est-ce que tu comptes me gagner une peluche ? (ziggy)

En lisant le message qui s’affiche sur mon téléphone, je fronce légèrement les sourcils. Je dois le relire à plusieurs reprises pour m’assurer qu’il est bien réel. Il s’agit d’Iggy, ma mère, qui me propose de la rejoindre à la kermesse organisée par la ville. En soi, recevoir un message d’elle, ce n’est pas si surprenant. Afin de savoir quand nous sommes à la maison, aux heures auxquelles nous rentrons, on essaye de se tenir au courant. Mais là.. me faire inviter à un événement festif organisé par la ville, je pense qu’on touche à l’exceptionnel. Je suis tellement sur le cul qu’il me faut bien quelques minutes pour réussir à formuler une réponse. Quelques minutes pour deux lettres : O, K. Le rendez-vous est pris sur place, en fin d’après-midi, on verra bien ce que ça donne. Mon téléphone en mains, j’en profite pour envoyer un message à mes amis, annulant ainsi ce qu’on avait prévu après les cours. La pause terminée, l’enseignante reprend sa place en bas de l’amphithéâtre et poursuit ce qu’elle a commencé il y a de ça maintenant plusieurs heures. La fin de journée enfin arrivée, je remballe mes affaires et sors du bâtiment pour récupérer mon vélo. Je glisse les écouteurs dans mes oreilles, indique l'adresse sur mon téléphone pour que le GPS me guide et c'est parti. J'aurais pu rajouter plusieurs étapes, histoire que le trajet soit un peu plus long, mais la journée sera suffisamment longue comme ça. Lorsque je vois la foule se densifier un peu, je comprends que je ne suis plus très loin de la fête. Je me gare au premier parking à vélo que je trouve, puis à pied, je termine le chemin. Au croisement d'un stand de nourriture et d'une attraction, je reconnais Iggy. Elle pourra commander quelque chose à grignoter et nous n'aurons plus rien à faire ici, il nous suffira de rentrer. Arrivée à sa hauteur, je ne peux m'empêcher de la questionner. « Nous sommes là pourquoi au juste ? Tu comptes me payer toutes les pêches aux canards que tu as ratées durant mon enfance ? » Une petite pique, comme à mon habitude. Même si là, elle est justifiée. Être ici, avec ses parents, c'est quelque chose que l'on fait quand on est enfant, non ? Plusieurs fois par an même. Mais moi, je n'ai pas eu cette chance et maintenant, il est un peu trop tard pour cela. « Ou alors, tu m'as amenée ici pour que je rencontre mes grands-parents ? » Après réflexion, c'est un peu dans cet univers là qu'elle a grandi : peut-être qu'elle connaît des forains ici.

En acceptant cette proposition, je ne sais pas vraiment à quoi m’attendre. Entre Iggy et moi, la relation a été bien plus conflictuelle qu’elle ne l’est aujourd’hui. Il y a peut-être un espoir entre nous, un espoir que la rancœur finisse par diminuer. Peut-être même au point de disparaître, qui sait. Enfin.. pour l’instant, nous n’en sommes pas là. Dix-sept ans d’une vie ne peuvent pas être effacés comme ça. Je m’avance jusqu’à elle et très vite, la questionne sur notre présence ici. Même si nous ignorons encore beaucoup de choses l’une sur l’autre, je sais que ce monde est celui dans lequel elle a grandi. Alors qui sait, nous sommes peut-être ici pour des retrouvailles familiales. Ce n’est pas le cas, Iggy me l’affirme assez vite, ajoutant au passage que l’homme qui tient le stand de nourriture les connaît plutôt bien. Si c’est le cas, est-ce qu’il connaît aussi toute notre histoire familiale ? Tout ce qui s’est passé autour de moi ? Ces questions me traversent l’esprit, mais je les garde pour moi. La jeune femme se retrouve à faire une blague et je ne peux m’empêcher de la regarder un peu bizarrement. C’est donc ça, c’est un peu salace, non ? Mais ça semble faire rire le forain, c’est déjà ça. « Non merci. En tout cas, pas pour l’instant. » Je n’ai pas particulièrement faim, inutile de me forcer pour permettre à cet homme de faire des affaires. « Pourquoi ? Tu as été traumatisée durant ton enfance ? Tu perdais tout le temps ? » Je ne sais même pas s'il est possible de perdre à la pêche aux canards. Étant une attraction destinée aux enfants, je n'en suis pas certaine : ils repartiraient en pleurs et sans l'envie de revenir l'année suivante. Or, le but des forains, enfin je suppose, c'est de pouvoir "fidéliser" les gens pour que chaque édition, ils leur donnent de l'argent. « Tu étais plutôt quoi : attractions à sensations fortes, maison hantée ou coup de poing forain ? » Il y a aussi les jeux d'argents. Ceux qui peuvent t'en faire gagner beaucoup, après t'en avoir fait perdre le double. « Faisons la maison hantée. Sur un malentendu, je pourrais t'y perdre. » Dis-je, alors que je me tourne pour chercher la direction que nous devons prendre pour ça. Ayant laissé place à un silence, je lui refais face assez vite. « Quoi ? Tu ne reconnais pas là l'humour que tu m'as transmis ? » Je lui souris, un peu faussement, avant de prendre la direction de l'attraction. Inutile de perdre du temps à rester debout là, sans rien faire. « Est-ce que tu connais tout le monde ici ? Ou presque. » Sur le chemin qui nous mène à la maison hantée, je ne peux m'empêcher de me demander si toutes les personnes qui tiennent les attractions connaissent Iggy.

Si Iggy m’a proposé de venir ici, c’est pour partager ce moment ensemble. Notre première sortie dans une fête foraine, plus de vingt-et-un ans après ma venue au monde. Comme le dit un célèbre dicton : mieux vaut tard que jamais. Et puis qui c’est, ce moment va peut-être nous permettre de nous découvrir certains points communs. Ça ne sera pas celui de la pêche aux canards. Je ne dis pas que je raffole de ce jeu, mais de là à considérer qu’il n’y a aucun intérêt derrière, non. Comme elle le dit, c’est un peu simple et être sûre de gagner un lot à la fin, un jouet même, c’est avoir l’impression d’en avoir pour son argent. Bien sûr, ce n’est plus vraiment de mon âge maintenant. Mais pour rire, pourquoi pas, non ? Hormis celle-ci, Iggy ne semble pas difficile pour les attractions. Là-dessus, nous nous rejoignons. Même si finalement, je n’ai pas souvenir d’avoir participé à beaucoup de fêtes foraines dans ma vie. Je ne suis pas une experte comme elle, mais je ne suis pas compliquée, alors nous devrions pouvoir trouver un terrain d’entente pour aujourd’hui. Notre premier choix, ou plutôt le mien, se porte sur la maison hantée. Sans me faire prier, je lui lance une petite pique, à laquelle elle répond comme une mère normale le ferait. Laissez-moi rire. Bon.. d’accord, nous n’avons peut-être pas le même humour. Je trouve le sien un peu moins à la hauteur que le mien. Sur le chemin jusqu’à l’attraction, je ne peux m’empêcher de lui demander si elle connaît tout le monde ici. Affirmatif. Selon elle, c'est quelque chose de famille. On tombe dedans à la naissance et c'est tout. « Super. Si mes études n'aboutissent pas, je sais où je pourrais finir. » Je suis ironique. Ce n'est pas vraiment le monde qui m'attire et puis, pour eux je suis une étrangère, je ne pourrais certainement pas rejoindre leurs rangs. Arrivées devant la maison hantée, on nous laisse passer, sans avoir à déverser la moindre centime. « M'amener ici ne va pas te rendre pauvre à ce que je vois. » C'est le geste qui compte. « En parlant d'argent, j'ai vu ton copain l'autre jour. » Je reste un peu vague sur la question, qui sait, sur un malentendu, elle pourrait peut-être me confier des choses croustillantes. Nous entrons dans la première pièce. Les lumières vont et viennent, ils cherchent à se rapprocher d'un spectacle certainement. Heureusement que je suis boulimique et non épileptique, je serais déjà sur le sol sinon. Tout fini par se calmer et une histoire est racontée, expliquant ce qu'il va se passer dans le reste de l'attraction. Entre la première et deuxième salle, je poursuis la discussion que j'ai lancée un peu plus tôt. « Il se passe quoi entre vous ? Tu l'aimes bien ? » On ne peut pas dire qu'il a été très bavard, peut-être qu'elle le sera davantage.

En évoquant cet homme, je ne suis pas très loquace. Mais c’est l’effet recherché : moins elle en sait, plus elle va se poser de questions. Non ? Et qui sait, maladroitement, c’est peut-être comme ça que je vais finir par en apprendre un peu plus sur elle. Car oui, me retrouver face à ce voisin m’a fait me rendre compte que j’ignorais encore beaucoup de choses sur ma mère. Au début, c’était sûrement par envie. Mais après quatre ans, ça devient un peu bizarre. Lorsque j’évoque de nouveau le sujet, une fois sorties de la première place, Iggy m’assure qu’il n’y a rien entre elle et lui. Lui ? Elle ne sait toujours pas de qui je parle et pour être honnête, je ne sais pas non plus : je réalise que je ne lui ai jamais demandé son prénom durant notre conversation et il ne me l’a jamais donné. Mais que ce soit l’homme que j’ai croisé ou une autre personne, ça ne change pas grand-chose visiblement. Même si je ne suis pas curieuse là-dessus, j’espérais quelque chose d’un peu plus mouvementé pour elle. « Je ne sais pas comment il s’appelle. » Ça promet. Nous ne sommes peut-être pas prêtes de nous mettre d’accord sur la personne avec qui j’ai échangé. « Il habite dans le quartier. Belle maison, belle voiture. » Là encore, ça n'aide pas beaucoup. Nous vivons dans le quartier le plus riche de la ville, alors autour de nous, de notre villa, il y a un bon nombre de personnes qui répondent à ces critères. « Dans tes âges sûrement. Arrogant sur les bords. » Là, c'est un peu plus ciblé. Même si je dois rester un peu évasive. Après tout, je ne le connais pas. Ce n'est pas l'image qu'il renvoie, mais peut-être qu'au fond, c'est quelqu'un de gentil. « Il paraît que vous travaillez ensemble, à la tête d'une agence de filles de joie. » Celle-là, j'étais obligée de la faire. Ça ne s'est pas exactement passé comme cela le jour J, cependant, elle n'est pas obligée de le savoir. Je ne suis pas sûre qu'elle réagirait mal en apprenant ce que j'ai pu dire, mais autant éviter de jouer avec le diable : j'aimerai bien avoir un toit pour dormir ce soir. « Je rigole, il ne m'a pas dit ça. En réalité, il a laissé planer le doute, comme si tu traînais dans des histoires pas très nettes. » Petit à petit, la description de l'homme s'est faite plus précise. Quelqu'un qui travaille avec elle, de son âge, plus ou moins, riche et arrogant, ça doit forcément réduire les possibilités.

En venant ici, je ne pensais pas vraiment parler de cet homme. Mais la conversation sur l'argent et ma curiosité sur les détails de sa vie me pousse à le faire. Cependant, je réalise assez vite que je ne connais pas grand-chose sur lui. Ou plutôt, que je ne connais pas son prénom. Pour parler de lui, cela aurait quand même été plus simple. À la place de cela, je me retrouve à essayer de mettre les choses que j'ai remarquées chez lui, à la suite les unes des autres dans l'espoir d'arriver à quelque chose de convenable à la fin. Étrangement, Iggy arrive facilement à comprendre de qui je parle. Enfin je crois, il faut avouer qu'il a bien une tête à s'appeler Jimmy. Je me demande ce qui a bien pu lui mettre la puce à l'oreille. Son argent ou son air arrogant ? Sûrement le mélange des deux. « Il n'a pas dit beaucoup de choses. » Disons même que pour le métier d'Iggy, il a été plutôt fuyant. Entre ça et l'aide qu'il ne m'a pas apporté, il n'a pas été très utile. Mais peut-être qu'il a peur de la jeune femme, il faut dire qu'elle est plutôt impressionnante. Elle finit par reprendre ce que j'ai pu dire un peu plus tôt. « Ça me rassure. » Ce n'est pas toujours l'entente parfaite entre nous, mais je ne suis pas au point de lui vouloir du mal. Ce fut le cas à un moment, c'est vrai, mais ça ne l'est plus aujourd'hui. Parallèlement à cette conversation, nous sommes invitées à poursuivre l'attraction. La nouvelle pièce n'a rien à voir avec celle d'avant. Il n'y a plus de lumières qui vont et viennent. Cette fois-ci, c'est assez sombre et des fils tombent du plafond. Au bout de ceux-ci, on peut retrouver certains insectes en plastique. Ce n'est pas des plus réalistes, mais on ne peut pas s'attendre à mieux. Il faut tenir compte du fait que c'est une attraction nomade : il faut pouvoir l'installer et la désinstaller rapidement à chaque fête, sans prendre le risque d'abîmer le matériel à chaque fois. « Mais.. cette conversation avec lui m'a fait réaliser que je ne connaissais pas beaucoup de choses sur toi. » Grâce à l'une de mes mains, je dégage un peu le passage face à moi. Toucher les insectes ne m'effraie pas, par contre, les fils qui sortent subitement et s'agitent au niveau de nos pieds me font sursauter : je ne m'y attendais pas. « C'est de ma faute, je le sais bien. » Dis-je, pour revenir au sujet de conversation initial. En quatre ans, j'ai essayé de lui faire payer dix-sept ans d'absence. J'ai toujours fui les choses quand cela la concernait, mais n'est-ce pas un peu bête ? « Tu travailles dans quoi ? » Mieux vaut tard que jamais. Nous vivons ensemble, nous nous croisons chaque jour et pourtant, j'ignore ce qu'elle fait de ses journées.

Iggy ne s’attendait sûrement pas à ce que cette journée prenne cette tournure. Coincée dans une attraction avec moi, elle doit faire face aux questions que j’ai en tête. En quatre ans, je ne me suis pas intéressée à elle, et aujourd’hui, tout semble vouloir changer : rencontrer cet homme, un peu au hasard, m’a fait réaliser que j’ignorais beaucoup de choses sur ma mère, sur la femme avec qui je vis. Lorsque je l’entends m’appeler "Chacha", je ne peux m’empêcher de grimacer un peu. C’est un surnom qui me colle à la peau depuis mon arrivée ici et pourtant, je m’en serais bien passée. J’espère qu’aujourd’hui, elle ne l’utilise pas pour essayer de m’amadouer. Visiblement, Iggy ne travaille pas. Rien qui ne me surprend réellement, car avant cette conversation avec Jimmy j’étais partie de ce principe. Mais disons que l’homme a réussi à me mettre le doute. Pour justifier l’argent qu’elle a et la villa où nous vivons, la jeune femme me parle d’héritages qu’elle a reçu suite aux décès de plusieurs tantes. C’est dingue ce que le destin peut faire. Tu te couches sans argent et tu te réveilles riche, sans avoir à travailler dans ta vie. Le pied. Enfin peut-être. Un peu hyperactive sur les bords, je ne sais pas si ça me plairait de ne rien faire de mes journées. Avec l’université, je n’ai pas encore ce genre de questions à me poser. « Un coup de main ? » C’est comme cela qu’elle voit le moment qu’elle a partagé avec Jimmy, alors que lui parlait de travail. C’est bizarre, mais c’est peut-être une question de point de vue. Après quelques frayeurs, nous quittons la pièce des araignées pour rejoindre celle qui semble être destinée aux fantômes. Finalement, c’est un peu Halloween avant l’heure. Néanmoins, depuis que cette conversation a commencé, je suis bien moins attentive au décor. « Mais du coup.. comment est-ce que tu occupes tes journées ? Seule comme ça, à la villa, ça doit être long. » Quand j’ai rencontré Jimmy, elle n’était pas là, elle devait bien être quelque part. Partie faire des courses ? Oui, c’est une possibilité, mais dans ce cas, pourquoi n’a-t-elle pas répondu à son téléphone ? Que ce soit moi qui appelle ou cet homme. « Tu as une passion particulière ? Le tricot peut-être. » En réalité, je doute que ce soit le genre d’activité qui la passionne, mais elle pourrait bien me surprendre. « Malgré l’héritage, tu n’as jamais voulu travailler ? » Avec autant d’argent, elle aurait pu faire le choix de partir vivre au soleil, dans un hôtel de luxe. Pourtant, elle est restée à Island Bay. Peut-être qu’elle a travaillé à un moment, avant de recevoir cet argent : je ne sais même pas si elle a un diplôme.

Cette rencontre avec Jimmy, c’était peut-être un mal pour un bien. Ça ne m’a pas plu d’aller chez lui pour courir après ma mère, de devoir me justifier sur qui j’étais et sur ce que je voulais faire, mais sans cela, je ne serais pas en train de m’interroger sur la personne qu’est vraiment Iggy. Ce n’est peut-être pas l’endroit idéal pour faire cela, mais tant pis. Peut-être que l’occasion ne se représentera pas. Lorsqu’elle évoque le jardinier et la femme de ménage, je ne peux m’empêcher de penser que mon quotidien a bien changé depuis mon arrivée ici. À Stockholm, il n’aurait jamais été question de cela, c’était juste ma grand-mère et moi. Peut-être parce que l’argent ne coulait pas à flot comme c’est le cas ici. Ce serait quand même dommage de ne pas en profiter. Lorsque vient l’interrogation de ses éventuelles passions, je ne peux m’empêcher de proposer le tricot. Quelque chose que la jeune femme ne tarde pas à critiquer. Cela aurait été étonnant qu’Iggy réponde positivement à cette pratique, même si avec elle, nous ne sommes jamais à l’abri d’une surprise. D’ailleurs, cette surprise ne tarde pas à arriver. « Du surf ? Toi ? » Je rigole légèrement, sous l’effet de la surprise. « J’ai envie de voir ça. » Il y a sûrement une partie de moi qui espère la voir tomber, mais je me garde bien de le préciser à haute voix. Ce sport pourrait devenir l'un de nos points communs, contrairement à notre vision des choses concernant le boulot. « Je ne sais pas comment tu fais. Je pense que je ne pourrais pas. » Peut-être qu'une fois devant les faits, je trouverais comment occuper mes journées, mais là tout de suite, non. « J'ai toujours l'impression que tu es seule. Seule contre tous. » Loin de moi l'idée de penser que ma mère n'a pas d'ami, mais peut-elle vraiment compter sur eux comme je peux le faire avec les miens ? Elle aime vivre sa vie sans les autres : elle m'a laissé à ma naissance, elle ne semble pas voir le reste de sa famille et elle n'a personne dans sa vie. C'est un choix, le sien, même s'il est difficile à comprendre. « Bref.. nous ne sommes pas là pour devenir sentimentales. » Je hausse légèrement les épaules. J'ai encore des questions en tête, mais les poser maintenant ne donnerait que l'impression d'être en plein milieu d'un interrogatoire. Cette conversation terminée, nous poursuivons l'attraction et enchaînons les salles. Après plusieurs minutes, nous retrouvons l'air extérieur. « J'ai choisi la première attraction, je te laisse le faire pour la deuxième. » Elle a proposé cette rencontre, la moindre des choses est de lui laisser un peu de contrôle sur tout ça.

Est-ce que je pourrais me moquer de ma mère si jamais je la voyais ne pas réussir à tenir debout sur une planche de surf ? Sûrement. C'est assez complexe et il serait déjà remarquable pour elle qu'elle se lance dans ce sport, mais pour le coup, ce serait plus fort que moi. Pour une fois, je serais plus douée qu'elle, sur quelque chose que nous avons en commun. N'est-ce pas l'occasion pour moi d'en profiter un peu ? Quoi qu'il en soit, maintenant qu'elle sait cela, je ne pense pas que je serais conviée à sa première séance sur une planche, si jamais il y en a bien une. Ce n'est pas ça qui va m'empêcher de dormir cette nuit, même s'il aurait pu être intéressant de voir si nous aurions pu partager un centre d'intérêt ensemble. Lorsque j'évoque le fait qu'Iggy est finalement un peu seule face aux autres, très solitaire, la jeune femme m'enlace. Visiblement, j'ai visé juste. Mais tout cela me fait bizarre : je crois bien qu'en quatre ans de vie commune, c'est la première fois qu'elle me prend dans ses bras. La surprise est tellement grande que je ne sais pas comment réagir à cela. Peut-être qu'il n'y a rien à faire. Après tout, je suis sûr qu'Iggy n'attend rien de moi. Alors nous reprenons le fil de l'attraction, jusqu'à ce que cela nous mène à l'extérieur. Ce n’était pas fou, mais pour un premier manège, nous aurions pu avoir pire. Maintenant, je propose à ma mère de faire le choix de la prochaine attraction. Elle décide de partir sur des montagnes russes. En arrivant, j’en ai remarqué deux-trois, alors je suis sûre que nous trouverons notre bonheur. « Je ne crois pas. On verra bien. » Dis-je au sujet du vertige. Je me suis déjà retrouvée en haut d’une falaise et regarder vers le bas ne m’a rien fait, je ne dois sûrement pas avoir le vertige. « Dans le pire des cas, je risque juste de vomir. » Je hausse légèrement les épaules. Cela ajouterait un peu de piquant à l’attraction. Enfin.. peut-être pas pour elle. Si elle est à côté de moi, il y a de fortes chances pour que ce soit elle qui reçoivent des morceaux de ce qui sortirait de mon estomac. « Si ça arrive, tu me tiendras les cheveux à la sortie de l’attraction. » C’est ce que font les parents classiques, non ? Pourtant, après tant d’années, ce serait une première pour elle. On éviterait les nausées suite à une gueule de bois, c’est déjà ça. Rapidement, nous prenons la direction de ce nouveau manège. Avec un peu de chance, nous serons de retour à la villa avant que le soleil ne se couche.