broken hearts ft. jake bailor

Assise dans le bus, Murphy était à la fois contente de rentrer chez son père, mais également très inquiète. A vrai dire, même si elle n'était partie que quelques jours chez Sven, ça avait permis à la gamine de se rendre compte de plusieurs choses. Oui, elle et son père avaient commis beaucoup d'erreurs, non, ils ne parvenaient pas à communiquer mais il restait encore l'option de la psychologue. Oui, c'était leur unique chance de s'en sortir. Il allait bien falloir crever les abcès et continuer d'avancer, non ? Murphy était prête à cela, du moins, c'était ce qu'elle pensait. Cramponnant son sac contre ses genoux, elle avait un peu peur de débarquer chez elle et que son père ne soit pas ravi de la voir, ou bien que ces quelques jours loin d'elle lui ait fait comprendre qu'il était bien mieux sans elle dans sa vie. Inquiète, mal à l'aise aussi, la jeune femme descendit à son arrêt de bus afin de rejoindre la villa de son père à pieds. Le cœur battant, elle hésita une seconde. Que devait-elle dire ? Juste dire « hé coucou, en fait, je veux revenir » ou bien autre chose ? Est-ce que son père était fâché ? Est-ce qu'il ne serait pas heureux de la voir ? Elle se posait tout un tas de questions. La dernière fois qu'ils s'étaient vu, ça avait été sur le parking du cimetière, et ce moment-là avait été bouleversant pour la jolie blonde. Son père l'avait laissé là, en pleine nuit et elle s'était sentie à nouveau abandonnée bien que cette fois-ci, ce soit de la propre volonté. La main hésitante, elle ouvrit la porte d'entrée de la villa silencieuse. Elle fit un premier pas, avant de comprendre qu'il y avait des voix provenant de la cuisine. Caïn et Keny devaient sûrement être ensemble dans la cuisine. La jeune femme prit une respiration et silencieusement, s'avança vers la cuisine. Mais là... quelque chose la fit se stopper net et se cacher derrière le mur. Son cœur avait loupé un battement. Les yeux écarquillés, elle donna à nouveau un coup de tête dans la direction des deux hommes avant de comprendre que oui, elle avait véritablement bien vu ce qu'il s'était passé. Keny était de dors, en train de cuisiner et Caïn, apparemment heureux, s'était approché pour lui toucher... les fesses. Puis, il lui avait murmuré un truc à l'oreille, qui les avait fait rire tous les deux. Murphy, planqué derrière le mur, colla son sac contre sa poitrine. Son père et... Keny ? Elle ne semblait pas y croire, pourtant, tout paraissait bien plus clair maintenant. La relation proche qu'ils avaient, l'emménagement du brun ici avec eux, et puis le fait que Keny ne se soit jamais mêlé de leur histoire... Murphy sentit le sentiment de trahison l'envahir. Son père était en couple avec Keny, mais depuis quand ? Depuis quand ils s'amusaient à le lui cacher ? A lui mentir ? A la prendre pour une grosse conne ? Parce que c'était ça qu'ils faisaient, et rien d'autre. Dans l'esprit de Murphy, elle pensa à sa maman et se demanda si elle n'avait été qu'une expérience ? Alors elle avait été un accident ? L'accident d'un homosexuel qui ne se l'avoue pas ? Alors elle n'était là, sur cette terre, que parce que son père n'avait jamais eu de couilles, c'était ça ? Il avait voulu jouer à l'hétéro ? Et sa mère... avait-elle été au courant elle aussi ? Putain, mais ça expliquait tellement de choses... Toujours sans se faire remarquer, Murphy quitta le rez-de-chaussé pour rejoindre sa chambre en silence. Elle embarqua quelques affaires, deux ou trois vêtements à la hâte et puis laissa la carte de crédit de son père sur son lit. Il verrait qu'elle était passé par ici et il comprendrait surtout qu'elle ne voulait pas de son argent. Murphy parvenait à se contrôler, parce qu'elle devait prendre ses affaires au plus vite et sortir, mais elle savait qu'elle allait péter un plomb une fois sortie de la maison. La jeune femme regarda sa chambre une dernière fois, hésitante et puis finalement... se demanda si elle ne devait pas descendre et lancer la discussion au lieu de repartir en silence. Ne fallait-il pas crever l'abcès ? Non. Son père et Keny avaient l'air parfaitement heureux sans elle, absolument pas inquiets de savoir où elle dormait, si elle allait bien et si elle était en bonne santé. Pourquoi devrait-elle s'en faire pour eux ? Après tout, c'était peut-être ça le souci ? Peut-être qu'elle était un vestige honteux d'un passé dont Caïn aimerait bien se défaire entièrement ? Peut-être que le plan avait été ça dès le départ : tout faire pour la faire partir d'elle-même afin de ne pas avoir le sentiment de culpabilité de l'abandonner à nouveau ? C'était tellement son père ça. Murphy dégoûtée, ferma sa porte en silence et descendit les marches pour se jeter sur la porte d'entrée et sortir de cette maison. Une fois dehors, elle se mit à courir le plus vite possible vers l'arrêt de bus, espérant que personne ne l'ait entendu. Le bus arriva vite, par chance et une fois dedans, elle s'installa sur un siège, jetant un regard vers la villa. Une villa de mensonges, une villa d'hypocrites. Elle était tellement déçue de son père, mais également de Keny, elle qui s'était confiée à lui... mais quel con. Ils s'étaient vraiment bien foutu de sa gueule. Elle chercha dans son sac ses écouteurs, il fallait qu'elle se calme, parce qu'elle savait qu'elle ne pourrait pas se mettre en colère dans ce bus. Elle écouta donc de la musique et ferma les yeux quelques secondes, mais les images qu'elle avait vu plus tôt lui revinrent et elle avait franchement les boules. Et puis, il y avait ce que son père avait dit à propos de ses frères aussi... ça la travaillait beaucoup ça aussi. Son père avait dit que ses frères étaient de parfaits connards, vivant de trafics, prostituant des femmes... et il avait parlé d'un dossier, où étaient les preuves ? Dans sa tête, Murphy essayait de rassembler les différentes pièces du puzzle, mais ça semblait tellement compliqué. Se massant la tête, elle se demandait quoi faire ? Là, pour le coup... elle n'en savait rien. Que pouvait-elle faire au juste ? Retourner chez Sven ? Non, elle avait déjà trop abusé de sa gentillesse et puis... il fallait qu'elle apprenne à se démerder toute seule, non ? N'était-ce pas ce qu'elle reprochait sans cesse à son père : de trop la couver ? La jeune femme essayait de réfléchir. La seule option qui lui était venue à l'esprit avait été la fuite. Partir loin. Toute seule. Mais où ? Où pouvait-elle aller ? Elle n'avait personne d'autre que son père ici. Pensant à ça, Murphy sentit les larmes lui monter aux yeux, mais elle s'empêcha de pleurer. C'est à cet instant précis qu'un flash lui vint en tête. Un souvenir. Un bribe de son passé. Ses frères parlaient souvent d'un pub à Auckland, un truc où ils allaient souvent de leur vivant, prétextant qu'ils géraient une asso là-bas. Oui, c'était quoi ce nom déjà ? Un truc simple, un truc à la con... « Bar... » essayant de chercher dans sa mémoire avant qu'un nouveau flash ne vienne l'éclairer « Bar 101 ! » Oui, c'était ça. Voilà où elle allait aller. Si ses frères étaient des habitués de ce bar, les gens là-bas lui filerait peut-être un coup de main, non ? De toutes façons, c'était tout ce qu'elle avait. Déterminée, Murphy descendit au dernier arrêt, celui qui débouchait sur la sortie d'Island Bay. Quelques kilomètres plus loin, il y avait une gare routière, elle pourrait prendre un bus pour aller à Auckland, non ? C'était son idée en tous cas. Alors elle quitta le bus, marchant sur le bord de la route en direction de la gare routière. Dans son esprit, ça fusait. Le mensonge de son père, le départ qu'elle était en train de faire actuellement et puis... essayer de découvrir la vérité à propos de ses frères. Et si son père avait dit la vérité (chose à laquelle elle ne croyait pas), arriverait-elle à faire face ? Pourrait-elle effacer le mythe laissé par Lazslo pour accepter qu'en fait, il n'ait été qu'un escroc, un proxénète et un menteur ? Pourrait-elle seulement accepter à nouveau que son monde et ses illusions s'effondre ? Mais que pouvait-elle faire d'autre ? Elle n'avait aucune idée de ce qu'elle devait faire, ni même d'où elle pouvait bien aller. Son père avait parlé de leurs origines irlandaises, mais Murphy avait laissé la carte bancaire de son père dans sa chambre, elle n'avait que la sienne, avec son maigre salaire de la boutique dessus... ça n'allait pas la faire tenir plus de deux jours, c'était une évidence.

Marchant sur le bord de la route, Murphy veillait à ne pas se faire percuter contres les auto qui passaient près d'elle. Mais lorsqu'un pick-up délabré la dépassa pour finalement piler face à elle, son cœur se mit à battre plus fort. Eh merde. Et si c'était comme dans ces nombreux films d'horreur qu'elle avait pu voir par le passé ? Qu'un homme hideux allait venir lui parler, lui proposer son aide et que plus jamais on entendrait parler d'elle autrement que sur une boite de lait ? Le pick-up fit marche arrière, roulant doucement et Murphy cru qu'elle allait mourir de peur. Mais très vite, sa crainte s'envola d'un coup de vent. D'un seul. Ce visage, ces traits, ce corps, cette musique, cette voix, ce surnom. Instinctivement son sourire vint étirer ses lèvres alors qu'elle s'approchait du pick-up pour déposer son coude sur la fenêtre ouverte. « Hey » lança t-elle, presque heureuse de tomber sur lui. Lui, ce quasi-étranger finalement. Elle ignorait tout de lui, ils ne s'étaient connu que quelques minutes et pourtant, là, elle était heureuse qu'il soit là. Elle n'aurait pas pu espérer mieux, du moins, c'était ce que son corps et son esprit semblaient croire. Oui, la peur avait subitement quitté son petit corps et dans sa tête, elle ne pensait plus à ce qui l'avait poussé sur cette route. « Ca dépend, tu vas où ? » demanda t-elle alors. Lorsque Jake lui répondit, elle ne pu retenir un léger rire. C'était une blague ? Combien y avait-il de chance pour qu'elle tombe sur lui, sur le bord de cette route, aujourd'hui, à cet instant même ? Et combien y avait-il de chance pour qu'il aille à Auckland lui aussi ? C'était à presque neuf heures de route, qui aurait pu prédire ça ? Etait-ce le destin ? Si c'était lui, il avait un sacré bordel à rattraper, alors autant qu'il lui sorte le grand jeu. Murphy lança alors « si je te dis que je vais aussi à Aukland, tu m'crois ? » parce que oui, ça paraissait surréaliste, comme tout ce qu'ils avaient partagé jusqu'ici en fait. Elle rigola, amusée de la situation, amusée de le voir ici, amusée qu'ils aillent dans la même direction. Elle ne tarda pas à ouvrir la portière du pick-up où les Rolling Stones résonnait et s'installa sur le siège passager, glissant son sac à ses pieds, avant de refermer la porte. Elle s'attacha et puis tourna légèrement le visage vers Jake. Avait-elle besoin de dire à voix haute qu'elle se sentait mieux maintenant ? Que la peur de tomber sur un fou, un violeur, un danger public était évincée ? Que ses problèmes qui la poussaient à fuir semblaient s'être mis sur pause, juste parce qu'il était là ? Qu'avait-il de plus que n'importe qui finalement ? Murphy n'en savait rien, elle n'aurait pas su le dire, simplement... elle était contente d'être assise à côté de lui dans cette voiture, et contente de se dire qu'elle allait faire ce trajet avec lui. « Bon alors, on est partit ? » rigola t-elle alors en plaçant une mèche de ses cheveux blonds derrière son oreille. Le pick-up gronda et en quelques secondes, il avait reprit la route. Murphy adorait ça, rouler. Elle ne conduisait pas, mais elle adorait les transports : en commun ou non. Elle aimait voir les paysages défiler sous ses yeux, elle aimait écouter de la musique pendant les trajets, elle aimait s'imaginer tout un tas de choses dans son esprit ou bien alors chanter les paroles des titres qu'elle adorait. Et Jake serait bien surprit de ses goûts musicaux, elle qui avait été élevée au rock et à la musique des années 70 par sa mère, puis finalement, son père, elle était tout à son aise ici. La fenêtre ouverte faisait voler ses longs cheveux à travers l'abitacle de la voiture, et Murphy souriait encore. La présence de Jake ici... elle qui ne pensait pas le revoir après son départ si précipité lors de leur rencontre... elle l'observa une seconde, avant de se dire qu'ici et maintenant, elle le trouvait beau. Souriant doucement, elle fini par demander « alors, qu'est-ce que tu vas faire à Auckland ? » toute innocemment.

Apparemment le grand gaillard avait de la famille à Auckland, ce qui faisait qu'il allait parfois leur rendre visite. C'était plutôt logique en soi, pas comme elle. S'il lui retournait la question, elle allait devoir trouver une réponse crédible. Est-ce qu'elle devait lui dire la vérité ? Ou bien inventer un mensonge ? Pouvait-elle lui dire qu'elle venait de surprendre son père avec un homme, son meilleur ami, et que leur histoire semble durer depuis un long moment ? Qu'elle a été prise pour une conne ? Qu'elle souhaite éclaircir ce que son père lui a balancé dans un coup de colère, concernant ses frères ? Non. Elle ne pouvait pas lui dire ça, c'était bien trop intime et surtout, ça allait donner une image d'elle... étrange, non ? Que sa famille était... hors du commun, peut-être même pointée du doigt, dangereuse, ou autre ? Bien évidemment que Jake lui posa la même question et à ça, Murphy baissa un peu les yeux et avala sa salive avant de dire en tournant sa tête vers lui « on va simplement dire que j'ai b'soin d'éclaircir un truc et que... j'avais besoin d'un peu plus de distance qu'Island Bay » et en soi, ce n'était pas un mensonge, mais bel et bien la vérité. Finalement, il lui parla de ses cours, et du fait qu'elle devrait y être à cette heure-ci, Murphy sourit une seconde, assez mal à l'aise d'être prise la main dans le sac. Elle replaça une mèche de cheveux et sourit « je t'avais dit de te méfier et que tu ne me connaissais pas » répondit-elle d'une voix douce, se faisant passer pour une dure à cuire. Non, elle n'en était véritablement pas une, mais l'idée qu'il puisse le penser lui plaisait assez. Oui, elle séchait ses cours, et oui, elle mettait en danger ses études. Pour son travail, sa patronne était en vacances, si bien que la boutique était fermée et franchement, ça ne pouvait pas mieux tomber. Elle qui avait eu un peu peur de perdre ce rythme de la boutique qui était devenu rassurant, elle était finalement assez contente de pouvoir être libre de faire ce qu'elle voulait. Pour l'université, Murphy se mettait dans la merde et elle en était bien consciente. Peut-être que son père allait recevoir des notifications comme quoi Murphy séchait les cours depuis plusieurs jours déjà... elle n'en savait rien, mais pour l'heure, ce n'était pas une priorité, bien loin de là même. Murphy rigola quand Jake essaya de détendre l'atmosphère, en avouant qu'il était vraiment mal placé pour lui faire ce genre de réflexion. « Tu étais un loubard, c'est ça ? » lança t-elle en rigolant et en s'en voulant déjà d'avoir utilisé ce mot pour désigner Jake. Bon, ok, la première fois qu'elle l'avait vu, il avait vraiment la gueule d'un loubard : la tronche en sang après s'être fait explosé le nez. Elle avait donc le droit de dire ça ? Oui, mais elle avait apprit par expérience qu'un rien pouvait le faire se renfermer sur lui-même. Et elle ne voulait pas que ce qu'il s'était passé chez Sven ne se reproduise à nouveau. D'ailleurs, que c'était-il passé au juste ? Elle n'en savait rien. Il était partit si vite, sans explication, juste après avoir avoué qu'elle était... « déroutante » et ça, elle n'avait toujours pas comprit ce que ça voulait dire. Murphy jeta un coup d'oeil à l'homme assis à côté d'elle et vit qu'il avait encore une marque sur son nez. Cela prendrait sûrement plusieurs jours pour qu'il soit totalement guérrit, non ? Elle n'y connaissait rien à vrai dire.

Murphy ne pu s'empêcher de rire aux éclats lorsqu'il commença à émettre l'idée qu'elle pourrait être une délinquante. Parfois, la blondinette aurait aimé l'être, mais dans le fond, elle savait qu'elle était bien trop sage pour ça. A vrai dire, hormis son baiser avec sa meilleure amie (qui avait quitté Island Bay pour Londres subitement après ça) et puis son premier joint fumé avec elle... Murphy n'avait rien fait qui soi « hors-normes » alors non, elle n'était définitivement pas une délinquante. Bon ok, elle arrêtait de se nourrir, avait prit une seule fois une cuite et était présentement en train non pas de fuguer, mais presque... alors peut-être que si, finalement ? Non. Murphy était bien trop douce et avait trop d'empathie pour les gens pour leur faire du mal volontairement et elle se débrouillait si bien pour le faire de tout un tas d'autres façons. « Tu as de la chance que je ne sache pas conduire, parce que sinon, j'aurai été capable de le faire » rigola t-elle en essayant d'être sérieux, avant de sentir ses lèvres s'étirer pour que finalement, son rire envahisse l'espace de la voiture, malgré les fenêtres ouvertes. Le temps était doux et bon, c'était agréable. Murphy devait néanmoins retenir ses cheveux qui s'envolaient face au vent qui pénétrait dans l'abitacle de cette voiture. Lorsqu'ils parlèrent d'eux, et que Jake évoqua sa jeunesse à l'école, Murphy baissa un instant les yeux, elle connaissait bien ce sentiment, mais elle ne semblait pas convaincu qu'ils puissent ressentir elle et lui la même chose. Ils semblaient ne rien avoir en commun et pourtant, elle avait l'intime conviction qu'il y avait quelque chose qui se passait entre eux. Comme un lien, comme un truc, un peu comme avec Sven, mais différent. Vraiment différent. « Nous faire entrer dans un moule ? » répondit-elle en sortant un peu de ses pensées. Elle y réfléchit une seconde. N'était-ce pas pour cela qu'elle avait arrêté de se nourrir ? En fait non, c'était bien tout le contraire. Elle aurait aimé entrer dans un moule. Un moule rassurant, un moule qui ne bouge pas, où les membres de sa famille ne mourrait pas les uns après les autres, où sa personnalité et son quotidien ne se retrouveraient pas chamboulés tous les jours ; où la douleur et la culpabilité ne seraient pas son quotidien. « En fait, j'pense qu'on cherche tous à entrer dans un moule, un truc rassurant et réconfortant et ceux qui n'y parviennent pas... » elle soupira une seconde « sont à la recherche d'autre chose, en permanence » et pour elle, c'était son cas. Elle aurait aimé que le moule de sa vie ne se brise pas, jamais. Elle aurait aimé grandir auprès de sa mère, de ses frères, que son père fasse partie de sa vie, mais qu'elle ne perde pas tous ses proches. Que ses amis soient encore là, hormis Priam, il ne restait plus personne. Elle aurait aimé ne jamais avoir autant souffert et avoir elle aussi, droit à une vie « simple » comme tous les jeunes de son âge. Ils avaient une chance incroyable et la plupart du temps, ils ne s'en rendaient pas compte. Jake parla ensuite de ses sœurs, il en avait donc plusieurs ? L'idée de l'imaginer dans sa famille fit sourire la petite tête blonde. Etait-il le grand frère ? Oui, sûrement, elle ne l'imaginait pas se faire martyriser par un grand-frère, oh non, personne ne pouvait le martyriser lui, pas vrai ? Finalement, c'est la fin de la cassette audio qui brisa le silence, et d'un geste de la main, Jake lui désigna la boite à gant, en lui proposant de choisir ce qu'elle voulait. Le visage de la jeune femme s'illumina et en ouvrant la boite à gant, elle ne pu que tourner son visage vers Jake, ravie. Il ne s'agissait que de ses groupes favoris, ceux qu'elle écoutait avec sa mère, ou même avec son père. S'ils avaient bien un point en commun et c'était peut-être bien le seul, c'était ça : leur goût pour la musique des années 70, 80, 90. En particulier le rock, la pop et tout cet univers. Murphy balaya les cassettes et elle ne pu que dire « hey mais ce sont des collectors en plus » avant de chercher celle qui lui donnerait envie plus qu'une autre. « Vieux machins... peut-être mais moi je les adore » et oui, malgré leur différence d'âge, ils avaient apparemment les mêmes goûts musicaux. Et là, Murphy tomba sur LA cassette. Elle la prit, le sourire énorme sur le visage et tout de suite, pensa à sa mère. Cette dernière l'adorait, et Murphy avait même récupéré son tee-shirt pour le porter assez régulièrement. La cassette de l'album « Diamond Dogs » de David Bowie. « Oh celui-là... » murmura t-elle en sortant la cassette des Rolling Stones et en plaçant celle du roi de la pop. « C'était le chanteur préféré de ma mère » lança t-elle alors en souriant toujours de toutes ses dents. Très vite, les premières notes de la chanson « Rebel Rebel » se firent entendre dans la voiture et la jeune femme lança « ça s'écoute à fond ça » en tournant la molette du volume à fond. Les cheveux dans le vent, les fenêtres de la vieille voiture ouvertes, sur une route, putain... le bonheur. En vrai, elle n'aurait pas pu imaginer mieux. Collant à nouveau son dos à son fauteuil et remontant ses jambes, ses mains vinrent jouer la rythmique mythique sur ses cuisses et très vite, elle chanta les paroles. Elle ne savait pas spécialement chanter, mais elle adorait trop cette chanson et ce moment était parfait pour ça, non ?

Des trucs de son âge, qu'est-ce que ça voulait dire ? Que les échanges inter-générationels n'étaient pas permis ? C'était bien dommage, parce qu'en matière de culture populaire, Murphy se retrouvait davantage dans la génération de ses parents que dans la sienne. « En ce qui concerne les films et la musique, je ne défendrai pas ma génération » précisa t-elle. Oui, elle était une amoureuse d'une autre époque et regrettait parfois d'être née dans cette génération-ci où tout semble n'être que du paraître et du mensonge. Un monde d'image fausse et troublée, sans aucune touche artistique tellement les limites de cet art semblent en avoir été repoussées. C'était d'ailleurs pour quoi elle n'avait pas de téléphone portable, ni même de profil sur les différents réseaux sociaux. Elle n'avait qu'une adresse mail, le téléphone fixe de la villa de son père et puis son domicile. Voilà, c'était grandement suffisant, et puis de toutes façons, personne ne cherchait jamais à la joindre. Jake sembla sous le charme du choix musical de la petite blondinette et lorsqu'ils se mirent à danser sur Bowie, que Murphy chanta et que leurs rires se mélangèrent, c'était à nouveau comme sur le sol de cette salle de bain, dans l'appartement de Sven. La lumière du jour qui reflétait sur le goudron de la route sinueuse qu'ils empruntaient ; l'espèce de mirage flou qui rendait trouble l'horizon de cette route à cause de la chaleur ; la nature splendide qui semblait offrir un merveilleux cadeau à cette route en lui proposant de la fendre ainsi ; le vent doux qui venait caresser les cheveux d'or de la jeune femme, cette musique, ces souvenirs, ce rire qu'il avait. Murphy tapotait encore ses mains sur ses cuisses et balançait son visage et ses cheveux, profitant par moment pour observer le corps de Jake qui remuait timidement lui aussi sur cet air musical. Elle ne pouvait pas s'empêcher de rire, de sourire et quand elle le vit ainsi, elle se sentit à nouveau bien. Comme si rien autour n'existait, comme si elle n'avait plus aucun souci, comme si jamais aucune douleur ne l'avait faite souffrir, comme si son cœur était vierge de toute souffrance, comme si aucune disparition ne lui avait brisé le cœur. La jeune femme se sentait heureuse, libre, totalement détachée de ce qui lui pourrissait la vie. C'était comme se retrouver sur un bateau, un radeau, au large, sans aucune terre à l'horizon, sans nuage et sans requins dans l'eau. C'était se sentir libre sans aucun sentiment de danger, sans aucun sentiment de peur et putain, ce que ça faisait du bien. Un coup de vent vint lui faire tourner davantage la tête vers Jake, tandis que ses cheveux recouvraient son visage. Sa main vint se plaquer sur ses mèches blondes, et c'est à ce moment-là qu'elle sentit la main de Jake contre ses cheveux. Leur peau entra en contact l'une avec l'autre. Sa main avait l'air rude, forte, avec de la poigne et en même temps, il avait cette attitude douce envers elle. Instinctivement, leurs mains se décollèrent et leurs regards se croisèrent. Une seconde. La lumière du soleil vint faire briller les yeux du blond d'une toute autre façon, comme s'il passait derrière ses iris pour en faire ressortir toutes les nuances, toute la beauté, toutes les couleurs. Murphy sentit son cœur s'arrêter, le temps d'une seconde, pour recommencer à battre bien plus fort ensuite. Il avait ce truc, animal, électrisant, fascinant. La voiture dériva, Jake reprit le contrôle et s'excusa en faisant une blague mais sous le coup de volant qu'il donna pour recadrer la voiture sur la route, le corps de la jeune femme se retrouva collé contre celui du blond, une seconde. Elle avait perdu l'équilibre et sa main avait prit appui sur la cuisse du loubard, sans vraiment réfléchir, c'était un réflexe. « Oh pardon » rigola t-elle mi-amusée et mi-gênée avant de se remettre bien comme il fallait sur son siège. Avec ses sœurs ? Il était sérieux ? En entendant cela, Murphy sentit un profond sentiment de déception l'envahir. Elle baissa les yeux, replaça une mèche de cheveux et se rendit compte qu'ils en étaient rendu à écouter la musique « big brother » de Bowie, l'avant dernière de l'album. Un signe ? Alors elle ne serait jamais rien d'autre à ses yeux qu'une gamine ? Qu'une enfant tellement petite qu'elle ne pouvait être qu'une petite sœur ? Oui, elle était déçue. Parce que pendant un bref instant, que ça soit sur le carrelage de cette salle de bain, ou dans cette voiture, Murphy avait cru qu'elle était autre chose, un truc spécial, un truc... déroutant. Mais en fait non. Il venait de lui prouver le contraire. Pff, qu'espérait-elle au juste ? Pourquoi était-elle déçue ? Ca n'avait aucun sens, n'est-ce pas ? Comment aurait-elle pu imaginer une seule seconde autre chose ? Non. Depuis le départ, il ne la voyait que comme une gamine, une petite chose fragile et tête brûlée, et c'était tout. Au loin, sur le bord de la route, un petit dinner de routiers apparu, fait de bois et légèrement insalubre. Le genre d'endroit que l'on ne voit que dans les films, qui sert à remettre un peu d'essence ou bien à donner à un psychopathe un bon endroit pour venir y chercher ses futures victimes. Jake proposa de s'y arrêter, elle hocha de la tête, encore déçue de ce qu'il venait de se passer. Il se gara, la jeune femme sortit de la voiture après s'être détachée et avoir rangé son sac bien sous le siège. Elle claqua la porte, et observa l'endroit, qui n'était pas franchement rassurant, mais qui avait un certain charme. Elle s'approcha de la porte et lorsqu'elle l'ouvrit, les regards se posèrent sur elle. Ok... pourquoi ? Peut-être que de voir une gamine de cet âge là ici, c'était surprenant ? Et si tôt que Jake apparu derrière elle, les regards les quittèrent, comme si la présence du blond justifiait celle de Blondie, comme si les gens avaient donné leur accord à sa présence. Hein ? Murphy fronça légèrement les sourcils, tout en gardant le silence et puis s'approcha du bar. Elle contourna un siège et s'installa dessus, posant ses coudes sur le bar. Le barman, un homme corpulent et barbu l'observa et très vite, elle sortit un billet de sa poche et lança « une bière s'il vous plaît ». Ouais, elle n'avait pas l'âge, mais est-ce qu'ici ils en avaient réellement quelque chose à foutre ? Pitié, faites que non. Lorsque le gérant lui ouvrit la bouteille et la déposa devant elle, elle lui demanda « c'est quoi votre spécialité ici ? » en parlant d'un truc à manger rapide. Ils se trouvaient à présent dans la région de Porirua et le barman leur proposa un Fish&Chips ce qui était parfait pour Murphy. Elle tourna la tête vers Jake pour savoir s'il était ok et lorsque ce dernier s'installa à son tour, ils continuèrent à parler tranquillement, mais Murphy ne pouvait se défaire de l'idée qu'il se faisait d'elle : celle d'une gamine. Buvant sa bière comme si elle en avait l'habitude, la jeune femme fini par dévorer son plat une fois qu'il fut servi. Ne voulant pas perdre de temps, ils firent tous les deux un tour au wc avant de reprendre la route. Ils leur restaient un peu plus de six heures de route, autant dire qu'ils allaient devoir faire plusieurs autres arrêts probablement.

Ce n'est qu'en début de soirée que finalement, ils arrivèrent près d'Auckland. Murphy commençait à avoir peur. Elle regrettait presque d'être venue jusqu'ici pour soit-disant retrouver des indices sur ses frères. Etait-ce une si bonne idée que ça ? Elle s'était redressée et un peu figée sur son siège, observant toute la ville qui était à présent en train de sombrer dans la soirée. Est-ce que seulement ses frères avaient véritablement vécu ici ? La jeune femme était en train de se demander si elle devait vraiment aller jusqu'au bout de son idée, comme si... elle avait le pressentiment que non, ce n'était pas une si bonne idée que ça. Le cœur battant, elle n'osait plus trop parler. Et puis l'idée de se retrouver seule, sans Jake... ça ne lui plaisait pas. Ce voyage avec lui à ses côtés avait annihilé toutes ses peurs et ses angoisses mais maintenant qu'elle allait se retrouver seule, à l'autre bout de la Nouvelle-Zélande... ce n'était pas du tout la même chose. Durant le voyage, Murphy avait délié un peu sa langue auprès du blond, lui expliquant qu'elle allait chercher des informations dans un bar d'Auckland « Bar 101 Auckland ». Roulant au pas, au cœur de la ville néo-zélandaise, Murphy n'avait plus du tout envie de descendre de son siège, ni de quitter cette voiture, pourtant, après un trajet qui aura duré toute la journée, la voiture de Jake s'arrêta enfin devant ce bar. Le cœur de Murphy battait la chamade, réellement. Elle prit son temps pour bouger, récupérant d'abord son sac qui était encore sous le siège et puis, se voulant réconfortante, elle se détacha et se tourna un peu vers le conducteur « eh bien... merci pour la balade » en essayant de se forcer à sourire malgré la peur. « Peut-être qu'on se croisera sur la route du retour ? » essaya t-elle de plaisanter. Elle baissa les yeux, terrorisée et puis s'approcha de Jake pour venir déposer ses lèvres sur la joue piquante du blond avant de dire tout bas « merci Jake » et de s'éloigner, glissant sur le cuir de la voiture pour finalement ouvrir la portière et poser le pied par terre. Ses jambes étaient endolories par le voyage, son dos lui faisait mal aussi, et elle était complètement morte de trouille. Elle n'avait aucune envie de quitter Jake, c'était quelque chose qui lui paraissait réellement difficile. Elle lui adressa un dernier sourire en coin et referma la porte, plaçant son sac sur ses épaules, elle avança alors vers le bar, dans lequel elle entra.

A l'intérieur de ce dernier, l'ambiance était enfumée mais aussi très tamisée. Il y avait principalement que des hommes, trapus, barbus, musclés, beaux garçons ou non, tatoués. Elle se sentit comme une gazelle prise en chasse par des proies à l'instant pour elle posa le pied à l'intérieur de cet endroit. Son cœur se mit à battre vraiment fort, tandis qu'on l'observait de la tête aux pieds. Murphy prit une grande respiration et tenant les lannières de son sac, trouva le courage d'avancer vers le large bar en bois où un jeune homme très beau se trouvait. Il lui sourit et lui demanda ce qu'elle voulait. Gênée, la jeune blondinette chercha ses mots. Ne sachant pas comment amener la chose, elle commanda une bière. Elle s'installa sur un siège et posa son sac sur le tabouret d'à côté. On la servie très vite et elle bu une grande gorgée avant que son œil soit attiré par quelque chose. Une photographie, accrochée au mur derrière le bar. C'était... Lazslo... Son cœur rata un battement et un sourire vint se dessiner sur ses lèvres. Le barman suivi son regard et observa la photo avant de dire « tu l'connais ? » légèrement curieux. Murphy sortit de ses pensées et sourit, comme si elle était rassurée de voir une photo de son frère ici, comme si ça allait justifier sa présence et que oui, elle avait bien fait de venir jusqu'ici. « C'est mon frère » lança t-elle presque fière. Le barman semblait surprit et émit une expression à la fois surprit et intrigué « vraiment ? » Murphy hocha la tête en buvant de sa bière et puis très vite, le barman s'approcha d'elle, posant ses avant-bras sur le comptoir du bar, il lança « alors j'dois te présenter au patron, il m'en voudrait trop si je ne le faisais pas » lança t-il presque charmeur. Sérieux ? Mais c'était une super rencontre ça, non ? Le patron allait forcément pouvoir l'aider, pas vrai ? La jeune femme avala presque de travers sa bière et se leva de son siège. Elle voulu prendre son sac, mais le barman lui lança « non, laisse le la, ça ne risque rien » il le prit pour le déposer de l'autre côté du bar, visible cependant de tous. Il entraîna la jeune femme dans un escalier qui se situait près du bar, la lumière avait changé, l'ambiance aussi. Tenant toujours sa bière, Murphy le suivi sans se méfier, comme si le destin voulait enfin lui rendre service et l'aider. Ils arrivèrent sur une sorte de palier et très vite, Murphy fut presque jetée dans un bureau immense et très impressionnant. Là, un homme était en train de parler avec un autre homme, une malette à la main, comme dans les films... un peu... louches. Murphy essaya de voir ce qu'il se passait, mais était bien trop entousiaste pour se méfier. « Qu'est-ce que tu m'emmènes là ? » demanda alors le patron en posant son œil gras sur Murphy qui se sentit tout de suite, très mal à l'aise. Murphy regarda le barman lui dire qu'elle était la sœur de Lazslo et très vite, le patron esquissa un sourire... carnassier. Le barman la laissa seule et ferma la porte derrière elle, Murphy le regarda faire et se sentit tout de suite en danger. Oui, là, elle avait l'intime conviction que tout ce qu'il se passait ici n'était pas de bonne augure et très vite, la voix du patron se fit entendre « il compte enfin me payer ce qu'il me doit ce p'tit con ? » Murphy grimaça, ne comprenant pas de quoi il parlait. Lazslo devait de l'argent à ce type ? « Heu... » bégailla t-elle sans pouvoir en placer une sous la peur qui ennivrait son corps tout entier. Le patron se leva et contourna son bureau pour s'approcher de Murphy qui, prise de terreur, ne bougea pas. « Ca fait deux ans que mes hommes le cherchent partout dans le pays, ton frère me doit une belle petite somme... » il détailla alors l'étudiante sous toutes ses coutures, ce qui la fit se raidir davantage sur elle-même. Son cœur battait si fort qu'il tambourinnait dans ses tempes. « S'il pense que me vendre sa sœur effacera sa dette, il se plante » lança t-il en approchant son visage de celui de la jeune femme. Il sentait la clope, il sentait fort et Murphy sous la peur, ne pouvait pas bouger, ni même crier, ni rien dire du tout. Oh putain mais qu'est-ce que c'était que ça ? Qu'est-ce qu'il racontait ? Alors ce que Caïn avait dit était vrai ? Son frère était-il vraiment ce genre d'ordure ? Et elle... quelle idiote elle était de s'être jeté comme ça dans la gueule du loup, c'était tellement horrible. Ce mec là avait l'air tellement... puissant, méchant et dangereux, qu'allait-il lui faire subir ? Murphy fini par lacher sa bière, qui s'explosa sur le sol du bureau tout en moussant. Murphy sentit le liquide lui mouiller les chevilles, mais elle ne pouvait pas quitter des yeux le visage de celui qui s'apprêtait à lui vouloir du mal.

HRP : J'ai fait un méga saut dans le temps, mais je me suis dit qu'on aurait le temps de les faire discuter sur le trajet du retour et que j'avais surtout très hâte d'être à ce moment-là, mais si ça te dérange trop, je peux couper mon post en deux, n'hésites surtout pas à me le dire !

L'homme qui se trouvait tout près d'elle sentait incroyablement fort. Un mélange de tabac froid et de sueur. Son visage se rapprochait de celui de la petite blonde, elle pouvait donc sentir son haleine et surtout, sentir ses doigts se poser sur sa joue. Le cœur de Murphy battait à tout rompre dans sa poitrine, il tambourinait tellement fort qu'il recouvrait les bruits que l'on aurait pu entendre dans l'escalier. La jeune femme avait peur, littéralement, elle était terrorisée. Incapable de bouger, de cligner des yeux, de dire quoi que ce soit, de faire un seul mouvement. C'était comme si la peur qu'elle ressentait et que cet homme lui faisait ressentir ; étaient en train de la fondre dans le sol, faisant d'elle un objet qui serait incapable de sortir de cette pièce. Un énorme bruit cependant se fit entendre. Murphy se tourna en sursautant et en criant de surprise, lorsque la porte frappa violemment le mur derrière. Jake se trouvait là. Murphy croisa son regard et aussitôt, elle sentit que son cœur s'emballait, mais pour une toute autre raison que celle de la peur. Non, la peur venait de partir, comme si Jake venait de souffler sur un nuage de poussière. Volatilisée. Le cœur de Murphy battait fort, partagé entre l'adrénaline, l'excitation et le plaisir de voir que Jake était là. Pourquoi était-il là d'ailleurs ? Elle l'ignorait, mais le voir ici était la seule chose qu'elle désirait. Il ne dit rien, il ne prononce pas un mot, mais il comprend très bien ce qu'il se passe ici. Murphy aurait pu se poser tout un tas de question : qu'est-ce qu'il fiche ici ? Pourquoi était-il entré dans ce bar ? Pourquoi n'était-il pas partit comme prévu ? Est-ce qu'il voulait lui dire quelque chose ? Pourquoi elle avait la sensation qu'il était comme son propre bouclier ? Son armure ? Son chevalier ? Un homme sur lequel la peur ne semble pas agir, qui donne l'impression de pouvoir tout encaisser et surtout, de se sortir de n'importe quelle situation ? Jake dégageait ça de lui-même, et Murphy le captait, elle s'en nourrissait même. Jake avait ce côté hyper protecteur et rassurant et en sa présence, Murphy ne pouvait avoir peur de rien. Elle n'avait peur de rien quand il était là. Le blond ne perdit pas une seconde pour réduire la distance entre la porte et l'homme qui se trouvait près de Murphy. Décollant son horrible corps du sien, Murphy ferma les yeux alors qu'elle entendait les coups s'abattre sur les deux types présents dans la pièce. Elle fini par ouvrir les yeux, découvrant le corps de Jake prendre le dessus sans aucun souci face à ces hommes. Ses gestes étaient d'une force qui surprenait Murphy, elle était capable de voir la force, la puissance, la rage et en même temps, l'intelligence des coups de Jake. Et à le voir faire, on comprenait très vite que c'était quelque chose dont il avait l'habitude, sans pouvoir être plus clair. Etait-il boxeur ? Amateur ou professionnel, peu importe, mais cela se voyait, se sentait. Les deux corps des types, les visages en sang, s'écroulèrent près du bureau et Murphy pouvait entendre le souffle court et puissant de Jake, essoufflé par ce combat. Est-ce qu'il venait de les tuer ? Etaient-ils morts ? Murphy observait le corps de Jake, encore dos à elle. Ses épaules marquaient sa respiration profonde et ses poings étaient encore contracté. Il se tourna pourtant vers elle, et tout de suite, elle croisa son regard. Elle avait envie de se jeter contre lui, de se coller contre son corps, qu'il la sorte d'ici. Il était venu, il était revenu, il ne l'avait pas laissé, ni lâché, ni abandonné. Non. Il était là, et c'était peut-être bien la première fois que Murphy avait cette sensation, ce sentiment, que ce n'était pas pour rien. Non, il se passait quelque chose de fort, indescriptible, elle ne savait pas ce que c'était entre eux, mais c'était un truc fort, un truc contre lequel elle ne pouvait pas aller, ni lutter. Il prononça son surnom, et Murphy regarda elle aussi les mains rouges de sang de Jake, les deux hommes ne bougeaient plus derrière l'ours, et Murphy n'osait toujours pas bouger. Elle aurait aimé avoir le courage de lui sauter dessus, de s'accrocher à lui, de lui parler, mais elle n'y parvenait pas. Il fait un pas vers elle, elle ne quitte pas son regard jusqu'à ce que sa voix lui demande si ça allait et que sa main vint attraper sa nuque pour que Murphy vienne contre lui. Le corps de l'étudiante se mit à battre plus fort encore, sa main vint se poser sur le bras de Jake dont la main était dans les cheveux de la jeune femme. Elle caressa sa peau, ses muscles tendus par l'effort et très vite, sa tête vint se poser contre le cœur de Jake. Elle l'entendait battre violemment dans la poitrine du blond, secoué par l'adrénaline. Son autre main vint se poser sur les côtes du boxeur, attrapant alors le tee-shirt de ce dernier. Elle ne se retenu pas. Non. Son corps tout entier semblait réclamer celui de Jake, comme si la seule place au monde qui était faite pour elle, était justement dans ses bras. Comme s'il n'y avait rien d'autre qui comptait. A nouveau, cette mélodie poétique, la fumée de cigarette qui semble rendre cet environnement presque magique, les lumières artificielles qui semblent adoucir cette pièce pourtant ravagée par la violence. Les yeux clos contre le corps de Jake, sa tête contre son cœur, sa main toujours sur sa peau et l'autre s'accrochant à son tee-shirt, elle ne disait rien. Elle ne bougeait pas. Ses mains se serrèrent également plus fort contre le corps de Jake, lorsque celui-ci serra son étreinte. Il était là, oui, c'était bien lui. Il n'était pas partit, il ne l'avait pas laissé et même si pour beaucoup ça n'était rien, pour elle... c'était énorme. Après tous ces sentiments d'abandon qu'elle avait du subir et vivre ; pour la première fois, une personne anticipait ses besoins avant même qu'elle ne le sache elle-même. Ou plutôt, qu'elle se l'avoue. Murphy ne se sentait bien et en sécurité que lorsque Jake était près d'elle... pourtant, ils ne se connaissaient pas depuis longtemps, ils n'avaient pas grand chose en commun, mais c'était autre chose. Comme un lien, contre lequel elle ne pouvait rien, que même si elle décidait de partir loin, sans lui, il lui manquerait atrocement. Il avait un truc que personne d'autre n'avait. « T'es rev'nu » finit-elle par murmurer tout bas, toujours contre le corps de Jake. Un corps bouillonnant, chaud, fier et fort. Murphy n'avait aucune envie de bouger, de quitter cette étreinte, de rompre ce lien qu'ils avaient enfin fini par... accepter. Enfin non, mais c'était déjà mieux que la fois où Jake s'était barré chez Sven, non ? Quoi qu'il puisse s'agir, quoi qu'il puisse en être, elle ne voulait pas ne pas être avec lui. Peut-être l'adrénaline de son corps, suite à cette succession d'événements dont elle n'était pas habituée ? Peut-être que cette adrénaline était en train de lui retourner le cerveau ? Les secondes défilaient, et bientôt, les deux hommes sur le sol commencèrent à s'agiter. Ils n'étaient pas morts. Murphy bougea la tête et ouvrit les yeux pour les observer, ils devaient partir d'ici. Mais pour aller où ? Faire quoi ? Jake avait des choses à faire ici, mais pour elle désormais, c'était fini. Seulement elle ne pouvait pas s'imaginer qu'il la laisse, elle ne pourrait pas partir toute seule, elle devrait lui dire, mais le pouvait-elle ? Elle décolla son visage du torse de Jake, gardant ses mains sur son corps et doucement, elle releva les yeux pour essayer de croiser le regard de Jake, interrogative sur la suite, terrorisée encore un peu aussi sûrement. Le regard de Jake était si profond, si proche d'elle physiquement, si puissant, si intense... était-elle seulement à la hauteur ? Non, elle avait sûrement l'air d'un bébé, d'une gourde qui s'était faite avoir, et elle devait le mettre mal à l'aise, elle devait sûrement le mettre très mal à l'aise à se retenir à lui de la sorte. Ses mains finirent alors par glisser du corps de Jake, avant qu'elle ne fasse un pas en arrière, sans jamais relever les yeux vers le regard de cet homme. Parce qu'il ne s'agissait pas du regard perdu d'un adolescent de son âge. Le regard de Jake était un regard plein d'expérience, de douleurs, de mystères, de rage, d'intensité, de violence, de bestialité, un truc excitant, envoûtant et fascinant mais qu'aurait-elle pu espérer, elle, cette gamine ?

Le visage niché contre le corps de Jake, Murphy oubliait tout. Elle aurait presque pu oublier les deux corps inertes allongés sur le sol, ou bien les traces de sang que Jake arpentait sur ses phalanges. Elle aurait pu oublier ce bar, cette odeur, de souffle si près d'elle sans qu'elle n'en ai eu envie. Elle aurait pu oublier Auckland et la raison de sa venue. Ses mains en contact avec la peau chaude de Jake la réconfortaient, tout comme son corps blotti contre celui de l'ours. Il était là, il était vraiment là, il était revenu, il venait de la sortir d'une situation dans laquelle Murphy ne se serait jamais vu. Elle ne réalisait même pas vraiment que son père avait dit la vérité. Que oui, ses frères étaient malheureusement bien liés à des histoires folles, étranges et totalement immorales et illégales. Comment avait-elle pu vivre toute une vie auprès de gens qui n'étaient pas ceux qu'elle croyait être ? Comment pouvait-on mentir à ce point sur toute la ligne, aux gens les plus proches de soi ? Elle, naïve, honnête, maladroite, elle ne comprenait pas. Mais l'image de son père vint la frapper alors. Son père aussi lui avait menti. Elle l'avait surprit avec Keny, elle avait comprit qu'ils étaient bien plus que des amis, pourquoi avoir voulu lui cacher ça ? Pourquoi est-ce que tous ses proches semblaient prendre un malin plaisir à leur cacher leur véritable identité, à mettre un masque sur leur visage, à lui mentir ? Est-ce qu'ils faisaient ça par peur de sa réaction, ou pour la protéger ? Toujours le visage niché contre Jake, elle oubliait tout ça, n'y pensant même pas. Il n'y avait que les rythme du cœur de Jake, qu'elle ressentait dans sa tempe posée sur son torse, et puis son propre rythme à elle, totalement fou. Les yeux clos, elle aurait aimé que ce moment ne se termine pas. Mais rapidement, en croisant son regard, elle recula et Jake en profita pour les sortir d'ici. Murphy passa devant lui, remontant les marches pour atteindre le bar. Le barman les regarda étrangement, et Murphy ne pu s'empêcher de le regarder à son tour. Elle était tombée dans son piège, dans leur piège et si Jake n'avait pas été là... Ses yeux se posèrent sur son sac, posé sur le comptoir, près de la photo de Lazslo qui avait attiré son œil, dès le départ. « Attends » lança t-elle pour Jake en se tournant vers le bar. Prenant appui sur le comptoir, elle passa par dessus pour récupérer la photo de son frère et aussi son sac, posant ce dernier sur le comptoir avant de quitter celui-ci. Quand elle sortit enfin dehors, l'air frais lui fit du bien, mais la fit frissonner. Ses yeux découvrirent l'image rassurante du pick-up de Jake et sans un mot, elle s'engouffra dedans, à la place qu'elle avait occupé plus tôt dans la journée, et qui était comme sa place. Jake lui demanda pourquoi elle ne lui avait rien dit. Elle voulu répondre, ouvrant la bouche pour parler, mais aucun mot ne quitta ses lèvres. Elle croisa le regard de Jake et sentit son cœur s'emballer. Lui en voulait-il ? Après tout, elle l'avait poussé à se battre, sans elle ni sa situation, il aurait eu une toute autre soirée. Est-ce qu'il lui en voulait pour tout ça ? Elle haussa simplement les épaules, incapable pour le moment de parler, encore sous le choc de tout ce qu'il venait de se passer. Le contact gronda et Murphy ne demanda même pas à Jake où est-ce qu'ils allaient. Comme si tous les endroits lui allaient, tant qu'il était là. Et c'était le cas. La voiture se mit à rouler, s'éloignant de ce bar qu'elle suivit dans le rétroviseur jusqu'à ne plus le voir. Sa main tenait toujours la photo de Lazslo et très vite, elle l'observa, avant de la cacher dans l'intérieur de sa main, comme si cela devait rester secret. Elle ne réalisait pas que son père avait dit la vérité à leur propos. Que l'image qu'elle avait d'eux, était fausse. Que ses frères n'étaient pas les garçons qu'elle pensait être, mais bien tout le contraire. Comment allait-elle pouvoir encore affronter un truc pareil ? Comment allait-elle apprendre à vivre en... les détestant ? Jamais elle ne pourrait parler avec eux, obtenir des réponses, savoir les raisons d'une vie comme la leur. Jamais. Elle devrait toujours vivre en sachant ça, sans aucune explication et en les détestant. Elle qui les aimait tant. Murphy aurait voulu pleurer, et si elle avait été seule, elle l'aurait sûrement fait. Mais là, elle ne le pouvait pas, parce que Jake était là. Elle n'allait pas être la gamine pleurnicharde. Jake fini par s'arrêter devant l'entrée d'un parc, ou du moins, ça y ressemblait. Murphy le suivi, sans rien dire, et lorsqu'il s'asseya par terre, dans l'herbe, son regard se posa sur le paysage. C'était calme, beau et apaisant. Elle resta de longues minutes à observer le ciel, les reflets de ce dernier sur l'étang et puis la couleur changeante des arbres, avant de répondre à la question de Jake. Blondie avala sa salive, puis s'installa près de Jake, les yeux bas. Elle replaça une mèche de cheveux derrière son oreille et puis lança d'abord tout bas, la voix presque brisée « c'est compliqué... » en haussant les épaules. Comment lui expliquer sans lui raconter toute sa vie ? Alors après un nouveau silence, qui lui permettait de réfléchir un peu, elle fini par se lancer « je crois que je t'ai parlé de mes frères ? » chez Sven, quand elle avait parlé de la mort de sa mère, Murphy avait le souvenir d'avoir parlé de la mort de ses frères aussi, mais peut-être qu'elle se trompait. « En fait ma mère a eu deux fils avant de rencontrer mon père » expliqua t-elle. « Ils étaient... » elle releva la tête, observant le paysage et ses couleurs et sourit « ils étaient incroyables » oui, ses frères l'avaient été. Ils venaient la chercher à l'école, l'aidaient à faire ses devoirs, prenaient soin d'elle, lui apprenaient plein de trucs, la faisaient rire, et restaient avec elle le soir, si elle avait trop peur de dormir seule. Elle et ses frères avaient noués une relation fusionnelle, vraiment et avec leur maman, ils formaient un cocon protecteur, que Murphy avait toujours cru indestructible. « Ma mère est morte quand j'avais quatorze ans et mes frères sont mort... quatre mois après, dans un accident de voiture » lança t-elle en grimaçant. « J'ai... j'ai tout perdu ce jour-là » elle ferma les yeux un instant « mon père était déjà revenu dans ma vie, oui ; mais j'ai grandis dans un cocon créé par trois personnes et pour quatre personnes et... et ils m'ont tous laissés ici » avoua t-elle. Sa gorge lui faisait mal, sa voix aussi, elle avait envie de pleurer mais elle devait se retenir. « J'en ai toujours voulu à mon père de m'avoir abandonné et je lui ai toujours fait payer ça » continua t-elle, le plus honnêtement du monde. « Je l'adore, même plus que ça... mais j'garde toujours en moi cette peur atroce que tout recommence » et par cet aveux, elle parlait de l'abandon, bien évidemment. « Mon... mon père m'a annoncé le soir où j'ai débarqué chez Sven » donc la veille de leur rencontre à tous les deux « que... que j'ignorais la vérité à propos de mes frères. » Sa voix s'arrêta, ses mains jouaient dans les herbes présentes face à elle. « Il m'a parlé d'un détective qu'il avait engagé et qui lui avait apprit que mes frères étaient des drogués... qu'ils faisaient du trafic de drogues et qu'ils... » elle ferma les yeux et prit son souffle « qu'ils... » non, elle ne parvenait pas à le dire, car malgré ce qui venait de se passer, elle ne pouvait pas le réaliser, ni y croire. « Ils faisaient venir des filles dans leur réseau, pour les droguer et les utiliser pour d'autres trucs... » et elle s'arrêterait à ça. Elle ne pouvait pas dire à voix haute que ses frères faisaient dans le trafic d'êtres humains et sexuel. Les yeux de Murphy se fermèrent et elle sentit que les larmes allaient venir, alors elle stoppa tout, fermant plus encore les yeux afin de conserver ses larmes, qu'aucune ne parvienne à rouler sur ses joues. « Si j'suis partie d'Island Bay hier... c'était parce que j'ai... » elle tourna sa tête vers Jake et fini par dire « tu vas me prendre pour une folle » et elle essayait de lire dans ses yeux cette vérité. Sa vie était digne d'un roman dramatique et ça ne semblait jamais se terminer, il allait prendre sa famille pour une famille de dingue, mais n'était-ce pas le cas, finalement ? « J'ai... j'ai surprit mon père avec son... » elle fit le signe des guillemets « meilleur ami » elle leva les yeux au ciel « au final ils ne sont pas du tout meilleurs amis et j'comprends pas pourquoi il me l'a caché » elle leva les mains, comme pour demander à on-ne-sait-qui la réponse à sa question. « J'en ai marre en fait » elle sentait la rage commencer à grimper en elle « j'en ai marre qu'on me prenne sans arrêt pour une gamine, une petite chose fragile, putain mais j'suis peut-être la fille qui a le plus connu de galère dans sa vie et... et on me ment, comme si je pouvais pas tenir le coup » elle croisa le regard de Jake et se mordit la lèvre avant de finir par s'agiter un peu « j'en peux plus que tous les jours j'apprenne un nouveau truc, que ça soit sur mon passé que je pensais presque rose et finalement... on chie dessus, en permanence j'ai l'impression qu'on me chie dessus, sur ma vie, sur mes rêves, sur ce que je crois » elle s'énervait, mais il fallait que ça sorte « comment tu veux que j'sois saine d'esprit avec ça ? » demanda t-elle alors sincèrement. « Et en même temps j'dis ça et... » elle détourna son visage et ses yeux « et j'en peux juste plus » et là, elle sentait les larmes lui grimper aux yeux. Elle se releva alors, passant sa main sur son visage pour s'éloigner de quelques pas en disant « j'en peux plus que tout se casse toujours la gueule, que j'puisse croire en rien... » et c'était la stricte vérité.

C'en était trop pour elle, alors la gamine avait fini par se lever. Cette scène était bien trop dramatique pour elle, bien trop intime et personnelle. Murphy s'abstient la plupart du temps de parler d'elle, de sa vie, de ses maux et de son histoire douloureuse. Elle n'est jamais à l'aise à parler de tout ça, parce que c'est pour la plupart des gens : bien trop lourd à supporter, même pour eux. C'est dur de supporter l'idée qu'un proche a une telle histoire, qu'il se trimballe de telles casseroles derrière lui. Murphy le sait bien. A chaque fois qu'elle s'est confié à quelqu'un, il a fini par partir loin d'elle, comme si ce poids qu'elle ne pouvait plus porter était bien trop lourd pour quiconque. Pourtant Jake, il ne partait pas, il ne restait pas non plus assis, il l'avait rejoint. Il était vraiment très grand, si bien qu'elle du relever la tête pour croiser son regard. Presque en contre-jour, envoyant la plupart de ses traits dans l'ombre du soleil couchant. Il prit la parole, doucement et lorsqu'il dit ces quelques mots, la jeune femme grimaça de tristesse, avant de souffler « mais j'suis fatiguée » comme un souffle de désespoir. Parce que dans le fond, c'était réellement ça. Murphy était fatiguée, épuisée, à bout de force de réaliser au fil du temps que sa famille n'était en rien semblable aux autres. Que dans sa famille, tout se cassait la gueule. Que tout le monde partait, mourrait, l'abandonnait avec tant de facilités et qu'elle... elle devait continuer, se battre, lutter, persévérer. C'était usant, fatiguant, de gagner un combat pour finalement en perdre deux autres derrière suite au retour de fantômes du passé qui venaient encore et toujours la hanter. Elle aurait préférée ne rien savoir, ne rien découvrir. Elle aurait préféré ne jamais apprendre pour ses frères, vivre dans un mensonge... et ne jamais rien découvrir. Après tout, n'était-ce pas plus simple ? Si elle ne l'apprenait jamais... elle ne pourrait jamais être malheureuse, n'est-ce pas ? Sauf que là, les gens lui mentaient et en plus, tout finissait par se savoir... jour après jour. Année après année. Personne après personne. Et Murphy n'avait simplement plus la force. Plus la force de se battre pour ces cadavres en décomposition qui lui avaient menti, qui l'avait trahie, qui lui faisaient du mal même de là où ils étaient. Elle ne pourrait jamais se confronter à eux, elle devrait elle seule écrire cette histoire, connaître la vérité et se relever et non, elle n'en pouvait tout simplement plus. Sortir de son trou ? Elle baissa les yeux, alors qu'une larme perle sur sa joue. Puis soudain, ce contact frêle, chaud, apaisant et en même temps, enivrant. Son cœur s'accélère d'un coup alors que le pouce de Jake essuie cette larme qui vient de mourir sur sa peau. « J'ai surtout besoin qu'on me porte parce que même pour la courte-échelle j'ai plus la foi » souffla t-elle encore les yeux clos, sentant son cœur battre à tout rompre dans sa poitrine. Elle s'emballe, son cœur s'enflamme et pourtant, ce n'est pas une discussion qui devrait la mettre dans un tel état, n'est-ce pas ? Murphy ose à peine relever les yeux vers Jake, comme si tout d'un coup, elle était intimidée. Le grand blond fini par laisser retomber sa main et de l'autre, lui tend la photographie de son frère qu'il avait prise un peu plus tôt. Murphy la récupère, ne parvenant même pas à reconnaître son propre frère. Pourtant, elle l'aimait de tout son cœur, et il avait été un vrai modèle, une bouée de sauvetage pour elle pendant toutes ces années... comment pouvait-elle passer de l'adoration à la haine ? Et si elle n'y parvenait pas, est-ce que cela faisait d'elle une mauvaise personne à son tour ? Et si elle y parvenait à le détester), comment pourrait-elle continuer à grandir en n'ayant plus aucun modèle, de référent ? Puis soudain, la voix de Jake se fit de nouveau entendre et immédiatement, le visage de Murphy se tourna vers cet homme, devenu intriguant. Il connaissait Lazslo ? Depuis quand ? D'où se connaissaient-ils ? Pourquoi ne pas lui avoir dit avant ? Sa mine interrogatrice interrogeait l'ours du regard, alors qu'il lui avouait que non, son frère n'était pas un mec bien. Comment pouvait-il dire ça ? Il le connaissait à ce point là ? La jolie blonde fini par béguailler « comment ça tu le connaissais ? » parce que oui, elle ne partait pas du principe que Jake avait des choses à cacher lui aussi. « Tu l'as connu où ? Quand ça ? » oui, parler de lui lui faisait encore du bien, malgré tout ce qu'elle venait d'apprendre. Très vite, Murphy comprit que Jake aurait préféré qu'elle ne pose pas ces questions là, mais elle avait besoin qu'il lui dise. Mais très vite, la jolie blondinette comprit que ces informations là allaient être rares et surtout, qu'elle devrait se contenter du peu qu'il voudrait bien lui dire. Elle serra les dents. On lui cachait encore des choses. Mais là, ce n'était même pas le problème, après tout, qui était-elle pour insister auprès de Jake afin d'avoir des informations ? C'était sa vie privée, il n'était obligé de rien par rapport à elle, et encore moins parce qu'elle s'était confiée à lui. S'il ne voulait pas parler, il ne parlerait pas et ça, elle le savait. Simplement ce soir, ça faisait beaucoup de choses à encaisser et elle aurait aimé dissiper le plus de mystère possible. Là, elle devait se faire à l'idée que son frère n'était pas uniquement le garçon qu'elle avait toujours connu, qu'il avait une part d'ombre détestable et ignoble, et que ce même sang coulait en elle. Franchement... elle se demandait comment elle pouvait être aussi loin de tous... ces débordements et surtout, comment elle n'avait pas encore viré folle. Mais ça... c'était peut-être en cours. Parce que sa psychiatre avait quand même relevé plusieurs symptômes assez graves la concernant et c'était bien normal après tout ce tas de merde, non ? Mais pourquoi continuer, sincèrement, alors que... que la vie même nous chie dessus à longueur de temps ? Murphy ne connaissait que le mensonge, la peine, la douleur, la souffrance, la culpabilité, le poids du passé, l'horreur de la vérité qui n'était pas la sienne, mais celles des autres, l'abandon, la peur, l'angoisse... elle ne connaissait pas l'amour, elle ne connaissait pas la complicité, elle ne connaissait pas la joie, l'insouciance, les rêves et l'espoir. Alors à quoi bon vouloir rester ici pour le négatif ? A bout de force, Murphy était en train de réaliser dans sa tête que si elle avait été seule ce soir, elle aurait pu faire quelque chose pour intenter à sa vie. Parce que dans le fond... à quoi bon s'épuiser pour finalement, ne pêcher que des emmerdes, de la tristesse et de la souffrance ? Oui, il y a son père, il y a aussi Priam mais... son père a refait sa vie, avec Keny. Qu'ils sont en couple, qu'il connait à présent l'amour et le bonheur avec lui, même s'il ment à sa propre fille à ce sujet. Priam aussi, il a des rêves, il a l'espoir de faire de sa vie quelque chose de bien... et puis... elle a déjà tellement du subir et se relever de la mort des autres... ils peuvent bien le faire pour elle, non ? Seulement voilà, même en se disant ça... Murphy ressent la peur. La peur de vouloir mourir et la peur d'elle-même. Parce qu'elle en serait capable. Alors après que son corps entier ait frissonné, la jeune femme se sent soudainement submergé par ses émotions, d'un coup, comme une vague terrible. Les larmes coulent sur ses joues, d'abord silencieuses, avant que sa voix brisée ne vienne lui blesser la gorge pour finir par dire, manquant d'air « Jake ça va pas du tout ». Oui, au fond d'elle, elle savait qu'elle pouvait se foutre en l'air : elle en avait envie, le moyen, toutes les justifications et surtout, elle en aurait le courage. Il n'y avait plus rien pour la retenir désormais. Et ça la terrorisait encore plus que de vivre et se battre. Sa main fini par trouver la peau chaude du bras du blond et en quelques secondes, elle était à nouveau contre lui, manquant d'air, s'accrochant à lui et collant son visage contre sa peau. Elle pouvait entendre son cœur battre et aussi sa voix, seulement elle était loin. Perdue dans ses sanglots, dans sa peur, dans son angoisse la plus primaire et bestiale. Se laissant totalement aller, ne se préoccupant plus d'avoir honte de lâcher ainsi prise devant Jake, elle se retenait à lui comme s'il était la bouée de sauvetage dans cet océan déchaîné dans lequel elle essayait de survivre depuis si longtemps. Respirant avec beaucoup de difficulté, la jeune femme fini tout de même par se calmer, petit à petit, se concentrant sur le cœur de Jake qui résonnait en elle, et sur le contact de sa peau avec la sienne. Comme un apaisement, un calmant, un remède.