damn your love, damn your lies → bryan

Qu’ils reviennent sur leur décision tant qu’il n’y aurait pas une nette amélioration en ce qui concerne sa mémoire serait étonnant. Noomi n’est pas dupe à ce propos et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle préfère ne pas se faire d’illusions à ce sujet. Là où il y a de l’espoir, en revanche, c’est dans les progrès que sa mémoire peut faire à tout instant. Les médecins y croyaient, ils ne cessaient de répéter que ça pouvait revenir d’un moment à l’autre. Peut-être que le jour où elle finirait enfin par se sentir mieux dans sa tête, tout finirait par s’arranger. Toujours est-il qu’en attendant, elle pouvait compter sur Adam. Et rien que ça suffit à lui rendre le sourire. Oh, ce n’était pas qu’on ne lui avait jamais dit mais parfois, les mots restent sans valeur s’ils ne sont prononcés par les bonnes personnes.
Suite à quoi il lui fit savoir qu’il avait l’intention de s’incruster chez elle de temps à autre. Oh, il pourrait même y poser définitivement ses valises qu’elle n’y trouverait rien à dire… Tiens, c’est nouveau, ça. C’est à l’instant précis où cette idée la traversait que ça la frappa : elle n’était pas seulement amoureuse de lui, oh non, ç’eut été trop simple, elle en était carrément raide dingue. Et ça, c’était le début des ennuis. La suite. En tout cas pas la fin, c’était certain. Il n’empêche qu’en attendant, ça lui faisait un bien fou de ressentir tout ça après avoir passé des mois à ne ressentir rien d’autre que du vide en elle-même si elle ne se risquerait pas à dire tout haut ce qu’elle venait de penser par superstition.

Puis ils reprirent l’ascenseur en sens inverse et en vinrent à parler des hommes qui ont compté dans la vie de la blonde, à la cool. La liste n’est pas bien longue ; pour Noomi il n’y a jamais eu que Frank, fut un temps – il y a fort longtemps, maintenant – et Adam. Les autres quant à eux n’ont jamais été qu’une source d’amusement, tout au plus alors il n’y a pas à tergiverser encore et encore, la réponse est directe et sans appel. Tout comme la sienne, d’ailleurs. Voilà qui ne manqua pas de lui soutirer un ricanement. Ce qu’elle pouvait adorer ça quand il se la jouait mâle alpha de base. Jamais elle ne comprendrait qu’on puisse ne pas supporter l’idée que sa moitié soit possessive mais peut-être était-ce parce que son ex-mari l’était moins qu’elle autrefois et que ça l’avait toujours rendue folle. Un problème qu’elle n’avait jamais eu avec Adam qui, lui, n’avait de cesse de lui montrer qu’il tenait à elle. Elle eut envie de répliquer quelque chose de drôle, ouvrit même la bouche pour le faire mais il eut tôt fait de la faire taire d’un de ses baisers mythiques. Ce fut même avec plus de difficulté que jamais qu’elle se retint de lui sauter dessus. Comme quoi, elle pouvait y arriver.

« M’en parle pas, j’comprends même pas comment j’ai pu faire sans toi. »

Mais bien sûr que si, elle savait ; elle s’était contentée de survivre pour être exacte. Bref, elle sortit de l’ascenseur avant que les portes ne se referment avant de quitter l’immeuble qu’elle verrouilla derrière elle puis de se diriger vers sa voiture sur le parking. Depuis l’extérieur, les post-it recouvrant toute surface non vitrée – toute la vie de Noomi Savalas tenant sur un tas de petits papiers jaunes - lui rappelèrent qu’Adam ne connaissait pas encore l’ampleur des dégâts. Elle avait d’ailleurs conscience que ça pouvait être un peu impressionnant – et encore, ce n’était rien en comparaison de la nouvelle déco de son appartement -, que les gens qui voyaient ça en passant à côté devaient se dire qu’un barjot obsessionnel sévissait à Island Bay, c’est pour quoi elle crut bon de prévenir.

« Panique pas, d’accord ? C’est pas aussi grave que ça en a l’air, paraît-il. »

Noomi fit monter Hades à l'arrière, se glissa derrière le volant et attendit qu’Adam prenne place à son tour avant de se souvenir qu’elle ne savait même pas comment il était venu. Mais bon, au pire elle le raccompagnerait le lendemain.

Fatalement, voir de ses yeux tout ce bordel dans lequel elle est désormais obligée de vivre en permanence c’est très différent de vaguement savoir qu’elle a de petits problèmes de mémoire, c’est tout de suite plus concret et elle comprenait parfaitement qu’il puisse se poser des questions. Des questions auxquelles elle-même n’avait pas toutes les réponses, évidemment. Elle n’était même pas sûre que les médecins en aient et de toute façon ils ne sont pas là alors Noomi devrait résumer avec ses mots à elle. Et elle y réfléchit un certain temps tellement ça lui semblait compliqué à elle aussi.

« Toi, je risque pas de t’oublier. Au contraire, mes souvenirs qui te sont rattachés sont d’une netteté assez incroyable. J’suis pas sûre qu’ils seraient aussi précis si ma mémoire fonctionnait normalement. C’est la mémoire à court terme qui déconne, c’est pour ça qu’il faut que je note tout ce dont je veux me souvenir et que je me le répète jusqu’à ce que ça passe dans une autre zone. »

Et ça, ce n’était que la théorie car dans les faits, c’était vraiment très complexe. Parfois, elle perdait le fil de la partition qu’elle était en train de jouer ou du texte qu’elle était en train de lire alors qu’il n’y avait que quelques secondes qui venaient de s’écouler, d’autres fois, elle était incapable de dire ce qu’elle avait pris pour le petit déjeuner mais seulement en fin de journée, plusieurs heures plus tard. Tout ça pour dire qu’il n’y avait pas de règles, c’était aléatoire. Plutôt épuisant d’ailleurs mais ça avait aussi ses bons côtés comme d’oublier totalement une rencontre désagréable ou sans intérêt par exemple. D’accord, ça donnait lieu à des situations délicates, souvent, parce que les gens n’aiment pas savoir qu’on les a oubliés en un claquement de doigts en général mais c’est qu’un détail. Soit, la blonde mit le moteur en marche avant de répondre à une autre de ses questions.

« Oui, j’ai plein d’exercices à faire et ça en fait partie. Ils disent que je dois surtout pas arrêter de jouer non plus mais j’ai de moins en moins la patience. »

Sûrement une des choses les plus frustrantes qu’elle ait jamais connue. Alors ça faisait un moment qu’elle avait refermé le clavier de son piano et elle ne s’y asseyait plus que quand quelqu’un – généralement son père – ne lui laissait pas d’autre choix. La Mustang de Noomi fila dans les rues désertes d’Island Bay mais elle restait très concentrée comme à chaque fois qu’elle véhiculait quelqu’un. Lorsqu’elle était seule, en revanche, c’était une autre histoire et ceci expliquait peut-être cela. Pour une fois, ses adorables voisins lui avaient laissé une place juste devant l’entrée de l’immeuble, un jour à marquer d’une pierre blanche, ça. La nouvelle question d’Adam la fit sourire. Toujours aussi perspicace.

« Oui, attends-toi à être ébloui. »

Mais il ne serait ébloui que par ça car depuis que Sarah passait le plus clair de son temps chez Frank, c’était comme si l’appartement de Noomi n’avait plus d’âme. Elle avait même pris la décision de déménager la cage de Perséphone, son perroquet, chez son père pour son bien alors elle n’était plus accueillie par son bonjour habituel à chaque fois qu’elle passait la porte, juste par tout ce jaune. Dire qu’elle avait cette couleur en horreur, qui plus est. Mais loin d’elle l’idée de se plaindre parce que ce soir, elle ramenait Adam et ça, ça suffisait à lui remonter considérablement le moral. Bref, elle le précéda et bien sûr à cette heure, ils ne croisèrent personne dans les couloirs ni dans l’ascenseur mais elle attendit tout de même d’avoir refermé la porte derrière eux et balancé ses affaires dans un coin avant de le reprendre dans ses bras et de se serrer contre lui.

« C’est curieux comme sensation, c’est comme si on ne s’était jamais quitté. »

Enfin, à ceci près qu’elle se savait encore plus éprise de lui qu’elle ne pensait l’être à l’époque. Après quoi elle relâcha son étreinte parce qu’ils n’allaient pas rester indéfiniment dans l’entrée comme deux idiots. Inutile qu’elle lui précise qu’il pouvait faire comme chez lui, c’était l’évidence même.

Oh, Noomi voulait bien y croire. Un jour, ça redeviendrait comme avant. Seulement ça prenait du temps. Beaucoup trop de temps. Et bien qu’elle ait fait des progrès considérables dans le domaine de la patience depuis la venue au monde Sarah, ça restait pour le moins limité. Mais elle continuait à garder espoir, oui, et si en plus Adam y croyait lui aussi alors il n’était pas question qu’elle baisse les bras. Et en parlant de bras, personne ne pouvait comprendre à quel point elle heureuse de retrouver la chaleur des siens. Les gens parlent toujours de leur première fois avec quelqu’un en insistant sur le fait qu’il n’y a rien de mieux que le premier baiser, le premier câlin et ainsi de suite. Mais en ce qui concerne la blonde, elle n’a jamais été d’accord avec ça : la première fois c’est nul. Parce qu’on ne connaît assez bien l’autre alors on fait des expériences et souvent n’importe quoi. Tandis qu’Adam, elle le connaît, ce qui fait que c’est encore mieux. Bien mieux.

« Moi non plus. »

De toute façon, cette fois, ce n’est pas elle qui prendrait cette décision. Une fois suffisait bien. Bref. Elle pourrait rester collée à lui des heures durant mais elle préfère le laisser reprendre ses marques puis pour ce qui était de se coller, ils avaient tout le temps devant eux. Et s’ils avaient tout le temps pour ça alors ils l’avaient également pour qu’elle lui joue quelque chose, comme il le fit très justement remarquer. Un sourire en coin étira ses lèvres car elle savait pertinemment ce qui motivait cette demande. Oh bien sûr, elle ne doutait pas qu’Adam aime l’écouter jouer ; elle était même sûre du contraire. Et pas uniquement parce qu’il l’aimait. L’amour est supposé rendre aveugle, pas sourd, merci. Mais elle savait quand même que s’il ne pouvait pas attendre un peu pour qu’elle se mette au piano, c’était surtout parce qu’elle lui avait avoué que c’était un bon exercice pour elle et qu’il voulait aider. De toute évidence, elle aurait pu protester qu’il était tard, que ses voisins ne seraient pas enchantés d’avoir droit à un concert gratuit en pleine nuit mais il savait que son appartement était insonorisé. Combien de fois ne s’étaient-ils pas relevés à pas d’heure juste pour ça quand Sarah logeait chez son grand-père ? Pas d’excuses qui tiennent, donc.

« J’aurai quelque chose en échange, si j’accepte ? »

Le chantage, c’est moche mais s’il y a une chance, même la plus infime, d’obtenir quelque chose, alors il faut tenter. D’autant qu’à en juger par l’épaisseur de la couche de poussière qui s’entassait sur le couvercle de son clavier, ça devait faire un petit moment qu’elle n’y avait plus touché. Alors l’effort qu’elle allait devoir fournir méritait peut-être une récompense. Noomi tapota l’un des coussins de son canapé avant de partir vers la cuisine.

« Installe-toi. »

Il semblerait qu’Hades crut que l’invitation lui était adressée car il s’empressa de monter. Ce chien ne changerait jamais lui non plus. Elle sortit deux bières du frigo et des trucs qu’elle ne savait même pas avoir dans ses placards, à grignoter qu’elle ramena dans le salon. C’était son truc, ça, créer une « ambiance ». La prochaine étape était de tamiser les lumières puis la blonde put enfin se mettre au piano. D’abord une chanson qu’elle connaissait par cœur et pas quelque chose de trop compliqué non plus, donc on laisse tomber Gershwin. Une chanson d’amour. Mais attention, pas une grande chanson d’amour au sens où on l’entend, non. Une bluette qu’elle avait l’habitude de chanter à tue-tête quand elle était plus jeune avec ses copines. C’est bien pour cette raison qu’elle la connaissait toujours par cœur : I Want it that way des Backstreet Boys. Tout le monde aime cette chanson, même Adam. Et évidemment, impossible de ne pas la chanter en même temps. De plus, ça couvrait les quelques fausses notes qu’elle pouvait faire faute d’avoir pu s’entraîner pendant des semaines. C’était loin d’être du grand art, elle était capable de tellement mieux d’habitude et c’était frustrant. Mais parce qu’elle se trouvait devant Adam, elle ts'efforça de faire bonne figure et refermer le couvercle d’un geste rageur, ce qu’elle faisait souvent ces temps-ci.

Comment ça, « on verrait bien si elle le méritait » ? Noomi s’attendait à une réponse positive parce que c’était déjà un effort considérable pour elle de s’asseoir au piano tout en sachant d’avance que sa prestation serait naze. Cependant, elle se contenta de cette réponse parce que c’était Adam qui le lui demandait. N’importe qui d’autre ou presque ce serait vu envoyé bouler ou tout simplement ignoré mais pas lui. Que du contraire, elle était déjà en train de tout préparer. Et une fois qu’elle eut fini son massacre des Backstreet Boys, elle évita soigneusement de se retourner. C’était nul, elle le savait et ça l’agaçait. Alors c’est lui qui vint à elle et lui posa une question dont il devait déjà connaître la réponse. Car si elle savait qu’il ne la critiquerait pas, il devait savoir que c’était bien l’une des dernières choses dont elle avait besoin. Ce qui était sûre, c’est qu’elle n’avait jamais besoin que l’on pointe du doigt les erreurs qu’elle pouvait faire car elle en était toujours très consciente. Et avait même plutôt tendance à être assez dure envers elle-même.

« Non. Et j’imagine que tu te doutes bien que j’ai besoin de personne pour ça. »

Là-dessus, il se saisit de ses mains et la fit lever pour qu’elle ne puisse plus fuir son regard. Bien sûr, elle n’y vit pas la moindre trace de jugement. C’était même tout l’inverse. De la magie, rien que ça. S’il n’avait pas été aussi sérieux, ça l’aurait sans doute amusée. Mais là, elle trouvait ça aussi adorable qu’attendrissant. Il continua sur sa lancée en lui avouant la trouver merveilleuse quoi qu’elle fasse. Il n’en fallu pas plus pour que la nuée de papillons prenne son envol dans son ventre. Ça faisait longtemps. Quelle importance si les autres n’étaient pas de cet avis ? Qu’Adam le pense, c’était tout ce qui comptait au final. La blonde noua ses bras autour de sa taille tandis qu’il venait encadrer son visage de ses mains. Il avoua qu’il n’était pas objectif quand ça la concernait puisqu’il était dingue d’elle lui aussi – ce qui ne manqua pas de la faire fondre un peu plus – mais que c’était elle la meilleure, selon lui. La meilleure. Autrefois peut-être, et encore. Elle avait un certain talent, ça, force était de l’admettre mais peut-être pas à ce point-là non plus. Mais Noomi comprenait parce qu’elle était du même avis en ce qui concernait son talent pour la pâtisserie. C’était lui le meilleur et personne ne pouvait rivaliser. Comme dans plein d’autres domaines, d’ailleurs, mais ça, c’était vraiment sa spécialité.

« Tss, c’est toi qui es parfait, là. Il suffit que tu débarques dans ma vie pour que tout aille mieux comme par enchantement. »

Ou plutôt non, il n’était pas parfait. Noomi faisait partie de ces gens qui trouvent que la perfection au sens où on l’entend généralement, c’est ennuyeux à la longue donc ça ne serait pas vraiment un compliment. Alors qu’Adam était parfait pour elle. Elle aimait autant ses qualités que ses défauts. Une fois de plus -pourquoi s’en priver -, elle vint embrasser ses lèvres et permit même à ses mains de traîner un peu partout sur son corps. Quelle joie de se dire que tout ça, pour quelques semaines, c’était à elle et rien qu’à elle. Mais encore une fois, elle dut se rappeler de ne pas aller trop vite. Ce qui fait qu’au lieu de poursuivre, elle alla allumer la stéréo. Puis elle fit descendre Hades pour avoir de la place sur le canapé elle aussi et attendit sagement qu’il se rasseye pour se blottir contre lui. Elle passa de longues minutes à le contempler avant de reprendre la parole.

« Parle-moi de toi. »

Dans le fond, c’était comme s’ils n’avaient parlé que d’elle, ce soir. De son accident qui avait apporté des changements majeurs dans sa vie mais elle n’avait qu’une vague idée de ce qui avait pu lui arriver à lui depuis un an et demi. Mis à part qu’il avait pris la place de Bryan pour un temps, le reste, ce n’était que des zones d’ombres. Tout comme elle savait qu’il faudrait qu’il parte, un jour mais elle ne savait pas pourquoi ça sonnait comme quelque chose de définitif. Cela dit, elle savait ce que c’était de sortir avec un militaire. Pendant une bonne partie de sa vie d’adulte, elle avait connu cette peur qui vous tord les entrailles, qu’on vienne sonner à votre porte pour vous annoncer qu’il ne reviendra pas. Et c’est probablement pour cette raison qu’elle n’osait pas poser la question.

En théorie, oui, elle devrait savoir tout de lui. Excepté ce qu’il a fait pendant un an et demi. Et puisqu’ils sont sur la même longueur d’onde, Noomi n’eut pas besoin de le préciser pour qu’Adam le comprenne. Pas une seule seconde elle ne doutait que l’année qui s’était écoulée ait été spéciale, ça, c’était certain. Ainsi, ils avaient voyagé. Bryan et lui parce que sinon, les voyages avec l’armée ce n’est pas vraiment l’idée qu’on se fait des voyages en général. Quoique, niveau découverte d’un pays, ça doit être quelque chose aussi. Enfin bref, ils étaient partis en août pour leur anniversaire. Elle ne sut pas où mais elle n’eut aucun mal à imaginer à quoi ça devait ressembler. Là où certaines femmes auraient pu trouver la relation des jumeaux trop fusionnelle, elle non. Au contraire, elle avait parfaitement intégré Bryan dans le paysage et ce dès le départ. Elle en était même arrivée à la conclusion que si c’était ça d’avoir un frère ou une sœur, alors elle était peut-être passée à côté de quelque chose en tant que fille unique. Un sourire illumina son visage en attendant que c’était la meilleure nuit qu’ils aient passée ensemble. Et puis ils étaient rentrés et Bryan s’était fait renvoyer. Ce qui l’étonnait, c’est que ce ne soit pas l’inverse. Bryan était celui qui aimait le moins faire de vagues.

« Vous êtes allés où ? »

Son dernier voyage à elle, remontait au moins de juin. Et je vous le donne en mille, elle n’en a gardé que très peu de souvenirs. Parce que cette fois encore, Sarah n’était pas là et que ça n’avait jamais la même saveur sans elle. En revanche, elle se souvenait parfaitement l’avoir gagné, ce voyage au Bahamas. En pleine saison des pluies parce que ce n’est pas drôle, sinon. Ils avaient probablement dû rester cloîtrés à l’hôtel. Ils, oui, elle n’était pas maso au point de partir seule. Mais voilà bien le genre d’anecdotes qu’elle préférait taire. De toute façon, la blonde était de nouveau attentive. Adam avait repris la parole et elle écoutait toujours presque religieusement ce qu’il avait à dire. Son frère lui manquait. Le moins que l’on puisse dire c’est que personne n’était mieux placé que Noomi pour le comprendre. Elle aurait aimé pouvoir le réconforter, lui dire qu’ils se reverraient bientôt. Mais dans ce cas, alors ça vaudrait aussi pour elle… non ? Tout ce qu’elle pouvait faire en cet instant, c’était lui tapoter le bras avec toute la compassion du monde. Jusqu’à ce qu’il dise quelque chose sur lequel elle put rebondir. Et une autre chose de sûre, c’est qu’elle n’hésiterait pas.

« Reste. J’plaisante pas. Tu pourrais laisser tomber l’armée et aider Bryan à la pâtisserie. J’suis sûre que ça lui ferait plaisir à lui aussi. »

Si ça n’avait été que pour elle, Noomi n’aurait rien dit ; elle aurait accepté sans broncher parce que c’était la décision d’Adam, ce qu’il voulait. Mais s’il n’en avait pas envie, finalement… si personne n’en avait envie, le mieux c’était de rester, non ? Mais encore une fois, ça se saurait si les choses étaient si simples. Les choses ne sont jamais simples. Voilà une leçon qu’on apprend avec le temps. Dans tous les cas, cette fois il n’y aurait pas regrets à avoir. Elle ne voulait pas qu’il parte, elle ne voulait pas prendre le risque de le perdre définitivement. C’est fou quand on pense qu’elle a réussi à passer tant de mois loin de lui – avec moults difficulté, certes – voilà que maintenant elle a une trouille bleue de devoir revivre ça. Dans le fond quoi de plus logique. C’est facile de se leurrer soi-même, de se dire qu’on peut se passer d’une personne tant qu’on ne l’a pas sous les yeux. Du moins, c’est le genre de trucs qui marche pendant un temps.

Ah bon d’accord. Un endroit assez paumé dont il ne parvenait même pas à prononcer le nom correctement. Voilà qui ne donne pas beaucoup d’indications quant au lieu où ils avaient passé leur anniversaire mais Noomi devrait s’en contenter. Son imagination ferait le reste. De toute façon dans l’immédiat, c’était surtout la suite de la conversation qui l’intéressait le plus. A savoir : pourquoi est-ce qu’il ne resterait pas ? Cette fois encore, la réponse lui parut un peu vague. Mais elle mit ça sur le compte du refus. Evidemment que c’était là-dessus qu’elle se focalisait puisque, contre tout bon sens, l’espace d’une seconde environ, elle avait eu l’espoir fou que ça puisse se faire. Le pire dans tout ça, c’est qu’elle ne pouvait même pas lui en vouloir étant donné qu’il avait été très clair d’emblée avec elle. Elle savait que ce n’était que temporaire et elle avait quand même accepté le deal, à elle de s’en mordre les doigts maintenant. Cela étant, c’était quand même mieux que rien du tout et s’il le fallait, alors elle vivrait chaque jour en sa compagnie comme si c’était le dernier, exactement comme il le suggérait. Pourtant, Dieu seul sait à quel point elle n’avait pas envie de le perdre. Ni maintenant, ni jamais.

La blonde acquiesça mais ça ne l’empêcha pas de le serrer d’autant plus fort contre elle. Avant d’enfouir son visage dans son cou pour mieux respirer son odeur. Ce qui est certain, c’est qu’il ne valait mieux qu’elle réfléchisse de trop. Sinon elle se poserait des questions telles que comment faire face au moment fatidique ou encore, et si l’état de sa mémoire venait à s’aggraver et qu’il finissait pour l’oublier, est-ce que lui se souviendrait d’elle et ainsi de suite. Bref, que des pensées très joyeuses et pas du tout angoissantes aussi préférait-elle les chasser de son esprit avant qu’elles ne viennent tout gâcher. Et pour se faire, rien de mieux qu’une gorgée de bière. Et bien sûr, il lui fallut se décoller quelques secondes qui lui semblèrent déjà trop longues, c’est bien pour cette raison qu’elle s’empressa de revenir vers lui. Elle qui s’était promis de ne plus jamais ressentir ce genre de choses pour qui que ce soit après son divorce… la voilà dans de beaux draps puisqu’en réalité, ça dépassait tout ce qu’elle avait connu jusqu’ici. Enfin bref, ce n’était pas comme si elle avait le contrôle de quoi que ce soit à ce sujet. Elle avait déjà essayé et on connaît le résultat.

Ensuite, elle glissa l’une de ses mains sous son t-shirt, juste pour être à même sa peau. Tous ces petits détails qui n’ont l’air de rien mais qui manquent terriblement lorsqu’on est forcé de s’en passer. Du bout des doigts, elle pianota l’air qui passait sur sa stéréo sur ses abdos. Toujours un excellent moyen de penser à autre chose, ça.

« Pas trop vanné, au fait ? »

C’est bien connu les artistes sont des oiseaux de nuit. Et on peut dire qu’en ce moment, ils en sont tous les deux. Mais elle se doutait bien qu’il devait y avoir une différence entre ses horaires de nuit et ceux d’un pâtissier qui se lève aux aurores. Raison pour laquelle elle posait la question. Car en ce qui la concernait, elle était bien éveillée mais elle n’avait bizarrement aucune objection à migrer en direction de sa chambre.

« Doit y avoir tellement de différences entre le métier de pâtissier et de militaire mais y a quelque chose qui change pas, ce sont les horaires. »

Enfin, à peu de choses près, sûrement. Un peu comme pour elle, au final. Passer de pianiste à animatrice radio c’était radicalement différent mais elle travaillait toujours en décalage des autres. Par choix depuis qu’elle bossait à la radio, certes, mais les programmes de nuit sont tellement moins barbants que ceux de l’après-midi.

« Ça fait longtemps que t’es debout ? »

Non, non, elle n’insistait pas. Mais puisqu’ils ne pouvaient pas parler d’avenir -perspective étrange s'il en est parce que c'est précisément ce que font tous les couples et tout le temps, encore autre chose qui les rendait uniques en leur genre -, il ne leur restait plus que le passé et le présent à évoquer. Le passé étant un peu douloureux aussi, restait le présent. Et le présent c’était ça. Du moins en partie.