Искры (imrân)

Piotr observait la réaction de Max, détaillant chacun de ses gestes, de son silence et aussi de son regard fuyant. La flèche qu'il venait de tirer venait de lui transpercer le cœur, et ça n'était pas beau ni agréable à voir pour lui, même s'il était le chasseur. Quand il bu sa gorgée, et que son regard, horriblement noir le figea sur place, Piotr se raidit sur sa banquette. Il n'aimait pas voir son petit ami dans cet état et encore moins par sa faute. C'était pas quelque chose qu'il souhaitait, mais Piotr se sentait pris au piège. Dans ces circonstances, un personne se sentant piégée pouvait réagir de n'importe quelle manière, pas forcément la plus intelligente soit-il en passant. Il capta l'ironie, le rire jaune de son amant et il se pinça ses lèvres en posant son regard doux sur lui. Très vite, son petit ami voulu savoir ce qu'il s'était passé entre eux, Piotr, sur la défensive, recula pour coller le dossier de sa banquette, instaurant une distance entre eux. Imrân avait donc si peu confiance en lui ? Il le soupçonnait de pouvoir coucher avec une nana ? Vraiment ? Et au delà de ça, il pensait vraiment que ça pouvait apporter un quelconque risque à leur histoire ? Pour Piotr, c'était le signe que Maximoff ne croyait pas en leur couple, en leur force, en lui. Et ça, ça faisait mal. Le regard de Piotr devint plus dur, piqué au vif à son tour. « On s'est juste embrassé » en russe bien entendu, afin que personne ne puisse les comprendre. « Mais j'suis ravi de voir à quel point tu me fais confiance » lança t-il en affrontant le regard de son petit ami. « Tu crois si peu en nous Max ? » demanda t-il à son tour. L'égo, l'orgueil de son jeune âge impulsif, sûrement. Piotr avait fait croire à Aela qu'il était puceau et que dans son pays, on ne couchait pas comme ça. Ca avait été son excuse pour justifier le fait qu'il ne couche pas avec elle et elle semblait d'accord avec ça, même si elle ne se privait pas de lui faire connaître sa frustration. Piotr ignorait d'ailleurs qu'elle allait voir ailleurs pour combler ce manque. Mais il n'allait pas tout expliquer à Max, il n'en avait pas envie. Son petit ami le décevait presque autant qu'il devait le décevoir. Il n'aurait jamais pu lui cacher ça, parce que pour lui, leur couple est bien plus fort que ça, mais apparemment, ce sentiment n'était pas partagé. Finalement, Imrân commença à rager et le bruit de son verre sur la table attira tous les regards sur eux. Piotr le fixait, et il se rapprocha par dessus la table en le coupant dans ses paroles, d'une voix basse « calmes-toi » serrant les dents. Inutile d'attirer l'attention sur eux. Vraiment c'était pas quelque chose que Piotr aimait, bien au contraire. « Tu comprends que j'fais ça pour nous protéger tous les deux ? » balança t-il en russe en se désignant du doigt, avant de désigner son amant face à lui. Les yeux dans les siens, il continua « si tu veux qu'on se fasse à nouveau péter la gueule dis le moi hein, ça peut s'faire très vite » dit-il en ouvrant ses bras comme pour désigner que le monde entier était contre eux, à chaque instant.

Si les rôles avaient été inversés, comment aurait-il réagit ? Piotr serait de mauvaise foi, sûrement, en répondant à cette question. Bien sûr qu'il allait se dédouaner, qu'il allait trouver la meilleure des réactions possibles à avoir s'il était à la place de Max. Seulement, il savait aussi qu'il n'aurait pas aimé cela. Qu'il aurait insisté pour qu'il n'y ait rien de physique entre les deux, et qu'il aurait sûrement réagit comme son petit ami. Ou peut-être que non, finalement, il aurait comprit la réelle raison ? Il l'ignorait. Alors en guise de réponse, il baissa les yeux vers sa bière et en bu une longue gorgée. Maximoff buvait bien plus vite que lui et quand le bruit de sa pinte vint s'entrechoquer du bois de la table, trop fortement au goût du plus jeune, son regard se fit plus dur. Imrân parla des semaines qui suivirent l'agression, du silence de son petit ami après elle et de son départ rapide dès qu'il pu tenir debout. Tout en se approchant de lui, Maximoff lui demanda alors de lui expliquer ce choix, de l'aider à comprendre. Piotr sentait son cœur battre fort dans sa poitrine. Il détestait se disputer avec Imrân et surtout, il n'était pas habitué à cela. Tout avait toujours été si simple, si naturel, si cool avant ce fameux soir... et depuis, tout avait changé. Il n'y avait plus rien de pareil. Piotr se sentait agressé, malmené et il n'aimait pas ça. Il n'aimait pas la tournure que la discussion prenait et en même temps, comment aurait-elle pu être différente ? Ils n'avaient jamais abordé le sujet de l'agression, ils n'avaient jamais parlé de ça. Parce que Maximoff ne se souvenait de rien et que pour Piotr, c'était la plus belle chose qui puisse résoudre de cette nuit-là. Un seul traumatisé suffisait largement. Sa main tenant sa pinte, sentant le froid de la bière à travers le verre, ses yeux ne parvenaient pas à se défaire du liquide ambré, légèrement mousseux. « Je... » comment expliquer son raisonnement ? Pour lui, ça semblait si clair, si logique, si normal d'avoir pensé à jouer au petit hétéro pour éviter tous les soupçons que de devoir l'expliquer... ça lui faisait bizarre. Alors en russe, il essaya quand même d'expliquer, tout en enfonçant son regard dans celui d'Imrân, toujours depuis le fond de la banquette. « En étant en couple avec elle, ou même une autre, ça évite aux gens de se poser des questions, d'avoir des doutes, d'imaginer des trucs... » il marqua une pause. « Comment ces types, là-bas, ont pu l'savoir ? » demanda t-il presque agressivement. « On s'est jamais embrassé en public, ou alors c'était dans la foule pendant les soirées trance » et là, il attendait que son petit ami valide ce souvenir. « On s'est jamais montré de l'affection en public et on n'est pas des tapettes, alors vas-y explique moi comment ils ont su qu'on était gay ? » demanda t-il en serrant les dents. « On était tout le temps ensemble, on passait tout notre putain de temps ensemble et aucun des deux n'avait une meuf... j'pense que la déduction est claire, non ? » parce que ouais, Piotr reste russe. Et que sa mentalité et sa façon de penser ne sont pas si différentes des mecs qui avaient cherché à les tuer ce soir-là. « En étant avec une meuf, j'te protège, y'a une toute petite chance pour que ça n'arrive plus et j'vais t'dire, si c'est à faire et à refaire, je le ferai encore et encore, c'est clair ? » et là, il sentait la colère l'envahir. La colère de cette agression qui ne l'avait jamais quitté, la colère de cette situation, la colère après lui, après Max qui faisait genre qu'il ne comprenait rien. Putain, c'était pas si catastrophique quand même, c'était pour le protéger lui, pour les protéger eux, pour éviter que ce soir là ne se reproduise encore une fois, ici ou ailleurs. Parce que clairement, Piotr n'était pas prêt à revivre ça. Il ne le pourrait jamais.

Imrân avait tord sur toute la ligne, Piotr n'avait jamais vu aussi loin dans sa machination. Il n'avait pensé qu'à l'instant, il n'avait même pas pensé à ce fameux jour où Maximoff serait là lui aussi. Piotr n'avait jamais prévu de faire sa vie avec une femme, en tous cas, pas depuis qu'il avait croisé la route de Max. Alors non, il ne rêvait pas d'une double vie, son père l'avait fait et il ne voulait pas de cela pour lui et sa propre famille. Enfin famille... il n'aurait jamais d'enfant, parce qu'il aimait Max. En écoutant Maximoff parler, il se senti agacé. Parce que son amant s'était imaginé bien des scénarios, mais aucun n'était le bon. Il imaginait le pire, il voyait Piotr comme un monstre. A aucun moment il avait dit qu'il comprenait sa décision, son choix, même si cela était difficile pour lui. Comme si Piotr n'était qu'un imbécile. Le plus jeune n'avait pas levé ses yeux vers son petit ami, jusqu'à ce que ce dernier l'appelle par ce surnom affectif. Là, il avait croisé son regard. Un regard rempli de tristesse, rempli de douleur, rempli d'angoisse quant à l'avenir. Son cœur se brisa dans sa poitrine. Est-ce qu'à ce moment-là dans leur vie, il ne valait pas plus que ces deux types qui leur avaient tout prit ce soir là ? Il était en train de lui faire du mal, volontairement. Il était en train de lui faire du mal, par une décision qu'il avait prise en pleine conscience. Il était en train de le torturer, de lui briser le cœur comme il avait voulu lui briser le crâne sur ce trottoir. Il était en train de le tuer, de l'anéantir, de le brider, de le cacher. Et soudain, la rage s'empara de lui. Sa cuisse se mit à sautiller sur elle-même, nerveusement, sous la table. Ses dents se serrèrent, sa mâchoire se contractait, son regard devint dur, alors qu'il fixait sa bière, qu'il tenait sur la table. « Tu sais très bien que c'est pas c'que j'veux » grogna t-il entre ses dents, en russe. « C'est pas c'que j'veux et c'que j'veux j'ai pas l'impression qu'on puisse y avoir droit, tu l'comprends ça ou tu fais genre que tu ne comprends rien ? » s'énerva t-il. « C'est pas moi l'monstre, c'est clair ? » dit-il les dents serrées. « J'en ai marre, j'suis fatigué, j'ai l'impression de porter notre couple à bout de bras, tu m'dis que si j'suis parti y'a un an c'est parce que j'ai fuis ? Tu m'fais passer pour un trou de cul ! Mais t'étais où toi ? T'es v'nu ? Est-ce que tu t'es bougé le cul pour nous ? T'aurai fait quoi de plus, hein ? » grogna t-il en ne se contrôlant pas vraiment. « Ca m'casse les couilles d'avoir à tout porter sur les épaules, tu l'comprends ça ? » alors que le brouhaha du bar recouvrait ses paroles. Il fit un bruit de bouche, apporta sa bière à ses lèvres et en bu presque un tiers, avant de poser la pinte sur la table à nouveau. « J'en ai rien à foutre des filles, d'Aela ou des autres ! Faut que j'te l'dise en quelle langue ? Tu remets sans arrêt mon amour pour toi en cause, c'est quoi le problème ? » parce qu'il avait l'impression depuis l'agression, qu'Imrân ne croyait clairement plus en eux, et que ça avait ça, la vraie raison de son non-départ de russie. « J'arrête pas de te le dire : j'ai besoin de temps, j'ai besoin d'avoir du PUTAIN DE TEMPS » cria t-il alors, avant de se reprendre et de fixer sa bière. En fait, il n'avait plus aucune envie d'être là, d'avoir cette discussion ici, où ils ne pouvaient même pas parler. « Faut que j'aille fumer » lança t-il alors en se tournant vers la sortie de sa banquette, cherchant ses clopes dans les poches de sa veste. Il en glissa une entre ses lèvres, tandis qu'il s'échappait pour rejoindre les portes du bar, nerveux et énervé.

Piotr traversa la foule qui remplissait le bar, non sans mal, jusqu'à atteindre les portes de la sortie. L'air extérieur venant caresser sa chair lui fit du bien, tandis que la colère ne le quittait pas. Il avait la sensation que cette discussion n'allait mener nul part, et pire que ça, qu'elle n'était qu'une infime partie de ce qu'ils avaient vraiment à se dire. Les deux amoureux semblaient en avoir gros sur le cœur, enfermés chacun de leur côté depuis plus d'un an. Piotr en avait marre de se manger des réflexions à tous vas. Cigarette coincée entre ses lèvres, il fit quelques pas devant le bar, évitant ainsi les gens qui étaient déjà là avant lui. Il chercha son briquet dans sa poche, allumant alors sa cigarette. La première bouffée toxique lui fit du bien, mais l'envie de fumer un joint se fit ressentir. Bien que Piotr ait arrêté les drogues lourdes, le cannabis était bien la seule drogue dont il ne parvenait pas à se défaire. Régulièrement, il se roulait un joint, histoire d'apaiser ses angoisses. Fumant sa clope, il fut par la suite rejoint par son petit ami. Le regard bas, la voix presque éteinte, il s'excusa. Ses excuses firent du bien au plus jeune des deux, qui ne répondit pas. Il n'avait pas envie de s'excuser pour ce qu'il avait dit à Max, même si ses paroles étaient dures. La fierté du jeune homme l'empêchait pour le moment de réaliser la dureté de ses paroles. Max proposa alors l'idée de rentrer à l'hôtel afin de continuer cette conversation, qu'ils ne pouvaient apparemment pas avoir ici, au milieu de ce bar. Et pour le coup, Piotr était assez d'accord avec son petit ami. Alors tout en tirant à nouveau sur sa clope, il hocha la tête pour accepter de rentrer à l'hôtel. Marchant l'un à côté de l'autre, les deux amoureux quittèrent ce pub. Le bruit de leurs pas sur le trottoir semblait prôner sur une potentielle discussion qu'ils auraient pu avoir ensemble durant le trajet. Au lieu de cela, Piotr resta muet, essayant de se calmer afin de pouvoir reprendre une discussion plus apaisée une fois à l'hôtel. Ils marchèrent donc silencieusement, et Piotr grilla clope sur clope tout le long du trajet, jusqu'à l'hôtel. Une fois arrivés, ils marchèrent jusqu'aux ascenseurs, en silence. Puis traversèrent les couloirs, atteignant enfin la chambre du plus âgé. Une fois à l'intérieur, Piotr pénétra dans la suite, se dirigeant vers la partie salon. Il se laissa tomber sur l'un des canapés, cherchant alors dans les poches internes de sa veste de quoi se rouler un joint. Il sorti son grinder, ses feuilles et ses clopes afin de commencer à rouler l'objet de ses désirs, toujours silencieux. Lui, il ne savait juste pas quoi dire, il avait la sensation que quoi qu'il dise, cela serait déplacé, ou douloureux pour Max. Alors il commença son collage, prépara son tonc et puis lécha sa cigarette afin de l'ouvrir pour y déposer son tabac, qu'il parsema des petites miettes vertes dont il semblait si friand.

Le trajet jusqu'à l'hôtel était entrelacé d'un silence sépulcrale. Le jeune Tsvetkov essayait de reprendre son calme, d'abandonner la colère et les mauvais sentiments qui se battaient en lui. Il essayait toujours de faire son mieux, et avoir la sensation que ce n'est pas assez, c'est difficile. Surtout quand cela concerne la personne que l'on aime. Alors marchant à côté de son petit ami, une main dans la poche de son pantalon, la clope au bec, il resta muet. Poussant les portes vitrées de l'hôtel où résidait Max, grimpant les quelques marches pour atteindre les ascenseurs, se posant dans le canapé pour y rouler son joint. Piotr avait besoin de fumer, besoin d'une pause dans cette conversation qui pour lui, n'avait ni queue, ni tête. Imrân ne semblait ni le comprendre, ni désireux de prendre un peu sur lui. Il voulait connaître les détails de cette nuit là, il voulait porter ce fardeau à deux, mais pour Piotr, ce n'était tout simplement pas envisageable. Il devait être le seul à souffrir de cette façon, il ne pouvait pas lui faire subir cela. Et de ce fait, il devait prendre des décisions qu'Imrân ne pouvait pas comprendre, dans l'intérêt de leur couple. Sauf que voilà, la jalousie, la colère, l'incompréhension lui faisaient dire des trucs qui faisait mal au plus jeune. Une fois le joint roulé, la voix de Maximoff se fit entendre dans la chambre, rompant alors le silence. Alors qu'Imrân essayait de calmer le jeu, de faire un pas, un effort, le plus jeune des russes s'était levé pour marcher vers la porte-fenêtre de la chambre. Tournant la poignée dorée, il ouvrit la fenêtre, sentant l'air frais nocturne venir caresser la peau de son visage. Posant le pied sur le balcon, Piotr laissa les portes ouvertes, pour entendre son petit ami ; tout en allumant son joint en réunissant ses mains devant son cône. Tirant une première bouffée sur le joint, forçant le papier enroulé à l'extrémité à s'embraser. La fumée pénétra entre ses lèvres, venant s'envoler et disparaître dès qu'il la recracha. Le plus jeune se tourna, posant le bas de son dos contre la rambarde en fer, face à la suite dont la porte-fenêtre était ouverte. Imrân parlait de leur couple, du fait qu'il ne voulait pas qu'ils se séparent, du fait qu'il voulait qu'ils soient heureux. Mais Piotr, il le savait déjà tout ça, ce n'était qu'une dispute, pas vrai ? A moins que ça ne soit plus sérieux que ça ? Il ne s'en était même pas rendu compte, parce que pour lui, c'était impossible qu'il quitte son amant, même si parfois il lui cassait les burnes et qu'il avait de lui en mettre une. « Moi aussi j'veux qu'on soit heureux » répondit simplement le brun, les yeux vers ses pieds, comme un enfant. « Mais j'ai l'impression que tu m'fais pas confiance, que tu doutes de moi, que... que quelque chose t'empêche d'avancer avec moi » lança t-il alors sincère. Ouais. Après l'agression subie en Russie, Piotr ne s'était pas posé la question de savoir si Imrân viendrait avec lui ou non, car pour lui : il partirait à ses côtés. Alors quand Max lui avait dit qu'il restait en Russie, Piotr avait vu ses certitudes se casser la gueule. Déjà que l'agression avait prit beaucoup... mais cette décision de Maximoff, Piotr ne l'avait pas comprise. Ils étaient si amoureux, si bien ensemble depuis cinq ans... comment Maximoff avait-il pu le laisser partir ? Prendre le risque que tout se termine ? Après tout, comment avait-il pu penser que leur relation durerait avec la distance pendant si longtemps ? Piotr s'était à nouveau senti abandonné et ça, il ne lui en avait jamais parlé. Parce qu'une partie de lui essayait de se convaincre, de se dire que c'était simplement lié à sa famille, à rien d'autre, et que non, Max ne ferait jamais ça. Pourtant, au fond de lui aussi, Piotr sentait que Maximoff n'était pas tout à fait prêt à se lancer avec lui, dans une relation sérieuse, stable et pérenne. Et que les décisions et le comportement de Piotr étaient parfaits pour prétexter que tout ceci ne venait que de lui. « Pourquoi t'es pas parti avec moi y'a un an ? J'ai... j'ai l'impression qu'il y a autre chose que ta famille, que... » il haussa les épaules, perçant l'horizon de son regard « que c'est qu'un prétexte pour cacher la véritable raison » il baissa les yeux, fumant sur son joint. « Comme si t'avais peur de nous, que t'étais pas prêt... » il marqua une pause. « Et quand j'ai cette sensation... » il chercha ses mots, avant de chercher son petit ami du regard « j'arrive pas à ne plus avoir peur non plus ».

Les impressions du plus jeune n'étaient donc pas si farfelues que cela. Alors qu'il fumait son joint, face à la fenêtre ouverte sur la suite qu'occupait Max, il pu le voir croiser les bras sur sa poitrine. Ce geste là, Max ne s'en rendait sûrement pas compte, mais il le faisait à chaque fois qu'il était mal à l'aise. C'était un truc que Piotr avait fini par observer et se rendre compte. Autant dire que la suite des choses n'allait sûrement pas lui plaire, mais soit. Les mots d'Imrân s'enchaînèrent les uns aux autres, et le discours qu'il commença à avoir ressembla à un pieu s'enfonçant lentement dans le cœur du Tsvetkov. Lentement, écartant ses chairs, transperçant sa peau, déchirant ses organes, faisant couler le sang chaud si sa peau désormais froide comme la mort. Ok. Alors il avait vu juste, il y avait bien autre chose qui perturbait Imrân, quelque chose qu'il ne lui avait jamais avoué en plus d'une année. Et ça, ça faisait mal. Ca faisait mal au plus jeune de constater qu'en fait, il ne connaissait pas si bien que ça son couple. Il avait toujours fait une confiance aveugle à Max, parce que ce dernier était bien plus stable, posé, sage et doux que lui. A l'époque de leurs quinze ans, Piotr n'était qu'un pauvre type. Perdu dans sa vie, abandonné par les siens, laissé à la dérive des déboires de la vie et de ses excès. Maximoff avait cette image rassurante, une image sécurisante sur laquelle on pouvait compter, s'identifier. Le plus âgé lui avait montré une autre voie, une autre façon de vivre, d'être heureux. Ils s'étaient trouvés en tant qu'ami, avant de constater qu'ils étaient en fait, des âmes sœurs. Piotr n'avait jamais douté de son amour pour lui, ni de la force de leur couple. Il s'était tout le temps senti comme le fauteur de trouble, celui qui ramène les ennuis, celui qui les créer, celui qui les perdure. Maximoff était toujours resté la figure de stabilité dans leur relation, un lien de confiance s'était créé autour de ça. Piotr n'avait jamais eu de raison de douter de la sincérité de Max, à aucun moment. Jamais cela ne lui était venu à l'esprit, sauf là, maintenant. Maximoff était en train de lui avouer que Piotr lui avait fait du mal, qu'il l'avait gardé pour lui, qu'il lui avait menti sur tout cela, depuis un an. Et durant tout ce temps là, Piotr s'était senti lui-même coupable. Coupable de quelque chose qu'ils détruisaient à deux. Et ça, il était sûrement temps que les deux jeunes gens s'en rendent compte. Piotr tira à nouveau sur son joint, n'ayant même pas le courage de relever les yeux vers son petit ami. Cet aveu là, paraissait anodin sans nul doute, mais à l'heure actuelle, il avait son importance. Comme la moindre des pierres qui avaient été utilisées pour construire ce mur entre eux, au fur et à mesure des jours et de la distance depuis un an. Il hocha simplement la tête en grognant légèrement « d'accord » en russe. Puis, il se tourna de son petit ami, posant ses avant-bras sur la balustrade du balcon. La vue depuis cette suite était magnifique, mais désormais, Piotr la voyait bien trop souvent. Elle avait perdu de son charme et puis clairement, à cet instant précis, il n'arrivait pas à penser à autre chose qu'à cet aveu. Il sentait que son cœur venait de se prendre un coup, qu'il était en train de se déchirer à l'intérieur de lui, c'était comme s'il pouvait l'entendre se fissurer, se craquer, se déchirer. Ses angoisses les plus profondes ne tardèrent pas à remonter à la surface, comme des monstres guettant l'ouverture d'une porte en pleine nuit, pour venir assaillir l'enfant torturé chaque nuit. La nuit venait de tomber, la porte venait de s'ouvrir. Et là, Piotr savait que s'il ne commençait pas dès maintenant à essayer de se calmer, l'angoisse allait grimper, jusqu'à l'étouffer complètement. Depuis le départ de sa mère, Piotr était victime de crise d'angoisse assez impressionnantes. Max était au courant de cela, il y avait été confronté bien des fois en Russie. Tsvetkov avait envie de pleurer, de laisser sa tristesse prendre le pas sur sa colère. Il savait que la tristesse était plus simple à gérer que sa colère, bien plus démonstrative. Il ne pouvait pas parler, il ne savait même pas quoi dire en fait, parce que là, il se battait avec lui même, avec ses démons. Il y avait de la déception, de la tristesse, de la peur, de la colère et tout ça en même temps, de façon exacerbé, prêt à exploser. Ses mains commencèrent à trembler, tandis qu'il essayait de se concentrer sur son joint, qui calmait à peine les premiers effets de la crise d'angoisse. Une fois son joint terminé, de longues minutes après les derniers mots de Max, Piotr jeta son joint dans le vide, soufflant alors tout l'air de ses poumons, essayant de se calmer. « Donc là, t'es en train de me dire que tu m'as menti pendant un an, à ne pas me dire ça ? » demanda t-il en essayant de macher chacun de ses mots, en russe, entre ses machoires serrées. Il tourna légèrement la tête, espérant voir son petit ami dans son champ de vision. Il fini par se décaler de la rambarde, ne gardant qu'une main dessus, se tournant alors vers Imrân. « J'ai toujours eu le sentiment d'être celui qui foutait la merde entre nous, parce qu'à chaque fois qu'il y a une merde, ça vient de moi » commença t-il à dire, sentant la colère commencer à l'envahir. « Toi... t'étais la figure stable entre nous deux » continua t-il. « J'ai jamais eu le moindre doute par rapport à toi, parce que tu es quelqu'un de droit, d'honnête, de confiance et là... » il le regarda avec dégoût « tu oses me dire que tu m'as menti ? » répéta t-il presque doucement, à bout. « J'suis p't'être un connard à sortir avec une fille pour me cacher aux yeux des autres, mais moi j't'ai jamais menti Max, j't'ai jamais caché ni qui j'étais, ni quoi que ce soit » et ça, personne sur cette putain de terre ne pouvait lui dire le contraire. Avec Imrân, il avait été lui-même, du début à la fin, dans tous ce que ça comportait de bon ou bien de mauvais. Il s'était montré à lui comme l'enfant qu'on avait abandonné, comme le toxico qu'il était, comme le pédé qui ne s'assumait pas. Mais alors là, lui cacher un truc aussi important... non. Jamais il ne s'en serait douté, sauf maintenant. Piotr passa une main sur son visage, retirant sa main de la balustrade du balcon. Il prit une grande respiration, ne pouvant même plus poser son regard sur Imrân. « En fait qu'est-ce qu'on fout là ? » demanda t-il alors en enfonçant son regard dans le sien. Le temps passa, et la colère laissa place à une vague de tristesse. Les larmes commencèrent à bercer ses yeux, tandis qu'il essayait de dire à haute voix « j'ai l'impression qu'on est deux étrangers là » qui n'arrivent même plus à parler ni à se comprendre. Avant, ils n'avaient jamais vraiment connu de dispute, parce qu'ils s'étaient toujours confié l'un à l'autre, parce qu'ils se disaient tout, qu'ils abordaient tous les sujets, parce qu'ils étaient ensemble tous les jours au moins. Mais depuis l'agression, ils s'étaient en fait séparés, détâchés l'un de l'autre. Piotr avait la sensation qu'ils avaient grandis chacun de leur côté et que trop de temps s'était passé. Et ça, c'était de la faute de Max aux yeux de Piotr, bien trop aveuglé pour le moment pour comprendre les réels mots de son petit ami. Piotr fit quelques pas, comme un lion triste en cage, se tenant loin de son petit ami, incapable pour le moment de s'en approcher. Les mots du plus âgé lui revinrent alors en tête, le faisant culpabiliser. Et pris entre une vague de colère et de tristesse, il grogna « du coup c'est d'ma faute c'est ça qu'tu penses ? »