Vesperied | dealing with snakes

Lorsqu’on lui a proposé un film à base de serpents, Vesper a bien évidemment tout de suite pensé à une espèce de remake d’Anaconda. Après tout, les remakes sont vraiment très à la mode, ces temps-ci. En manipuler l’un ou l’autre ne lui fait bien sûr pas peur ; pas à elle, la femme à qui on a mis le feu des tas de fois. D’autant que ça resterait très encadré. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la texane a rapidement désenchanté quand elle a compris qu’il ne serait pas question de se retrouver enserrée par les anneaux d’un anaconda ou d’un énorme boa constrictor mais il faudrait qu’elle commence à s’y faire : elle n’est plus à Hollywood et les diverses productions sur lesquelles elle bosse en ce moment sont de bien moins grande envergure. Comme à son habitude, elle était arrivée tôt parce qu’elle savait que les réalisateurs, même ici en Nouvelle Zélande, pouvaient se montrer terriblement exigeants, il fallait être prêts au cas où ils viendraient à claquer des doigts. Elle erre donc sur le tournage, un gobelet de café brûlant à la main en observant toute l’équipe vaquer à leurs occupations respectives. Il y a un membre de l’équipe en particulier qui attire son attention, et à le voir emprunter des projos pour s’en servir comme de lampes chauffantes, elle se doute qu’il doit s’agir du consultant : l’expert en serpents. Son manège l’amuse beaucoup et elle se surprend à le suivre comme on suivrait une série sur Netflix.

Jusqu’à ce qu’on la rappelle à l’ordre, du moins. Ah, ça y est, la star en avait eu assez et c’est à son tour d’entrer en piste. La blonde se dirige donc vers la loge pour une retouche maquillage et ce n’est que quelques minutes plus tard qu’on frappe à la porte. L’expert en serpents de tout à l’heure entre alors en traînant derrière lui tout son matériel. Dont une perche.

« Salut ! Oui, c’est moi. Ravie de faire votre connaissance. »

Corallus caninus. Un nom qu’elle aurait très certainement oublié d’ici une poignée de minutes mais qui lui évoque pour l’instant un machin avec des très grandes dents. Il lui demande ensuite ce qu’elle connaît déjà des serpents.

« Par chez moi, on est habitués aux serpents à sonnette mais c’est à près tout. »

Qu’elle dit avec son accent Texan à couper au couteau. Elle avait déjà tourné avec des requins, des panthères mais encore jamais avec des serpents. Puis le blondinet lui demande s’il peut la tutoyer. Question qui la fait toujours sourire parce que ce n’est pas comme si elle était une star de toute façon.

« Oui, bien sûr. Je préfère, même. »

Les éviter, oui bien sûr, c’est très précisément ce qu’elle veut dire. Il y en a toujours pour s’amuser à les chasser mais, et bien qu’elle ait toujours été une risque-tout, même gamine, pas Vesper. C’est un coup à se faire mordre et à devoir filer le plus rapidement possible aux urgences, à moins de vouloir y rester. Quand vous grandissez au Texas, on vous apprend très tôt à vous en méfier et à les repérer, cependant, il n’y a pas toujours besoin si vous bossez dans un ranch car il n’existe rien au monde que les chevaux aiment moins que les serpents et ils les sentent venir de loin. La blonde fait donc la moue en hochant la tête avant d’hausser les épaules.

« Exactement. On m’a jamais vraiment appris à les manipuler. »

Sans savoir si c’est vraiment une bonne idée. A moins qu’on leur ait retiré leurs crochets. Ou encore de les manipuler avec des protections, un peu comme tout ce qui est rapaces. Bon okay, les rapaces c’est tout de même moins dangereux mais leurs serres peuvent tout de même salement vous blesser si on n’y prend pas garde. Enfin bref, tout ça pour dire que la blonde sourit à Siegfried en l’entendant expliquer que lui aussi préfère. Pour d’autres raisons que les siennes, manifestement, puisqu’en ce qui la concerne, c’est juste qu’elle a toujours trouvé que ça faisait vieux cons – et qu’elle commence à se faire vieille d’accord, mais elle n’est pas encore conne -, mais l’essentiel, c’est que ça leur convienne à tous les deux.

Puis le jeune homme attrape une chaise pour se placer à sa hauteur et mieux lui expliquer ce qu’il faut faire. Bien se laver les mains, d’accord, la texane tâcherait de s’en souvenir étant donné que c’est dans son intérêt. Et ne pas avoir peur. A la tête de Siegfried, elle comprend qu’il pense lui demander la lune mais il n’a pas à faire à une de ces chochottes d’actrices qui flippe pour un rien, non, dans son boulot, il valait mieux ne jamais avoir peur car la peur vous empêche d’agir et ça serait ballot de dire adieu à son job et surtout aux diverses primes de risque qui l’accompagnent juste parce qu’elle n’a pas osé faire quelque chose.

« Aucun souci pour ça : je sais que je suis entre de bonnes mains. Au pire, qu’est-ce que je risque ? »

Et qu’il ne s’affole pas, surtout, si elle pose la question, c’est juste à titre informatif, elle ne va pas se mettre à paniquer pour autant.

Quand un expert en serpents vous annonce que même lui ne se risquerait pas à manipuler un certain type de rampants, vous savez que vous avez bien fait de vous en tenir aussi éloigné que possible toute votre vie. Vesper lui répond donc par un sourire entendu avant de le voir virer au rouge, sans doute à cause de la remarque qu’elle vient de lui faire. Ce qui renforce un brin cette impression de timidité émanant de Siegfried et lui donne un air mignon aux yeux de la blonde. Les voici donc en train de discuter des risques, histoire qu’elle se fasse une idée. Pour le reste de ses cascades, il n’y avait pas vraiment besoin de poser la question ; les risques étaient souvent assez clairs : se rompre le cou, se prendre un moteur sur les genoux, finir en cendres… et ainsi de suite, à force, la texane n’y pensait même plus, son heure arriverait quand elle arriverait de toute manière, inutile de s’éterniser là-dessus. Mais dans le cas des serpents, elle préférait savoir dans quoi elle mettait les pieds. Elle rit à l’évocation de l’oisillon. Ah ça, c’est sûr qu’elle n’en était pas un. Pour le reste, ça s’apparentait plus à la morsure d’un chat et celle d’un chien, selon Siegfried. Bon. C’est rarement agréable mais on n’en meurt pas, elle gérerait très bien la situation.

« Super, ça va sûrement être mon job le plus reposant depuis un bail. »

Façon de parler puisque ça faisait un an qu’elle avait quitté Hollywood maintenant et que, les rôles qu’elle parvenait à dégoter ne lui provoquaient certainement pas la même poussée d’adrénaline que celle qu’elle avait pu connaître sur ses plus grands films. Voilà ce que c’est de vieillir et de vouloir se poser un peu. Parfois on en vient à le regretter. Même si c’est nécessaire.

« Mais je te rassure tout de suite, ce n’est pas pour autant que je vais le prendre à la légère. »

Ce n’est clairement pas son genre, justement parce qu’elle est toujours très consciente des dangers auxquels elle s’expose juste que dans le cas présent, les dangers sont moins grands lors elle peut bien se permettre de se relaxer un tout petit peu. D’autant que, comme dit précédemment, cette fois au moins, elle est entre de bonnes mains. Ce qui n’est bien sûr pas toujours le cas.

Décidément, le mot qui revient le plus souvent à l’esprit de Vesper à mesure qu’elle parle avec Siegfried, c’est « mignon ». D’autres pourraient le trouver bizarre notamment à cause de ses emprunts sauvages, bien qu’ils n’auraient de toute évidence pas les balls de le faire remarquer. A moins que ça soit la décence qui entre en ligne de compte, elle ne saurait dire. Toujours est-il que pour elle pas, Siegfried a l’air des plus passionnés et c’est tout à son honneur. Et puis, inutile de le nier, son petit air admiratif lui plaît bien aussi. Pas que ça soit rare ; en général, son métier suscite toujours un peu d’admiration mais plus que rarement sur son lieu de travail. La texane lui offre donc un sourire radieux accompagné d’un petit hochement de tête ; ça lui fait plaisir d’apprendre qu’il a déjà plus ou moins réussi à la cerner et se doute bien qu’elle restera professionnelle. Puis il se lève et Vesper comprend que le moment est venu de s’entraîner. Un entraînement bien différent de ceux qu’elle a l’habitude de suivre mais ce n’est pas pour lui déplaire. Et puis ça ferait une corde supplémentaire à son arc et ça, ce n’est jamais négligeable.

Elle l’imite donc et vient se placer à ses côtés avant de se laver les mains à son tour. Puis elle le regarde faire en écoutant attentivement ses conseils. Ce qu’on lui demande, en fin de compte, c’est de faire comme si ce serpent était son meilleur pote depuis toujours. Et c’est logique en soi, les animaux ressentent la peur et même l’appréhension, c’est pareil avec les chevaux. Au final, sa seule crainte serait de ne pas lui faire de mal car évidemment, elle a de la poigne. Bien qu’elle soit également capable de douceur quand la situation l’exige. Et elle ne l’exigerait sans doute jamais plus qu’en cet instant. Puis, après avoir fait montre d’une véritable adoration pour ces bestioles, il lui demande si elle se sent d’essayer et un sourire étire de nouveau ses lèvres.

« Allons-y ! »

Sans la moindre hésitation, elle se saisit à son tour du serpent avec beaucoup de précautions et prenant bien garde de ne pas trop s’approcher de sa tête ; ça lui rappelait la toute première fois qu’elle avait pris l’aînée de ses nièces dans ses bras, elle aussi, elle avait un peu craint de la casser mais ça s’était bien passé.

« Comme ça ? »

La blonde prend alors conscience qu’un serpent n’a rien de visqueux comme on a souvent tendance à le croire, c’est même bien plus agréable au toucher que ce qu’on pourrait se figurer.

Toujours dans le sens des écailles. Dans le fond, c’est un peu comme les chiens qu’il ne faut pas caresser à rebrousse-poil apparemment. Et si Vesper ne voyait pas bien pourquoi c’était le cas dans celui des chiens – possiblement une rumeur sans fondement de plus, ça mériterait peut-être de se pencher sur la question -, elle comprenait parfaitement le pourquoi du comment dans celui des serpents. Ou si elle ne le comprend alors disons en tout cas que ça fait sens, selon elle, les écailles ne sont pas des poils soyeux, voilà tout. Bref, la blonde range cette information dans un coin bien éclairé de sa tête pour la retrouver facilement si besoin et tâche donc faire copain-copine avec la bestiole qui ondule présentement sur son bras, histoire de pouvoir jouer correctement quand le moment serait venu. De son côté, Siegfried a l’air satisfait et ça lui fait bien évidemment plaisir ; c’est qu’elle sait pertinemment à quel point les acteurs peuvent être pénibles et capricieux alors elle s’efforce de leur ressembler le moins possible. Ce qui rend la tâche plus aisée à tout le monde, au final. C’est ainsi qu’elle obtient l’autorisation de se balader un peu, à condition de rester à portée de lampe chauffante – improvisée pour l’occasion. Une chance pour ces petites bêtes qu’avec l’intensité des spots, il fait toujours une chaleur infernale sur les tournages. Mais beaucoup moins dans les loges.

« Qu’est-ce qui se passe s’il attrape froid ? Il tombe malade ? »

La question peut paraître un brin idiote mais le fait est que Vesper ne s’est jamais posé la question et encore moins de savoir si les serpents sont des créatures fragiles. Ça ne l’étonnerait pas, au fond. Bien qu’ils représentent une menace pour beaucoup de monde, ils sont peut-être des plus fragiles. La texane hoche la tête lorsque Siegfried lui propose de passer à l’autre serpent étant donné qu’elle s’en sort plutôt pas mal avec celui-ci.

« Encore une minute ou deux et puis on pourra passer au suivant. »

C’est qu’il n’était pas question de trop les traumatiser non plus, en bonne hippie qu’elle est, Vesper est contre les maltraitances animales quelles qu’elles soient. Puis ils en viennent à discuter d’autre chose et, comme souvent lorsqu’elle évoque leur ranch, son visage s’illumine.

« Oui, ma famille a un ranch alors j’ai grandi entourée de chevaux de toutes sortes. Et toi alors, comment t’es venue cette passion pour les serpents ? »

Ainsi, les serpents peuvent également attraper froid. Ce qui a du sens évidemment, ça doit être probablement le cas d’absolument tous les animaux, sans compter qu’on trouve plus facilement ceux-ci dans des endroits où il fait plus chaud. Et par forcément plus humide, sinon il n’y en aurait pas chez elle. Mais apparemment, tomber malade pour un serpent, ça prend beaucoup de temps. Pour s’en remettre aussi, d’ailleurs. C’est bon à savoir, surtout savoir qu’ils ne risquaient pas de tomber malades en les manipulant l’espace de quelques heures. Voilà qui lui ôte un poids, à Vesper. Non, ce qu’ils risquent en l’occurrence, c’est que se retrouver privé de chaleur même sur une courte période de temps ne déplaise à l’animal et qu’il se montre alors moins coopératif qu’actuellement. Bon, voilà un risque que la texane n’a pas envie de prendre et elle démontre d’un hochement de tête qu’elle a bien compris. Siegfried la laisse donc manipuler le serpent pendant encore une minute ou deux, comme elle le lui a demandé et lui demande s’il peut prendre quelques bonbons en désignant la table où sont placées deux ou trois choses à grignoter ainsi qu’à boire.

« Je t’en prie, sers-toi. »

C’est bien évidemment de trop pour elle toute seule alors elle est plutôt contente de partager, ça fera ça en moins de gaspillé. Puis ils en viennent ensuite à parler de sa relation avec les animaux et plus particulièrement avec les chevaux puisqu’il s’agit là de la spécialité des Walker. Si c’est chouette de grandir si bien entourée ? Mais c’est bien plus que ça ; les chevaux ont ce don miraculeux de vous apaiser, quelles que soient les circonstances. Selon la blonde, il n’existe pas de meilleur animal auprès duquel grandir. Même si elle les aime tous, évidemment, sa préférence va néanmoins aux chevaux.

« Tu l’as dit. Et puis c’est un peu à eux que je dois ma carrière. »

En effet, pas sûr qu’elle se soit lancée dans les cascades si elle n’avait pas commencé par de la voltige. En dehors de sa famille, à l’évidence, c’est ce qui lui manque le plus du Texas. Puis elle s’enquiert de comment on en vient à cette adoration pour les serpents. C’est curieux, surtout si on pense qu’il n’y en a pas à l’état sauvage que ça soit ici ou… quelque part dans le nord de l’Europe ? A en juger par le prénom de Siegfried. Il explique donc que pour lui, ça a toujours été une évidence.

« C’est fou. Qu’est-ce qui t’a plu chez eux au départ ? »

Qu'elle demande en reposant l'animal. Parce que bon, les serpents, c’est un peu comme les araignées, du prime abord, ça a l’air méchant bien que ça ne le soit pas forcément.

Occupé. Un petit sourire étire les lèvres de Vesper en entendant l’explication de Siegfried. Oui, c’est le moins qu’on puisse dire ; elle a vu une partie de ses aventures sur le plateau et n’a donc pas besoin de plus d’explications pour comprendre ce qu’il veut dire par-là. De toute manière, elle ne fait pas partie de la flicaille sur ce tournage alors il peut bien s’occuper comme il le souhaite, ce n’est pas elle qui viendra lui faire la morale. La blonde se contente donc d’un petit hochement de tête entendu et se met ensuite à parler de son autre passion. Qui est étroitement liée à celle des cascades, si on regarde bien. Chose que peut de gens prennent la peine de faire mais elle ne leur en veut pas, c’est qu’elle se garde généralement de trop parler de sa famille ou même de l’endroit d’où elle vient. Nouveau hochement de tête de sa part.

« On fait pas mal de rodéo dans la famille. »

Ce qui est euphémisme en réalité puisque le rodéo pour les Walker, c’est en quelques sortes une religion. Il faut dire que le rodéo n’est pas une pratique des plus féminines alors forcément, les Walker aiment à démontrer qu’elles peuvent aussi douée, si ce n’est plus, que les hommes pour rester en selle. Enfin bref, elle se demande pendant une fraction si elle n’en a déjà pas trop dit : le Texas, le ranch, le rodéo… mais non, tout va bien car les cow-boys qui possèdent un ranch et font du rodéo au Texas, ils sont légion, inutile de paniquer pour si peu.

Toujours est-il que la texane préfère s’enquérir du point de départ d’une passion pour les serpents. Pas qu’elle trouve ça bizarre mais elle cherche à comprendre, tout simplement. Ça l’intrigue de savoir pourquoi ces petites – enfin, pas toutes – bestioles et pas d’autres. Sûrement à cause du Livre de la Jungle, Vesper parvient à comprendre qu’on puisse s’émerveiller de leur façon de se mouvoir, elle trouve que ça a un petit côté hypnotique en ce qui la concerne. Ce qui doit être également aussi le cas du miroitement de la lumière sur leurs écailles. Elle aussi pourrait sans doute trouver ça fascinant si on ne lui avait pas d’abord appris à les craindre et à les fuir. Sur ce point précis, elle ne peut donc que croire Siegfried lorsqu’il affirme qu’il s’agit d’animaux qui se laissent observer sans rien demander en contrepartie.

« Je comprends, ils t’ont toujours fasciné, alors. »

Très intéressant, tout ça. Vesper repose alors le serpent qu’elle tenait en mains de la même façon qu’elle l’a attrapé et se prépare pour la suite.