la fille sur le pont → nathan

Cette fois ça y était : son monde s’était écroulé. Jusqu’à présent, Noomi avait pourtant réussi à faire face à une relation violente – des deux côtés, toujours est-il que c’est toxique -, à l’abandon, au divorce et au fait de devoir élever une enfant seule, au coma. Mais cette fois, elle avait l’intime conviction qu’elle ne s’en remettrait pas. Parce que son monde, c’était Sarah. Qu’on la lui avait prise à cause de ses problèmes de mémoire soi-disant trop dangereux pour laisser une fillette d’un peu plus de cinq ans en sa compagnie vingt-quatre heures sur vingt-quatre et qu’au lieu d’en confier la garde temporaire à son père, on avait préféré octroyer ce privilège à Frank. Fraîchement reparu après cinq années à avoir joué l’autruche, à faire comme si Sarah n’existait pas. Non, cette fois-ci, la blonde ne s’en remettrait pas, c’était certain. Parce qu’on ne lui rendrait sa fille que lorsqu’elle irait mieux. Les médecins étaient plutôt optimistes, ils avaient l’air de croire que ça pouvait arriver si elle s’exerçait mais le fait est qu’elle se sentait mal dans sa tête et que plus elle essayait de s’accrocher à ses souvenirs récents, plus elle avait la sensation qu’ils lui filaient entre les doigts. Foutu cercle vicieux.

C’est pour cette raison qu’elle avait décidé de sortir ce soir. Histoire de ne pas rester chez elle à se morfondre, de se changer les idées autant que possible. Même si elle en revenait toujours à ça, évidemment. C’était ce sujet qui était au cœur de chacune de ses pensées. Enfin bref, après avoir passé quelque chose comme une vingtaine de minutes dans un bar où elle ne faisait qu’illusion, elle décida qu’elle en avait marre. Même la compagnie des autres ne parvenait pas à lui remonter un tant soit peu le moral ce soir, alors rentrer chez elle. Voire même de s’incruster sur le canapé de son père ; il était le seul à comprendre l’enfer qu’elle vivait. Ce qui tombe bien, c’est qu’il n’habitait pas très loin de l’endroit où elle s’était posée ce soir et qu’elle avait envie de marcher un peu, pour une fois. En passant par le pont, elle s’alluma une cigarette et s’arrêta quelques instants ; son père ne voulait pas qu’elle fume chez lui alors pas trop le choix. Noomi s’accouda à la balustrade et observa l’eau suivre son cours sous elle. Durant une fraction de seconde, juste après avoir ressenti cette drôle d’impression comme d’être attiré par l’eau, elle songea à comment tout serait plus simple de ne pas lutter.

On n’ira pas jusqu’à dire que Noomi fut surprise de voir une autre âme esseulée passer sur ce pont, non. Ce qui la surprit davantage en revanche, c’est que cette même âme s’arrête plus ou moins à son niveau. Serait-ce là le lieu de rendez-vous d’une espèce de suicide club comme on pourrait en trouver dans les romans de gare ? Car c’est bien à ça que l’on pense lorsqu’on voit quelqu’un se pencher un peu trop par-dessus la balustrade d’un pont, non ? Et c’est aussi à ça qu’on pense quand on passe soi-même sur ledit pont et qu’on a le cafard. Bien sûr, il y a un monde entre le fait d’y penser et passer réellement à l’action mais les idées noires sont bel et bien très présentes. Du coin de l’œil, elle étudia rapidement le nouveau venu. De prime abord, le désespoir n’était pas ancré sur son visage comme ça pouvait être le cas de certaines personnes. Mais bien sûr, ça ne signifiait rien ; il y a des gens qui cachent mieux leurs malheurs que d’autres. La blonde se surprit à avoir envie de lui parler. Non pas poussée par une sorte de curiosité morbide mais parce que c’était dans sa nature d’aider les gens à se changer les idées si elle le pouvait. Oui, c’est un comble.
Quoi qu’il n’en soit, ce ne fut pas elle qui prononça le premier mot, pour son plus grand étonnement, soit dit en passant. Et selon ses dires, elle n’était pas la seule que cette situation puisse surprendre. Noomi eut un sourire un peu triste.

« C’est ce que je croyais aussi mais plus j’y pense et moins ça me semble étrange, en fin de compte. »

Si l’on cherche bien, il doit y avoir un lien avec les romans qui vous décrivaient des personnages aux pensées plus sombres les unes que les autres courant dans la tourmente. Et sur la plage. Dans les landes. Et autres endroits démontrant la sauvagerie de la nature par moment. D’ailleurs, s’il y avait eu une lande dans le coin, peut-être bien que ç’aurait été le second choix de la grecque. Très Jane Austen-like tout ça. Nouvelle observation pour mieux savoir si l’inconnu était fumeur ou pas. Parfois, il y a des signes qui ne trompent pas mais là, elle eut du mal à les repérer, c’est pour ça qu’elle lui tendit son paquet de clopes dans le doute.

« Vous fumez ? »

On peut reprocher bien des choses aux fumeurs mais rarement qu’ils n’aient pas le sens du partage en tout cas.

Spoiler:

Noomi hocha la tête. Normal que ça soit plutôt calme, oui. Rares sont les gens qui s’attardent sur un pont dans le fond. Même si elle en prenait soudain conscience, il devait y en avoir plus que ce qu’on pourrait croire. Dans tous les cas, c’était une chance qu’elle y croise quelqu’un. Quelqu’un qui n’avait pas eu peur de l’importuner, qui plus est. Ça lui permettait de ne plus penser à ses malheurs l’espace d’un instant et de se questionner au sujet de ceux de cet homme. Elle lui proposa donc de s’attarder un instant, de passer un moment avec elle, tout ça par le simple biais d’une cigarette. Elle hocha la tête une fois de plus, un petit sourire amer au coin des lèvres.

« M’en parlez pas, on croit s’en être débarrassé pour de bon et puis pouf, on retombe sous l’emprise de la nicotine comme si de rien n’était. »

Fut un temps où la blonde avait décidé de ne plus toucher à cette merde. Ainsi qu’à bien d’autres choses encore plus nocives encore. L’arrivée de Sarah dans sa vie avait pas mal chamboulé toutes ses mauvaises habitudes et c’était tant mieux. Mais certaines ont la vie dure et il suffisait d’un rien pour retomber dans ses travers. Cela dit, si elle avait été capable de s’arrêter une fois, il n’y avait pas de raison pour qu’elle n’y arrive pas de nouveau, quand tout serait réglé. Si toutefois c’était faisable, bien entendu. Mais Noomi voulait y croire. C’était ce qui faisait qu’elle tenait bon. Ce qui l’empêchait de passer par-dessus le parapet à cet instant même. Mais soit, la grecque n’avait pas envie de ressasser tout ça, elle préférait donc se focaliser sur son compagnon de déprime. S’il avait lancé la conversation, c’est qu’il ressentait le besoin de parler, de se changer les idées lui aussi. En tout cas en théorie. C’est pourquoi elle jugea ne pas prendre trop de risques de se voir envoyer sur les roses en demandant :

« Dure soirée pour vous aussi ? »

Ce qui sous-entendait qu’elle aussi était ouverte au dialogue si jamais il était curieux en retour. Elle aurait pu se présenter, la politesse aurait voulu qu’elle le fasse mais elle trouvait ça parfois plus facile de se confier à de parfaits inconnus dont on se sépare et qu’on ne revoit plus jamais ensuite, alors elle n’en fit rien.

Spoiler:

C’était tout à fait ça : il fallait trouver une motivation suffisante. Et ne pas la perdre en cours de route comme c’était arrivé à Noomi. Bien sûr, elle se raccrochait avec l’énergie du désespoir au fait que ça ne soit que temporaire. Sans quoi, elle ne pourrait tout simplement pas y survivre et reviendrait probablement sur ce pont pour franchir le parapet. Mais nous n’en étions pas encore là. Pour être passée par-là elle aussi, la grecque savait de quoi il retournait et elle hocha la tête en réponse aux dires de cet inconnu. En revanche, elle ne pouvait que le croire sur parole quand il disait qu’une cigarette occasionnelle se savourait bien mieux que lorsqu’on replongeait complètement puisqu’elle n’avait jamais fait les choses à moitié en ce qui la concernait. Lorsqu’elle avait arrêté, il n’avait plus été question de toucher à cette saloperie. Et puis… vous connaissez la suite. Mais elle saluait l’effort des gens qui avaient le pouvoir de s’en griller une de temps à autre sans en redevenir dépendant pour autant.

« J’veux bien le croire. »

La réponse à sa question ne la surprit guère et elle aurait pu répondre positivement à celle qui suivit mais elle n’en fit rien ; elle ne voulait pas paraître trop rentre-dedans. Ce qui ne l’effrayait pas, habituellement mais pour une fois, elle sentait que ce n’était pas vraiment la chose à faire. Alors au lieu de ça, elle haussa les épaules. De toute façon, il avait l’air de savoir que oui, c’était si facile à deviner.
Lorsqu’il la questionna sur ce qui l’amenait ici, elle aurait pu répondre que de son côté, ce furent de durs mois mais elle n’avait jamais aimé s’apitoyer sur son sort. Mais elle ressentait également le besoin de se confier à quelqu’un. Bien sûr, les personnes qui étaient au courant de sa situation actuelle n’étaient pas rares mais elles compatissaient, comme si ça pouvait aider. Alors que non. D’ailleurs, peu d’entre elles connaissaient véritablement ce qu’elle était en train de vivre. Mais ça tombait bien puisque ce n’était pas du tout ce qu’elle attendait de cet homme. Noomi chercha par où commencer mais il s’avéra que c’était plus compliqué que ce qu’elle aurait cru.

« Des histoires de garde partagée, pour la faire simple. »

Voilà qui résumait plutôt bien la situation, tout en en disant long sur la question.

« Et vous ? »

Des fois que lui aussi ait besoin de se confier. Ce dont elle ne doutait pas.

Bien sûr, son problème avec son mari était bien plus complexe que ce qu’elle voulait bien admettre mais entrer dans les détails lui donnerait l’impression de se noyer. Ça lui faisait toujours cet effet, cette espèce de poids qui se mettait soudain à peser de plus en plus lourd sur sa poitrine. Alors autant que possible, elle essayait de ne pas s’y attarder. Elle n’essayait pas de l’oublier, non, c’était une des rares choses à laquelle sa mémoire se raccrochait depuis son accident mais chaque matin, quand elle voyait que Sarah ne dormait pas paisiblement dans son lit, tout lui revenait subitement mémoire. Enfin bon, c’est la vie. Et de la même façon, elle comprit que cet homme n’osait pas trop entrer dans les détails lui non plus. Noomi s’efforcerait donc de ne pas juger elle non plus ; de ne pas lui rejeter la faute dessus si sa femme était partie. D’ailleurs, ce n’était même pas ce qu’il avait dit exactement, juste qu’elle était partie bosser en dehors de la ville. Le problème pouvait être tout simplement qu’elle lui manquait. Mais il continua et la grecque apprit que leur problème à eux, c’était de ne pas pouvoir avoir d’enfants. Un coup dur pour certains. Et elle se garderait bien de jeter la pierre, ce n’était pas parce que de son côté, ça lui était tombé dessus par hasard à un mauvais moment qu’elle ne pouvait pas se mettre à leur place.

« J’suis désolée de l’apprendre. »

Et elle était sincère même si elle ne les connaissait pas le moins du monde. La blonde secoua la tête lorsqu’il avoua qu’il ne voulait pas l’ennuyer avec ça. En vérité, il ne l’ennuyait pas du tout, au contraire, comme il le fit remarquer ensuite, ç’avait quelque chose de rassurant de se rendre compte qu’on n’était pas tout seul. D’ailleurs, elle hocha vigoureusement la tête pour toute réponse. Puis, son regard retourna à l’eau, l’espace de quelques secondes avant qu’elle ne relève la tête.

« J’peux vous offrir un verre, peut-être ? »

Et c’est sans aucune autre intention derrière la tête que celle de prolonger l’instant qu’elle le propose, Noomi n’est pas du genre à craquer sur les âmes esseulées et elle ne courrait pas non plus après le désespoir, elle ne le connaissait que trop bien.

Un sourire en coin étira ses lèvres, ce « pas de souci » était la réponse d’un homme qui entendait très souvent que tout le monde était désolé, elle le reconnaissait bien. Qu’ils le pensent ou non d’ailleurs, pour tout le monde être désolé était un réflexe. Ou le dire en tout cas car si certains étaient sincères, d’autres s’en fichaient royalement mais c’était devenu une espèce de formule de politesse pour eux. Noomi regarda ensuite le mégot de l’homme tomber dans l’eau, évaluant elle aussi la distance dans sa tête avant laisser tomber le sien par terre et de l’écraser sous sa chaussure. Puis, contre tout attente, il accepta sa proposition. Ce qui la fit sourire davantage tandis qu’il se présentait en lui tendant la main. Qu’elle s’empressa de serrer.

« Et moi Noomi. »

Puis la remarque qui suivit eut carrément le don de la faire rire un peu ; elle pourrait en dire autant. Puis de toute façon, elle n’a jamais aimé le vouvoiement, elle fait partie de ces gens qui trouvent que ça fait pas mal vieux cons et puis ça mettait souvent une sacrée barrière entre les gens, en plus. La blonde opina du chef, toujours ce petit sourire aux lèvres.

« J’allais justement te le proposer. »

Noomi fit alors signe à Nathan de la suivre. Puisqu’elle sortait d’un bar, autant qu’ils y retournent. Elle rebroussa donc chemin ; ils n’avaient que quelques dizaines de mètres à parcourir. A l’intérieur, la « fête » battait toujours son plein et encore, ce n’était même pas soir de match. Sinon, la grecque n’aurait même pas pris la peine de sortir, tous les bars de la ville seraient bondés au point qu’on ne s’entendrait même plus penser. Cela dit, peut-être que c’était précisément ce qu’il lui fallait. Oui mais voilà, elle n’y connaissait rien en sport. Bref, elle poussa la porte et essaya de trouver une table libre. Inutile de regarder du côté du bar, tous les tabourets étaient occupés au moment où elle était partie et ils l’étaient toujours. Ne restait plus qu’une table dans un coin. Ce qui lui convenait parfaitement.

« Alors dis-moi, tu fais quoi dans la vie, Nathan ? »

En dépit du monde présent, la serveuse ne tarda pas à venir prendre leur commande. Avec un peu moins d’entrain que tout à l’heure sûrement mais c’était fin de soirée pour tout le monde. Noomi commanda la même chose qu’un peu plus tôt – bien qu’elle n’en ait pas gardé le souvenir - : un mojito, avant de reposer les yeux sur son interlocuteur de la soirée.

Wow médecin légiste, voilà qui lui en bouchait un coin. D’autant que Nathan n’avait pas vraiment la tête à passer une bonne partie de son temps en compagnie de cadavres mais dans le fond, qui a la tête à ça ? Pas même le légiste des Experts. Mais c’est sûrement pour cette raison qu’elle aurait eu tendance à imaginer quelqu’un de plus âgé à cette place. Ou peut-être une femme, allez savoir pourquoi. Toujours est-il qu’elle en vint à se poser la question de pourquoi ce choix de carrière ? Pour sûr, ça doit être des plus reposants : personne pour venir vous embêter, assez peu de risques de faire un pas de travers mais comme toute personne normalement constituée, elle avait un peu de mal avec le côté morbide de la chose. C’était à peine si elle avait le courage de se rendre à une veillée funèbre à cercueil ouvert, c’est dire. Pourtant, les pompes funèbres faisaient très souvent de l’excellent boulot : ils parvenaient à leur donner si pas cet air de dormir – les gens qui clament ça se bercent d’illusions à son avis -, un air de mannequin. Hé bien voilà, peut-être que l’explication, c’est de les voir comme des mannequins et non pas des personnes décédées ?

« Et comment on en arrive là, si c’est pas indiscret ? »

Quoi qu’il en soit, Nathan lui retourna la question avant d’essayer de deviner ce qu’elle pouvait bien faire dans la vie. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il visa juste. Certes, artiste c’était vaste comme terme mais il n’empêche que c’est ce qu’elle était – en tout cas avant l’accident – et qu’elle était impressionnée. Peut-être que dans son cas, ça se voyait ? On parle souvent d’un style qu’ont les artistes alors peut-être que c’était son cas sans qu’elle le sache, bien qu’elle l’associe plutôt aux peintres ou aux gens qui ont fait les Beaux-Arts, ce style.

« Quel talent ! C’est bien vu, je suis pianiste et chanteuse. Ou plutôt je l’étais. Maintenant j’anime une émission de radio nocturne, c’est la musique des autres que je fais passer. »

Ironie du sort ; avant d’avoir sa fille, Noomi avait désespérément essayé de percer. Voyant que la chance ne lui souriait pas, c’est sans trop de regrets qu’elle avait laissé tomber pour se contenter du petit succès local qu’elle avait après l’arrivée de Sarah dans sa vie. Et puis l’accident qui lui avait fait perdre la garde exclusive de sa fille ainsi que sa capacité à jouer du piano en partie, lui avait permis de trouver un emploi où elle était devenue célèbre mais c’était désormais le talent des autres qu’elle faisait partager.

Lorsque Nathan lui parla d’une histoire passionnante, Noomi s’imagina tout de suite qu’il pouvait s’agir d’une sorte de vocation. Si ça se trouve, il était gothique dans son adolescence. Ce n’était pas parce qu’il ne l’était plus et qu’on ne pourrait définitivement pas en arriver à la conclusion qu’il l’eut été un jour que ça voulait forcément dire quelque chose. Les gens changent, la grecque était bien placée pour le savoir : l’impétueuse jeune femme que rien ne pouvait arrêter s’était radicalement calmée le jour où elle était devenue mère. Mais non, il s’empressa de la détromper avant de lui raconter ce qui avait fait qu’il en était arrivé là. Ainsi, c’était un peu par curiosité, si on veut, puisqu’il voulait savoir pourquoi. Noomi voyait ça comme une démarche scientifique mais elle se doutait que ce n’était pas le but. Du moins par pour aider la recherche, puisqu’il travaillait pour la police ; le job de Nathan consistait à trouver quelle pouvait être la cause exacte d’un décès. Ou d’un meurtre. Dix ans à évoluer dans ce milieu. La blonde n’aurait su dire si ça faisait long mais elle avait le sentiment que oui.

« Wow, t’as dû en voir passer des trucs horribles. Mais j’imagine que c’est comme pour tout, on s’y fait ? »

Peut-être pas que des meurtres non plus, évidemment, la Nouvelle-Zélande était réputée pour être un pays plutôt safe mais Noomi ne pouvait croire qu’ici, comme partout ailleurs en ce monde, il n’existait pas de coureuse de dotes qui en voulait après l’héritage de leur très âgé et malade mari ou des arnaques à l’assurance qui tournent très mal.

Heureusement pour elle, son travail n’avait rien à voir avec tout ça. Ni avant, ni maintenant. Oh bien sûr, elle trouvait ça fascinant, vraiment, mais jamais de la vie elle ne pourrait l’exercer ; c’est qu’il faut une sacrée force mentale. Qu’elle ne possède manifestement pas. Elle eut un petit rire lorsqu’il lui demanda si elle ne chantait plus du tout.

« J’crois que le seul moyen de m’empêcher de chanter serait de m’arracher les cordes vocales. Je chante toujours. Aux anniversaires de mes proches ou ce genre de choses mais plus pour en vivre. »

Finis les rêves de devenir un jour une véritable star. C’était d’ailleurs ironique de se dire qu’on la reconnaissait bien plus dans la rue aujourd’hui que du temps où elle essayait de percer. Mais bon, elle s’était faite à l’idée que la chance avait décidé de ne pas la suivre en ce temps-là. Et puis il y avait eu Sarah et il n’avait alors plus été question de partir en tournée pendant des mois.

« Oui bien sûr. J’imagine que ça t’arrive de bosser entre minuit et trois heures ? Alors les bêtises que je débite pendant ce temps-là peuvent t’intéresser. »

Là-dessus, la blonde attrapa un carton sur lequel elle nota la fréquence avant de le faire glisser vers Nathan.