is there somewhere you can meet me ? (charli)

Comme cette soirée chez elle, tout ce qui est en train de se passer prend une tournure bien différente de ce que j’imaginais. J’aurais pu passer la soirée seule, après une nouvelle déception. Mais à la place de cela, la brune s’est montrée dans ce bar et après une petite conversation, les choses entre nous se sont allégées. Même avec beaucoup de volonté, je ne sais pas si j’aurais réussi à lui faire la tête trop longtemps. Un jour, ça me perdra. Mais pas aujourd’hui, surtout pas quand je vois ce qui est en train de se passer. Cela aurait pu être une partie de billard classique, néanmoins maintenant, l’objectif est des plus intéressant et l’envie de battre l’autre est bien motivée. Au fond de moi, je crois que nous ne connaissons jamais vraiment quelqu’un : il y a toujours des choses que l’on apprend. Mais là, avec Sofia, j’ai une certaine marge de manœuvre là-dessus. Elle en a aussi pour moi, ce qui pourrait facilement se retourner contre moi si jamais la jeune femme est douée. En parlant de ça, la première boule qui rentre est l’une des siennes. Une boule, une révélation, c’est la règle. Je fais le choix de lui parler un peu plus de ma famille, de lui confier que je n’ai pas été élevée par ma mère, ce qui peut facilement l’aider à comprendre la relation conflictuelle que nous avons. Ces mots prononcés, il est inutile de s’attarder dessus. En jouant à mon tour, je fais tomber l’une de mes boules, mais l’une de celles à Sofia la suit rapidement. Logiquement, nous devrions nous partager les vérités. Pourtant, volontairement, Sofia fait en sorte de faire glisser l’une de ses boules dans un trou, l’obligeant à se confier deux fois, sans rien me demander en retour. Est-ce que je vais me plaindre ? Bien sûr que non. Alors qu’elle réfléchit la brune pose une question. Une question rhétorique, mais je ne peux m’empêcher de lui donner une réponse en hochant la tête. Pour sa première révélation, l’interne décide de partir sur le même thème que moi et tristement, je découvre que nous avons un nouveau point commun : nos pères n’ont pas été là pour nous, très peu pour elle et jamais pour moi. En y pensant bien, c’est vrai qu’elle n’a fait référence qu’à sa mère les précédentes fois où nous nous sommes vues. Comme deuxième divulgation, la jeune femme part sur quelque chose d’un peu moins privé, enfin.. c’est comme ça que je le vois. Elle n’a pas pris de vacances depuis trois ans, loin d’ici ou bien même à Island Bay ? Si c’est ça, je ne sais pas trop à quoi me préparer pour une éventuelle histoire avec elle. « C’est l’occasion ou jamais de venir découvrir la Suède avec moi. » Je balance cette idée comme ça, sans être certaine d’être vraiment sérieuse. Positionnée face à elle, je la regarde se concentrer et jouer son coup, qui malheureusement est raté. Je ne peux m’empêcher de sourire en entendant sa réflexion. Je crois qu’elle est en train de retourner mes propres phrases contre moi. Quoi qu’il en soit, j’ai maintenant l’occasion de prendre les devants dans ce match. Je me saisis de la queue de billard et essaye de faire abstraction de tout autour de moi, Sofia y compris, pour me concentrer. Cette technique semble payer puisque la première boule et rapidement, une deuxième l’imite. Malheureusement pour moi, l’expression "jamais deux sans trois" ne se produit pas aujourd’hui, puisque la troisième boule que je visais vient se heurter à un bord de la table. Ce que je viens de faire est déjà pas mal, c’est même un exploit pour moi. Je crois bien que la chance était de mon côté. Mon regard finit par se relever vers la brune. « Je crois que je dois une révélation, pour la boule de tout à l’heure. » J’aime en apprendre plus sur elle, mais je ne veux pas non plus que les choses soient inégales, qu’elles n’aillent que dans un sens. Après tout, si j’ai proposé cette version du jeu, c’est bien pour que nous apprenions des choses toutes les deux. Je prends quelques secondes pour réfléchir à ce que je pourrais lui dire. La réponse me vient très vite : cette fois-ci, je vais viser autre chose, un autre aspect de ma vie. « Je me suis déjà essayée à la pole-dance. Un vrai échec. » J’ai beau être sportive, il faut parfois se rendre à l’évidence : il y a des sports qui ne me correspondant pas. Il faut avouer que nous sommes bien loin de la précédente révélation que j’ai faite, mais il n’y a pas de règles, non ? Je finis le tour que j’ai commencé un peu plus tôt pour me rapprocher de la jeune femme. « À ton tour. » L’une de mes mains vient effleurer son ventre, alors que je me glisse doucement derrière elle. « Je vais finir par tout connaître de toi. » Et cette idée est loin de me déplaire.

Ce qui est en train de se passer se rapproche plus de l'exceptionnel que du talent. Si ces boules rentrent, les unes à la suite des autres, c'est en partie grâce à la chance. Mais je ne vais pas me plaindre de cela, puisque le but de cette partie, c'est qu'elles finissent toutes dans l'un des trous de la table. D'autant plus qu'avec la règle que j'ai ajoutée, chaque boule qui rentre, c'est l'occasion d'en apprendre un peu plus sur la jeune femme et ça, je ne vais pas me faire prier pour y arriver. Face à tant de réussite, Sofia se rend à l'évidence : elle va devoir augmenter son niveau de jeu pour rivaliser. Qu'elle se rassure, je ne pense pas que ce sera aussi simple pour la boule qu'il me reste. D'ailleurs, pour équilibrer un peu les choses, je décide de lui faire une révélation sur moi. Tout à l'heure, elle n'a pas compté le coup que j'ai raté tout à l'heure, la bille que j'ai malencontreusement faite tomber par accident. Néanmoins, je décide de partir sur un aspect un peu moins personnel. Je lui fais un cadeau déjà, je ne vais pas en plus me mettre à nue. Je lui parle de mon essai cuisant à la pole-dance. C'est quelque chose qu'elle aurait aimé voir et pour le coup, je ne sais pas si elle aurait voulu ça pour se moquer un peu ou pour voir ce que cela aurait pu donner. Si c'est pour la première option, je ne peux pas la blâmer, c'est ce que j'ai espéré aussi quand ma mère m'a parlé de son envie de se mettre au surf. Lorsque la brune commence à se dévoiler suite à mes boules réussies, je reporte toute mon attention sur elle. Afin de me permettre d'en savoir un peu plus sur elle, Sofia évoque son coming-out, fait assez tôt pour le coup. Ce qui m’étonne un peu, car quand je l’ai rencontré, j’aurais donné cher de ma peau pour dire que la brune était hétérosexuelle. Comme quoi, tout arrive. Après cela, elle parle de la cuisine. Lors de nos précédents rendez-vous, elle a mentionné le fait d’être une catastrophe derrière les fourneaux, mais visiblement, elle ne l’est pas pour un seul plat. « Est-ce une invitation pour que je prenne le petit-déjeuner chez toi ? » La fois où je me suis réveillée chez elle, l’interne était déjà partie à son boulot, je n’ai donc pas eu l’occasion de goûter à ses fameux pancakes. Ces deux révélations faites, c’est maintenant au tour de Sofia de jouer et elle passe en mode offensive. Elle est concentrée dans ce qu’elle fait et ça se voit. Ça se voit, oui et j’en ferais très clairement les frais puisque les boules rentrantes s’enchaînent. Si j’étais amusée de voir la brune chercher des anecdotes inédites, c’est maintenant à moi de devoir me creuser les méninges. Il y a une chose assez évidente dont je pourrais parler : mes troubles alimentaires. Mais non, je me garde bien de le faire. Rares sont les personnes au courant (ma famille, mes médecins et les autres patients des centres où j’ai pu aller pour ça), alors cela attendra un peu. Mais indirectement, je trouve la première révélation que je peux lui faire. « J’ai une année de retard. J’ai redoublé ma première année. » Bien qu’un peu personnelle, cette information n’est pas non plus la plus intime que j’ai en réserve. Ce genre de choses arrivent plus souvent qu’on ne pourrait le croire. Une anecdote dite, il m’en faut encore trois. « Ma grand-mère m’a très vite parlé de contraception. Elle craignait que je tombe enceinte jeune. » Que je reproduise le schéma qui m'avait amené à la vie. Mais là encore, ce détail sera pour une révélation d'un autre jour. Mais cela en dit long sur mon passé amoureux. Et si la jeune femme a fait son coming-out tôt, ce fut aussi mon cas, car je ne me suis jamais cachée d'être attirée par les deux genres. « En arrivant à Island Bay, je ne pensais rester que quelques mois avant de repartir en Suède. » J'attendais d'être majeur pour pouvoir repartir et faire ma vie seule. Mais le destin en a décidé autrement et plus de quatre ans après mon arrivée, je suis toujours là. Trois sur quatre, doucement, j'arrive au bout. « Je n'ai pas le permis. Je me déplace le plus souvent en vélo. » Et voilà, mon monologue touche à sa fin. Lorsque mon regard se pose sur la table, je fais rapidement le calcul. Il me reste trois boules, contre une pour elle. Ça veut dire qu'à son prochain coup, elle peut gagner. Même si je me suis beaucoup confiée ce soir, il y a quelque chose qui manque, quelque chose que je n'ai pas encore eu l'occasion de lui dire. Pour palier à ça, il n'y a qu'une solution : que Sofia gagne. Il y a de fortes chances que cela arrive, mais je décide de forcer un peu le destin. Je me mets en position et d'un geste lent, le déplace la queue de billard. C'est sans grande surprise que la boule blanche bouge à peine. Je me retourne vers la jeune femme, un sourire sur les lèvres. Je hausse légèrement, dans l'espoir de lui faire croire que c'était un accident, mais je ne suis pas bête, il y a très peu de chance pour qu'elle y croit. « C'est à toi. Montre moi toute l'étendue de ton talent. » Tout repose sur ses épaules maintenant. Soit elle me rend la pareille, soit elle me suit.

Les règles sont les règles. Sofia a rentré quatre boules, alors c'est autant de révélations que je vais devoir lui faire. Elle a dû m'en faire plusieurs tout à l'heure, ce n'est qu'un retour de flammes et je m'y attendais un peu. Je choisis méticuleusement ce que je lui dis, dévoilant ainsi des choses sur moi, sans non plus lui parler de mes plus sombres secrets. Lorsque j'évoque l'idée que j'avais en arrivant ici, celle de repartir en Suède dès ma majorité, la jeune femme révèle être heureuse que je n'en sois pas arrivée là. Il est vrai que si j'avais suivi cette idée, alors nous ne nous serions jamais rencontrée. Comme quoi, il y a toujours des décisions qui changent nos vies, dans un sens ou dans l'autre. J'évoque ensuite le moyen de transport que j'utilise le plus, par envie, mais aussi par obligation puisque je ne sais pas conduire une voiture. Ce qui complique le fait de faire un road-trip, chose que je n'avais pas du tout anticipé. Mais si Sofia en parle est-ce parce que cette idée lui plaît ? Comme le voyage dans mon pays natal, c'est une chose que l'on aura l'occasion de voir plus tard. Pour cela, il faudrait déjà que la brune ait plus de deux jours de repos consécutifs. Mes révélations faites, c'est à moi de jouer. Une boule, contre trois. J'ai encore une chance, même si c'est compliqué. Pourtant, je fais le choix de ne pas vraiment jouer, de simplement bousculer la boule de quelques millimètres. Ce coup me pénalise doublement, car en plus de lui laissant la main, je lui offre aussi la possibilité de jouer deux fois. Avec le sourire qui se dessine sur mon visage, Sofia comprend assez vite que tout cela était volontaire. Par chance, contrairement à moi, elle décide de jouer honnêtement. Je n'en attendais pas moins d'elle. Elle rentre sa dernière boule, puis la noire, avant de me révéler qu'elle n'aime pas vraiment perdre. Heureusement pour nous, avec mon petit stratagème, nous ne nous retrouverons pas dans un tel cas de figure. Elle ne s’arrête pas là, la brune continue de jouer en faisant cette fois-ci rentrer l’une de mes boules dans un trou. Cette fois-ci, elle avoue ne pas aimer gagner aussi facilement. Bien sûr, une victoire de sa part était voulue, mais tout de même, je ne peux m’empêcher de grimacer un peu. Je hausse légèrement les épaules et fais le tour de la table pour me rapprocher un peu d’elle. « Si mes calculs sont bons, je te dois une nouvelle révélation. » Je ne m’attends pas à une réponse de sa part, je l’ai déjà. C’était là tout le but de mon opération. J’attrape la brune par la taille et l’oblige à se retourner vers moi. « Je t’apprécie. Beaucoup. » Même si la soirée avait mal commencée, la présence de la brune à mes côtés et la joie que cela me procure ne font que confirmer que je ressens bien quelque chose pour elle. Je l’attire un peu plus contre moi, collant ainsi nos deux corps l’un contre l’autre. « J’ai envie d’être avec toi, moi aussi. Juste avec toi. » Le sourire que j’ai sur les lèvres s’étend un peu plus. Je me rapproche un peu plus d’elle pour pouvoir l’embrasser, mais avant que nos lèvres ne se touchent, je tourne la tête vers la table l’espace de quelques secondes, avant de reprendre ma position initiale. « Mais.. comme tu as fait rentrer certaines de mes boules, ça veut dire que tu me dois des révélations toi aussi. » Je la regarde, amusée, ce serait dommage de ne pas aller au bout de ce jeu, non ? Surtout si près de la fin. « Il ne fallait pas vouloir me ridiculiser comme ça. » L’interne aurait pu s’arrêter à la boule noire et pourtant, elle a continué en faisant rentrer les miennes, juste pour le plaisir. Je crois que je l’ai suffisamment faite attendre. Alors que mon regard oscille entre ses yeux et ses lèvres, je me rapproche un peu plus d’elle et réduit la distance qui sépare nos lèvres. Finalement, cette soirée est remplie de surprises, il aurait été dommage de passer à côté de cela.

Ce revirement de situation est calculé. Il ne l’était peut-être pas au début de cette partie, mais maintenant que Sofia est devant au score, c’est l’occasion ou jamais. N’étant pas une mauvaise perdante, je ne mets pas longtemps à me décider sur la solution à mettre en place pour faire gagner la jeune femme, pour me saboter moi-même. Bien qu’énervée au début de la soirée, pensant que j’allais encore devoir la passer seule, j’ai bien vite compris que je ne pourrais pas lutter indéfiniment face à elle, face à mes sentiments qui se font de plus en plus grands à son égard. Dans les toilettes, j’étais prête à avoir cette conversation avec elle, sûrement parce qu’au fond de moi, je savais déjà quelle réponse lui donner. Pourtant, seule avec elle dans cette pièce, aucun mot n’est sorti de ma bouche pour aller dans ce sens-là. Le faire maintenant, c’est déjà beaucoup pour moi et puis, vaut mieux tard que jamais, non ? Quoique.. si ça n’aurait pas été là, je l’aurais sûrement fait à un autre moment, sous une autre forme. Mon désir pour elle et la facilité que j’ai à être moi-même quand je suis en sa présence m’auraient poussé à affirmer ou au moins à lui montrer que je ne voulais être qu’avec elle. Je saute dans l’inconnu, ou presque. Je connais déjà son avis sur la question, mais peut-être que la manière dont je le fais ne lui plaira pas tant que ça. Néanmoins, à en voir le sourire qui se dessine sur ses lèvres, je peux respirer de nouveau. Je ne sais pas vraiment ce que tout cela va donner : les personnes qui me connaissent un minimum peuvent dire que je ne suis pas vraiment douée en amour. Je ne peux pas leur en vouloir, mes relations n'ont jamais duré plus de quelques mois et ce n'est sûrement pas un hasard. Je ne sais pas si c'est un traumatisme de mon enfance ou si c'est simplement parce que je n'ai pas trouvé la bonne personne encore, mais m'attacher aux gens, ça m'effraie. Ça m'effraie, oui. Mais ce n'est pas pour autant que je n'essaye pas. Après tout, sans essayer, nous serons bien incapables de savoir si c'est vraiment possible entre nous. Le corps tout entier de Sofia traduit ses émotions et je ne peux cacher ma joie face à cela : ma révélation a été bien reçue et finalement, cette victoire donnée est déjà oubliée. Ou presque. Je me sens obligée de reporter mon attention sur la table pour récupérer les anecdotes que la jeune femme me doit. « Bien sûr. Je veux tout savoir de ma copine. » Ce mot sorti de mes lèvres sonne presque bizarrement tellement c'est nouveau, mais j'ai pourtant fait volontairement le choix de l'utiliser. Sûrement pour rendre les choses un peu plus officielles. Avant même de prononcer son secret, la brune s'éloigne de moi et récupère nos deux queues de billard pour les ranger à l'endroit où nous les avons prises. De retour vers moi, elle glisse sa main dans la mienne. Nous nous rapprochons doucement de sa révélation, mais Sofia a l'air de prendre un malin plaisir à me faire attendre, ou bien même à me faire imaginer toutes les fins possibles qu'elle pourrait utiliser. Après quelques secondes de tortures, elle finit enfin sa phrase et je réalise que mon esprit était déjà allé bien plus loin que ça. « Si cela veut dire que j'aurais la chance de goûter à tes pancakes, alors je te suis les yeux fermés. » Indirectement, je m'invite chez elle, pour le reste de la soirée si c'est là qu'elle veut, mais aussi pour la nuit. J'espère qu'elle ne m'en voudra pas trop. Avant de quitter les lieux, je tire sur la main de la jeune femme pour me rapprocher une nouvelle fois d'elle et déposer mes lèvres sur les siennes. Ce baiser volé, je suis prête à mettre les voiles avec elle. Avec elle, je pourrais aller n'importe où. Ce soir ou un autre jour. N'importe où, n'importe quand.