evening of ghosts and ghouls → eve

S’il est bien connu que les enfants sont résilients, Noomi se dit que les adultes peuvent l’être aussi et que l’être humain en général a une facilité d’adaptation assez hors norme. Elle n’irait cependant pas jusqu’à dire qu’il ne s’est rien passé la veille et qu’elle n’avait fait que rêver de ce mal être, de ces ombres mouvantes, non, elle savait pertinemment que c’était bel et bien arrivé mais ça l’effrayait nettement moins. Ce qui est tant mieux puisque tout le monde s’était une fois de plus donné rendez-vous pour aller récupérer le matériel qu’ils avaient laissé sur place la veille. Sans quoi elle aurait peut-être bien fait savoir à Asher qu’elle avait d’autres choses à faire et n’y serait pas retournée. Mais même pas, la blonde était là, prêtre à en découdre s’il le fallait. Ou à courir le plus vite possible en tout cas parce qu’elle ne voyait pas bien comment on pouvait se battre contre des esprits. Et remporter la bataille, qui plus est. Bref.

Tout ça pour dire qu’après être passée chercher un frappuccino bien mérité, la grecque était de retour sur Wellington pour le rassemblement. Tout comme la veille, il n’y avait plus qu’à monter dans le van pour se rendre sur place. Pour l’instant, un rayon de soleil éclairait encore le bâtiment, ce qui lui donnait un air inoffensif auquel il ne valait mieux pas se fier mais les nuages commençaient à s’amonceler. Noomi se demanda vite fait si l’heure qu’il était pouvait entrer en compte ; elle avait souvent entendu dire – dans les films – que minuit et trois heures du matin étaient des heures plus propices à tout ce qui est paranormal que d’autres mais pour ce que ça valait réellement, en revanche… Soit, la blonde entendit quelques passages de la conversation d’Eve avec les autres membres de son équipe et remarqua qu’elle ne portait effectivement pas son costume de la veille. Pour des raisons pratiques, sûrement. Il est vrai que s’il fallait encore fuir à toutes jambes – ce qu’elle n’espérait pas -, il serait plus aisé de le faire ainsi. Mais du coup, elle comprenait mieux que la jeune fille ne veuille pas se laisser filmer. Enfin, façon de parler puisqu’elle ne connaissait pas l’histoire qui se cachait là-dessous, elle respectait juste ce fait.

« Tu crois qu’on peut encore trouver d’autres preuves en plein jour ? »

Parce que si c’était le but hier, aujourd’hui, le but, c’était surtout d’aller récupérer le matos, non ? A moins qu’elle ait raté le mémo.

Tout comme Eve le lui confirma, les manifestations de ce genre étaient moins communes en journée. Elle n’y connaissait pas grand-chose, certes, mais ça ne l’avait pas empêchée de s’intéresser à d’autres émissions de ce type avant de se décider à rejoindre Asher et ses potes, histoire de savoir où elle mettait un peu les pieds. Bon d’accord, elle s’était convaincue que tout ce qu’elle voyait de vraiment étrange au cours de ses émissions n’étaient jamais que des effets rajoutés en post-prod et elle s’était apparemment un peu fourré le doigt dans l’œil mais ça, c’était encore une autre histoire. Elle hocha la tête, contente de pouvoir quand même éclaircir encore un peu cette histoire si c’était possible car il y avait tout de même encore pas mal de zones d’ombres et sourit de connivence avec la jeune fille qui parlait de traces significatives suite à une bagarre entre ombres dénuées de substance. Ça serait quelque chose, tout de même. Bref, la blonde suivit tout le monde mais avec un peu plus d’entrain que la veille, la lumière du soleil aidant. Une fois à l’intérieur, elle ne pouvait nier que lumière du jour ou non, l’endroit, ainsi que l’atmosphère qui y régnait restaient impressionnant. Ce qui la à prendre quelques clichés avec son portable pendant que les autres installaient tout un système qui permettrait de descendre le matériel de là-haut.

Eve et elle avaient pas mal donné de leur personne hier soir alors maintenant, c’était au tour des hommes de bosser un peu. Même si ça serait fatalement moins dangereux et moins spectaculaire pour eux que pour elles. Tant pis, il fallait être un peu plus fin pour se faufiler là où elles étaient passées. Noomi encouragea Eve d’une petite tape amicale dans le dos lorsqu’elle leur fit savoir que c’était à eux l’honneur de monter d’abord cette fois. Après tout, la jeune fille était tout aussi bien placée qu’elle pour savoir que c’était parfois un peu compliqué de ne bosser qu’avec des hommes et qu’il fallait être capable de ne pas se laisser marcher sur les pieds sinon ça n’en finissait plus. Elles les regardèrent donc monter les uns après les autres à l’échelle avant de commencer elles-mêmes l’ascension. Tout le monde s’extasiait de l’endroit qui avait hérité d’un charme tout particulier après ce qu’elles leur avaient dit avoir vu la veille. La grecque s’affaira une fois arrivée et sans trop d’appréhension. Jusqu’à ce qu’elle remarque quelque chose d’un peu bizarre qu’elle prit également en photo avec son téléphone.

« Viens voir. »

C’était bien entendu à Eve qu’elle s’adressait mais elle ne tenait pas à prononcer son prénom s’il pouvait être capté par le micro de la caméra. Toujours est-il que pile à l’endroit où elles avaient aperçu les ombres pour la première fois se concentrait une nuée de papillons de toutes les couleurs.

Apparemment, il semblerait que ce qu’elle venait de trouver soit digne d’intérêt puisque Eve fit savoir à Stan que c’était précisément ça qu’il devait filmer. Sans trop en savoir non plus sur la question, Noomi se doutait un peu quand même que ce n’était pas banal, c’est vrai. En dehors de ce moment, il ne lui semblait pas en avoir déjà vu autant au même endroit. Dans tous les cas, elle trouvait ça à la fois très joli et un peu étrange. Eve lui expliqua alors que ce n’était pas anodin puisque pour des tas de gens ça serait le papillon, l’âme et la mort sont liés. Et qu’ils seraient donc des sortes de messagers. La grecque l’ignorait mais elle trouvait ça fascinant, un peu comme quand son père essayait de lui faire prendre goût à la mythologie de leur pays en lui racontant les légendes des Dieux de l’Olympe et du tous les humains qui auraient supposément été leurs jouets fut un temps. D’ailleurs, ça lui faisait penser à quelque chose qu’elle connaissait : les psychopompes. Ce n’était peut-être pas tout à fait la même chose étant donné que les psychopompes avaient le rôle de guider les âmes des défunts d’un monde à un autre mais c’est tout de même à ça que ça lui faisait penser.

« Tu crois que c’est comme pour les moineaux, que ce sont des psychopompes ou quelque chose comme ça ? »

Si ça signifiait que les âmes torturées dont elles avaient croisé le chemin la veille seraient en paix à partir de maintenant alors, elle qui n’avait jamais vu ça autrement que comme des fables d’un ancien temps, serait sans doute prête à y croire. Et sinon, hé bien elle trouvait ça incroyablement poétique et elle ne se priva pas pour filmer ça elle aussi. Voilà quelque chose qu’elle pourrait montrer à Sarah sans crainte qu’elle en fasse des cauchemars quand elle rentrerait. Après quoi la blonde retourna donner un coup de main aux autres pour rassembler tous les outils songeant que, malgré la tension qu’elles avaient toutes deux ressenties la veille, Eve et elle étaient tout de même restées très organisées. En résumé, elles avaient fait les choses bien. Ce dont les gars pouvaient les en remercier même s’ils devaient être à cent lieues de s’imaginer à quoi ça pouvait bien ressembler ici hier soir. Ce sont des hommes, rarement capables de se mettre à la place de qui que ce soit, alors comment leur en vouloir ?

Tandis qu’Eve répondait à son interrogation, Noomi ne put s’empêcher de se poser des questions au sujet de la jeune fille. Ce qui est certain, c’est qu’elle n’est pas comme les autres. Grâce à son émission de radio, la grecque à eu l’opportunité d’entendre plus d’un témoignage à propos d’expériences paranormales ; dans la plupart des cas, c’était flou, vague, la présence desdits esprits pouvait facilement s’expliquer par la présence de rats dans les murs de l’immeuble, de reflets de lumière et autres paralysies du sommeil – un sujet qui la terrifiait, soit dit en passant. Tout ça pour dire que, là où les autres supposaient, Eve avait l’air de savoir, elle. Alors évidemment, on ne pouvait que se demander quelles avaient été ses expériences par le passé. Peut-être bien qu’elle lui demanderait un jour, au risque de paraître un peu impolie. Bref, elle avait donc vu juste – même si elle faisait un peu illusion pour le coup car tout ce qu’elle savait des psychopompes, elle l’avait appris dans un roman de Stephen King, c’est plutôt moyen comme référence -, les papillons faisaient donc partie de la liste de messagers ou de guides.

Soit, d’après Asher, les caméras ont filmé des choses intéressantes. La blonde ne s’attendait plus à grand-chose, pour être honnête. Et puis, Asher et elle avaient une définition sensiblement différente du mot « intéressant » ; il se contentait parfois – souvent – d’une ombre vacillante ou d’un grain de poussière voletant en direction de l’objectif tandis qu’elle attendait des preuves plus parlantes. Mais encore une fois, ce n’était pas elle l’experte. Preuve en était que tous les autres ici présents étaient très enthousiasmés par cette annonce. Bon. Elle décida de leur faire confiance et de s’enthousiasmer à son tour. Tout en donnant un coup de main pour descendre le matériel. Généralement, les hommes sont des bourrins qui ne font attention à rien. A moins que leur matériel n’ait coûté une blinde, ce qui devait être le cas ici au vu de la délicatesse avec laquelle ils manipulaient ces gadgets. Comme quoi, ils en étaient capables eux aussi. C’est alors qu’Eve lui apprit qu’elle avait de la chance, que ce genre de manifestations était assez rare.

« Vraiment ? En fait, j’ai pas tellement de mal à le croire. C’est pas la première fois qu’Asher m’embarque dans ses expéditions et jusqu’ici, on s’est contenté de passer la nuit dans des endroits ghettos sans qu’il ne s’y passe rien. Enfin si, on a croisé pas mal d’animaux et de gens à la rue mais rarement quelque chose de vraiment bizarre. »

Raison pour laquelle elle avait un peu douté jusqu’ici. Sans pour autant nier. Après tout, fut un temps où tout le monde était persuadé que la terre était plate ou que le panda était une espèce éteinte. Cela dit, son avis sur la question était en train de changer au fur et à mesure de ces fameuses explorations.

L’explication d’Eve concernant le manque de preuves ou ne serait-ce même que de manifestations quelconques sur les autres lieux où Asher l’avait traînée jusqu’ici était des plus plausibles. Sans doute que les morts n’ont pas que ça à faire, d’attendre que les vivants viennent leur poser des questions, en attente de ce qui ressemblait tout de même beaucoup à un spectacle. D’ailleurs, sûrement que si Noomi était morte, elle tâcherait de leur faire comprendre qu’ils pouvaient aller se faire voir et qu’ils n’étaient pas au zoo non plus. Y a pas à dire, lorsqu’elle sera un spectre, elle sera du genre farceuse, une espèce de Poltergeist à n’en pas douter. Cette réflexion l’amusa et elle hocha la tête à la réponse de la jeune fille. Vu sous cet angle, elle comprenait beaucoup mieux, effectivement. Une fois de plus, la blonde se demanda ce qui pouvait bien faire que la jeune fille en sache tellement sur la question. Une histoire fascinante, elle en était sûre. Mais peut-être pas des plus joyeuses. Raison pour laquelle elle gardait ses questions pour elle. S’il fallait en parler alors arriverait le jour où elles le feraient.

Pour l’heure, il est temps de se séparer, maintenant qu’ils ont fini de redescendre l’entièreté du matériel. Noomi a beaucoup apprécié ce moment en compagnie d’Eve et de tout le reste de son équipe alors, même si ce n’est pas son émission à elle et qu’elle n’est rien de plus qu’une invitée, il y a fort à parier qu’elle ferait en sorte qu’Asher ait l’idée d’un autre partenariat avec toute l’équipe. Ça serait intéressant pour elle, pour eux, ainsi que pour tous les viewers.

« Moi de même. Puis si jamais tu entends parler d’autres endroits dignes d’intérêt, n’hésite pas ! »

Et elle ferait de même. Après tout, c’était en partie grâce à son émission qu’Asher en apprenait plus sur tel ou tel endroit prétendument ou bel et bien hanté ; elle était en quelques sortes la coordinatrice de tout ça alors elle pouvait bien se permettre de rendre la pareille de temps à autres. Bref, plus qu’à tout remettre dans le coffre du minivan et reprendre la route. Asher lui montrerait le montage terminé, le produit fini, une fois qu’il serait prêt à le mettre en ligne et la grecque avait déjà hâte de voir ce que ça donnerait.