so.... maybe... ; reira

|	so... maybe... Nina & Reira

— Le sms de Nina avait légèrement déstabilisé la jeune femme. Des photos à lui montrer ? Et si elles avaient enfin les preuves de leur lien de sang ? Cela angoissait la russe, alors même qu’à la fin de leur première rencontre elle se sentait heureuse et presque excitée à l’idée d’avoir une cousine ici. Pendant leurs autres sorties, tout s’était passée naturellement. Entre russe et anglais, les deux femmes avaient profité de ces différents moments pour discuter, à l’image de deux connaissances qui prennent des nouvelles. Elles ne comportaient pas comme des cousines, mais pas comme des inconnues non plus. Nina lui rappelait la maison, lui ramenait la Russie ici-même à Island Bay. Ça lui plaisait cette relation en terre inconnue. Ainsi, même si elles n’étaient pas réellement cousines, au moins Reira aurait trouvé une amie. Puis était réapparu dans sa vie, il y a seulement quelques jours, son frère. Reira a été bouleversée par cette rencontre, entre blessure due à la froideur de son frère et la culpabilité qui la ronge. Si bien qu’elle se demande encore si elle ne devrait pas fuir à nouveau, pour un autre pays. Alors quand Nina lui a parlé de ces photos, Reira a hésité parce qu’elle se dit que ce n’est peut-être pas le meilleur moment pour apprendre qu’un autre membre de sa famille vit aussi ici. Elle est restée longtemps assise sur le canapé à caresser Rocket et à réfléchir au sens de sa nouvelle vie. Sa famille lui manque, de la famille réapparait ; mais elle prend quand même peur. Une contradiction dans toute sa splendeur. Toutefois, elle ne peut s’empêcher de voir du bon en Nina. Même si elles sont liées, Reira ne l’a pas abandonné comme le reste des Tsvetkov et Baranovski. Non, au contraire, inconsciemment elle a été la retrouver. Peut-être qu’au fond Reira a besoin de Nina autant que Nina semble avoir besoin de connaître ses origines. Alors elle a fini par accepter de la rejoindre chez elle afin de déballer toutes ces photos. Et puis, leurs suppositions initiales ne garantissent pas que sur les photos il s’agira bien des Baranovski de Reira. Elle se rend donc chez Nina en ne cessant de penser à tout cela. Est-ce que Nina est sa cousine ? Est-ce que sa famille se reconstruit ici ? Est-ce que sa vie se construit ici ? Elle sait très bien qu’elle ne pourra pas vivre éternellement sans famille, d’autant plus que son frère ne semble pas encore enclin à lui pardonner… Surtout, elle pense à Nina et à son passé compliqué avec sa mère. Elle imagine la joie que ça pourrait lui procurer d’apprendre qu’elle a de la famille, qu’elle n’est pas seule. C’est donc bien décidée qu’elle se met à cogner sur la porte de la maison du quartier North Bay.

Elle espère ne pas s’être trompée d’adresse. En plus elle est légèrement en retard par rapport à l’heure donnée par Nina. À rêvasser et se perdre dans ses pensées, Reira s’est trompée plusieurs fois de chemin. On pourrait presque croire qu’elle n’a jamais mis les pieds ici. Après ses quelques coups, la tignasse de Nina apparaît. Reira lui offre un large sourire en la saluant en russe. « Salut ici ! » Elle repasse à l’anglais. « Désolé j’suis un peu en retard, j’me suis perdue à observer les bâtiments de la ville. » Elle rit doucement parce que c’est vrai, Reira observe souvent l’architecture et la reproduit même de temps en temps sur un calepin lorsqu’elle a envie de trainer dehors. Même si maintenant, avec Blacky c’est compliqué de rester tranquille dehors. « Alors comme ça tu as retrouvé des photos de famille ? Comme quoi, on avait vraiment pas besoin de tests ADN ! » Elle rit à nouveau en faisant référence à leur première conversation où elles ne savaient pas véritablement comment prouver leur possible lien familial. En tout cas, aujourd’hui elles seraient probablement fixées. La russe commence à bien apprécier la petite rousse alors quoi qu’il advienne avec ces photos, cela ne changera rien au soutien qu’elle cherchera à lui apporter.

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— Ça lui fait automatiquement chaud au cœur d’entendre du russe. Plus encore que la première fois qu’elle en a entendu, depuis des années, quand Nina est arrivée au café. De temps en temps, elles switchaient de langues comme ça, par plaisir. Son sourire s’étire quand la rousse lui fait remarquer que le principal est qu’elle soit là. En effet, vu ce qu’elles peuvent découvrir aujourd’hui, il est préférable que Reira soit là. Bizarremment, elle ne regrette pas d’être là, parce qu’elle a fini par se faire à l’idée que Nina puisse être, ou ne pas être de sa famille. Elle se dit que ça ne changera pas grand-chose à leur relation au final, elles gagneraient juste en grade. Trop dur de trouver ? La russe rit doucement. « Non, ne t’en fais pas, je commence à tout de même bien connaître la ville, seulement j’continue de garder la tête en l’air pour admirer le paysage et l'architecture dont je ne me lasse pas. » C’est vrai ça, cela devait faire trois ans qu’elle était en Nouvelle-Zélande et à Island bay, et elle ne lasse toujours pas des paysages et de la ville. Même si une routine s’est établie, la sensation de renouveau reste présente, la paix que lui apporte la ville calme toujours ses pensées sombres. D’ailleurs, elle avait pris le temps d’observer la maison de Nina et elle la trouve tout simplement charmante. « Elle est mignonne ta petite maison ! T’es déjà propriétaire ? » Sur ces paroles, elle pénètre à l’intérieur. Avant de s’intéresser au sujet principal, Nina lui propose quelque chose à boire. Même si ses pensées restent hanter par ces photos, elle accepte tout de même. « T’as du thé ? Sinon un truc froid, type jus de fruit ça me va aussi. » L’hiver arrive à Island bay, et même si elle ne craint pas spécialement le froid, elle apprécie de boire des boissons chaudes. Elle écoute ensuite Nina expliquer d’où elle tient toutes ces photos. Alors elle hoche de la tête tout en la suivant jusqu’au salon. « Quelle chance que tu ne te sois pas débarrassée de ses vieilles affaires, comme quoi les souvenirs ça peut toujours servir. » Pendant un instant, Reira se demande si elle n’aurait pas dû faire comme la mère de Nina et emmener avec elle des photos de sa famille. Elle a préféré disparaître véritablement, un peu plus et la brune se serait créé une nouvelle identité. Lorsqu’elle lui demande si elle est prête, elle hésite sans véritablement hésiter. Une part d’elle a envie de découvrir qui est réellement Nina, de retrouver de la famille, et une autre part d’elle craint cette famille qu’elle a fui. Elle s’entend bien avec Nina, elle l’aime beaucoup donc elle n’a rien à craindre. Alors elle acquiesce après avoir pris une grande inspiration. La Baranovski précise qu’il y a pas mal de têtes là-dessus et elle ne reconnaît que sa mère. Son cœur se serre à l’idée de revoir sa mère, peut-être son père mais surtout sa grand-mère. Puisqu’après tout c’est grâce elle et les souvenirs qu’elle a laissés dans la mémoire de Reira que les deux femmes sont ici. « Ça va me faire bizarre de revoir des vieilles têtes mais… je suis prête. » Elle fronce légèrement les sourcils. « Enfin, je ne connais peut-être pas les têtes d’ailleurs. Dont celle de ta mère, vu que j'étais trop petite pour avoir des souvenirs... » Elle rit doucement, nerveusement parce qu’elle s’imagine rester stoïque devant les images, ne sachant reconnaître personne. Elle s’installe, près de Nina, se rapprochant ainsi du Saint Graal qu’est la boîte à souvenirs photographiques. Avant de se lancer dans l’aventure, elle se tourne vers Nina, posant sa main sur la sienne. « Et toi t’es prête ? » Reira ne connaît plus sa famille par choix mais elle a pu grandir en connaissant ses origines, ce n’est pas le cas de Nina alors la pression doit être encore plus forte pour elle. « De toute façon, même si je ne reconnais personne là-dessus, sache que j’pourrais faire partie de ta famille de cœur, un jour. » Elle lui sourit tendrement. Elles ne connaissent pas assez pour se considérer assez proches que cela, mais si le temps le veut, Reira agira comme si elle était de sa famille. « Quand tu veux on peut l'ouvrir ! », dit-elle en pointant du doigt la boîte renfermant les secrets du passé d'Ana, qu'elle a d'ailleurs, bizarrement hâte de découvrir.

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— Le sourire de Nina, leur discussion qui divague du sujet principal de sa venue, ça lui fait dire que ne pas être véritablement cousines ne changera rien à leur relation. Après tout, ça se saurait s’il fallait nécessairement faire partie de la famille de l’autre pour bien s’entendre. Elle lui explique qu’elle n’est pas propriétaire, seulement colocataire. Elle ajoute une anecdote sur ses anciens logements. Elle hoche la tête. Elle ne sait plus si Nina lui a déjà confié être en colocation, mais elle ne croit pas. Elle pourrait prendre un coloc aussi la russe, mais elle aime bien son calme et son intimité. « Ouais, j’peux imaginer le genre d’appartement miteux. C’est pas souvent la joie quand les moyens manquent… » Alors, Reira n’a jamais vécu très longtemps dans un endroit miteux, voire insalubre, mais il lui est arrivé, pendant son tour de monde, de devoir opter pour des hôtels à l’hygiène douteuse. Même au début, lorsqu’elle est arrivée à Wellington pour s’y installer, son appartement n’était pas incroyable beau. Il était très simple, petit, fonctionnel quoi. Ça lui suffisait pour vivre. Puis elle a suffisamment économisé pour acheter une petite maison. À vrai dire, ça avait été une bonne aubaine parce que le prix n’était vraiment pas cher. Elle s’est tout de même un peu endettée pour l’achat, mais le prêt devrait vite se rembourser. Elle se demande si Nina a réussi à payer toutes les dettes maintenant. Elle se dit aussi que c’est triste d’être endettée alors que les Baranovski et les Tsvetkov sont riches. Ça ne lui manque pas tellement l’argent à Reira, elle a trouvé un autre type de richesse ici, plus durable. « Merci beaucoup ! » Un jus de fruit ça fera très bien l’affaire, ça lui donnera même un peu de sucre au cas où la grande nouvelle la prenne tellement à cœur qu’elle en défaille.

Nina lui parle des affaires de sa mère, du fait qu’elles auraient pu disparaître à plusieurs reprises. Parce que, tout simplement, la fille en avait ras-le-bol de la mère. « C’est toujours sous le coup de la colère qu’on prend des décisions que l’on regrette. Le désespoir aussi, mais, ça c’est autre chose. » Elle lui avoue qu’elle a dû avoir un éclair de lucidité pour éviter de jeter toutes ces affaires. « Peut-être que le destin te prédestinait déjà à devoir les utiliser. » Elle esquisse un sourire aux nuances un peu mystique. Parfois Reira croit au destin, tout comme parfois elle peut le rejeter en bloc. La plupart du temps elle y croit, comme avec ce soldat qu’elle a rencontré au Cameroun par hasard, et qu’elle revoit, par hasard, ici-même. Comme si elle avait besoin de lui à l’époque, et lui d’elle maintenant. C’est drôlement bizarre le destin. Peut-être qu’il l’a poussé à rencontrer Nina pour une raison particulière, pour l’aider à trouver ses origines, et pour permettre à Reira de trouver les siennes. Impossible à déterminer. Quoi qu’il en soit, Nina a raison, les deux russes ne peuvent pas continuer à agir comme si de rien n’était alors que des possibles preuves se trouvent à leur portée. Et les preuves n’apportent rien, tant pis. Reira la rassure en lui disant que ça ne changera rien, que la famille, on peut aussi la choisir par le coeur. « T’as raison. À un moment faut se lancer ! » Le fait d’y aller, de voir Nina ouvre la boîte, ça marque véritablement le début d’un possible grand moment. La brune a le cœur qui bat à tout rompre, elle a même du mal à réfléchir parce que son pouls pulse dans ses tympans. Il faut qu’elle se concentre, qu’elle observe les photos. Reira prend la première photo que Nina lui tend. Elle essaye de décrypter les visages mais elle ne reconnaît personne, ils sont trois sur la photo dont Ana, sûrement. Ils semblent tous assez jeunes. Peut-être des cousins de l’autre côté de la famille, ou des amis d’Ana. Elle ne sait pas. Alors elle prend une seconde photo, puis une troisième. Et là, elle a un déclic. Au début, elle voit ça comme un visage familier, sans plus. Puis son cerveau comprend ce que cela signifie donc elle s’y attarde plus précisément. Elle s’exclame dans un souffle. « Punaise, j’y crois pas… » Sur cette photo, il y a trois personnes encore, deux filles et un garçon. Ils sont jeunes, encore une fois, mais semblent avoir une petite différence d’âge. Forcément, parce qu’ils sont frères et sœurs. Sur cette photo, Reira ne reconnaît pas de suite son oncle, mais elle reconnaît sa mère. Elle éclate de rire sur la photo alors ses traits en étaient un peu déformés, ce qui l’a fait douter au début. Mais quand elle regarde une quatrième photo, là, le doute n’est plus possible. « C’est… c’est ma mère. » Elle ne sait pas comment dire ça plus simplement. Même Reira reste choquée de ce qu’elle voit. Elle ne s’y attendait pas vraiment, revoir des photos de sa mère, jeune et heureuse, ça la bouleverse un instant. Elle reprend quelques photos histoire d’avoir d’autres preuves et elle en obtient. Elle pointe du doigt une femme assez âgée, la photo étant plus récente que les autres. « C’est ma grand-mère, enfin… la tienne aussi, du coup. Antonina Baranovski. » Elle se tourne vers Nina et la regarde avec des yeux écarquillés de surprise tout en lui tendant la photo pour qu'elle puisse observer sa famille. Elle reprend la photo des frères et soeurs et lui indiquent, pour elle, son oncle puis sa tante.  « Là t'as ton oncle : Miroslav. Et ta tante, ma mère : Ekaterina. » En énonçant ces noms, en présentant sa famille, elle réalise qu'elles sont véritablement cousines, ce n’était pas qu’une simple coïncidence.

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— Un sourire désolé se dessine sur les lèvres de la russe. Elle comprend derrière les mots de Nina qu’elle a conscience qu’elle aurait pu ne pas s’en sortir, finir à la rue comme beaucoup de gens qui n’arrivent pas à saisir ces chances. Il est vrai que la chance est un facteur bien utile mais de ce qu’elle a pu voir de la jeune femme, Reira sait aussi qu’elle s’est donnée les moyens de s’en sortir, qu’elle n’a jamais abandonné, là où certains se résignent et acceptent leur mauvais sort. « La chance et aussi ta détermination. T’aurais pu choisir de te faire malmener, de blâmer ta mauvaise étoile, ou que sais-je, mais t’as décidé de te battre. Et mine de rien, ça fait aussi une différence. » Elle ne peut s’empêcher de se dire que Nina n’a pas eu une enfance bien heureuse. Alors peut-être que retrouver sa famille lui permettrait de rattraper ce bonheur perdu. Elle la remercie au passage pour les jus de fruits et en prend une gorgée, histoire de se donner du courage, parce qu’elle pense qu’elles vont bien en avoir besoin.

La brune acquiesce aux propos de Nina d’un léger hochement de tête. « Parfois c’est pas plus mal de se laisser aller à ses émotions. Ça évite de les garder trop enfouies et qu’elles explosent plus tard. » Encore une sage parole de son psy. À avoir fui la Russie, elle refusait tout simplement de faire face à la réalité de ses émotions, ça lui a joué des tours parce qu’encore aujourd’hui, elle n’est pas sortie de tout cela. Elle n’est pas véritablement là pour jouer la bienpensante mais si elle peut aider Nina avec quelques paroles réconfortantes, tant mieux. C’est peut-être un prémice à son rôle de cousine. D’ailleurs, le moment est venu de savoir ce qu’il en est de ce possible lien de sang. Les premiers gestes sont difficiles et un peu hésitants. Elle essaye de ne pas le montrer, pourtant le stress et l’appréhension la submerge. Il n’est pas réellement mauvais, ça s’apparaîtrait peut-être plus à de l’adrénaline d’ailleurs, à de l’excitation mélangé à l’appréhension, au doute. Puis elle sent aussi Nina anxieuse alors elle essaye de faire bonne figure, elle l’a rassurée en lui disant que même s’il n’y avait aucun lien, hé bien ça ne changerait rien entre elles. Toutefois, elle se met à sa place et imagine le moment important que ça doit être, retrouver sa famille pour quelqu’un qui ne l’a jamais connu. La brune observe les photos, lâche des mots de surprise avant de rendre le verdict. Oui, sur les photos il s’agit bien de sa mère. Elle la montre à Nina en présentant les autres membres sur les photos, ceux qu’elle connaît en tout cas.

Quand elle se tourne vers elle pour lui demander si elles sont de la même famille. « Je crois… Oui. Enfin oui, totalement. » Le fait est que même Reira a du mal à réaliser. Revoir des photos de sa mère était déjà un choc en soit, mais réaliser qu’elle a de la famille ici, c’est… pas croyable. Elle qui vit seule, loin de toute attache russe, elle retrouve ici une cousine, qu’elle n’a jamais connue. La rousse lui ouvre grand ses bras en lui demandant la permission de l’enlacer. « Évidemment ! » Elle s’approche d’elle et vient la serrer dans ses bras. Ça lui fait si bizarre de se dire que Nina est effectivement sa cousine. Curieusement elle se sent drôlement bien, elle prend conscience qu’elle retrouve une partie d’elle et de sa Russie, qu’elle n’est plus seule. Elle la serre tendrement contre elle, pour lui faire du bien et à elle aussi. Puis elle finit par se séparer un peu d’elle. « C’est vraiment… incroyable. J’y croyais sans y croire parce que… la coïncidence était trop forte. Et en fait t’es réellement ma cousine ! » Elle soupire de soulagement avant d’esquisser un sourire. Tous leurs doutes et suspicions sont désormais derrière elles, et la brune bénéficie du contrecoup rempli d’euphorie. « Moi je dis que ça mérite qu’on fasse la fête ! » Elle rit doucement en adressant un clin d’œil à sa cousine. Puis elle se repenche sur les photos laissées sur la table pour qu’elles s’enlacent. Elle se demande ce que Nina doit ressentir, de voir toute sa famille, de pouvoir placer des noms sur ces têtes d’inconnus. « Ils avaient l’air tous si heureux… Dire qu’on aurait pu se connaître depuis bien longtemps. » Ils souriaient, s'amusaient. Ressasser le passé ne sert à rien, elle le sait bien mais elle est prise de nostalgie, d’envie de modifier le passé, pour que Nina puisse faire partie d’une vraie famille. Si Ana était restée près des Baranovski, Nina n’aurait pas eu à vivre autant de difficultés… Elle grimace légèrement dans son coin avant de se tourner vers la rousse et de lui sourire. « Mais le principal c’est qu’on se connaisse maintenant, non ? Vaut mieux tard que jamais comme on dit. » Elle ne sait pas si elle est plus heureuse pour Nina ou pour elle. Pour les deux probablement car cette nouvelle apporte du baume au cœur aux deux femmes.

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— Paisiblement, la russe acquiesce d’un mouvement de tête. Nina n’a pas tort, les fréquentations jouent beaucoup. Elle n’a jamais réellement eu l’occasion de voir des amis mal tournés quand elle était plus jeune, tout simplement parce que le Bolchoï était composé en majorité par des enfants de riches, comme elle. Et à ces enfants, on leur inculque qu’il ne faut pas côtoyer des gens d’une classe plus basse, parce que leurs vies sont différentes, qu’un lien est impossible, les mentalités ne pouvant se concilier. L'enfant qu'elle était y a crû pendant longtemps, même si elle n’a jamais hérité du côté snob, de cette expression de dégoût que les riches ont parfois en observant des sans-abris. De toute façon, elle ne se sortait pas réellement à part pour rentrer ou pour aller voir son frère. Ses amis étaient à l’académie, ils se voyaient là-bas et basta. Quand elle réfléchit bien, il s’avère qu’elle ne connaît pas tant que ça sa propre ville de naissance hormis quelques quartiers bien précis. Elle était trop occupée à danser jour et nuit de toute façon. Peu importe après tout, elle se perd dans des pensées inutiles alors que Nina se livre légèrement. « Tu as raison, les amis servent beaucoup aussi, ce sont des guides. Je suis heureuse que tu aies pu être bien conseillée. » Alors oui, Nina ce n’est pas encore sa cousine, elle n’a pas à jouer les protectrices, mais, elle l’aime beaucoup donc elle est sincère dans tout ce qu’elle dit. Et ça la rend heureuse de savoir qu’elle a su s’en sortir. À nouveau, la brune acquiesce aux mots de Nina. « Il faut trouver un bon équilibre entre le laisser-aller et le déni des émotions… Par expérience, j’peux te dire que tout garder ça peut aussi donner des situations explosives ou dramatiques. De toute façon, il n’y a jamais de solution miracle dans ce monde… » Elle a trop gardé ce qu’elle ressentait pour elle après l’accident, elle s’était refermée comme une coquille, ça lui a valu une dépression, des tentatives de scarification, des idées pires que ça encore. De ce fait, elle a tendance à se dire que parfois, se livrer ça fait plus de bien que de mal, même sur le coup ça peut donner des situations pas forcément agréables.

Elles finissent par découvrir la vérité, cette vérité qu’elles redoutaient autant qu’elles leur donnaient envie. Sans hésiter, après la demande de Nina, elles se sont prises dans les bras. Alors qu’elle avait éprouvé de la colère à l’époque où elle avait eu vent de son frère caché, là elle ne ressent que de la joie et du bien-être. Ça se déculpe avec leur étreinte. Elle sourit, béatement contre sa cousine, avant de devoir se détacher. « Des chances quasiment nulles ! » Elles tombent des nues toutes les deux, peut-être même encore plus que lorsqu’elles ont découvert qu’elles avaient un nom de famille en commun. Il faut dire que ça n’arrive pas tous les jours de retrouver quelqu’un subitement, comme ça, sans crier garde. Mais la coïncidence est en effet, dingue, comme le dit Nina. Les blagues sur la terre du salut néo-zélandaise se sont avérées vraies. Les bières, un classique, qu’elle apprécie, sans adorer. Disons que pour célébrer, ou prendre quelque chose de pas trop fort en début de soirée, ça lui va. Mais boire une bière pour le plaisir, ou pire manger à la bière, non, ce n’est pas pour elle. Pourtant en Nouvelle-Zélande, tout le monde semble épris de ce breuvage. En général, elle le coupe à la limonade, ça fait passer le goût un peu amer de certaines bières. « Comme tu veux, j’suis chaude pour sortir, mais si tu préfères qu’on reste au chaud avec des bières en regardant les photos qui restent ça me va. J’aurais peut-être quelques anecdotes, pas directement sur ta mère mais sur la famille, oui, sûrement. » À vrai dire, les deux possibilités lui vont totalement. Sortir ou ne pas sortir, elle aime les deux possibilités et laisse le choix à Nina, en se disant que peut-être qu’elle préfère rester dans un lieu intime pour, hé bien, en apprendre plus sur cette famille qu’elle découvre. Reira ne pourra pas lui apporter toutes les réponses qu’elle veut mais ce serait déjà un bon début, pour réellement se rattacher à la Russie. Après avoir fait remarquer que tout le monde semblait heureux, Nina réplique en se demandant pourquoi elle est partie sans jamais revenir. Probablement quelque chose de tragique, qui l’a poussé à tout oublier. Comme pour elle. « Sûrement un drame… » Reira grimace légèrement avant de retrouver un bout de sourire. « En tout cas, moi j’peux avouer et dire que la Russie me manque, je ne pourrais pas y retourner définitivement, ça me rappellerait trop de souvenirs douloureux… Mais peut-être un jour y retourner en voyage, oui. Ce jour-là, je t’emmènerai avec moi ! » Elle l’affirme, sans lui laisser le choix. Si Nina n’a pas l’argent, Reira se débrouillera pour lui payer le billet, ou pour lui permettre de se financer d’une façon ou d’une autre. Elle rit avec sa cousine quand elle évoque les fameux tests ADN. Elle acquiesce de bon cœur. « Carrément ! Puis se retrouver autour de photos, c’est moins angoissant que d’être à l’hôpital. » En tout cas pour Reira oui, parce que les hôpitaux, elle ne peut plus les voir en peinture depuis son opération et sa rééducation. Ils sont associés à un souvenir joyeux : le fait de lui avoir sauvé la vie. Mais aussi à son accident, et le mal l’emporte. « Tiens tu vois, on pourrait mettre nos économies réalisées grâce à ce test ADN pas fait pour partir en Russie. Ce n’est pas pour maintenant, mais compte sur toi pour te faire découvrir ton pays d’origine. Il est bien trop beau pour que tu ne le connaisses pas ! » Et voilà, déjà quelques dollars grappillés quelque part pour le mettre dans ce projet auquel Reira vient de donner subitement naissance. L’excitation de retrouver un bout de sa famille lui donne envie d’aller remettre les pieds là-bas. Elle sait qu’elle n’aurait pas le courage d’aller voir sa famille d’elle-même, et ne sait pas si elle pourrait y emmener Nina, mais déjà lui faire découvrir Moscou, ce serait une bonne chose.

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— Elle comprend l’ancienne danseuse, elle comprend à quel point les autres sont importants pour bien s’en sortir ou non. C’est sûrement ce qui lui a manqué : du soutien. Ce serait mentir que de dire qu’elle n’en avait aucun, car son demi-frère était là pour elle, il essayait de lui faire oublier, de la divertir. Ses parents étaient là aussi, mais elle n’a jamais eu de rapport particulier avec eux… Alors ils étaient en quelque sorte inutiles. Puis des amis, la brune n’en avait pas et n’en a jamais vraiment eu. À trop de se dédier à la danse, ça coupe du monde. Oui, elle côtoyait des gens qui partageaient la même passion qu’elle ; de temps en temps, elles sortaient avec eux. Mais quand elle a eu son accident, ils ont tous disparu subitement, en même temps que son rêve. Un double choc, des révélations multiples sur la vie et les autres. Donc, elle a affronté ça seule, malgré elle, malgré les aides extérieures que l’on pouvait lui proposer. Par conséquent, elle comprend totalement ce que Nina lui dit, ce besoin d’être accueillie à bras ouvert. Comme elle dit, il n’y a pas de solutions miracles, juste des petites solutions qui, assemblées, dissolvent le problème. Elle acquiesce d’un mouvement de tête et gratifie la rousse d’un large sourire avant de se mettre à fouiller dans ces photos, dans ce passé commun.

Quand sa cousine évoque le destin, elle affiche un large sourire, et souffle même légèrement de rire. Parce que oui, clairement, le destin y est pour quelque chose. Elle le soupçonnait déjà lors de leur première rencontre. Cette rencontre avec une nana d’origine russe. Jamais elle n’aurait réellement imaginé que ça se finirait ainsi, par cette découverte. Au début, elle y croyait vraiment à cette coïncidence qui les poussaient à se rencontrer en plus d’être cousines. Puis, au fur et à mesure, elle voyait ça plus comme un rêve lointain. Quelque chose qu’elle n’attend pas forcément, mais si cela se produit, elle sera ravie. Là, ça se produit, et elle est effectivement ravie de cette découverte. Elles s’enlacent et veulent faire la fête. Logique, après une telle nouvelle ! Nina lui confirme en effet que si elles sortent, elles ne pourront pas réellement parler. Et puisque Reira se doute que Nina aura sûrement envie d’en savoir plus sur sa famille russe, elle a précisé qu’elle pourrait blablater sur tout ça. « Oui totalement, c’est pas les occasions de faire la fête qui manqueront ! » Elle rit doucement. Les deux jeunes femmes auront tout le temps qu’elles veulent pour faire la fête. Pour x ou y raisons. Pendant que la cousine part chercher des bières, Reira observe les photos de cette vie passée. Des souvenirs lui reviennent, de l’époque où tout était beau et rose. D’une époque où elle pouvait encore être danseuse. Ça lui met un petit coup de poignard au cœur, mais elle se reprend quand Nina revient. Elles se mettent à bavarder sur pourquoi sa mère a pu quitter le pays et Reira en profite pour dire que le pays lui manque. Elle ne peut pas mentir, c’est la vérité. D’ailleurs, elle en profite pour dire que si elle doit y retourner, ce serait avec Nina. Hors de question d’abandonner sa cousine en Nouvelle-Zélande alors qu’elle pourrait l’emmener. Enfin, dès que les moyens seront réunis. « Bien sûr que je t’embarque ! » Toutefois, Nina en profite pour dire que ce ne sera pas maintenant. Elle acquiesce, avec un sourire. De toute façon, Reira n’est pas prête pour y retourner maintenant. « Oh la Californie c’est magnifique ! J’ai adoré, c’était comme dans les films. » Elle a un petit sourire béat sur les lèvres quand elle repense à ses voyages, à sa tournée des US avec Abel. La nostalgie lui submerge le regard d’un voile discret. « T’en fais pas, j’suis pas prête à y retourner maintenant tout de suite. On se fera ça un jour, quand ce sera possible pour nous deux ! » Reira gagne correctement sa vie, mais un voyage c’est un coup alors faut économiser, et aussi préparer tout ça. Oui, ça ne se décide pas du jour au lendemain.

Viens le moment de discuter famille en buvant ces fameuses bières. Elle prend celle généreusement tendue et en profite pour trinquer, un sourire mutin sur les lèvres, avant d’en boire une gorgée. Puis une autre, et encore une autre. Histoire de se désaltérer avant de se lancer dans le récit des Baranovski. « Antonina, notre grand-mère est morte il y a quelques années de ça, la maladie a eu raison d’elle. Notre grand-père était vivant avant que je parte mais… Ça fait 7 ans, et il était assez âgé donc… J’suis pas certaine qu’il soit toujours parmi nous. » Elle le dit en baissant légèrement les yeux, un peu honteuse de ne pas prendre de nouvelles de sa famille, même pour ce genre de choses. Elle se demande même si eux, ils pensent qu’elle est en vie. Elle saisit une photo où elle le voit, pour au moins que Nina ait une tête à mettre sur le nom. « Là, c’est lui : Vladimir. » Elle tend la photo à Nina avant de s’enfoncer dans le canapé avec sa bière. « Sinon, comme je te l’ai dit, t’as un oncle, Miroslav. Il a eu trois enfants avec son ex-femme. » La russe se renfrogne légèrement en déballant le passé, fronce les sourcils. Elle boit, pour faire passer la pilule avant de lâcher. « J’me sens mal parfois, de ne pas prendre de nouvelles… Mais j’y arrive pas. Puis j’me dis que depuis le temps, je ne dois même plus exister pour eux. » Elle grimace, parce que ça lui fait du mal de balancer ce qu’elle a sur le cœur, mais il faut qu’elle le fasse, vu le contexte, avant que ça la bouffe.

|	so... maybe... Nina & Reira

— Quelque part, elle est contente de rester ici avec Nina. Si elle a beaucoup fait la fête pendant son tour du monde, Reira est de base quelqu’un d’assez calme qui reste avec ses proches, sans trop faire la fête, sans trop boire. Alors juste être sur ce canapé, avec Nina, ça lui va parfaitement. Enfin, si un jour elles vont faire la fête dans un bar ou une boîte, ça lui ira aussi. Mais pour aujourd’hui, après tous ces souvenirs qui sont en train de remonter, ça lui semble plus simple. Mieux. Comme dit Nina, en tête à tête, c’est parfait. Puis, ça lui fait vraiment plaisir de pouvoir profiter de ce moment pour apprendre vraiment à connaître sa cousine, parler de la famille et juste passer un bon moment. Elle revient justement avec des bières et propose de manger quelque chose. « J’ai pas spécialement faim, mais si t’as des cacahuètes ou des conneries du genre, ça me va totalement. » Des gâteaux apéros en gros, simple et efficace. Parce que prendre un repas maintenant, bof. Mine de rien, elle a un peu l’estomac noué à repenser à son passé et à sa famille qu’elle a abandonné. Donc, une sorte d’apéro c’est parfaitement suffisant. En tout cas, ce moment de révélation lui donne envie de revoir la Russie, et avec Nina. Elle se doute qu’elle n’aura pas le courage de l’emmener voir leur famille commune, mais au moins ça permettrait à Nina de connaître ce pays qui est aussi le sien. D’ailleurs, elle rigole lorsqu’elle lui dit qu’il faudrait qu’elle trouve une grande valise pour pouvoir la rentrer dedans. Elle acquiesce d’un hochement de tête. « J’te paierai des cours de contorsionniste au pire, comme ça tu pourras entrer facilement. » La souplesse ça s’acquiert difficilement une fois adulte, mais bon, on ne sait jamais, si c’est juste pour rentrer dans une valise, ça devrait le faire. Même si, de façon concrète, Reira préférerait faire le voyage avec Nina à côté d’elle. Puis, la soute, ça ne doit pas être super agréable. Les deux jeunes femmes s’accordent pour dire que le voyage ne se fera pas de suite. Ça arrange Reira, parce que moralement elle n’est pas prête, même si elle a envie de remettre les pieds sur ses terres. Et, ça arrange aussi Nina, qui lui confie qu’elle a fait un gros voyage cette année, en Californie. Une destination que la russe connaît grâce à son tour du monde. Ça lui rappelle d’autres souvenirs, avec son frère de cœur Abel. Ça lui tire même un petit sourire alors qu’elle avoue à Nina avoir déjà visité les lieux. « Disney ? Wow, j’avoue que je ne l’ai pas fait. J’ai eu la chance de faire celui près de Paris, alors j’me suis dit que ce n’était pas nécessaire de recommencer. » Elle avait déjà fait Disneyland quand elle était plus jeune avec ses parents, et elle l’a refait pendant son voyage. L’univers en lui-même n’est pas nécessaire sa tasse de thé, mais les attractions à sensation oui. « En tout cas, ça devait être un super anniversaire ! » Elle se dit qu’en effet, quand on aime ça, ça doit être incroyable. Surtout pour ce genre d’occasion. Curieusement, elle imagine facilement toutes les étoiles dans les yeux de Nina et ça l’a fait largement sourire. Ça lui plairait de la voir épanouie ainsi. Reira a toujours aimé voir ses proches heureux, au summum du bonheur. Elle imagine donc que Nina devait être à ce summum là-bas. Les douces pensées doivent divaguer vers la famille, parce qu’elle lui demande s’il reste des proches du côté de sa mère. Elle lui raconte tout ce qu’elle peut lui dire, dans la limite de ce qu’ils sont devenus depuis qu’elle est partie. « Je ne m’y connais pas vraiment en terme familiaux, mais j’suppose que ce sont tes cousins germains. Enfin tes cousins direct, quoi. » Les degrés, les différents noms pour qualifier untel ou untel, Reira n’y connaît rien. Ses cousins sont tous ses cousins sans distinction. Mais grâce au peu de compréhension qu’elle a des liens familiaux, elle essaye de donner une réponse la plus claire possible à Nina, en espérant que ça lui suffise pour y voir plus clair. Après tout ça, Reira se confie légèrement sur le fait que peut-être qu’elle n’existe plus pour eux. Et, elle ne leur en voudrait pas. À leur place, elle serait probablement énervée, déçue. Nina essaye de temporiser ses pensées, de la rassurer. Ça lui tire un demi-sourire, touchée par ses mots. Elle aimerait la croire, mais en se mettant à leur place, elle s’en voudrait terriblement. « Oui, sûrement. Que ce soit en négatif ou en positif, je dois bien être quelque part dans leur esprit… » Ça semble plutôt normal, surtout pour ses parents et son demi-frère. « J’ai essayé de les appeler en me posant, mais je me suis dit que ce s’était trop tard. Et puis à force de repousser, je me suis dit que c’était véritablement trop tard… » Un jour, elle les appellera sûrement. Elle trouvera ce courage, mais pour l’instant, elle en est encore incapable. Peut-être que Nina lui donnera cette forme. Retrouver un bout de famille par son biais, lui donnera envie de renouer avec le reste, elle le sait.