Noisy neighbor ~ Noomi

C’était gentil de la part d’Odessa de s’inquiéter de Sarah. Mais bien sûr que Noomi prendrait soin de la préparer avant d’aller voir Roméo. Elle lui expliquerait comme elle pourrait et surtout tout en douceur les effets de la maladie ainsi que du traitement du petit garçon. Pas sûr qu’elle comprenne tout du premier coup mais en tout cas, elle saurait plus ou moins à quoi s’attendre. De toute manière, Sarah était la seule enfant de l’immeuble depuis qu’elles avaient emménagé alors quelle que soit l’allure de Roméo, ça lui ferait plaisir d’avoir un petit garçon de son âge pour voisin, c’était sûr et certain.

« Ne t’en fais pas pour ça, je la préparerai et tout se passera bien. »

Elle n’oublierait pas non plus de lui rappeler qu’étant malade, Roméo ne pouvait pas jouer de la même façon qu’elle mais ça aussi, ça devrait bien se passer ; sa blondinette d’amour pouvait se montrer sage et patiente quand elle le voulait.

Toujours est-il que c’est à ce moment-là qu’Odessa en eut marre de se trémousser sur la piste improvisée et lui prit la main pour qu’elles puissent s’écarter un peu du monde qui continuait à faire la fête. C’était censé durer aussi longtemps ce genre de petites sauteries ? Non parce qu’elle avait toujours eu l’impression que ça ne durait que quelques minutes avant que tout le monde plie bagages. A moins que ça ne soit que parce que ça se déroulait chez elle que ça lui paraissait aussi long. Bref, la blonde attrapa son paquet de cigarettes en passant et emmena sa voisine sur le balcon. Elle lui adressa un grand sourire quant à sa remarque.

« Moi aussi ! On ne peut jamais savoir sur quel genre de voisins on va bien pouvoir tomber mais j’ai comme l’impression qu’on va bien s’entendre, nous. »

Personne n’avait jamais réellement eu à se plaindre d’elle-même si, elle le reconnaissait volontiers, elle était un bruyante parfois – mais que voulez-vous, c’est d’être musicienne et d’avoir une enfant de cet âge. En revanche, la réciproque n’avait pas toujours été vraie. Donc cette fois, il semblerait qu’elle soit bien tombée. Noomi prit une cigarette qu’elle alluma tout en s’asseyant sur une chaise de jardin et en faisant signe à Odessa d’en fait autant. Puis elle lui tendit son paquet, au cas où la jeune femme fumerait aussi.

Noomi ne pouvait évidemment pas parler à la place de Sarah mais elle était persuadée que ça lui ferait très plaisir à elle aussi de compter un ami de plus. C’est qu’en dehors de l’école, la blonde avait un peu trop tendance à la surprotéger. Aucune raison à cela. Ou plutôt aucune bonne raison à cela, elle n’était ni malade ni fragile ni rien d’autre mais elles n’avaient qu’elles alors oui, Noomi était très clairement ce genre de mère qui préfère voir les enfants des autres débarquer chez elle plutôt que de devoir se séparer de sa fille tout un après-midi sans pouvoir surveiller si on la traitait bien. D’accord, mieux que bien ; comme la princesse qu’elle était. Il y avait ça et le fait qu’en ce moment la petite vivait chez son père, loin, quasiment à l’autre bout du pays et c’était mieux qu’avant parce qu’avant, Frank habitait en Floride. Définitivement trop loin. Alors elle ne pouvait qu’imaginer que ça n’avait pas dû être simple pour elle de se faire de nouveaux amis. Tout ça pour dire que c’était l’idéal d’avoir des voisines avec un enfant.

« Et je peux te dire à l’avance que c’est réciproque. »

Après avoir eu leur compte de trémoussements sur la piste, les deux voisines s’éclipsèrent pour aller prendre l’air sur le balcon. Presque invariablement, c’était là que la grecque terminait toutes ses soirées pour peu que le temps le permette. Ce n’était pas le jardin qu’elle aurait aimé avoir pour Sarah avec une balançoire, un toboggan et tout ce qui s’ensuit, certes, mais c’était tout de même mieux que rien. Et puis son père en avait un, de jardin, lui et il avait fait installer tout ça presque à la minute où il avait appris qu’il allait être grand-père. Bref, Odessa lui fit alors part du fait qu’Island Bay lui avait manqué. Ou plus exactement son calme. Elle en parlait comme si elle était censée savoir qu’elle revenait au pays après Lyon – Noomi se souvenait au moins de Lyon parce qu’elle avait fait des recherches sur la ville en prévision d’un possible futur voyage -, elle en conclut que sa compagne avait dû lui en parler mais l’information s’était évaporée.

« Ah bon ? C’est plus mouvementé à Lyon ? »

Ça lui paraissait difficile à croire parce qu’elle avait toujours eu cette vision très chic de la France dans sa globalité – qu’elle aurait pu résumer à Paris, comme tous les non-européens, parce que c’est toujours ce qu’on en voit à la télé. Puis sa voisine changea de sujet pour lui demander si elle s’entendait bien avec Elsa – voilà ! C’est Elsa, son prénom !

« Oh oui, elle est très sympa elle aussi. Et elle fait de très bons macarons mais ça, tu dois le savoir mieux que personne. »

Il n’y avait pas à dire, elle était plutôt bien tombée avec ses voisins.

Et voilà, Noomi avait à présent le feu vert d’Odessa pour emmener Sarah voir Roméo donc elle pouvait en parler à sa fille la prochaine fois qu’elle l’aurait au téléphone – donc dès le lendemain puisqu’elle avait toujours insisté sur le fait qu’elle était okay (c’est surtout qu’elle n’avait pas d’autre choix) pour qu’elle vive en majorité chez Frank pour le moment mais qu’il fallait qu’elle entende sa voix au moins une fois par jour pour s’assurer qu’elle allait bien -, elle lui ferait part de cette idée et verrait bien comment sa blondinette réagirait. Du coup, ça serait bien sûr à elle de décider quand elle aurait envie d’y aller. La grecque opina gaiement du chef et commenta :

« Ça marche alors, on fait comme ça. »

Puis, le regard perdu sur la ville en bas, sa voisine lui fit part de sa joie d’être de retour dans cette ville si calme. A Lyon, apparemment, Elsa et elle vivaient dans un quartier étudiant. Et tout le monde sait pertinemment que les étudiants ne font pas qu’étudier bien sagement, loin s’en faut. Ils font la fête et des bêtises alors c’est sûr que ça doit être un peu bruyant. Cela étant, à un certain âge ça doit avoir son charme et Island Bay doit avoir l’air d’une ville pour petits vieux venus finir leur vie au calme, un peu comme pratiquement toute la Floride en dehors de Miami où les gens vont pour faire la fête. Lorsqu’elle était arrivée ici depuis la Nouvelle-Orléans, c’est probablement la réflexion qu’elle s’était faite mais aujourd’hui, ça lui plaisait plutôt pas mal à elle aussi.

« Oui, j’imagine que c’est pas vraiment bébé-friendly comme endroit, du coup. »

C’est d’ailleurs probablement pour cette même raison qu’elle avait dû changer d’avis au sujet d’Island Bay. Bref, c’est ainsi qu’elles en vinrent à parler de la compagne d’Odessa, à savoir Elsa, la rousse qui fait de super pâtisseries. Ou en tout cas de super macarons, Noomi ne se prononcerait que si elle avait un jour l’occasion d’autres spécialités de la française. Un sourire étira ses lèvres en l’entendant parler d’elle avec toute la tendresse dont elle était capable, c’était mignon.

« Je compatis, je suis loin d’être une as derrière les fourneaux non plus. C’est chouette que vous vous soyez trouvées toutes les deux. »

Le proverbe dit que chaque pot à son couvercle. Une idiotie dans le cas de Noomi mais pas complètement dans celui d’Odessa et Elsa, semblerait-il. Bref, elle finit sa cigarette et décida de prendre congé. Il est vrai qu’il commençait à se faire tard, mine de rien.

« Merci, j’espère qu’ils ne vont plus trop s’éterniser. Et dis-lui bonjour de ma part. »

En bonne hôte qu’elle était, elle la raccompagna jusqu’à la porte, lui dit à la prochaine et retourna au salon pour presser un peu la bande d’incrustes qui lui servait de collègues. Fort heureusement, ils étaient déjà en train de plier bagages.