Un morceau de Russie à l'autre bout du monde - Nina & Reira

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Un morceau de Russie à l'autre bout du monde

Nina & Reira

« Families blow apart and some piece find their own fate in a new motherland. Sweet home was leaved, left behind without regrets. Two pieces of the same blood sneaking in each other path. »

Encore une nouvelle journée de boulot. Les jours passent et se ressemblent de plus en plus. Ce n’est pas faute d’essayer de bousculer la routine, disons que c’est plutôt de la faute des mauvaises habitudes de Reira. Passer plusieurs années à sillonner le monde en découvrant de nouvelles choses chaque jour, ça rend l’adaptation à la vie sédentaire quelque peu difficile. Au moins, Reira n’a pas à se coltiner une ville dégradée et des habitants exécrables. Elle avait bien choisi son nouveau point d’ancrage. La Nouvelle-Zélande, Island Bay. Deux petites pépites placées sur le chemin de sa vie. Si la routine la rend parfois nostalgique, elle apprécie tout de même cette vie paisible. D’autant plus que Reira n’est pas à court d’activité, elle se promène pour peindre les paysages de la ville, se rend parfois en soirée ou le week-end à Wellington pour performer. Elle fait quelque chose de nouveau chaque jour, à sa façon. Elle retrouve un second souffle ici. Island Bay panse ses plaies, alors elle tâche de rendre ce que la ville lui offre en servant les clients du café de North Bay avec le plus grand professionnalisme. En pleine préparation d’un café, Reira songe à son métier qu’elle exerce maintenant depuis deux bonnes années. Jamais elle ne se serait imaginer être serveuse. Encore moins serveuse à des milliers de kilomètres de la Russie. Sa terre mère lui manque parfois, sa famille aussi, inévitablement. Malheureusement elle est incapable de revenir en arrière. Renouer avec son passé reviendrait à rouvrir la plaie béante qui n’a pas cessé de saigner depuis 2012. Quitter la Russie lui a permis de recoudre la blessure, de la refermer. Prendre le risque de faire péter les sutures serait inconsidéré. Pourtant, elle voit encore les magnifiques paysages enneigés russes, le Kremlin, le théâtre de Moscou…

Ses pensées vont bon train, et elle en oublie la réalité. Une petite quantité de café brûlant vient se déverser sur sa main. Elle pousse un juron qu’elle retient rapidement en pinçant ses lèvres. Erreur de débutant. Avec ses pensées qui divaguent, elle en a oublié comment réaliser un bon café maison. Résultat : brûlure avec l’eau bouillante, un classique dans le métier. Elle finit rapidement la préparation du café avant de le déposer sur un plateau accompagné d’un cheesecake préparé par le chef de la maison. Un de ses collègues vient récupérer la commande pendant que Reira laisse sa main meurtrie se faire recouvrir d’eau glacée. Le feu s’atténue légèrement, du moins suffisamment pour pouvoir terminer son service sans devoir faire un bandage. Elle jette un rapide coup d’œil à l’horloge. 17h15. Plus qu’un quart d’heure à tenir, elle devrait survivre.

Les mains propres, elle se dirige vers la cliente qui patiente au comptoir. La serveuse revêt son plus beau sourire afin d’accueillir la cliente qu’elle n’a jamais vue. Elle ne connaît pas tous les clients, mais elle reconnaît aisément les visages. La jeune rouquine, elle ne l’avait jamais vue, c’est certain. « Bonjour, bonsoir, mademoiselle. Qu’est-ce qui vous ferait plaisir ? » Reira ne sait jamais à partir de quelle heure le bonjour devient bonsoir, ainsi elle a décidé de dire les deux dès lors que le doute est présent. A force d’user de cette technique, elle parvient à saluer aussi rapidement et naturellement que si elle devait faire un choix entre les deux termes. De toute façon, la plupart des gens s’arrêtent plutôt sur son petit accent que sur ce qu’elle dit. « Si je peux me permettre de vous conseiller, le cheesecake du chef est excellent. » Elle observe la jeune cliente avec un grand sourire. La petite rousse a quelque chose de différent des autres habitants. Quelque chose dans son visage lui fait penser à la Russie, aux slaves. Ça se joue peut-être dans les pompettes ou la forme du visage. Contrairement à tout à l’heure, Reira ne se perd pas dans de nouvelles pensées embarrassantes, et se contente de faire son travail, oubliant de près ou de loin la Russie.

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nina & reira

un peu de russie

Changement de vie pour Nina. Changement de couleur pour ses cheveux, également. Elle est passée, dernièrement, par une période blonde. Oui. Elle avait envie de revenir à sa couleur d'origine, en quelque sorte. Et puis, là, quand elle a décidé de ne pas retourner à l'université et de se trouver un meilleur job, elle s'est fait un petit plaisir. Et avant ça, elle est partie avec Finn en Californie, dans un super parc. Oui. Elle ne s'est pas refusée grand chose ces dernières semaines. Mais elle en avait besoin. Elle avait besoin de se réapproprier sa vie. Elle avait besoin de faire ce qu'elle veut. Quand elle le désire. Et surtout, elle avait besoin de se trouver un nouveau job. Elle a opté pour le service des urgences. Par téléphone. Pour le moment, elle n'a pas vu grand chose du job. Dans le sens où elle est en formation et donc, elle a besoin de ... Elle a besoin, justement, de faire ses armes, si on peut dire ça ainsi. Elle a besoin d'apprendre, de voir. D'entendre comment ça se passe. Deux semaines de formation. A regarder les protocoles. A entendre des appels en double écoute. C'est ... assez intéressant. Elle ne dira pas qu'elle a déjà entendu toute la misère du monde en quelques jours. Mais presque.

Quoi qu'il en soit, sa journée de formation est terminée. Et avant de rentrer, elle passe par le café. Elle a envie ... D'un petit remontant. Le dernier appel qu'elle a entendu a été assez éprouvant. Enfin, le futur collègue qui l'a pris est resté calme et stoïque, tout en faisant preuve d'empathie. Nina a peur, parfois, de ne pas réussir. De se laisser emporter par ses émotions. Elle espère que ça ne sera pas le cas mais bon. Il est vrai que ... Qu'elle a hâte. Tout comme elle a peur en même temps. C'est un sentiment étrange. Bizarre. Mais pas forcément désagréable, non. Alors, elle passe le pas de la porte. Elle se dirige vers le comptoir. La serveuse semble être occupée. C'est pas grave. Elle va patienter. Ca va lui laisser le temps de regarder ce qu'elle veut. Elle observe. Jusqu'à ce qu'on finisse par la sortir de ses pensées. Nina cligne des yeux. C'est la serveuse. "Bonjour !" répond-elle sur un air enjoué. Bonjour, bonsoir, c'est un peu du pareil au même pour Nina. Enfin, c'est pas ... Elle dira pas que c'est pas le plus important. Mais presque. Oui. Tandis que la serveuse lui parle encore, Nina constate un fort accent russe. "Et bien ... Un cheesecake avec un moccacino. Merci." Elle conclut sa phrase en russe. Juste pour ... Et bien, juste pour voir. Nina n'a pas souvent l'occasion de parler russe. Sa mère lui avait appris quelques rudiments. Si elle devait se retrouver en Russie, sans doute qu'elle pourrait se débrouiller. Un peu. Mais elle ne pourrait pas non plus tenir une longue discussion dans cette langue. Et pourtant ... Elle ne dira pas que c'est important. Elle ne connaît pas vraiment ses racines. Sa mère s'est toujours faite très discrète sur sa vie d'avant la Nouvelle Zélande. Il lui a semblé comprendre que sa mère avait des frères et des soeurs. Mais elle ne les a jamais rencontrés. Tout comme elle n'a jamais rencontré ses cousins ou ses cousines d'ailleurs. Enfin, si ça se trouve, elle n'en a pas. Elle ne sait pas trop. Ca reste assez flou et obscur à ce sujet. Vraiment. Un jour ou l'autre, peut-être qu'elle découvrira de nouvelles choses. Enfin, ça lui plairait en tout cas.

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Nina & Reira

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Спасибо. Merci. Reira vient d’entendre du russe. Ce n’est qu’un simple petit mot, un remerciement et pourtant elle se retrouve stoïque quelques instants, la bouche entrouverte, se demandant si elle a vraiment bien entendu ce qu’elle a entendu. Elle ne rêve pas, la cliente l’a bien remerciée en russe. Les gens remarquent toujours son accent, mais aucune personne n’avait répondu en russe jusque-là. Peut-être parce que personne ne parle russe à Island Bay, sauf cette jeune rouquine. L’espace de quelques secondes, elle se questionne encore quant à la réalité. Son cerveau est en train d’imploser et de se poser mille questions en une milliseconde. Est-ce que la cliente est une russe en voyage ? Pire, est-ce que c’est quelqu’un qui connaît Reira ? Une ancienne camarade de classe, ou de l’académie. La poitrine de Reira se serre légèrement, lui bloquant de façon passagère la respiration. Tout se bouscule dans son crâne, alors qu’il ne s’agit que d’un merci. Pourtant… Cela pourrait sembler n’être rien du tout, mais ça représente beaucoup pour Reira. C’est en quelque sorte toute sa vie, son enfance qui réside dans la langue russe. Tout son passé qui cherche à remuer des eaux troubles, des souvenirs profondément enfouis. Avant que la situation ne devienne gênante, Reira offre un sourire professionnelle à la cliente, tentant de paraître la plus naturelle possible cachant le foutoir de son esprit. « Tout le plaisir est pour moi », lui répond-t-elle en russe. Sa langue et ses lèvres retrouvent le plaisir de parler russe. Cela met en joie la jeune russe, plus qu’elle n’aurait pu l’imaginer. Malgré ce que la Russie représente, elle ne peut pas se mentir à elle-même, elle est tout de même heureuse de pouvoir prononcer ces quelques mots. Elle serait tenté de poursuivre la conversation en russe mais elle ne connaît pas les compétences de celle qui se trouve en face d’elle. Si ça se trouve, elle a appris le russe à l’école pour x raisons, et ne se souvient que de la façon de remercier. La curiosité de Reira est inévitablement piquée. Elle a besoin d’en savoir plus, et si la rousse ne connaît qu’un mot random russe hé bien tant pis, au moins elle aura tenté.

Reira se souvient qu’elle a aussi une commande à réaliser et que tout ne tourne pas autour de la Russie. Tout en jetant de petits regards à la rouquine, elle prépare le moccacino commandé. Ses dents se referment sur sa joue, c’est une façon spéciale de contenir ses envies mais c’est comme cela que Reira essaye de les refreiner. Finalement, c’est plus fort qu’elle, il faut qu’elle sache. « Cela peut peut-être paraître déplacé car trop curieux, mais… Vous venez de Russie ? » Elle est repassée à l’anglais, cela évitera une situation embarrassante où elle parle russe dans le vide. Alors qu’elle verse la crème dans le café en réalisant un rapide petit dessin, elle esquisse un léger sourire à l'attention de la cliente. « Évidemment, vous n’êtes pas obligée de répondre à cette question. Mais disons qu’il est rare d’entendre du russe à Island Bay. » La poitrine de Reira vibre dans sa cage thoracique alors qu’elle laisse échapper un éclat de rire. Bien qu’elle craigne toujours que la jeune femme soit une personne qu’elle connaît, du moins qu’elle a connu, l’euphorie de retrouver un bout de sa vie passée prend le dessus. L’idée de trouver une consœur à l’autre bout du monde l’effraie autant que ça l’excite. Elle pose le moccacino commandée devant la cliente et s’apprête à aller chercher une part de cheesecake. Elle revient avec le bout de gâteau dans une petite assiette, avec une cuillère en argent assortie. Elle écarquille soudain les yeux en voyant la commande prête. « Je suis vraiment navrée, entendre du russe m’a perturbée, je ne vous ai même pas demandé si c’était sur place ou à emporter ! Si vous préférez prendre tout cela à emporter, je peux refaire un moccacino sans soucis plutôt que de le transférer dans un gobelet et de perdre tout le charme de la présentation… »

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un peu de russie

Merci maman. Oui. Ana n'était pas ujne grande fan de sa langue natale. Pour autant, les quelques fois où elles étaient ensemble, toutes les deux, oui, ça lui arrivait. Ca lui arrivait de parler russe avec sa petite fille. Et c'était plutôt ... chouette. Agréable. Vraiment d'ailleurs. Nina a beaucoup aimé. E bien sûr, elle s'est intéressée à ses origines. Elle s'est intéressée au russe. Ana n'est peut-être plus de ce monde. Elle n'est plus là. Mais ça ne veut pas dire pour autant que ... Et bien, que la jeune femme a arrêté le russe. Non. Un jour, elle se dit qu'elle aura l'occasion de ... d'aller en russe. De découvrir les membres de sa famille. Enfin, ceux du côté de sa mère. Parce que ceux du côté de son père, oui, elle les connaît. Elle a même quelques difficiltés avec certains d'entre eux. Notamment Sean. Mais bon, c'est une autre histoire. Est-ce que la Russie est un pays qui la fait rêver ? Peut-être bien un peu. Oui. Peut-être bien un peu d'ailleurs. Mais bon. C'est pas pour tout de suite à dire vrai. Elle a un peu de temps avant que ... Et bien, avant qu'elle ne puisse partir pour la Russie. Mais elle le fera. Quand elle aura une bonne situation. Et quand ... Et quand elle aura mis de l'argent de côté. Pour sûr.

La serveuse lui lance quelques mots en russe. Qu'elle comprend. Elle est encore un peu hésitante, parfois, sur certaines phrases. Certains mots. Elle essaie de se débrouiller comme elle le peut, même si elle sait très bien que si jamais elle se retrouve en Russie, un de ces jours, elle parlera sans doute plus en anglais qu'en russe. Mais ça, c'est une autre histoire. Oui. La serveuse finit par lui poser une question. Enfin, elle ne veut pas non plus ... Elle ne souhaite pas se montrer trop intrusive ou quoi que ce soit dans le genre. "Non, non, c'est pas grave." Elle secoue la tête. "J'veux dire, ça me gêne pas du tout." Clairement pas d'ailleurs. C'est comme ça qu'on sociabilise un peu après tout, non ? Elle reprend, rapidement, indiquant que ... Et bien, que Nina n'est pas obligée de répondre, bien sûr, mais qu'elle reste intriguée, toutefois. Ce qui fait sourire Nina. Et pas qu'un peu. "C'est vrai. J'ai pas souvent l'occasion de l'entendre." Elle secoue la tête. Mais ça fait du bien. Du bien de parler, même si c'est brièvement, une langue dont elle ne parlait que de manière épisodique avec sa mère. "Non, je suis née ici. Mais ma mère était russe." Elle n'a jamais vraiment su à quel âge elle avait décidé de quitter la Russie. Sans doute quand elle était jeune. Mais c'est quelque chose dont Ana n'aimait pas vraiment parler.

La commande de Nina est prête. Mais la serveuse se confond en excuses. Parce qu'elle n'a même pas pensé à lui demander si elle voulait manger sur place ou bien ramener chez elle. "Oh, j'peux manger ici, ça me dérange pas." Elle secoue la tête. "De toute manière, le bus ne passe pas tout de suite. Donc, j'ai un peu de temps devant moi." Elle se met à sourire. "Donc ... je présume ... A entendre votre accent ... que vous êtes russe." Du moins, c'est plutôt évident, oui. Est-ce que ... est-ce qu'elle est là par choix ? Ou est-ce qu'elle n'a jamais voulu venir en Nouvelle Zélande ? Tant de questions qu'elle a envie de poser. Mais qu'elle ne fera peut-être pas parce que la serveuse a d'autres chats à fouetter.

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Un bout du Russie à l'autre coin du monde

Nina & Reira

« Families blow apart and some piece find their own fate in a new motherland. Sweet home was leaved, left behind without regrets. Two pieces of the same blood sneaking in each other path. »

Elle n’est pas du genre tête en l’air Reira, et pourtant, avoir parlé russe et surtout avoir entendu sa langue natale lui avait fait perdre la priorité des choses. Elle espère que la jeune cliente ne lui en voudra pas d’avoir oublié la question fatidique du « sur place ou à apporter ». Là où Reira aura sûrement de la chance c’est que la rousse a l’air plutôt sympa. Ce qui n’est pas le cas de tous les habitants. Même si Island Bay est une petite ville, Reira est loin de connaître tout le monde. Elle peut tout de même assurer que les trois quarts des personnes présentes ici sont agréables, mais les têtes de con il y en a partout. Les clients chiants aussi. Certains se feraient un malin plaisir de finalement annuler leur commande juste parce que Reira a oublié de leur demander s’il prenait leur café sur place, quand d’autres en profiteraient pour lui faire des remontrances. Travailler dans le commerce ce n’est pas la chose la plus facile à faire. Reira n’a pas de compétences, et il faut bien qu’elle travaille alors elle se contente de ce travail. Travail qu’elle a fini par apprécier avec le temps, au moins le café ferme avant la tombée de la nuit. Peut-être qu'elle devrait faire des études tiens. En tout cas la cliente semble tout prendre bien : sa curiosité et sa maladresse professionnelle. Reira hoche lentement de la tête lorsque la cliente évoque la nationalité russe de sa mère. Un sourire se dessine légèrement sur ses lèvres charnues. Elle le sentait qu’une part de Russie se cachait dans ce joli minois. Dès qu’elle l’a vu, quelque chose lui a fait penser aux slaves. Elle remarque l’utilisation de l’imparfait dans sa phrase, mais ne le relève pas. Évidemment, cela ne la regarde absolument pas. Dès que la cliente précise que sur place lui ira, Reira tape sur la machine enregistreuse pour faire les comptes avant d’annoncer le prix. Elle n’a pas encore appris à réfléchir qu’en dollar néo-zélandais, toutes les monnaies se mélangent un peu dans son esprit et le rouble russe prédomine. Lorsqu’elle voit un prix, elle imagine toujours sa conversion en rouble et réussit plus ou moins à trouver le juste prix. « Parfait ! Je m’en serais voulu de vous retarder par ma bêtise. Cela vous fera 8 dollars s’il vous plaît. »

Maintenant que Reira a complété toutes ses tâches professionnelles, elle peut reparler de Russie sans se soucier de faire une nouvelle bourde. Elle répond à la question par une affirmation de la tête avant d’en dire un peu plus. « En effet, je suis russe. Je ne suis arrivée ici que depuis trois ans. J’suis née à Moscou. D’où venait votre mère ? » Reira esquisse un petit rire nerveux tout en passant sa main dans sa tignasse brune. Elle se rend compte à quel point elle est indiscrète mais elle ne peut s’empêcher d’être curieuse. Trois ans ce n’est pas énorme mais c’est déjà assez pour rencontrer pas mal de monde, et jamais elle n’avait croisé de personnes d’origine russe par ici. La rencontre fortuite ouvre comme un monde nouveau à Reira. « Excusez encore ma curiosité… Je suis un peu trop exaltée à l’idée de trouver un compère russe par ici. Vous êtes déjà allée là-bas ? » Elle jette un œil aux personnes qui font la queue derrière la cliente. Si elle a pu prendre le temps de discuter tout en la servant, elle va devoir couper court à la discussion ou du moins la reporter car il lui reste encore quelques minutes de boulot et des clients qui patientent. Si la rouquine n’est pas pressée, peut-être qu’elles pourraient prendre le temps de se retrouver dans quelques minutes. « Je finis dans dix minutes, si vous voulez parler un peu plus longuement Russie et si vous n’êtes toujours pas pressée, vous pouvez m’attendre ici-même ou juste devant si vous avez fini de manger. Ça me ferait très plaisir de parler plus longuement avec vous… Bien évidemment, je ne vous oblige à rien. » Reira est vraiment excitée comme une puce depuis qu’elle sait qu’une russe vit aussi ici, même si ce n’est que par origine. Elle a les avantages de ses racines sans les inconvénients liés à son passé.

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nina & reira

un peu de russie

A la base, peut-être qu'elle aurait préféré à emporter. Mais c'est pas grave. On dira que c'est le destin, si on peut dire ça ainsi. Oui. Y'a pire dans la vie quand même. Elle aurait pu ramener tout ça à la villa. Ou se poser dans un coin de la ville, sur une table de pique-nique. Prendre l'air tant que c'est encore les beaux jours. Mais non, elle restera. Ou. Elle restera ici. Et ça la dérange pas plus que ça à dire vrai. Elle va profiter de la musique. Et peut-être qu'elle en profitera, en plus, pour parler un peu russe avec ... et bien, avec la serveuse. Pourquoi pas ? Elle n'a pas souvent l'occasion de le faire d'ailleurs. Ca n'arrive jamais. Non. Et là, peut-être que ... Elle ne sait pas trop à quoi s'attendre avec la serveuse. Juste ... Juste pratiquer un peu la langue comme ça fait longtemps. Très longtemps même. Elle ne dira pas qu'elle a l'impression que c'était dans une autre vie qu'elle parlait russe avec sa mère. Mais presque. Oui. Presque. Quoi qu'il en soit, pour cet oubli, Nina ne va pas en vouloir à la russe. Parce qu'elle sait. Elle a déjà fait ce boulot de serveuse. Un peu partout. Dans une boulangerie. Dans un starbuck, dans un bar à cocktail, au strip-club aussi où elle dansait mais assurait, également, parfois, un job de serveuse, dans un pub. Oui. Elle a été un peu ... partout en tant que serveuse. Elle sait que c'est compliqué. Elle sait que c'est pas amusant. Elle sait que c'est chiant et que parfois, on peut oublier des petites choses. Donc, elle ne va pas lui en tenir rigueur. Ce n'est pas ... dans le caractère de Nina. Parce qu'il y a bien plus grave dans la vie qu'un petit oubli de ce genre. Et savoir si elle prendra sur place ou bien si elle va ramener ça chez elle. Reira s'excuse, encore une fois, et encaisse, par la même occasion, Nina. "Ne vous inquiétez pas." Elle secoue la tête. "Ca peut arriver. Et puis, quand bien même j'aurais été pressée, j'aurais pris le temps de rester dans le coin." Quelques minutes de plus ou de moins, hein, ça change pas grand chose, non ?

Quoi qu'il en soit, oui, Nina est ... Nina est curieuse. Normal. C'est pas tous les jours qu'on croise des russes en Nouvelle Zélande après tout. Elle lui avoue que ça fait déjà trois ans qu'elle est ici. Et Reira lui demande d'où venait sa mère. "Moscou également." Elle a un hochement de la tête. "Elle est partie à sa majorité." Apparemment, parce que ça se passait pas bien dans sa famille. Et parce que ... parce qu'elle voulait voir le monde. Oh, elle a vu le monde. Elle a vu la Nouvelle Zélande. Et elle est tombée dans de très mauvais travers d'ailleurs. Alcool, drogue, sexe ... j'en passe et des meilleurs. Il est vrai que Nina n'appréciait pas forcément ... la manière dont sa mère menait sa vie. Et maintenant qu'elle est morte, ça lui fait toujours ... un trou dans le coeur. Elle a appris à connaître les membres de sa famille. Du côté de son père. Mais du côté de sa mère, c'est le néant. Ana a toujours refusé d'en parler. Ou alors, quelques brides incompréhensibles quand elle avait quelques verres de trop dans le nez. C'est pénible. C'est vrai. Mais c'est comme ça. Oui. Elle lui pose une autre question. Et Nina secoue la tête. "Non. Jamais eu l'occasion. j'suis née ici." Un jour, peut-être qu'elle ira. Elle ne fait pas de projets sur le long terme mais elle pourrait ... Oui, elle pourrait apprécier d'y aller, ça pourrait être bien. Vraiment bien.

Nina constate qu'il y a d'autres clients derrière elle. Et Reira n'a pas forcément envie de couper court à la conversation. Elle lui propose même de l'attendre, enfin, si Nina n'est pas pressée pour qu'elles puissent discuter un peu. "Bien sûr." Elle hoche la tête. "J'vais aller m'installer." Elle récupère donc son plateau et ses affaires. Elle s'éloigne du comptoir. Elle ne veut pas, non plus, déranger Reira alors qu'elle est en plein travail. Elle n'a pas envie qu'elle se retrouve avec un blame ou quoi que ce soit dans le genre. Ca serait dommage quand même, non ? Nina en profite donc pour squatter une table. Elle jette un coup d'oeil à son téléphone. Oui. Elle a du temps à tuer devant elle. Et quand bien même, elle pourra toujours prendre le bus d'après, c'est pas gênant. C'est pas comme si quelqu'un l'attendait à la maison. Non.

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Nina & Reira

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La cliente est extrêmement compréhensive. Alors que Reira continue à se confondre en excuses, la rousse persiste en disant que ce n’est rien. Elle lui est sincèrement reconnaissante de ne tenir absolument pas compte de ses erreurs. Ce n’est pas une erreur monumentale, mais disons que Reira est quelqu’un de plutôt perfectionniste, la moindre petite erreur devient un drame pour elle, quand bien même cela n’a pas lieu d’être. Elle a toujours été comme ça, peut-être que c’est à cause du Bolchoï et de leur politique très stricte sur la perfection. Depuis le plus jeune âge, elle a été conditionnée à tout réussir parfaitement au risque d’être punie, ou traîner dans la boue. Les professeurs de danse ne rigolaient pas sur la technicité des ballets et sur la précision de chaque pas. Ils ne mâchaient pas leurs mots lorsqu’un pied n’était pas assez pointé, lorsque la grâce se faisait la malle le temps d’un instant. Oui, ça doit sûrement être tout cela qui a affecté la nature profonde de Reira. Le Bolchoï l’a plus éduqué que ses parents, parce qu’elle y passait le plus clair de son temps et qu’elle devait se conformer à la mentalité et aux règles de là-bas pour réussir dans la vie, dans son avenir. Toute son enfance passée là-bas se ressent désormais aujourd’hui, ici-même au café d’Island Bay où Reira se met dans tous ses états, juste parce qu’elle a oublié un petit détail, comme si son fouetté n’avait pas été assez rapide. Elle remercie sincèrement la rousse, la gratifiant d’un immense sourire alors qu’elle fait les comptes sur la caisse enregistreuse, encaisse l’argent et rend ce qu’il y a à rendre. Pendant ce temps, la rousse répond à ses questions. Tiens donc, sa mère vient aussi de Moscou. Jolie coïncidence. Il faut bien avouer que Moscou reste une capitale, énormément de gens peuvent en être originaires, mais pour une raison inconnue, Reira se dit que la coïncidence est particulièrement cocasse. Sa mère venait de Moscou et a quitté le pays à la majorité, alors elle se laisse surprendre par le parallélisme avec sa propre histoire. C’est curieux, véritablement. Reira est tentée de dire à la rousse à quel point elle manque de merveilleux paysages en n’allant pas là-bas. Puis elle se ravise et se dit que peut-être qu’elle n’a pas les moyens de voyager. Tout le monde ne peut pas bénéficier d’un généreux chèque pour faire le tour du monde. Qui sait, si le destin veut que les deux jeunes femmes deviennent amies grâce à leur lien russe, peut-être que Reira aura l’occasion de l’emmener là-bas. Enfin, à supposer qu’elle soit prête à y remettre les pieds…

Reira esquisse un large sourire lorsqu’elle voit la tête rouquine acquiescer. Au fond d’elle, elle sentait que la cliente avait aussi envie de poursuivre la conversation, m’enfin elle avait peut-être mieux à faire qu’attendre. « Bon appétit, à tout à l’heure ! » Reira l’observe aller s’installer un peu plus loin avant de s’adresser aux nouveaux clients. Les minutes s’écoulent assez rapidement. L’attention de Reira jongle entre les clients et la rousse à qui elle jette plusieurs petits regards, comme pour s’assurer qu’elle n’a pas disparu. Après tout, elle aurait pu accepter par politesse devant Reira avant de s’éclipser. A vrai dire, elle ne lui en aurait pas voulu, mais non la rousse restait bien là, à siroter son moccacino en zieutant son smartphone. Lorsque Reira revient de l’arrière-salle où elle a laissé son tablier, récupérer sa veste, son sac, et dénouer sa chevelure brune, la rousse est toujours là. Le service a mis cinq petites minutes de plus à se terminer pour la serveuse, mais ça n’a pas fait fuir la cliente. Alors qu’elle s’approche d’elle, Reira réalise soudain qu’elle ne s’est même pas présentée. Quitte à passer un peu de temps ensemble, autant connaître les prénoms de chacune. Elle se poste devant la table de la rouquine avec un sourire jusqu’aux oreilles. « Un client m’a fait faire du rab, mais j’suis là. Je suis contente que tu sois restée. Je pense qu’on peut se tutoyer maintenant, non ? Au fait… » Elle quitte l’anglais pour passer au russe. « Je m’appelle Reira. Reira Tsvetkov, un produit tout droit issu de Russie. » Elle laisse échapper un petit ricanement. Si son prénom est quelque peu original, son nom de famille lui ne fait aucun doute, elle est bien russe. Ce n’est pas un nom inconnu à Moscou, sa famille a toujours eu un bon business familial, au point de finir par se hisser dans les familles nobles du pays. Sa mère aussi faisait partie des nobles, après tout, dans ce monde, il ne faut pas se mélanger à la plèbe. Ou presque, son père a fait exception à la règle avec sa deuxième femme... La jeune rousse ne connaîtra probablement pas son nom de famille mais peu importe, ça fait parfois du bien à Reira de faire rouler les syllabes russes de son nom sur sa langue. Elle reste d’ailleurs toujours sur le russe, se cantonnant à des phrases assez simples. « C’est ta mère qui t’a appris le russe ? C’est dommage qu’elle ne t’y ait jamais emmené, c’est très beau, l’architecture en vaut le coup d’oeil. Et je ne dis pas ça parce que c’est mon pays. Enfin le nôtre. »

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nina & reira

un peu de russie

Nina s'installe à une table. Parce qu'elle a indiqué qu'elle n'allait pas partir et qu'elle l'attendrait. C'est pas tous les jours qu'elle fait des rencontres de ce genre. Non. Autant en profiter un peu. Autant papoter un peu. Ca ne lui fera pas de mal. Et puis, qui sait ? Peut-être qu'elles peuvent devenir amies et qu'elles pourront parler un peu ? Et qu'elles pourront échanger, converser en russe ? Nina est assez amicale. Enfin, dans le sens où elle discute bien avec les gens. Elle n'est pas réellement timide. Elle a le contact facile. Elle va donc savourer sa petite douceur. Sa boisson. Elle regarde, également, sur son téléphone, ses mails. Beaucoup de spams d'ailleurs. Pendant que la russe est occupée, la rouquine s'amuse donc à mettre chacun des mails en spam et de faire en sorte qu'elle soit retirée des listes de diffusions. C'est pénible. Parce qu'elle a l'impression que ... qu'elle fait ça tous les jours. En fait, c'est pas qu'une impression. Non. Ca arrive trop souvent à dire vrai. Changer d'adresse email serait une solution radicale pour éviter de recevoir des spams. Mais ça reviendrait, également, sur la nouvelle boîte mail. C'est un peu le serpent qui se mord la queue, en quelque sorte. La technologie, c'est bien. mais c'est pénible également. Oui.

Après un petit moment, alors qu'elle a terminé sa boisson et sa douceur, la russe serveuse finit par rejoindre la rouquine et elle s'installe en face d'elle. Elle s'est détachée les cheveux. Nina faisait ça aussi. Elle avait tout le temps les cheveux attachés quand elle était en service. C'était plus simple. Et dès qu'elle avait terminé, hop, les cheveux qui tombent sur ses épaules. C'était bien plus agréable d'ailleurs. Nina aime bien avoir les cheveux qui lui tombent sur les épaules. Là, avec le boulot qu'elle fait, même si elle n'est qu'en formation, elle peut faire comme elle veut. Les attacher. Les détacher. Elle peut jouer avec autant qu'elle le désire. Et ça va la changer, c'est certain. Enfin, passons. La serveuse s'excuse du fait qu'elle ait dû travailler quelques minutes de plus. Nina se contente de sourire. Et elle finit par se présenter, en russe. Et la rouquine lui répond dans la même langue. "Enchantée Reira. Moi c'est Nina Baranovski. Ninouchka même ... Mais personne m'appelle comme ça. Et c'est resté à Nina." A dire vrai, la plupart de ses proches, de ses amis ne savent même pas son prénom complet. Elle s'est toujours présentée en tant que Nina. Plus simple à retenir. Plus simple à prononcer, également. Il n'y avait que sa mère qui ... qui pouvait l'appeler Ninouchka parfois. Et encore, c'est quand elle était vraiment en pétard. Elle ne fera plus jamais ça. Non. Et de toute façon, si on lui demandait son avis, oui, elle préfère Nina. Et de loin d'ailleurs.

Nina a un hochement de la tête. "Oui, c'est elle." A bien y penser, elle se demande pourquoi ... elle se demande pourquoi, d'ailleurs, elle lui a enseigné le russe. En sachant qu'elles n'iraient jamais en Russie. "Disons qu'elle était douée pour se foutre dans la merde ... Et qu'on avait pas forcément les moyens pour voyager." Elle ne veut pas que Reira ait pitié d'elle ou quoi que ce soit dans le genre. Mais il est vrai que c'était ... compliqué. Très compliqué même. C'était pas la joie. Elle s'en est sortie. Elle est là. Elle a un nouveau job qu'elle apprécie. Elle a un toit sur la tête. Elle a des amis. Et les dettes de sa mère ont été soldées, une bonne fois pour toute. Elle s'en est sortie. Seule. Mais elle s'en est sortie. "Un jour, peut-être, j'irais en Russie. Mais c'est pas forcément la priorité." lui indique-t-elle en reprenant l'anglais. "T'avais besoin de changements ? C'est pour ça que t'es venue ici ?" Oui, elle se montre curieuse. Comme Reira d'ailleurs. A chacune son tour, non ?

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Un bout du Russie à l'autre coin du monde

Nina & Reira

« Families blow apart and some piece find their own fate in a new motherland. Sweet home was leaved, left behind without regrets. Two pieces of the same blood sneaking in each other path. »

Les minutes qui suivirent les retrouvailles post-boulot furent particulièrement surprenantes pour Reira. Quelques mots, un nom de famille et elle se retrouve projetée en Russie. Baranovski. Ce nom Reira le connaît bien. Trop bien. Toutefois c’était un nom qui reste assez commun en Russie, le hasard est peut-être en train de lui faire une farce. Oui voilà, ce n’est qu’un coup du hasard. Ni plus ni moins. Alors que la rouquine, qui porte désormais un prénom pour Reira, précise que personne ne l’appelle par son véritable prénom russe, la brune ne peut s’empêcher de répliquer avec un sourire attendri. « Ninouchka pour des non-russophones c’est trop long, trop difficile à dire. Ce n’est pas étonnant que ton prénom ait fini par se contracter en Nina. Je suis aussi certaine que personne ne sait prononcer ton nom de famille. » Elle laisse échapper un petit éclat de rire, car il vaut mieux rire des petits erreurs que de prendre la mouche. Et des gens qui prennent la mouche parce que l’on écorche leur petit nom ça arrive bien plus souvent que l’on ne le pense. « En tout cas, ravie de te rencontrer Ninouchka. » Elle aurait bien prononcer son nom de famille au passage, ce nom de famille qui lui rappelle tant de souvenirs. Un nom de famille qui n’est d’autres que le nom de famille de jeune fille de sa mère. La probabilité de rencontrer une russe à Island Bay est déjà incroyable, mais qu’en plus elle porte le nom de famille de sa mère, cela relève presque du surréalisme. Pourtant Reira n’a rien à ce sujet. Après tout, rien ne prouve qu’il y ait un lien de parenté entre les deux jeunes femmes. Combien de personnes portent le même nom de famille sans être de sang direct. Mais elle a envie de lui en parler. Peut-être que ce n’est pas encore le moment adéquat. Plus tard, quand elle en saura un peu plus.

Elle grimace lorsque Nina évoque le passé de sa mère. Elle se sent toujours un peu mal quand elle fait face à des gens qui ont galéré alors qu’elle, elle est née avec une cuillère d’or dans la bouche, parce que sa famille a su fructifier dans les affaires. Elle ne ressent pas de la pitié, elle ne comprend juste pas pourquoi il y a autant d’inégalités. Elle n’a jamais eu la vision élitiste et arrogante des riches, mais elle l’a définitivement perdue lorsqu’elle a quitté la Russie. Reira se sent tout de même désolée pour Nina, parce que peut-être qu’elle n’avait pas forcément envie d’évoquer ce passé, même si en fait elle l’y a un peu poussé avec sa curiosité. Mais elle voit que Nina semble aller bien aujourd’hui, alors finalement ce n’est peut-être pas si grave. Si elle n’avait pas envie d’en parler, elle ne l’aurait pas fait. « Je comprends. Les conditions n’étaient réunies pour pouvoir y aller. Si un jour l’occasion se présente, n’hésite pas. Je pense que ça ne fait pas de mal de connaître ses racines ». De se reconnecter à elle, hein Reira ? Les conseils qu’elle donne à Nina pourraient s’appliquer pour elle, et elle le sait. Mais elle l’ignore. Comme Reira s’en doutait, la russe fait également preuve de curiosité, et c’est bien normal. Pourquoi quitter son pays ? Il pourrait y avoir plein de raisons à cela, mais Nina n’imagine sûrement pas que Reira a tout abandonné pour un rêve brisé, même sa famille. Elle repasse également en anglais pour cette partie. « Hé bien… Quand j’étais petite, je voulais être danseuse étoile au Bolchoi. Puis quand j’ai eu la majorité, un peu avant pour être exacte, j’ai eu un accident en pleine représentation. Une grave blessure au genou qui m’a immobilisée pendant de longues semaines qui se sont suivies de rééducation. Le Bolchoï m’a jugé comme trop faible et m’a refusée. C’était mon rêve. J’étais brisée, je suis tombée en dépression. » Elle marque un petit temps d’arrêt. Pour reprendre son souffle, comme si parler de ça lui coupe la respiration. Elle souffre encore de ce rêve brisé, c’est indéniable, même si elle a su rebondir. « La solution pour m’en sortir, ça a été de tout quitter. J’ai fait le tour du monde pendant quelques mois, et puis j’ai fini par tomber amoureuse de la Nouvelle-Zélande et d’Island Bay. Voilà mon petit parcours. Pas très joyeux, n’est-ce pas ? » Elle esquisse un sourire, avant de reprendre. « Je redanse maintenant, pour le plaisir. Ça me suffit, même si la petite fille en moi restera probablement toujours déçue. » Elle a beaucoup parlé. Trop peut-être. Elle s’est encore retenue de parler de la famille, parce qu’elle aurait parlé de ses parents et cela lui aurait rappelé le trouble qu’elle a eu lorsqu’elle a entendu le nom de Baranovski. Ceci dit, elle devait se renseigner à ce sujet, et si elle était vraiment de sa famille. « Est-ce qu’en plus de parler russe tu as des contacts là-bas ? Je veux dire de la famille, peut-être même des amis de la famille. Ta mère a quitté la Russie prématurément elle-aussi, mais cela ne l'a peut-être pas empêché de garder le contact. » Pas comme toi, Reira. Elle s’auto-lance des poignards dans le cœur, comme si son inconscient essaye de lui faire passer des messages, mais elle les ignore car quelque chose de plus important la tracasse : savoir si Nina connaît ses origines et l’origine de son nom.

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nina & reira

un peu de russie

Reira finit par rejoindre Nina. Elle se présente. Elle lui avoue que personne ne l'appelle Ninouchka. A dire vrai, elle n'aime pas vraiment. Non. Elle préfère ... Elle préfère Nina. C'est simple. C'est court. C'est efficace. Et les gens retiennent facilement. Après, bien sûr, Ninouchka, c'est exotique. Elle le sait. Elle sait que beaucoup aiment les prénoms qui sont exotiques. Mais bon, elle n'a pas forcément envie ... Elle n'a pas forcément envie de se démarquer des autres, pour ainsi dire. "C'était pareil à l'école. Avec les profs." Elle a un sourire. "C'est resté. Et ça m'plaît." Tout simplement. Quant à son nom de famille, elle hausse les épaules. "Certains me l'écorchent, oui." Ca, elle ne le nie pas. "Mais ça me dérange pas. J'veux dire, les noms compliqués, j'comprends que ça soit pas facile à prononcer." Elle se met à rire quelque peu. "Quand j'pense que y'a des gens qui peuvent se mettre dans une colère noire parce que ... parce qu'on n'a pas prononcé son nom correctement ... C'est quand même dingue." Oui. A croire que les gens s'excitent un peu pour rien et pour pas grand chose. Si on peut dire ça ainsi. Oui. En tout cas, oui, elle est contente. Contente de croiser une confrère russe. Façon de parler, bien évidemment. "Plaisir partagé." Elle hoche la tête. Loin de se douter qu'elle a, en face d'elle, une personne de sa famille.

Nina lui parle un peu de son passé. Ce n'est pas pour l'amadouer. Ce n'est pas pour qu'elle la plaigne ou quoi que ce soit dans le genre. Non. C'est juste pour lui faire comprendre qu'aller en Russie, ce n'était pas vraiment sa priorité. Et ça ne l'est toujours pas d'ailleurs. "J'verrais." Elle hoche de la tête. "Après, je sais pas si ça se fera. Et quand ça se fera. C'est peut-être juste un rêve .. Lointain." C'est possible. Elle ne va pas en faire une priorité. Non. Sa priorité ? Elle n'en sait trop rien. Elle n'a pas vraiment ... tant de choses prioritaires en vue. Non. Peut-être que ... peut-être qu'il faudra qu'elle le fasse, un de ces jours, ce petit séjour. Ou peut-être que ça ne lui apportera pas grand chose. Sa mère ne parlait que de très rarement ... de la Russie. C'était plus une plaie qu'autre chose. Pas qu'elle n'aimait pas son pays. Mais il semblerait qu'elle en gardait un mauvais souvenir. Un très très mauvais souvenir même. C'est pour ça que Nina n'a jamais cherché à lui forcer la main ou bien même lui demander de s'y rendre. Pour rendre visite à la famille. Elle doit encore avoir des membres de sa famille, là-bas, mais elle n'en connaît aucun. Non.

Nina demande à Reira ce qui l'a poussé à partir de chez elle. Elle voulait être danseuse étoile. Elle a eu un accident assez grave. Elle a eu le droit à de la rééducation. Et on lui a dit que son rêve, c'était fini. "Oh, je suis désolée pour toi." Elle la regarde avec un air compatissant. Reira avoue qu'elle a tout quitté. Qu'elle a tout plaqué parce qu'elle avait besoin de repartir à zéro. Elle a voyagé et elle a fini par poser ses bagages en Nouvelle Zélande. "Non, c'est pas très joyeux. Mais t'as su rebondir." Comme elle d'ailleurs. Même si sa mère est morte, même si son enfance n'a pas été facile, elle a su s'en sortir. Elle a surmonté les épreuves, les unes après les autres. Et c'est ce qui est le plus important. Reira danse toujours un peu. Juste pour le plaisir. Elle en profite pour lui poser sur une question. Sur ... sur la famille. "Non, j'ai aucun contact. Ma mère ... me parlait pas trop de sa famille... Je sais que je dois en avoir là-bas, en Russie ... Mais j'ai aucune idée de qui ils sont. S'ils sont nombreux ou pas. Elle est restée assez secrète à ce sujet." C'est bien dommage. "En même temps, tu sais, j'ai rencontré la famille de mon père, et mon père, y'a seulement trois ans." Elle se dit qu'un jour ou l'autre, peut-être que ... peut-être qu'elle apprendra qui est sa famille russe. "J'sais même pas s'ils savent que j'existe ... Enfin, si y'a toujours des membres de la famille de ma mère qui sont encore de ce monde."

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Nina & Reira

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Reira acquiesce, d’un hochement de tête affirmé, un rictus amusé au coin des lèvres. Elle a raison Nina c’est très joli comme prénom, ça fait un peu plus américain, tout en gardant une touche étrangère. Et puis, elle trouve que ça lui va bien au teint. Certaines personnes ne portent pas nécessairement très bien leur prénom mais elle, oui. Elle acquiesce à nouveau, répondant à son rire par un large sourire qui dévoile ses dents. « C’est vrai que s’énerver pour si peu ça semble assez invraisemblable… Après tout c’est qu’un nom de famille, et puis il suffit de reprendre la personne en lui indiquant la bonne prononciation et le souci est réglé. » Elle soupire. « M’enfin, il y aura toujours des cons, on ne peut rien y faire. » Reira avait croisé beaucoup de monde qui avait écorché son nom, et même son prénom. Elle ne l’avait jamais pris avec énervement, plutôt avec rigolade d'ailleurs. D’autant plus que les gens se montraient curieux. Oh d’où ça vient ? De Russie, wow c’est super loin. Les réactions étaient similaires et devenaient rapidement barbantes, mais Reira gardait toujours le sourire, parce qu’elle se disait que les gens n’avaient pas tous eu l’occasion de croiser des russes dans leur vie. Le nom de Nina lui trotte encore dans la tête, malgré les autres pensées invasives. Elle les chasse pour se recentrer sur ce que lui dit Nina. Un sentiment de tristesse la parcourt lorsqu’elle évoque la Russie comme une sorte de rêve lointain. Elle se doute qu’elle a d’autres priorités, mais pourtant elle aurait envie de lui crier d’aller découvrir ses origines avant qu’elle n’en ait jamais l’occasion parce que la vie peut basculer en un instant. Mais elle ne le fait pas. Parce qu’elle sait qu’elle transpose ses propres besoins et pensées refoulées sur la jeune rousse qui ne connaît pas ses origines. Reira les connaît, ou plutôt les connaissait car elle les a oubliés. « Je vois ce que tu veux dire oui. Le jour où tu te décideras à y aller, viens me retrouver, je te donnerais tous les beaux coins à visiter. » Elle aurait pu lui proposer de l’accompagner mais c’était bien trop déplacé. Ce ne sont que des inconnues l’une pour l’autre. Leur seul point commun est la Russie. Et les liens du sang, mais ça elles ne le savent pas encore. « Je pense que c’est important de savoir rebondir. Enfin, je dis ça maintenant mais à l’époque… » Elle marque un temps d’arrêt, se remémorant brièvement son année de dépression avant qu’elle ne saute dans l’inconnu du monde. « À l’époque je pensais à m’enfoncer, plutôt qu’à rebondir. » Plutôt qu’à vivre. Cela lui fait toujours bizarre de repenser à ça, et d’en parler. Bizarre et même mal. À vrai dire, elle se refuse à l’avouer mais son départ précipité, sa nouvelle vie, ce n’est que pour camoufler les plaies. Elle ne les a jamais traitées en profondeur, le mal et la dépression guettent toujours comme des vautours tapis dans l’ombre qui n’attendent que sa carcasse. Nina lui parle enfin de sa famille. Enfin… Pas vraiment. Reira cache sa moue déçue, parce que Nina ne sait pas qu’en réalité derrière cette question, elle cherchait à savoir si elle faisait partie de sa famille Baranovski. Tu devrais lui dire. La petite voix dans la tête de Reira l’incite à parler de cela à Nina, mais pourtant elle hésite. Parce que ce serait lui donner de faux espoirs, lui dire qu’elle a une famille alors que peut-être que non. Parce que Reira n’en sait pas suffisamment sur la mère de Nina. Elle n’était probablement pas née lorsque sa mère a, elle aussi, quitté la Russie. Les Baranovski ont dû la traiter comme une paria et ne jamais en parler aux réunions de famille. « Je pense que tu as forcément de la famille là-bas à moins que… hé bien malheur soit arrivé. Tu devrais peut-être faire un de ces tests sur internet qui te donne tes origines et les gens qui ont un ADN similaire au tien. » Un rire s’échappe d’entre les lippes de la brune qui se dit que c’est vraiment un nid à fric ce business. Les gens achètent, sans se poser de questions. Les neurones de Reira s’activent massivement pour essayer de trouver une trace potentielle de la mère de Nina du côté de sa famille. Quand soudain, sans prévenir, une zone d’ombre s’éclaire. Sa mère avait prononcé des paroles auxquelles elle n’avait pas fait attention à l’époque. Lors de l'annonce de son départ, sa mère avait pesté, pas assez discrètement : « oh non ça ne va pas recommencer, c’est une malédiction dans cette famille ou quoi ? » Ce n’était pas une preuve concrète mais cela collait avec ce que Reira connaissait de la mère de Nina, partie elle aussi de Russie à ses 18 ans. Sans plus jamais donné de nouvelles. « Ça va sûrement te paraître bizarre mais il faut que je te le dise sinon je vais probablement m’en vouloir… Le nom de famille de ma mère est Baranovski. » La bombe est balancée, Reira n’a pas véritablement réfléchi, son éclair de génie a parlé pour elle. Alors elle nuance ses propos, histoire de ne pas donner d’illusions à la jeune Nina. « Je ne pourrais pas t’affirmer que nous sommes de la famille ou quoi, parce qu'il y a beaucoup de Baranovski dans la monde. Et aussi parce que je n’ai aucun souvenir de ta mère dans notre famille... Ceci dit je n’étais certainement pas née ou trop jeune lorsqu’elle est partie… Mais lorsque moi aussi je suis partie, c’était comme si ma mère avait déjà vécu cette scène avec un autre membre de sa famille. » Les lèvres charnues de la brune se pincent. Elle a l’impression de trop en dire et ne pas en dire assez, en même temps. « C’est probablement juste une coïncidence, mais je ne pouvais pas ne pas te le dire, aussi inutile que cela puisse être… » Elle préfère le préciser. Même si Nina semble assez détachée de ses origines, on ne sait jamais.

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nina & reira

un peu de russie

Est-ce que c'est stupide ? De s'énerver pour ... et bien, de s'énerver quelque peu pour un prénom ou bien un nom qu'on écorche ? Bien sûr. C'est n'importe quoi. Après, la jeune femme a de la chance. Elle n'a pas un ... elle n'a pas un prénom ou un nom de famille si compliqué que ça. Non. Ca va plutôt bien à dire vrai. Celui de Reira, pour les non initiés, oui, c'est déjà un poil plus compliqué. Mais elle a vu pire. Elle a entendu pire. Des noms qui sont pratiquement imprononçables. Et les écrire, c'est encore pire ! "Ah, j'suis tout à fait d'accord avec toi." Elle hoche la tête. "Les cons, on est obligés de composer avec." Pas trop le choix. Après, y'a différent ... Et bien, y'a différent degré chez les cons comme on le dit. Certains sont moins pénibles que d'autres. Mais passons.

La Russie ? Peut-être qu'elle fera un petit séjour, un de ces jours. Peut-être pas. Elle ne s'est jamais posée la question à dire vrai. Parce qu'au départ, elle ne pensait pas vraiment arriver à se sortir ... à se sortir de la galère dans laquelle sa mère l'avait mise. A devoir payer toutes ses dettes. Même morte, elle lui a attiré des ennuis. Mais elle s'en est sortie. Elle a réussi à pousser toute cette merde au loin. Si elle n'avait pas croisé la route de Carson, qui sait où elle en serait aujourd'hui. Sans doute avec des dettes, encore. Mais elle n'a plus à se préoccuper de ça. "Ca avec plaisir." Elle a un hochement de la tête. "Si tu peux me donner les bonnes adresses, au moins, ça permettra d'optimiser le temps passé là-bas." Elle sourit. Même si Nina ne sait pas, à dire vrai, si elle le fera un jour ou pas. Pas que ça ne lui plairait pas d'aller en Russie. Mais qu'est-ce qui l'attend là-bas ? De la famille ? Personne ? Difficile de le dire. Elle n'en sait trop rien. Non. Peut-être que ... peut-être qu'elle ira. Peut-être qu'elle n'en fera rien. Elle décidera. Quand ça sera le moment opportun. Tout simplement. Nina regarde Reira qui lui indique que savoir rebondir, c'est ... important. "J'peux comprendre. Moi même, j'ai cru que j'allais me laisser couler quand ma mère est morte ... Mais j'ai rebondi." Elle a réussi. Seule. Sans personne à qui se confier. Sans personne pour l'aider. Mais elle a réussi. C'était pas simple.

De la famille en Russie ? Peut-être. Elle ne sait pas. Sa mère a été bien trop discrète à ce sujet. Et elle ne sait pas si ... si elle a de la famille. Elle ne sait pas si elle a envie de les rencontrer. Parce qu'après tout, hein, ils étaient où pendant toutes ces années ? C'est comme son père. Ses cousins. Ses cousines. Ils n'étaient pas là. Jusqu'à récemment. Est-ce qu'elle a envie de faire des recherches ? Est-ce que c'est une bonne idée d'ailleurs ? "Oh ... j'suis pas certaine que les tests sur Internet, ça soit une bonne chose." Elle est même sûre du contraire. "J'crois que c'est plutôt des attrapes-nigauds. Faut pas croire que tout est vrai avec Internet." Y'a de véritables choses, c'est un fait. Mais y'a beaucoup de conneries. Et elle n'est pas certaine que ça donnera quelque chose de bon. Enfin, loin de se douter que Reira pourrait faire partie de sa famille. Elle termine sa boisson tandis que la russe lui dise que ... et bien, que le nom de sa mère est Baranovski. "Pardon ?" Est-ce qu'elle a bien entendu ? Reira croit bon lui apporter quelques précisions. Indiquant que c'est un nom assez répandu. Et qu'elle ne sait pas si elles pourraient être véritablement cousine. Ou bien si Ana faisait partie de la famille. Mais elle lui avoue que sa propre mère a eu une réaction assez étrange quand ... et bien, quand elle est partie. Qu'elle a quitté la Russie. "Ta mère ... tu sais si elle a ou avait une soeur ?" Ca pourrait être une piste. Bien que Nina n'y croit pas trop. Quelles sont les chances pour qu'elle tombe, comme ça, par hasard, sur quelqu'un de sa famille ?

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Nina & Reira

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Voir Nina lui dire que ce serait avec plaisir de connaître les beaux coins à visiter en Russie et lui sourire en prime, lui tire un sourire qui soulève les coins de ses lèvres. Bizarrement ça lui tient à cœur que Nina retrouve ses racines, sans qu’elle sache réellement pourquoi. Reira était très attachée à son pays avant qu’elle le quitte une fois ses rêves tragiquement brisés. Encore aujourd’hui, même si elle montre moins son orgueil russe, elle n’hésite pas à voler au secours de son pays lorsqu’il est malmené par des paroles ignorantes. Quoi qu’il en soit, voir Nina s’intéresser à ses origines russes fait grandement plaisir à Reira, surtout si elle peut y être pour quelque chose. « Je te préparais une jolie petite liste, mais le pays est tellement grand que j’en oublierai sûrement. » Son sourire disparaît lorsque Nina évoque la mort de sa mère. Jusque-là elle ne l’avait pas dit clairement, elle avait simplement parlé de sa mère au passé alors Reira avait compris ce dont il s’agissait. Mais l’entendre de vive voix ça a toujours ce quelque chose de particulièrement attristant. Reira s’enfonce un peu plus profondément dans sa chaise, son dos rencontrant le dossier en bois. Parfois Reira se dit que toutes ses souffrances ne sont rien en comparaison de la perte d’un proche ou d’un passé difficile comme celui de Nina. Si Reira venait à perdre sa famille, elle ne sait pas comment elle réagirait… Enfin à supposer qu’elle soit un jour au courant de leurs morts. Un pincement lui serre le cœur alors qu’elle cherche ses mots pour répondre à la rousse. « Tu es quelqu’un de fort Nina. » Elle ne trouve rien à rajouter car c’est tout simplement la vérité. Elle devine que le passé de la rousse avec sa mère et après n’a pas dû être facile et pourtant elle est toujours là, souriante, comme si de rien n’était. Au fur et à mesure qu’elle rencontre des gens, Reira remarque que bien plus de gens que l’on ne l’imagine ont vécu de sacrées souffrances. Puis vint la question des tests ADN. Reira pense toujours que ce sont des nids à fric mensongers, et visiblement son avis semble partagé. « Je suis plutôt d’accord. D’autant plus que rien que l’idée que mon ADN appartienne à une société, ça ne me plaît pas tellement. Déjà qu’on ne sait pas très bien ce que les multinationales font avec nos données personnelles, alors l’ADN, je ne veux même pas savoir. » Reira n’est pas du genre parano et pourtant, pour tout ce qui touche à ce genre de sujet sensible, elle préférait savoir son ADN bien au chaud dans son corps, ou au pire aux mains de la police ou de la médecine, mais personne d’autre. N’empêche qu’un test ADN, un vrai, sera bien pratique pour confirmer les doutes qu’elle a quant à un possible lien de parenté avec Nina. Elle avait finalement balancé la bombe et Nina était aussi étonnée qu’elle aurait pu l’imaginer. En même temps entendre que la mère de son interlocutrice porte le même nom de famille que soi, ça doit être un peu perturbant. Enfin, ça ne devrait pas tant l’être parce que les noms de famille communs se rencontrent souvent sans avoir de liens de parenté. Cependant quelque chose lui disait que ce n’était pas qu’une simple coïncidence. Elle ne s’attendait pourtant pas à ce que Nina s’intéresse à sa mère. Et si. « Hum… Non malheureusement elle n’a qu’un frère, aucune sœur. » Franchement à quoi ça mènerait tout ça ? Reira lui donne probablement des faux espoirs. Enfin à vrai dire, Nina ne semblait pas plus préoccupée que cela par sa possible famille russe, alors au final qu’est-ce que ça changeait ? Du moins c’est ce qu’elle pensait jusqu’à ce que Nina s’intéresse un peu plus particulièrement à ce nom de famille en commun. « Mais, elle avait des cousines du côté paternel. Je ne saurais pas dire combien parce qu’elle en parlait bizarrement peu. » Les sourcils de Reira se froncent alors qu’elle essaye de visualiser ses anciens repas de famille où sa famille maternelle ou paternelle, ou les deux, étaient réunies. « D’ailleurs, maintenant que j’y pense, même mon oncle ou mes grands-parents parlaient rarement de cette branche de leur arbre… » Ses pupilles fixaient le sol, perdue en pleine réflexion. Elle finit par secouer la tête avec un petit sourire désolé. « Enfin, je dis tout ça, mais si ça se trouve je te crée juste des faux espoirs de possiblement avoir de la famille en Russie. Du moins de la famille par chez moi. » Elle lui créerait doublement un faux espoir : sur le lien de parenté mais aussi sur l’existence actuelle de sa famille. Cela faisait bien 7 ans que Reira n’avait plus de nouvelles et n’en donnait plus, peut-être qu’il était arrivé malheur même si évidemment, elle préférerait qu’ils soient tous en bonne santé. La vie est parfois imprévisible.

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nina & reira

un peu de russie

Nina a un sourire. Elle ne sait pas vraiment si elle ira en Russie. Ni quand elle ira d'ailleurs. Mais il est vrai que ... Il est vrai que si elle s'y rend, ça pourrait être pas mal d'avoir les bonnes adresses. Les meilleurs coins où elle pourrait se rendre. Ca serait quand même plus simple. Bien plus simple. Totalement. De savoir où aller. Sans perdre son temps. "Oh, j'me doute." Elle hoche la tête. "C'est vrai que la Russie, c'est pas un petit pays." Non. Si elle s'y rend, elle va finir par se perdre ! C'est pour ça que ça serait bien d'avoir les bonnes adresses. Vraiment bien à dire vrai. Et pas qu'un peu d'ailleurs. Elles sont fortes. Toutes les deux. A leur manière. Nina a surmonté la mort de sa mère, comme elle a pu. Elle, elle a surmonté son accident. A chacun son truc, tout simplement.

Les tests ADN ? Nina pense que c'est une belle arnaque. Totalement. Elle ne pense pas qu'elle pourrait trouver de la famille de cette manière. Enfin, peut-être que ça serait le cas. Peut-être qu'elle pourrait trouver les membres de sa famille. Du côté de sa mère. Parce que du côté de son père, il suffit simplement qu'elle se renseigne auprès du principal intéressé. C'est facile quand le parent est encore en vie. C'est compliqué, très compliqué même, quand il n'est plus là. Même si c'était ... pas toujours la joie avec sa mère, elle était rassurée quand elle était là. Elle avait quelqu'un qui veillait sur elle. Et surtout, ça lui permettait d'avoir un peu moins de responsabilités. Pas qu'elle n'aime pas en avoir. Mais c'était ... différent. Très différent. "Et puis, imagine en fait que la société stocke justement tous les échantillons ADN et que la police peut piocher dedans ... Bon, j'ai rien à me reprocher, mais c'est pas très rassurant." Elle secoue la tête. C'est ... Oui, elle n'a rien à se reprocher, mais elle n'aimerait pas que ça arrive, tout simplement. "Ou alors, que des criminels puissent récupérer les échantillons ADN pour piéger de pauvres innocents et faire croire que ce sont eux les criminels." Oui, bon, sans doute que Nina est un peu trop ... comment dire ... Peut-être bien qu'elle est trop imaginative. Mais qu'importe. Tout ça pour dire que même si c'était quelque chose de fiable, elle ne le ferait pas. Non. Parce que ... parce qu'elle est peut-être un peu parano. Et vu la manière dont en parle Reira, Nina est pratiquement certaine qu'elle pense la même chose. Oui. Du moins, c'est la sensation qu'elle a.

Nina reste assez surprise ... Elle est sur le cul. Est-ce qu'elle est en train de se monter tout un film dans sa tête ? Elle ne saurait dire. En tout cas, savoir que le nom de sa mère est le même que le sien ... Ca fait ... trop bizarre. Trop étrange. Totalement même. Qui l'aurait cru ? Nina passe une main dans ses cheveux. "C'est ... dingue ..." Mais la mère de Reira n'a pas de soeur. Seulement un frère. Nina est presque déçue. Mais quelle était la probabilité que Reira puisse être sa cousine ? Ca aurait été ... une très grande coïncidence. Totalement même. Reira ajoute que sa mère avait des cousines. Mais qu'elle n'en sait pas plus à ce sujet. "Apparemment ... nos mères sont plutôt secrètes." Elle a un léger sourire. Nina est sûre et certaine que si elle se penchait un peu plus sur le sujet, elle découvrirait tout un tas de secrets sur sa mère. Mais bon. Reira lui avoue qu'elle a ... des parts d'ombre en ce qui concerne sa famille. D'autres faisaient des cachoteries également. Reira s'excuse plus ou moins. Elle ne veut pas lui donner de faux espoirs. "T'inquiète pas." Elle secoue la tête. "J'ai été entraînée sur pas mal de fausses pistes quand j'me suis mise à la recherche de mon père." Elle se souvient encore quand elle a débarqué à la concession auto, pensant que Sasha Lazzio, un italien, pouvait être son paternel. Mais c'était pas le cas. Non. Mais elle l'a considéré comme son père de coeur pendant un moment. Et comme il est reparti en Italie, il lui manque. Terriblement. Bien sûr, elle a trouvé son père entre temps. Mais elle a un peu plus de mal à tisser des liens avec lui. Ou du moins, c'est la sensation qu'elle a.

(c) élissan.

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• Even if life is not good with you, you have to smile •

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Un bout du Russie à l'autre coin du monde

Nina & Reira

« Families blow apart and some piece find their own fate in a new motherland. Sweet home was leaved, left behind without regrets. Two pieces of the same blood sneaking in each other path. »

Reira laisse échapper un petit éclat de rire qui se transforme en un large sourire en voyant que Nina semble partager la même pensée qu’elle à propos des tests ADN. Et puis, Reira se fiche pas mal de savoir d’où elle peut provenir, elle a toujours pensé qu’elle était russe et seulement russe. D’ailleurs, ses parents ne lui ont jamais parlé d’une quelconque origine autre que russe. En tout cas, Reira hoche la tête aux propos de Nina. « Je suis d’accord, c’est une question de respect de la vie privée, et du corps humain. Je ne pense pas avoir grand-chose à me reprocher non plus, mais simplement pour une question de respect des choix d'un individu. » Elle acquiesce à nouveau en opinant du chef. « Tu veux rire, mais j’ai toujours peur que quelqu’un de malveillant trouve un bout de mon ADN quelque part et le mette sur une scène de crime… » Elle ne ment même pas, parfois quand un de ses cheveux tombe dans un lieu public, elle psychote à l’idée qu’un dangereux criminel le récupère pour le déposer sur sa scène de crime. Mais en réalité, personne n’irait récupérer un bout de cheveux, le temps de recherches serait bien trop conséquent. « Enfin… Je crois que je regarde un peu trop de séries policières. » Elle n’en regarde même pas, plus du moins. Dorénavant elle préfère les séries historiques, ou des documentaires animaliers. Ça la détend d’apprendre. Elle n’a jamais véritablement eu l’occasion de suivre un cursus scolaire normal à cause de l’Académie. Elle a seulement des bases, le reste elle l’a appris par elle-même sur Internet ou dans des bouquins, ou même en papotant avec tout un tas de gens. L’avantage c’est que face à Nina elle ne passera pas pour une folle à dire ce genre de choses, alors elle en profite pour rire. Pas d’un rire moqueur, juste d’amusement. Elle est contente d’avoir rencontré la rousse d’origine russe, ça lui permet de rigoler, de se détendre après sa journée de travail. Même si la conversation prend une tournure inattendue à cause de la révélation de Reira. Elle ne peut s’empêcher de se dire que c’était une très mauvaise idée. Et puis ça ne mène à rien. Leurs mères ne peuvent pas être sœurs, c’est impossible, Reira n’avait jamais entendu parler de ça. Sa sœur ne parlait que de son frère. Les seules femmes de sa vie étaient sa mère et ses cousines. Sa grand-mère… Parler de la famille lui fait repenser à cette femme pour qui Reira avait beaucoup d’admiration. Elle a survécu à énormément de choses, dont la guerre, tout ça pour se faire décimer petit à petit par l’Alzheimer. Reira l’a très peu connu, du moins lorsqu’elle avait encore toute sa tête. Elle se souvient petite, la vieille dame lui racontait tous ses souvenirs de vie. Des lettres d’amour que lui écrivait son mari depuis les tranchées, aux souvenirs joyeux de leur vie amoureuse et familiale. Le visage de Reira s’illumine soudain, et elle observe Nina avec de grands yeux. Elle a une révélation qui lui traverse l'esprit par bribes de souvenirs. « Ma mère n’était pas si mystérieuse sauf à ce sujet… Je ne me suis jamais posée de questions parce que… hé bien ça ne changeait pas grand-chose à ma vie. Mais… » Elle déglutit lentement avant de s’humecter les lèvres, ne sachant pas comment bien aborder la chose, qui était à nouveau, incertaine. « Mais ma grand-mère parlait. Elle était atteinte d’Alzheimer alors elle oubliait souvent que certaines choses appartenaient au passé depuis bien longtemps. Et elle parlait souvent d’une fille, de sa fille. » Reira fronce les sourcils et se chatouille le nez, comme si les souvenirs allaient refaire surface de façon claire bien plus rapidement. Il lui ait difficilement de se souvenir de tout cela car elle devait être âgée de cinq ou six ans… Ses souvenirs sont très lointains. « Anushka… Non Antonina ! Ah non attends, Anastasiya peut-être. Je ne sais plus… » Elle soupire avant de s’enfoncer dans le dossier de sa chaise. Elle se frotte doucement les tempes pendant que Nina en profite pour la rassurer, en lui disant que les fausses pistes elle connaît, et que visiblement ça ne lui fait plus rien. La russe grimace tout de même. L’espoir doit toujours habiter la rousse, et elle n’a pas envie de remuer un énième couteau dans la plaie. « Quand même… Avec tous ces souvenirs vagues, qui n’ont ni queue ni tête, tu pourrais réellement y croire… Et être déçue si ça s’avère faux. Parce que je n’ai aucune preuve, aucun arbre généalogique établi car tout est là-bas, en Russie. Je n’ai rien emporté avec moi. Juste des souvenirs de mon enfance peu clairs. » Ça lui fait d’ailleurs tout drôle de repenser à ces souvenirs. Curieusement, repenser à sa grand-mère ça lui a fait plaisir, beaucoup de bien. Elle se demande comment elle aurait réagi au départ de Reira… Si la mère de Nina était bien cette jeune fille mystérieuse des récits de sa grand-mère, cela faisait des deux jeunes femmes des cousines directes, ici à Island Bay. Reira avait quand même du mal à y croire. Retrouver de la famille, inconnue en plus de ça, à des milliers de kilomètres de chez soi, ça a quelque chose d’invraisemblable.

(c) DΛNDELION

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