is there somewhere you can meet me ? (charli)

Halloween est bientôt là et c’est quelque chose qui me plaît. Pas la fête en elle-même, mais juste l’idée de pouvoir me déguiser. Il est vrai que pour cela, je n’ai pas forcément besoin d’avoir un prétexte, mais le faire avec des amis est toujours plus agréable. D’ailleurs, c’est ce qui était prévu à la base. Cependant, quand j’ai appris que Sofia ne travaillait pas ce soir, j’ai annulé tout cela pour lui proposer une sortie toutes les deux. Chose qu’elle a accepté, malgré que ce soit après une journée entière passée à l’hôpital. Malheureusement, les choses ne se passent pas exactement comme je l’avais espéré. Depuis de longues minutes, je suis seule dans le bar où nous nous sommes données rendez-vous. À chaque personne qui franchit la porte, j’espère y découvrir son visage. Mais en vain. En réalité, je ne sais même pas pourquoi je continue d’espérer : je lui ai envoyé plusieurs messages qui restent tous sans réponse. J’aurais dû voir la chose arriver, ne pas m’attendre à ce que ce soit différent des dernières semaines. Nous devions nous voir plusieurs fois, pour des rendez-vous et à chaque fois, elle a annulé. C’était peut-être trop demandé, c’était peut-être mettre trop d’espoir dans quelque chose qui n’est pas encore très clair pour moi. J’aurais dû accepter la soirée avec mes amis, ça m’aurait évité d’être seule ici. Enfin seule.. je finis par ne plus l’être vraiment. Ça bouge autour de moi, alors je me glisse dans un groupe de jeunes que je connais vaguement grâce à l’université. L’un des garçons se propose pour aller me chercher un verre, dans l’espoir peut-être de pouvoir approfondir un peu les choses plus tard avec moi, mais ça, ce n’est que dans ses rêves, pas dans les miens : il n’est pas mon genre et je n’ai pas la tête à ça ce soir. Alors que j’écoute d’une oreille ce que deux filles se disent, quelqu’un me touche l’épaule. Naturellement, je me retourne et je découvre Sofia face à moi. La jeune femme ne tarde pas à s'excuser, ce qui est la moindre des choses, pour aujourd'hui et pour les autres fois. Elle ignore si j'ai envie de la voir, est-ce le cas ? Oui. Mais être celle qui attend après quelqu'un n'est pas dans mes habitudes. Je me demande d'ailleurs si je n'attends pas après un idéal. « Un lapin de plus ou de moins.. je n'étais plus à ça près. » Dis-je, en haussant légèrement les épaules. Bien sûr que tout cela me touche. J'aimerais que ça ne soit pas le cas et pourtant, la jeune femme a un certain effet sur moi. « Tiens, voilà ton verre. » Le garçon partis un peu plus tôt revient enfin, pas au meilleur moment. « Merci. » Je récupère la boisson qu'il tient et attend sagement qu'il parte. Ce qu'il ne semble pas décidé de faire et cela instaure un silence un peu gênant entre nous trois. « C'est bon, tu peux y aller. » Ça sonne un peu froid comme cela, j'en ai bien conscience. Mais la discussion que l'on aurait pu avoir un peu plus tôt n'a plus d'intérêt maintenant que Sofia est là. Je suis en colère contre elle, de devoir lui courir après de la sorte, néanmoins, je n'ai pas envie de la blesser. Et puis, cette soirée c'était mon idée : malgré mon ressentiment, j'ai envie de passer du temps avec elle. « Tu n'aurais pas dû te changer, tu aurais eu un déguisement. J'ai déjà croisé plusieurs chirurgiens ce soir. C'est un déguisement à la mode. » J'ignore pourquoi. J'ai peut-être raté quelque chose, un film sorti récemment par exemple. Pour ça, je ne suis pas à la pointe de la mode : les plus récents, je les regarde plusieurs mois après leur sortie au cinéma généralement, exception faite aux Marvel. Il faut dire aussi qu'en terme de facilité, c'est le déguisement parfait. Une fois que tu as la tenue, il te suffit de rajouter un peu de faux sang à quelques endroits.

Dire que j'espérais encore la voir arriver serait un mensonge. Lors des précédentes fois, j'ai attendu, avant d'avoir un message m'informant qu'elle ne pouvait finalement plus se libérer. Alors qu'est-ce qui pouvait me faire penser que les choses seraient différentes aujourd'hui ? Malheureusement, comme il n'y a rien d'officiel entre nous, je ne suis pas certaine d'être légitime pour lui reprocher quelque chose. Quoique. C'est quand même blessant de se retrouver à attendre quelqu'un qui ne viendra finalement jamais. Mais je devrais peut-être arrêter de penser à cela pour l'instant : elle est face à moi, autant en profiter. Lorsque j'évoque le déguisement qu'elle aurait pu porter, Sofia me confie ne plus vouloir penser au boulot, alors on oublie le déguisement de chirurgien. En plus, ce n'est pas comme si elle était venue sans rien puisqu'elle porte un chapeau de sorcière sur la tête. Ce n'est pas grand-chose à côté de certaines personnes dans ce bar, mais c'est aussi plus que certaines autres. Ce chapeau, mon déguisement, sans le vouloir, nous nous sommes accordées, puisque je suis déguisée en sorcière ou au moins, j'ai essayé. La jeune femme se saisit de ma main libre et regarde le faux sang dessus. C'est peut-être un peu trop pour le coup, mais c'est Halloween, non ? C'est censé faire peur. Et en réalité, ce n'est pas ce qui m'intéresse ici. Ça fait maintenant plusieurs jours que je ne l'ai pas vu, que je ne l'ai pas touchée, alors ce simple contact me fait frissonner. La venue de ce garçon avec le verre qui m'était destiné, mon ressenti face à nos rendez-vous annulés et ce qu'elle n'ose pas dire font que pour l'instant, c'est calme entre nous. Peut-être un peu trop. Ce qui pousse Sofia à m'interroger sur mes envies, sur mes plans pour ce soir. « J'avais déjà des plans avec quelqu'un ce soir. » Dis-je, mon regard planté dans le sien. Je m’arrête à cette simple phrase, laissant ainsi l’occasion à la jeune femme d’en déduire sa propre réponse. Mais est-ce vraiment une bonne idée ? Si elle demande, c’est bien parce qu’elle a un doute. « Avec toi. » Il serait donc un peu ironique de sa part de me reprocher quoique ce soit. Alors que je soutiens le verre d’une main, l’un de mes autres doigts vient faire des ronds en suivant le rebord de celui-ci. Un peu plus tôt, Sofia a commencé un mot sans vraiment le finir. J’aurais pu passer à côté, mais savoir où elle voulait en venir m’intéresse, alors je la relance dessus. « Tu es jalouse ? » Un sourire satisfait se dessine sur mes lèvres, puis je regarde dans la même direction qu’elle tout à l’heure. « De qui ? De lui ? » Nous n’avons jamais parlé de nos anciennes relations, des personnes qui pourraient nous plaire, alors elle ne peut pas vraiment savoir sur qui je pourrais jeter mon dévolu dans cette pièce. Une chose est sûre, il ne lui arrive pas à la cheville. « Je suis surprise d’entendre cela. Je pensais que tu cherchais à me fuir. » Si elle est jalouse, c'est qu'au final, je compte un minimum pour elle. Nous sommes alors loin de l'idée de me fuir, ou alors, peut-être qu'elle a peu de volonté, comme moi le soir où je suis venue chez elle. « Ça y ressemblait, non ? » Quel autre message aurais-je bien pu comprendre suite à nos rendez-vous ratés ? N'importe qui à ma place en serait arrivé aux mêmes conclusions. « Je sais de quoi je parle, je l'ai déjà fait. » Après la plage, c'est ce que j'ai fait. J'étais même prête à annuler notre rendez-vous au refuge avant qu'elle ne le fasse. « Tu as un travail prenant, je le sais, mais l'hôpital doit bien te libérer de temps à autres. » Depuis le début j'ai conscience de ça, que nous n'avons pas le même emploi du temps, les mêmes disponibilités, mais je pensais quand même qu'on pourrait se croiser de temps en temps. « Tu peux me le dire tu sais, si tu ne veux plus qu'on se voit. » Je suis un peu perdue dans toute cette histoire, surtout que j'ai l'impression de me perdre un peu moi-même : tout ça ne me ressemble pas.

Jusqu’à présent, je n’ai jamais ressentie cette sensation, celle d’être délaissée, d’être ignorée. Sûrement parce qu’habituellement, je suis celle qui blesse et non celle qui est blessée. N’étant pas une personne qui a peur de dire les choses, je décide d’être honnête avec la jeune femme et de l’interroger sur les sujets qui peuvent blesser : en plusieurs jours, nous ne nous sommes pas vues et à chacune des fois où cela était prévu, Sofia a fait le choix d’annuler. N’importe qui de censé penserait comme moi. Néanmoins, une fois mon récit terminé, la brune intervient rapidement pour contredire ce qu’elle a eu l’occasion d’entendre. Visiblement, je me trompe. Si c’est vraiment le cas, on ne peut pas dire que ça saute aux yeux. Mais j’ai envie de la croire, sûrement parce que c’est la seule chose à laquelle je peux me rattacher pour l’instant. Lorsqu’elle évoque le fait de faire de moi sa priorité, je fronce légèrement les sourcils. Je vois où elle veut en venir, mais je n’irai peut-être pas jusque là. Vouloir faire cela, ça voudrait dire que nous sommes plus que ce que nous sommes actuellement. Mais que sommes-nous réellement ? C’est peut-être ça la question que l’on doit se poser. Cependant, avant de la couper, je la laisse poursuivre, je la laisse aller jusqu’au bout de ses pensées. Visiblement, nous sommes plus ou moins sur la même longueur d’ondes. Nous pensons la même chose et sommes toutes les deux conscientes que les choses entre nous sont compliquées. Elles sont compliquées, mais nous ne pouvons pas nier qu'il y a quelque chose entre nous, sinon on ne serait pas là aujourd'hui à s'interroger sur ce que ça veut dire, sur ce que l'autre pense de tout cela. La jeune femme commence à s'attacher à moi et ça lui fait peur. Encore une fois, nous vivons la même chose et c'est sûrement pour cela que je suis bien incapable de trouver les mots justes pour lui donner une réponse. Je ne suis pas une experte pour cela, je ne l'ai jamais été et vu les gènes que j'ai, je ne sais pas si je le serai vraiment un jour. Avant même que je ne réponde à tout ce qu'elle vient de dire, la brune se décale jusqu'au bar pour se commander un verre. Je la suis de loin, jusqu'à venir me mettre à côté d'elle et déposer mon verre face à moi. Ce moment de répit va me permettre de pouvoir mettre les choses un peu au clair dans mon esprit, même si je doute que quelques minutes soient suffisantes. Sa commande passée et son regard retrouvé, je me tourne complètement vers elle. « Je suis si effrayante que ça ? » Je ne dis pas cela méchamment, je fais seulement référence à ce que Sofia a dit un peu plus tôt. Je sais bien que ce n'est pas réellement de moi qu'elle a peur, mais des sentiments à mon égard ou de la sensation qu'elle a quand elle est avec moi. Comment je sais cela ? Sûrement parce que je me retrouve dans le même cas de figure. Doucement, je viens prendre l’une de ses mains dans la mienne et je viens caresser sa paume du bout de mon doigt. « Qu’est-ce que tu veux faire ? Par rapport à tout ça. » Il est important de préciser que je parle toujours de ce qu’elle a abordé et non de ce que l’on pourrait faire dans ce bar ou à l’extérieur de celui-ci. « Si je comprends bien, tu veux me voir, mais ça te fait peur de continuer à le faire. C’est ça ? » Je ne peux m’empêcher de grimacer un peu, témoignant bien de la complexité de la chose. Si je vise juste, il va être compliqué de trouver une solution, puisque la résolution d’un problème entraînera la régression du second. Mon regard planté dans le sien, je fais un pas vers elle. « Dès que je ne suis pas occupée, je pense à toi. »  À cette soirée-là aussi. À ses lèvres contre les miennes, ses mains sur ma peau. Je ne suis pas prête de m’en lasser, de ce sentiment-là, d’elle, et ça m’effraie aussi. Pourtant, quand je suis avec Sofia, j’essaye de mettre mon cerveau sur off pour ne pas l’écouter quand il me suggère de prendre la fuite. « Tu m’as manquée. » Ces quelques mots ne vont sûrement pas aider, mais tant pis, je les pense et il est important qu’elle en soit informée.

Finalement, je suis plutôt surprise de l’entendre me dire cela, d’apprendre que tout cela lui fait peur. Sûrement parce que de nous deux, je pensais que je serais celle qui ressentirait un tel sentiment la première. En réalité, peut-être que je le ressens déjà. Tout est encore trop flou pour que je puisse mettre des mots dessus. Contrairement à elle pour le coup, ce que je trouve courageux. Mais je ne peux m’empêcher de vouloir en savoir encore plus, d’avoir toutes les réponses aux questions que je pourrais me poser aussi. Alors forcément, quand je lui parle de peur, je ne parle pas de mon déguisement, mais bien des révélations qu’elle vient de me faire. Surtout que si nous regardons bien, de toutes les personnes présentes dans ce bar, je ne suis certainement pas celle avec le déguisement le plus effrayant. La jeune femme essaye pourtant d’utiliser cela, pour détendre un peu l’atmosphère peut-être, avant de finalement se raviser et préciser que c’est bien à un autre niveau que je lui fais peur. Pour être honnête, je ne sais pas trop quoi en penser. Tout cela n’est pas volontaire de ma part et je n’arrive pas à voir, si de son point de vue, c’est une bonne ou une mauvaise chose. Malgré toutes mes questions et la colère que j’avais pour elle à son arrivée, je finis par m’adoucir un peu et prononce ces quelques mots qui me démangeaient depuis tout à l’heure. Cette pensée est réciproque et forcément, je ne peux m’empêcher de sourire. Il faut croire que je ne pouvais pas lui en vouloir longtemps. Et ce qu'elle commence à faire ne fait que confirmer cela. Sa main ne me touche pas et pourtant, j'imagine parfaitement la sensation que cela me ferait. Grâce à cette soirée-là, grâce à ces moments toutes les deux. Ça, plus le regard qu'elle me porte et me voilà complètement sous son charme. Et je ne suis pas encore au bout de mes surprises. Maintenant, elle me complimente et je sens la chaleur qui monte dans mon corps, jusqu'à mes joues. Je suis sûre et certaine que celles-ci rougissent, mais l'avantage de ce lieu, c'est que ça ne se voit sûrement pas. Finalement, la jeune femme finit par m'embrasser, me faisant oublier tout ce qu'il y a autour de nous. Ce baiser, c'est quelque chose que j'espérais depuis bien longtemps maintenant. À en croire ce qu'elle me dit, Sofia a une réponse à me donner concernant ma question de tout à l'heure. Sur ce que nous pourrions faire ? Dans un délai court ou long ? Peu importe la réponse ici, elle attise ma curiosité. « Ah oui ? » Malheureusement, je n'en saurais pas plus pour l'instant. La brune vient poser son chapeau sur ma tête, elle l'ajuste et m'invite à danser. Enfin.. inviter est peut-être un grand mot. À l'entendre comme cela, ça pourrait presque ressembler à un ordre. Loin de moi l'idée de me plaindre, même si je ne sais pas à quelle sauce je serais mangée. Je récupère rapidement mon verre et en boit une gorgée, avant d’attraper la main de la jeune femme pour l’emmener au milieu de pièce, sur la piste de danse. Ensemble, nous commençons à nous déhancher au rythme de la musique, une musique plutôt dynamique. Après plusieurs morceaux, la mélodie se calme un peu, laissant place à ce que l’on pourrait qualifier de slow. Il faut de tout pour faire un monde, non ? Alors que nous pourrions profiter un peu de ce répit pour aller nous poser et pour nous hydrater un peu, je passe mes bras autour de sa taille et je rapproche nos deux corps. Mes gestes retrouvent la tendresse qu’ils ont déjà eu avec elle. « Tu danses plutôt bien. Tu m’avais caché ce talent. » Il y a encore beaucoup de choses que j’ignore sur elle, mais je ne demande qu’à en apprendre plus. « Cela aurait vraiment été dommage de passer à côté. » Un sourire s’étire sur mes lèvres, avant que je ne vienne lui voler un doux baiser. « Je suis contente que tu aies changé d’avis. J’allais finir par penser que pour te voir, je devais me retrouver dans un lit d’hôpital. » Nous ne savons pas encore comment cette soirée se terminera, mais je sais déjà qu’elle sera bien meilleure que ce qui m’attendait il y a encore quelques minutes. « Même si ça me fait un peu défaut, c’est quelque chose que je trouve remarquable chez toi : ta passion pour ton métier. » Si seulement je pouvais être comme elle. Je fais des études, sans être certaine de ce que je pourrais faire à la fin. J’ai encore le temps de venir, je ne suis qu’à la moitié de mon parcours, mais parfois, ça m’effraie.

Si Sofia n’est pas très bonne en cuisine, c’est une autre histoire pour la danse. Il faut bien de tout pour faire un monde, non ? Rares sont les personnes qui sont bonnes dans tout ce qu’elles entreprennent et ce n’est pas plus mal comme cela, sinon nous nous sentirions rapidement nuls. Ce détail d’elle, c’est quelque chose que je n’avais pas imaginé. Comme quoi, on en apprend chaque jour. Suite à l’une de mes phrases, Sofia m’interroge. Enfin.. pas vraiment. Sa question n’attend pas de réponse de ma part, sûrement parce qu’il ne faut pas être idiot pour comprendre que j’irai dans son sens : sa passion envers son métier est remarquable, mais ça lui demande aussi beaucoup d’implication, beaucoup de temps à l’hôpital. La solution serait peut-être d’y aller, pour pouvoir la voir rien qu’un petit peu. Bien sûr, ce n’est pas ce que la brune veut. D’ailleurs, elle espère ne jamais avoir à me voir dans un lit d’hôpital. Inutile de l’inquiéter et ce n’est sûrement pas le bon moment pour lui dire que c’est déjà arrivé, à plusieurs reprises. En y réfléchissant bien, je réalise que la jeune femme n’a jamais été aux urgences lorsque j’y étais, ou alors, je ne m’en souviens pas. Il y a pourtant une période où c’était fréquent : à cause de ma maladie, que je connais plutôt bien, j’ai fait plusieurs malaises à l’université et les institutions craignent un peu ce genre de choses, alors pour assurer leurs arrières, elles ont toujours appelé une ambulance, même si je leur disais que tout allait bien. Ce n’est peut-être pas si mal qu’elle ne sache pas pour mes troubles alimentaires, pas encore en tout cas. L’une contre l’autre, je profile de ce moment d’accalmie. Mes mains se baladent tendrement dans son dos, alors qu’un frisson parcourt mon corps lorsque je sens son souffle dans mon cou. Même s’il s’agit d’une musique douce, les bruits se font et s’accroissent à côté de nous. Pourtant, ça ne compte que très peu pour moi, il n’y a qu’elle qui compte. Dans la continuité de tout cela, la brune vient murmurer une phrase à mon oreille. À ses mots, mon cœur rate un battement. Ça veut dire beaucoup de choses, comme ça peut vouloir en dire très peu. Je ne sais plus quoi penser, quoi faire. Je suis autant perdue que mon esprit l’est quand cela concerne Sofia. J’ai besoin de me poser, de réfléchir à tout cela, mais avec le monde autour de nous et la chaleur dans la pièce, je vais finir par suffoquer à rester là. Alors j’attrape l’une des mains de Sofia et je l’invite à me suivre jusqu’aux toilettes. Dans le fond, avec ce geste, je réponds un peu au besoin de l’interne. D’ailleurs, c’était peut-être là où elle voulait en venir. Ça, je le serais qu’en lui demandant, mais la Charli courageuse n’est pas venue avec moi ce soir, sûrement de peur de finir blessée. Je referme la porte derrière nous et m’appuie contre un mur. Je viens ensuite glisser mes deux index au niveau de la ceinture de son pantalon et je l’attire vers moi. « Je suis toute à toi ici. Rien qu’à toi. » Dis-je, un sourire sur les lèvres. Un sourire qui en dit long sur ce que je peux avoir derrière la tête. Pourtant, ce n’est qu’une façade. Si je fais ça, c’est bien parce que je n’ai aucune idée de ce que je dois faire sinon. Mais si je fuis là, quand est-ce que nous aurons l’occasion de vraiment parler ? Elle est avec moi ce soir, je dois en profiter. Mes lèvres viennent se déposer sur les siennes, avant que je rétablisse une certaine distance entre nous. Suffisamment grande pour que je n’ai pas envie de lui sauter dessus, mais suffisamment proche pour que je puisse la sentir toute contre moi. « Mais tu ne parlais peut-être pas de ça.. » Je hausse légèrement les épaules. « Tu me veux ? » Je reprends ce qu’elle m’a soufflé à l’oreille, pour être sûre de ne pas la mettre dans une position délicate. « Tu penses que nous pourrions y arriver ? » Selon moi, hormis le plaisir charnel, rendre les choses officielles entre nous est la seule chose que sa phrase pourrait sous-entendre. « Je ne suis pas toujours facile à vivre. Tu pourrais te lasser de moi. » Cette phrase, Sofia me l’a déjà dit, mais pour elle. Pourtant, l’inverse est tout autant possible. Ce que nous partageons reste récent, il y a bien des choses qu’elle ignore sur moi, des choses qu’elle pourrait détester. « Je m’emballe un peu, ce n’est peut-être pas ce que tu sous-entendais.. désolée. » Réalisant que je viens de me mettre à nue, pas littéralement, mon sourire s’efface et je baisse légèrement la tête, fuyant son regard. Qu’est-ce que je viens de faire..

Emmener Sofia dans les toilettes pour avoir un peu d’intimité n’était peut-être pas la meilleure des idées. L’objectif est bien atteint, c’est vrai, mais mes gestes pourraient être mal interprétés. Bien sûr, je ne dirais pas non à un moment intime avec elle, je ne garde que de bons souvenirs de la dernière fois où c’est arrivé, mais ce n’est pas de cela qu’il est question ici. Avec ce que la jeune femme vient de dire et ce que j’en ai déduis, parler est important à ce moment précis et je le sais. Surtout que maintenant, j’ai la confirmation que c’est vers cela qu’elle voulait faire tendre la conversation : vers cette idée d’officialiser les choses entre nous. Je ne vais pas mentir, cela m’effraie un peu. Sûrement parce que l’idée de tout faire foirer occupe pleinement mon esprit maintenant. Prendre les choses au jour le jour, c’est bien plus simple, même si cela ne peut pas être définitif. Le seul élément rassurant dans toute cette histoire, c’est que Sofia semble tout aussi perdue que moi. C’est vrai que dit comme cela, ce n’est pas la définition exacte de quelque chose qui est rassurant, mais au moins, si nous sommes toutes les deux au même niveau, nous pourrons avancer ensemble, au rythme qui nous convient le mieux. Comme elle le souligne, il n’est pas nécessaire de mettre une étiquette sur ce que nous sommes, pas pour l’instant. Ça me va ainsi. Pourtant, une partie de moi ne peut s’empêcher de penser que ce n’est pas une si bonne idée : nous ne faisons que repousser le problème, ou plutôt la discussion, à plus tard. Ce que nous avons en ce moment me fait du bien et je crois qu’au fond, j’ai peur que cela change, dans le mauvais sens du terme. Je vais devoir me dévoiler à un moment ou à un autre, mais la brune me rassure : elle ne s’attend pas à ce que je le fasse tout de suite. En réalité, si ses sentiments ne sont pas réciproque, je ne suis même pas obligée de le faire. À ces mots, je ne peux m'empêcher de froncer un peu les sourcils. Ce n'est pas ce qui se passe, ce que je pense ou ce que j'essaye de lui dire. Bien sûr qu'elle me plaît, bien sûr que je pense à elle et bien sûr que je ne veux qu'elle. Mais quand je vois comment il est difficile pour nous de nous voir, je ne peux m'empêcher de m'inquiéter pour la suite. Sofia se rapproche un peu de moi pour m'embrasser, avant de me proposer de retourner dans la salle principale, là où l'animation se trouve. Elle prend ma main dans la sienne et ensemble, nous quittons les toilettes. Nous nous avançons dans la foule. La musique calme a disparu, alors l'agitation d'avant a repris sa place. Nous traversons la pièce, jusqu'à nous retrouver face à un billard et rapidement, un sourire se dessine sur les lèvres de l'interne. « Avec plaisir. » Dis-je en réponse à son invitation. « Attends.. c'est aussi l'un de tes talents cachés ? » Le fait que je m'interroge se lit sur mon visage. Je ne savais pas pour la danse et je suis sûre que je ne suis pas encore arrivée au bout de mes surprises. « Parce que je ne suis pas venue ici pour souffrir. » Cette partie n'est que pour le plaisir. Enfin.. je suppose. À moins que je découvre aussi son côté compétitif ce soir. Il n'y aurait rien d'étonnant là-dedans : quand on cherche à devenir chirurgien, il ne faut pas se laisser marcher sur les pieds et à chaque occasion que l'on a, il faut savoir se mettre en avant, quitte à écraser les autres. « Est-ce que tu veux pimenter un peu le jeu ? À chaque boule que l'une de nous rentre, l'autre doit faire une révélation. Ça te dit ? » Ou alors, celle qui gagne pose la question de son choix à l'autre. Mais finalement, ça revient plus ou moins à la même chose. À la différence que si nous choisissons les révélations à faire, nous aurons le choix de celles qu'on veut, qu'elle soit plus ou moins grosses. Sans règle, nous pouvons bien révéler à l'autre notre couleur préférée ou alors notre plus gros secret. « Je te propose de casser le tas, ça te laissera l'occasion de faire rentrer la première boule. » Et donc d'obtenir la première révélation sur moi. Je récupère une queue et place les boules au milieu de la table, dans le triangle en plastique. Jusque là, tout va bien. Le billard n'est pas un jeu qui m'est inconnu, néanmoins, bien souvent, lorsque j'ai gagné, c'était en grande partie grâce à la chance. Impossible pour moi de mettre en place une stratégie, je me contente généralement de viser les billes et je croise les doigts pour qu'elles ne soient pas complètement déviées. Je vais partir dans la même optique ce soir : limiter la case et parfois, tenter un peu de folie pour pouvoir apprendre les secrets de Sofia.

En acceptant cette partie de billard sans même y réfléchir, je ne sais pas vraiment dans quoi je m'embarque. Je ne connais pas beaucoup des divertissements de la jeune femme. Elle ne cuisine pas beaucoup, joue du piano, fait du yoga de temps en temps. Mais après.. est-elle douée à ce jeu de bar ? D'après elle, ce n'est pas un talent. Mais à l'entendre dire cela, ça veut dire qu'elle sait y jouer un minimum. Un reste de ses soirées étudiantes sûrement. Il faut croire que j'ai le goût du risque, puisque même sans connaître son niveau, je propose de lier des révélations sur nous à chaque boule que l'adversaire rentre. Chose qu'elle accepte. J'espère seulement ne pas le regretter plus tard, surtout s'il s'avère que la brune arrive à rentrer chaque boule du premier coup. Je décide d'être une vraie Lady en lui laissant l'honneur de commencer. Elle casse le tas, éparpillant déjà bien les billes sur le tapis vert. C'était peut-être un coup de chance, ou alors, elle sait vraiment jouer. Je vais très vite le découvrir avec son deuxième, mais pour cela, elle doit contourner la table et ainsi avoir le meilleur angle pour rentrer l'une de ses boules. Lorsqu'elle passe à côté de moi, son corps vient effleurer le mien, ce qui m'arrache un sourire. Je ne sais pas si elle cherchait à attirer mon attention plus que nécessaire, cependant, la jeune femme est prise à son propre piège puisqu'elle rate son deuxième coup. À moitié au moins, puisque l'une de ses boules rentre dans le trou, mais elle est suivie de près par la blanche. À l’entendre, la jeune femme cherche à m’impressionner et forcément, ça me fait sourire encore plus. Les choses ne sont pas acquises entre nous, ça ne le sera jamais vraiment, alors nous donnons tout ce que nous pouvons pour faire bonne impression, pour attirer l’attention. « J’ai comme l’impression que tu essayes de me déconcentrer. » Dis-je, alors que son corps vient une nouvelle fois effleurer le mien. C’est un jeu dangereux auquel nous nous donnons. Mais n’en vaut-il pas la chandelle ? Rapidement, je reviens à ce qu’elle m’a dit un peu plus tôt. Elle a rentré l’une de ses boules, alors je dois me livrer un peu à elle. « Une révélation ? » Je ne peux m’en prendre qu’à moi-même pour le coup. La jeune femme avait simplement proposé un billard, sans d’autre but derrière. Je réfléchis un peu, cherchant ce que je pourrais bien lui dire pour commencer. Si nous réfléchissons bien, il y a encore beaucoup de choses qu’elle ignore sur moi, des plus importantes que d’autres, certaines sans réelle importance. C’est là tout le problème. Par quoi commencer ? Viser gros pour que la jeune femme puisse digérer un peu la nouvelle ou alors garder le mystère pour une autre fois, un autre jour. « J’ai été élevée par ma grand-mère. En Suède. » C'est personnel, sans trop l'être. Les personnes qui me connaissent un minimum en Nouvelle-Zélande sont au courant de cela. Sofia, elle, elle sait seulement que les relations avec ma mère sont compliquées, mais elle ignore pourquoi. Peut-être qu'avec cette révélation, elle va doucement se faire un avis sur la question. C'est maintenant à moi de jouer. J'essaye d'analyser le jeu qui se trouve face à moi. Il y a un coup facile, l'une de mes boules se trouvent directement face à un trou, sans obstacle à l'horizon. Je viens de me dévoiler un peu à elle, alors il est hors de question que je joue la difficulté et que je la laisse prendre le large. Je me saisis de la queue de billard et vise. Boum. Malheureusement, l'effet n'est pas celui que j'espérais. La boule blanche touche bien celle de couleur, mais celle-ci s'arrête à quelques centimètres du trou. Maintenant, je dois viser ailleurs. Heureusement, j'ai une autre option qui se présente à moi. Cependant, la chance ne semble pas avec moi, puisque la boule que je visais tombe dans le trou, mais elle est rapidement suivie par l'une de Sofia. « Tu vois ce que tu me fais faire. » Dis-je, sous-entendant par là que la simple présence de la jeune femme autour de la table me déstabilise. « Qu'est-ce qu'on fait dans ce cas-là ? Ce n'est que la première qui compte ? » Si nous suivons les règles, ce sont deux révélations qui nous attendent. Mais je compte sur la gentillesse de l'interne pour échapper à la mienne. Voyons voir ce qu'elle va dire.