in my place (timo)

Timo avait l’habitude qu’on le dévisage quand il avouait tout pour la pizza hawaïenne. Cette révélation lui avait coûté un certain nombre d’amitiés ou peut-être était-ce autre chose ? Quoi qu’il en soit, ce n’était l’endroit ni le moment de se poser la question. Il voyait bien que le regard de Romi en disait long sur ce qu’elle pensait. Malgré ça, il ne put s’empêcher de sourire quand elle lui rétorqua qu’elle le jugeait intérieurement. « Si seulement c’était qu’intérieurement... » dit-il avec un regard larmoyant « Vous êtes beaucoup trop fermée d’esprit, mademoiselle Blackwell » continua-t-il sur sa lancée. Timo était le roi des expériences culinaires et des mélanges originaux. Il fallait qu’elle s’y habitue. Cette caractéristique était dans ses gènes.

Il n’avait fallu que quelques minutes et un plat de lasagnes trop cuites pour que ce rendez-vous prenne une tournure bien différente de ce que le blond avait envisagé à la base. Il avait à peine eu le temps de battre des cils que les lèvres de la jeune femme s’étaient posées sur les siennes. Il n’avait pas envisagé une minute que les choses puissent se passer. Bien sûr, il en avait eu envie, mais s’il avait imaginé jouer avec le feu quelques instants, il n’avait pas pensé qu’ils se brûleraient. Quand il rouvrit les yeux et qu’elle se recula, l’air penaud, il comprit que l’atmosphère était maintenant tout autre. Romi lui plaisait, c’était indéniable, même s’ils s’étaient accrochés, même s’ils avaient eu des désaccords, même s’ils étaient tous deux dans la retenue par rapport à cette situation, elle et elle seule lui faisait cet effet-là. « Wow ». C’était l’unique chose qu’il était capable de dire. Les sentiments se bousculaient dans son esprit et faire le tri lui était impossible. Il n’était pas franchement habitué à faire face à ça et il ne savait pas comment réagir. Intérieurement, il se doutait que quelque soit sa réaction, elle allait changer le cours des choses. « C’est pas grave… Enfin… Je pense que je ferais mieux d’y aller, peut-être » bredouilla-t-il en titubant autant dans ses mots que dans sa démarche. Elle l’avait complétement sonné. Il récupéra sa veste sur le canapé et l’enfila de manière approximative. Tant pis pour l’élégance et les pizzas. « Je… euhm… » tenta-t-il d’articuler avant d’ouvrir la porte et d’en passer le seuil. Une fois de l’autre côté, il se passa une main dans les cheveux et prit une grande respiration pour dompter ses émotions.

Et puis merde, lui dit sa petite voix intérieure. Il rouvrit la porte qu’il venait de fermer, passa le seuil pour entrer à nouveau dans l’appartement qu’il venait de quitter et se précipita pour rattraper les secondes qu’il avait perdues. Sans le moindre regret, il glissa ses mains autour de sa taille pour la serrer contre lui et l’embrasser de toute la passion qui l’animait. Ses doigts descendirent jusqu’à l’arrière de ses cuisses pour la porter jusqu’au salon sans résistance de sa part. En allongeant sur corps contre le sien, Timo put admirer la profondeur de ses yeux noisette et saisir le poids de l’instant. Il marqua une pause et trouva la force de murmurer ces quelques mots : « pas sûr que ce soit très conventionnel mais je… ». Ding dong.

Il en avait même oublié le livreur de pizzas.

Elle n’avait pas l’occasion de rencontrer des amateurs de pizza à l’ananas tous les jours. Et elle ne pouvait s’empêcher d’être surprise. Elle ne comprenait pas, il fallait l’avouer, ce goût si bizarre. « Mon jugement se voit tant que ça ? » Elle avait souri. Elle ne pouvait s’empêcher de le juger sur cette particularité. Pourtant, cette information n’était qu’une façon de le connaître un peu plus, de découvrir ce qu’il pouvait se cacher derrière le personnage qu’elle connaissait plus ou moins déjà à travers un écran. C’était différent, de le découvrir en réalité, d’apprendre à le connaître ainsi. C’était mieux, même. « Je ne suis pas fermée d’esprit, juste … l’ananas sur la pizza quand même ! » Elle en riait. Et elle était curieuse de découvrir ce qu’il pouvait aimer d’autre, culinairement parlant.

Elle n’aurait jamais pensé être capable de ce qu’elle venait de faire. Pas dans ce contexte, pas sans être sûre de ce qu’elle faisait. Ce qui aurait dû être un simple dîner purement conventionnel venait de prendre une autre tournure. Par sa faute. Parce qu’elle avait franchi cette limite qu’elle n’aurait jamais dû franchir. Elle n’aurait jamais imaginé en arriver là. Elle avait laissé parler son envie, son coeur avant d’écouter sa raison. Cette proximité, les regards qu’elle avait pris pour un désir réciproque. Elle l’avait embrassé. Elle n’avait pas vraiment hésité en déposant ses lèvres sur les siennes, jusqu’à se rendre compte de ce qu’elle faisait. La chute avait été brutale. Elle se sentait ridicule, si désolée d’avoir osé faire cela. Elle n’était pas surprise par sa réaction - faut dire que ça devait être surprenant -, moins encore par son départ. « Je … oui, d’accord … » Elle comprenait, elle acceptait ce départ avec un poids dans la poitrine. « Désolée … » Un léger murmure entre ses lèvres.

Elle n’avait pas bougé. Incapable du moindre mouvement tant ses émotions se bousculaient dans son esprit. Romi se sentait bête, perdue. Elle ressentait colère et amertume envers elle-même, tristesse et déception aussi. Elle avait commis une erreur, en se laissant aller ainsi. Les yeux rivés sur le sol, elle n’avait relevé la tête qu’en attendant la porte s’ouvrir à nouveau. Il était là, il était revenu. Un instant, elle avait songé qu’il avait oublié quelque chose. L’instant d’après, ses lèvres étaient sur les siennes. Elle en oubliait le reste, le monde autour. Elle avait l’impression de voler - et ce n’en était pas qu’une. Il n’avait pas fallu que quelques secondes pour atteindre le canapé. Le regard de Tommy dans le sien, un sourire léger sur les lèvres. Romi ne savait pas ce que tout cela pouvait signifier. Loin de ce qu’elle s’était imaginée la première fois qu’elle avait rencontré le jeune homme. Peu conventionnel, il avait raison. Et cette phrase laissait en suspens avait éveillé sa curiosité. Curiosité qu’elle ne pouvait pas laisser s’échapper, à ce moment précis. « Je devrais aller lui ouvrir, peut-être. » Pas qu’elle en avait envie, parce qu’elle aurait voulu continuer, écouter ce qu’il avait à dire et l’embrasser à nouveau en oubliant le monde autour. « N’oublie pas ce que tu voulais dire, je vais simplement récupérer les pizzas. » Elle s’était levée, titubant légèrement vers la porte. Quelques secondes de perdues, une odeur de pizza en plus. Elle avait déposé les cartons sur la table basse, en revenant vers lui. « Ça t’a … interrompu … » Elle s’était assise près de lui, un peu gênée, qu’elle était Romi et pourtant, elle aurait voulu que rien ne les arrête. « Tu … On en était où ? »