Vesperied | dealing with snakes

Vesper pouffe un peu en entendant que, de son côté, son expérience avec sa famille avait été beaucoup moins « idéale ». Disons qu’avoir peur de quelque chose de potentiellement mortel, c’est une réaction saine. Alors qu’encourager des enfants dans ce sens l’est un peu moins. En tout cas, c’est comme ça qu’elle voit les choses. Mais les Walker ne sont pas tout le monde et ce qui est censé être sain ou normal, elles s’asseyent littéralement dessus pour quand même faire ce qu’elles veulent. Voilà comment ça fonctionne chez elle.

« Oh, ça me paraît normal comme réaction, ils avaient seulement peur pour toi. »

Parce que dans le fond, aussi talentueux qu’on puisse l’être dans son domaine, un accident est vite, trop vite arrivé. C’est pareil pour le rodéo. Puis elle réfléchit à l’âge qu’elle devait lorsqu’elle avait commencé l’entraînement. Ce qui est sûr, c’est qu’elle était jeune.

« Hum, peut-être sept ou huit ans. »

D’abord sur des taureaux mécaniques réglés à une puissance minimum et puis on grimpe les échelons. Mais pour en revenir à Siegfried et son amour des serpents, il confirme plus ou moins ses dires, à savoir que ces animaux l’ont toujours fasciné, même avant d’un avoir un. Voilà autre chose qui n’a pas dû être simple vis-à-vis de sa famille : le fait d’accepter un serpent sous leur toit, bien que Vesper ne puisse que l’imaginer.

Puis elle repose le serpent qu’elle tenait en mains jusqu’alors prête à passer à la suite en n’oubliant de se nettoyer les mains une fois de plus.

« C’est parti ! »

Une fois de plus, la texane écoute sagement les indications du jeune homme. Celui-ci est plus imposant donc il vaut mieux commencer par le prendre à deux. D’accord. Plus grand veut souvent dire plus impressionnant mais si on prend le cas des chiens, par exemple, plus ils sont grands, moins ils sont méchants. Ça, c’est ce qu’elle avait pu constater ; c’est juste que s’ils vous mordent, ça fait plus de dégâts que les petits, fatalement. Peut-être en va-t-il de même pour les serpents ? Voilà une question qui lui traversait l’esprit et qu’elle pouvait poser étant donné qu’elle a affaire à un expert. Mais avant ça, elle commence par hocher la tête pour signaler qu’elle a compris.

« Est-ce qu’il existe des gros serpents qui sont aussi venimeux ou bien c’est réservé qu’aux petits ? »

Une fois de plus, ça la fait sourire d’apprendre que le père de Siegfried est toujours resté plutôt réticent alors que sa mère non. Dans son esprit, et sans doute parce que la sienne est très différente, c’est ainsi que devraient se comporter toutes les mères, en soutenant à cent pour cent les projets de leur progéniture. Si ç’avait été effectivement le cas de sa propre mère du temps où elle s’était lancée dans le rodéo, la blonde avait quelque peu déchanté en voyant la tête de six pieds de long qu’elle avait tiré quand elle avait appris que finalement, c’étaient les cascades qu’elle préférait. Maintenant elle comprend un peu mieux mais il lui en a fallu du temps avant d’en arriver là, c’est le moins qu’on puisse dire. Bref, ce qui la fait rire c’est d’imagine un petit Siegfried pas très dégourdi à l’âge où elle avait commencé les entraînements. Souvent elle en arrive à la conclusion qu’elle n’a pas vraiment de mérite, que ça coule dans ses veines depuis toujours, qu’elle y était peut-être même – sûrement - prédestinée.

« Encore heureux que tous les enfants ne sont pas aussi turbulents que j’ai pu l’être. »

Et qu’elle l’est toujours mais peut-être dans une moindre mesure. Ou disons dans un environnement un rien plus safe.

La texane lui pose ensuite sa nouvelle question au sujet des serpents et voit une fois de plus que ça ne le dérange. Bien au contraire, le jeune homme a l’air plutôt ravi de pouvoir éclairer sa lanterne à ce sujet. C’est que c’est fascinant, qui plus est. Dans sa tête – allez savoir pourquoi -, il n’y avait que les petits serpents qui étaient venimeux. Pourtant, il lui semble que l’un des plus venimeux est le cobra – mais peut-être cette information est-elle fausse, elle aussi - or il n’est pas si petit que ça mais tout est relatif, ce qu’elle entend par grands serpents c’est comme celui qu’on s’apprête à lui mettre entre les mains. Une bestiole assez lourde, en somme. C’est alors que Siegfried se met à parler du mamba noir. Ah, ça elle connaît ! Et pas uniquement parce que c’est le nom que donne certains types douteux à leur engin, non, mais parce que c’est un serpent qu’on a déjà utilisé sur un de ses films. Un avec Uma Thurman dans le rôle principal, en combinaison jaune.

« Ah, le fameux black mamba ! C’en était un vrai dans Kill Bill ou pas ? »

C’est le moment de se renseigner ou jamais étant donné que cette scène précise ne l’avait pas concernée, elle n’était pas la doubleuse cascade de Daryl Hannah. Puis il est temps de se remettre au boulot et le jeune homme lui pose délicatement le serpent dans les bras. Plus lourd, moins réactif. Du moins semble-t-il. Vesper se sent un peu moins à l’aise, peut-être un rien plus crispée, sûrement parce qu’elle a un peu l’impression d’être un porte-manteau mais bon, on ne lui demandait pas de jongler avec non plus, heureusement.

« Ça a l’air d’aller. »

Un tout petit peu moins sûre d’elle parce que forcément plus encombrant mais ça devrait quand même le faire.

Une chose est sûre, c’est que Vesper aura appris des tas de trucs aujourd’hui. Et qui lui serviront sûrement plus tard car ce n’est probablement pas la dernière fois qu’on l’appelle pour prendre la place d’une actrice qui a la phobie des serpents. Bien qu’elle n’en connaisse pas le terme exact, elle sait que c’est au moins aussi courant que l’arachnophobie ou encore la peur des clowns. Sauf que contrairement à la peur des clowns, celle des deux bestioles susnommées est bien plus justifiée. A son sens en tout cas car même après avoir fait des recherches, la texane n’a jamais bien compris comment on pouvait être terrorisé par les clowns. Mais ça, c’est peut-être parce qu’elle vient du Texas et qu’au Texas, tout ce qui peut potentiellement faire peur, on lui tire dessus. A moins qu’il ne s’agisse de sa propre mère, bien entendu. D’ailleurs, il n’y a pas que la sienne qui fait peur là-bas, ça semble être quelque chose d’assez récurrent. Mais soit, là n’est pas le sujet, le sujet ce sont les serpents. Je dirais même plus : les serpents au cinéma. Pour une fois qu’elle a un expert plutôt cool sous la main, la blonde en profite pour lui poser toutes les questions qui lui traversent l’esprit. Notamment celles concernant un film sur lequel elle a bossé par le passé. Vesper écoute donc, fascinée. Même si ça ne lui sert plus comme info elle aime tout de même enrichir sa propre culture. Et elle n’aurait jamais cru qu’une morsure de serpent pouvait se différencier d’une autre. Si ce n’est par la taille de la mâchoire, évidemment.

« Je vois, j’imagine qu’on peut dire que c’est plus ou moins excusable comme erreur, alors. »

Voire même acceptable mais ça, c’était son point de vue de personne qui n’y connaît rien, celui de Siegfried doit différer.

Puis il est temps de se remettre au travail et Vesper se retrouve avec un boa dans les bras. On n’ira pas jusqu’à dire qu’elle est gauche avec mais le manipuler est un rien plus compliqué qu’en ce qui concernait le serpent précédent. Raison pour laquelle Siegfried lui donne des conseils. Histoire qu’elle ait l’air d’en avoir plus l’habitude que ce n’est réellement le cas. Elle hoche la tête en signe d’assentiment et fait donc ce qu’il lui suggère avant de proposer à son tour :

« Je pourrais peut-être le faire passer sur mes épaules façon Britney Spears ? Ou bien c’est tenter le diable ? »

Un petit sourire fier se dessine sur les lèvres de la cascadeuse lorsqu’il lui demande si elle a travaillé sur ce film. Les années où elle avait doublé Uma Thurman avaient été les plus intéressantes de sa carrière. Et même si, rétrospectivement, bosser avec Tarantino avait grandement perdu de son prestige, notamment à cause de ses affiliations, il n’en restait pas moins qu’à l’époque, la blonde avait trouvé ça vraiment cool. Et puis pour être tout à fait honnête, les tournages de Tarantino n’étaient pas les pires ; c’était malheureusement la norme à Hollywood autrefois. Mais soit, on ne va pas refaire le monde. Petit hochement de tête avant de poursuivre :

« Oui et puis j’ai doublé Uma Thurman plusieurs fois par la suite. »

Ce nom devrait lui dire quelque chose. Elle pourrait aller jusqu’à lui confier qu’elle et Zoë Bell, une autre cascadeuse néo-zélandaise de renom, étaient très copines mais quelque chose lui disait que ce nom passerait totalement inaperçu en revanche. Et c’est bien naturel. Après tout, les cascadeurs sont des techniciens avant d’être des acteurs. D’ailleurs, puisqu’on parle technique, c’est à Siegfried de se montrer un peu curieux à ce sujet. On peut le dire : Vesper est contente qu’on ne lui pose pas la question habituelle, à savoir « ça ne te fait rien de rester dans l’ombre ? ». Non, ça ne lui fait rien, ça fait partie du métier.

« Ah ça, je peux te dire qu’on fait tous très attention à ne pas la recommencer autant de fois, cette scène. L’erreur est à peine tolérée quand on tourne une scène d’action. D’abord parce qu’on se met nous-même en danger mais aussi tout le reste de l’équipe, dans une moindre mesure. C’est pour cette raison que certaines erreurs sont parfois gardées au montage. »

Elle pense notamment à ce cascadeur de Mad Max qui se prend une moto dans la tête ou des matelas visibles à l’écran lors des scènes d’action de Mission: Impossible. Et sûrement beaucoup d’autres encore.

Quoi qu’il en soit, la remarque du jeune homme concernant la morsure du Black Mamba dans Kill Bill la fait pouffer. Ça change d’avoir l’avis d’un professionnel. Et elle se doute bien que très rares doivent être les personnes qui ont remarqué ça. Soit, il a l’air surpris lorsqu’elle lui demande la permission de se la jouer Britney Spears mais pas contre cette idée. Faisant preuve de pas mal de délicatesse, elle fait donc passer le boa sur ses épaules, allant même jusqu’à imiter la voix nasillarde de la chanteuse parce qu’après tout, ce n’est pas parce qu’on est professionnels qu’on doit être coincés.

« Et voilà. Il a l’air pas mal perché là-haut, qu’est-ce que t’en dis ? Il risque pas de trop prendre ses aises et d’essayer de m’étrangler ? »

Question pour la forme parce qu’elle n’a pas de réelles craintes à ce sujet.