellent le 111. » Ils repartent avec un pansement bien fait et sont contents. « J'ai aussi eu la chance de voir un accouchement comme ça. Ils habitaient juste à côté de la caserne et ont décidé de venir ici lorsqu'ils se sont fait surprendre par l'arrivée précipitée de leur premier enfant. » La panique de jeunes parents, je suppose. Car quand on a vécu cela une fois, on sait que ça peut prendre beaucoup de temps. Il arrive aussi que ce soit des personnes un peu plus âgées qui passent, voir du monde s'occuper d'eux leur fait forcément plaisir. Lorsque je remarque l'attention de la blonde sur la rampe, je décide de lancer le sujet dessus. « Parfois, il faut privilégier une descente à la rampe plutôt qu'une chute dans les escaliers. » Surtout quand derrière, nous sommes attendus pour une intervention. Il serait quand même dommage d'appeler le central pour lui dire que c'est finalement à la caserne qu'il faut faire venir une ambulance. « Vas-y. Mais si tu te blesses, je t'interdis de me mettre responsable ! » Ou alors, si elle commence à paniquer. Car on ne dirait pas comme cela, mais c'est plutôt haut comme saut. Certes.. il y a la rampe comme support, pourtant, il faut quand même trouver le courage de se lancer et de s'y accrocher en vol. « Si tu as besoin d'encouragement, je peux aller chercher mes hommes. » Qui se feront sûrement un plaisir de mettre ou non une pièce sur le fait qu'elle y arrive du premier coup.

Fronçant les sourcils, la blonde trouvait encore plus idiot de déranger les pompiers, sachant qu’ils ont peut-être mieux à faire de leurs journées que de soigner les petits bobos, que de déranger les urgences qui sont quand même là pour ça. Ce qu’elle ne dit pas en revanche, c’est qu’elle savait pertinemment qu’appeler les urgences pouvait parfois coûter un bras – ça lui était arrivé quelques fois, voilà ce que c’était d’être une casse-cou notoire. Alors forcément, plutôt que de devoir payer l’ambulance au kilomètre, on préférait parfois se tourner vers un service gratuit quand bien même celui-ci n’était pas composé de médecins ni d’infirmiers et que leur fonction, de base, c’était de combattre le feu.
« C’est particulier… Et ça vous dérange jamais d’avoir qu’un pansement à faire ? »
Ou même des soins basiques. Mais Romi poursuivit en lui parlant d’un accouchement. Ça, pour sûr que c’était pas basique. Par contre, ça pouvait prendre du temps ce genre de choses. Les bébés passaient pas toujours comme des lettres à la poste. Puis, pouvait y avoir des complications qui faisaient qu’on avait besoin d’un tout autre matériel. Mais dans un cas comme celui-ci, c’était sûr que la seule chose à faire, c’était d’appeler les urgences.
« Ah ouais carrément. Ça d’vait être un peu la pression, non ? Même si vous avez tous l’habitude de c’genre de trucs, là c’est quand même quelque chose. »
Si ça lui était arrivé à elle, c’est sûr et certain que Noomi aurait paniqué de fou. Mais c’était normal, elle devait jamais sauver la vie de personne, encore moins mettre au monde des enfants ; tout ce qu’on lui demandait, c’était d’en distraire certains, que ça soit avec sa musique ou ses bêtises à la radio, alors forcément. Quoi qu’il en soit, son amie lui confirma qu’ils n’utilisaient pas vraiment cette rampe pour le fun mais pour gagner du temps et n’eut pas l’air contre l’idée de l’y laisser glisser. En lui signalant quand même que si elle se cassait quelque chose durant l’essai, faudrait pas lui en mettre la responsabilité sur le dos. La grecque étira un sourire en coin.
« C’est pas mon genre. Puis j’suis visiblement au bon endroit pour qu’on s’occupe d’moi si j’me fais mal alors j’vais certainement pas m’plaindre. »
Peut-être même qu’elle en profiterait un peu. Mais un peu seulement. Bref, elle sautilla et s’élança en direction des escaliers pour monter à l’étage, Romi lui demandant si elle voulait qu’elle appelle ses collègues pour qu’ils viennent l’encourager.
« Nan, ça ira ! Imagine un peu s’ils voyaient leur idole s’casser lamentablement la gueule. C’en s’rait fini de l’idolâtrement. »
Et ça serait quand même dommage même si elle était évidemment pas du tout sérieuse quand elle disait ça. Arrivée à destination, la blonde s’accroupit et se pencha par-dessus l’ouverture dans l’espoir d’y voir la tête de son amie apparaître. Quand elle la vit, elle lui lança son téléphone et expliqua :
« Par contre, j’suis pas contre l’idée qu’tu filmes. Si jamais j’me rate pas, j’voudrais avoir de quoi prouver à tout l’monde chez moi qu’je l’ai vraiment fait. »
Parce qu’ils étaient encore capables de ne pas la croire… Prenant son élan, elle se lança et glissa le long de la rampe en tournant, se félicitant d’avoir choisi un jean plutôt qu’une jupe ou un short ce matin là, elle se maudit en revanche d’avoir passé un t-shirt parce que force était de constater que ça brûlait un peu. Comme sur certains toboggans. L’atterrissage ne fut pas sans fracas puisque glissant plus vite qu’elle ne l’aurait cru, elle se réceptionna maladroitement et finit sur les fesses. Mais ç’aurait pu être pire.
« J’crois qu’j’aurai un bleu ou deux d’ici demain, mais ça en valait carrément la peine ! »