Rendez-vous de passionnés [Feat. Noomi Savalas]

Lucca ne sortait que très peu, il faut dire qu'il avait besoin d'aide pour se déplacer, alors il restait très souvent chez lui. Il y a quelques jours, il avait reçu un flyer dans son courrier, il parlait d'un rassemblement de voitures anciennes. Destiné aux amateurs ou aux professionnels, le brésilien hésitait à y aller. Il adorait les voitures anciennes, et probablement que s'il n'avait pas peur de reprendre le volant, il aurait une voiture adaptée pour lui, mais l'angoisse de reprendre le volant était trop importante pour qu'il ne soit pas un danger sur la route pour les autres automobilistes. L'ancien sportif avait fini par mettre le prospectus de côté avant de retourner vaquer à ses occupations.

Ce n'est que quelques jours plus tard qu'il retomba dessus, l'événement se déroulait aujourd'hui dans le centre ville. Il n'avait pas vraiment pris le temps d'y réfléchir depuis la dernière fois, mais il était plutôt dans un bon jour alors autant en profiter non ? Il avait enfilé une veste afin de ne pas avoir trop frais. Le soleil était encore présent mais il ne chauffait plus autant qu'en plein été, donc il valait mieux se couvrir pour éviter d'être malade. Lucca avait quitté sa villa pour aller dans le centre-ville, le jeune homme n'aimait pas trop se déplacer, il était confronté aux regards des autres et ça le mettait toujours très mal à l'aise, en plus de ne pas les accepter.

Une fois sur place, le brésilien essaya de se frayer un chemin. Visiblement l'événement avait rassemblé pas mal d'amateurs. De là où il était, il pouvait déjà apercevoir certains modèles exposés en plein air avec à côté, leur propriétaire qui répondait aux questions des passionnés. La foule était plus dense par endroit si bien que Silveira finit par opter pour rester en retrait. La foule, les gens, il était préférable qu'il se contente de sa place, installé près du coin de restauration, il avait une vue d'ensemble et il allait devoir s'en contenter.

Avec une voiture comme la sienne, Noomi ne pouvait que participer à ce genre d’évènements. En effet, sa Mustang ne passait jamais inaperçue. Et quand bien même elle n’était pas particulièrement pratique quand on a des enfants, la grecque n’avait pas été capable de faire ce sacrifice. De toute manière, son père étant garagiste, elle n’avait qu’à demander pour qu’il lui prête une voiture de dépannage si jamais elle avait besoin d’un coffre plus spacieux. Bien que le coffre n’était pas souvent le problème. Soit, tout ça pour dire que Noomi raffolait des voitures anciennes. Il n’était donc pas surprenant qu’elle participe à ce rassemblement. Ce n’était d’ailleurs pas le premier auquel elle se rendait, exhibant fièrement sa jolie Mustang toute apprêtée, faisant rugir son moteur à la moindre occasion. Souvent, elle pensait qu’elle avait de la chance car l’accident de la route qui avait bien failli lui coûter la vie aurait pu lui ôter tout engouement pour les bolides à quatre roues, mais il n’en était rien, celui-ci demeurait intact. Sans se départir de son sourire, elle répondait aux questions qu’on lui posait sur son véhicule -et parfois sur d’autres sujets car il était inévitable que certains la reconnaissent. Voilà ce qui arrive lorsque votre visage est placardé sur certains bus de la ville -, puis elle alla faire un tour afin d’admirer les joujoux des autres. Y a pas à dire, toutes ces voitures devaient valoir un paquet de thunes.

Tandis qu’elle slalomait entre les différentes personnes rassemblées, la blonde remarqua un jeune homme se tenant un peu à l’écart. Comme s’il n’osait pas trop se lancer dans un bain de foule. Celui-ci était en fauteuil roulant et c’était peut-être pour ça. Pas évident de se déplacer dans une foule aussi dense tout en veillant à ne rouler sur les pieds de personne. C’est donc tout naturellement qu’elle se dirigea vers lui, sourire aux lèvres.
« Salut ! T’es venu en tant que visiteur ou bien tu as une voiture exposée ici, toi aussi ? »
La question pouvait paraître maladroite mais, quand bien même ne pourrait-il pas la conduire que quelqu’un d’autre pouvait s’en charger à sa place. Et puis elle savait qu’il existait des voitures adaptées alors pourquoi pas ? Si ça l’intriguait un peu, ce n’était pas pour ça qu’elle lui posait la question mais tout simplement pour faire un brin de causette.

Certaines personnes possédaient une liste de toutes les choses qu'ils souhaitaient faire avant de mourir. Lucca n'en avait pas mais il y a plusieurs choses qu'il aimerait faire, enfin, tout ça c'était avant cet accident. Depuis, il n'avait plus goût à rien, ne serait-ce que voir des matches de football à la télévision, c'en était trop pour lui. Son rêve avait été brisé en plein vol et il n'arrivait toujours pas à atterir et à se faire à son nouveau statut d'handicapé et tout ce que ça implique.

Le fait de venir assister à ce rassemblement c'était déjà un énorme effort qu'il faisait, lui qui d'ordinaire ne sortait pas de chez lui pour éviter le regard de parfaits inconnus. Il faut dire que dans sa liste qu'il n'avait jamais faite, il y avait le fait de posséder une voiture ancienne, tout comme de pouvoir piloter ou faire un tour avec une voiture de F1. Et les voitures anciennes ce n'est pas ce qui manquait sur place. Il repéra une magnifique Mustang, exactement comme celle qu'il souhaitait, il aurait juste changé la couleur peut-être, mais ce n'était qu'un détail. Les bruits des moteurs rugissants de part et d'autre le faisait rêver, oubliant presque qu'il était le cul visé dans son fauteuil roulant et qu'il devait se contenter de rester en retrait. Son autre voiture de rêve c'était une aston martin, la DB5, celle dans James Bond pour les connaisseurs. Mais tout cela était utopique, il allait devoir se contenter d'en rêver.

" - J'aimerai bien en avoir une d'exposée, mais malheureusement je me contente simplement du spectacle."

Une femme venait de s'approcher de lui, il lui semblait que c'était celle qui était aux côtés de la Mustang peu de temps avant.

" - Excuse-moi, mais la Mustang est à toi ?" demanda-t-il les yeux presque pétillants.

C'était la première fois depuis son retour chez lui qu'il avait presque l'impression d'être normal, de ne pas être coincé dans ce fauteuil.

Quel dommage qu’aucune des voitures exposées ne soit le sienne. Mais Noomi pouvait comprendre ; une voiture de collection, ce n’était pas donné. Il fallait même parfois aller jusqu’à vendre un rein au marché noir pour pouvoir s’en offrir une. Et une fois que c’est fait, la garder au garage de peur de l’abîmer dans le trafic ou sur un parking, c’était tout de même un peu triste. La grecque s’estimait chanceuse d’avoir un père garagiste, sans quoi elle n’aurait sans doute jamais pu se permettre une telle folie. Pas avec une petite bouche à nourrir à la maison, en tout cas. Un grand sourire très fier étira ses lèvres lorsque le jeune homme lui demanda si la Mustang ne serait pas la sienne, par hasard. Presque de la même manière que la blonde pouvait parler de sa fille sans jamais se lasser, elle pouvait parler de sa voiture. Je sais, c’est mal de faire la comparaison et évidemment que s’il fallait n’en choisir qu’une, ce serait sa fille qui l’emporterait, mais Noomi aimait quand même beaucoup sa voiture. Aussi surprenant que ça puisse paraître d’ailleurs, puisqu’elle ne l’avait eue qu’après son accident. Accident qui l’avait envoyée dans le décor aussi bien que dans le coma, coma qui lui avait créé de très sérieux problèmes de mémoire et qui aurait donc pu la dégoûter de s’asseoir à nouveau derrière un volant quel qu’il soit. Mais fort heureusement pour elle, il n’en était rien et elle chérissait sa Mustang comme le trésor qu’elle était.
« Oui, c’est la mienne ! J’ai eu beaucoup d’chance, mon père est garagiste et quand on la lui a apportée, c’était à l’état d’épave. On a passé plusieurs mois à la r’taper tous les deux pour obtenir ce p’tit bijou. »
De très bons souvenirs pour Noomi qui s’était efforcée de ne pas les oublier. D’autant que ses troubles de la mémoire ne lui permettaient en ce temps-là quasiment plus de toucher un clavier de piano – sans savoir si elle y retoucherait un jours ou non -, alors elle n’avait eu aucune crainte de s’abîmer un peu les mains en se coinçant les doigts dans une portière, un capot ou encore en se blessant à cause de tel ou tel outil. Un vrai bonheur car elle aimait bien la mécanique. Ou en tout cas, elle adorait ces instants insouciants passés en compagnie de son père.

D'aussi loin qu'il se souvienne, Lucca avait toujours aimé les voitures anciennes. Il n'avait pas eu la chance d'en posséder une avant son accident, non pas par faute de moyen, mais parce qu'il avait opté pour des voitures de location dans les villes où il passait quelques temps. Il ne restait jamais très longtemps sur place, alors inutile de s'encombrer de biens qu'il ne pourrait transporter par ses propres moyens. Au final, avant d'arriver à Island Bay, le brésilien avait surtout vécu dans des chambres d'hôtel, alors il n'avait que très peu de biens personnels en sa possession et ça lui allait très bien. Il n'avait jamais été très matériel, la seule chose qui lui importait réellement c'était d'être bien entouré, que ce soit avec des amis ou ses coéquipiers. Ce temps-là est malheureusement bien loin désormais.

" - Elle est magnifique en tout cas, vous avez fait du bon travail pour la retaper !" fit-il en reportant son regard sur le véhicule au loin.

Il s'attarda sur la beauté un instant avant de sortir de ses pensées en entendant les personnes non loin s'émerveiller sur les véhicules exposés. C'est vrai que c'était beau, aussi bien le rassemblement de passionnés sans aucune distinction et le fait de sortir des véhicules sur lesquels certains propriétaires avaient passés de long mois, voire années avant de pouvoir en arriver à ce résultat. Tout ce monde réunit pour la même chose, ça rappelait à Lucca les fans qui venaient assistés à ses matchs. Cette pensée lui arracha une grimace.

" - C'est ton métier la mécanique ou c'est juste un passe-temps ?"

Ne voyez rien de sexiste dans cette question. Lucca était bien plus ouvert d'esprit que ceux qui pensent que la mécanique est exclusivement réservé aux hommes. On est plus en 1800, au 21ème siècle, les femmes font bien ce qu'elles veulent, et c'est dingue que tout cela soit encore tant stigmatisé. Les mentalités étaient encore bien trop fermées sur beaucoup de sujets et le joueur de football essayait de faire changer ça à son échelle.

Une fois de plus, le visage de Noomi s’illumina en s’entendant dire qu’elle avait fait du bon boulot. Enfin, eux. Elle, mais surtout son père, bien entendu. Ce dont elle était tout à fait capable de se rendre compte par elle-même, bien sûr, mais ça faisait quand même toujours plaisir de se l’entendre dire par d’autres. Là-dessus, le jeune homme lui demanda s’il s’agissait de son métier. Oh, elle aurait très bien pu. La grecque avait commencé à s’intéresser aux voitures que son père bricolait alors qu’elle n’était pas plus haute que trois pommes. Si, dans un premier temps, elle n’avait fait que le regarder travailler avec fascination, il n’avait pas fallu longtemps avant qu’elle ne veuille mettre la main à la pâte. Mais c’était sans compter sur sa mère qui, déjà très jeune, avait d’autres projets pour elle. Des projets impliquants qu’elle devait faire très attention à ses mains puisqu’il s’agissait de leçons de piano. Et dans la mécanique, on a quand même très vite fait de se coincer un doigt quelque part. Soit, elle préférait ne pas trop y penser parce que ça la rendait toujours un peu amère de se rappeler qu’on ne lui avait pas vraiment laissé le choix. Bien qu’elle adore le piano, pourtant.
« Pas du tout, j’suis dans la musique. Enfin, j’étais. Maintenant, j’anime une émission de radio. Tu connais peut-être ? 93.5 ? »
C’était la fréquence de sa radio mais… Disons qu’elle n’était pas étonnée que beaucoup ne la connaisse pas ; son émission nocturne était la seule proposant un contenu un peu jeune – elle n’irait pas jusqu’à dire frais parce qu’elle s’inspirait de ce qu’elle avait elle-même écouté comme émissions de radio quand elle était plus jeune mais toujours est-il qu’elle avait beaucoup de succès auprès des jeunes adultes. Voire même des adolescents, lorsque ceux-ci s’autorisaient à veiller tard.
« Et toi ? Qu’est-ce que tu fais dans la vie ? »
Noomi avait toujours eu le contact facile. Sûrement pour ça que la transition pianiste-animatrice radio s’était faite sans trop de mal bien que le seul lien entre ces deux métiers soit très vaguement la musique. Alors non, elle n’était pas du genre à faire la conversation à n’importe qui et pouvait même parfois se montrer très fermée, mais encore fallait-il que la personne ne l’intéresse pas le moins du monde. Ce qui n’était pas le cas de ce jeune homme.

Lucca ne pouvait que constater que le travail que la passionnée avait payé, elle possédait une voiture comme il les aimait. Parmi ses modèles de rêve, il y avait la mustang fastback. C'était parfois cette pensée qui lui donnait envie de se battre encore plus, pour un jour s'installer derrière le volant de manière autonome. Ce n'est pas juste son avenir professionnel qu'il avait perdu avec cet accident, c'était son avenir tout court. Il n'avait plus le droit de rêver de sa prochaine escapade, le seul paysage qu'il pouvait contempler était celui qui s'offrait à lui à l'intérieur de sa villa. Fut un temps où il la considérait comme son paradis, la réalité était tout autre aujourd'hui.

" - Oh tu es une artiste alors. Tu chantais ou tu jouais d'un instrument de musique ?"

Tant dans le domaine de la musique que dans celui de la mécanique visiblement ! La musique était aussi un domaine dans lequel il avait grandi. Maitrisant la guitare depuis de nombreuses années

" - En réalité, je ne suis pas très radio.." avoua-t-il presque honteux de ne pas connaître la fréquence où elle travaillait. " - Tu animes quel genre d'émission ?" Qui sait, peut-être qu'à l'issue de cette discussion, il se mettra à l'écouter !

Il était plus télévision que radio, et encore, il n'y passait pas beaucoup de temps. Ses passes-temps étaient plutôt la cuisine et la littérature, parfois aussi les jeux vidéos, mais il n'était pas ce que l'on pouvait appeler un "geek" pour autant. La discussion était plutôt détendue jusqu'au moment où son interlocutrice lui retourna sa question. La fameuse question qui lui rappelait qu'il ne lui restait rien.

" - J'étais sportif profesionnel.. Footballeur pour être plus exact." fit-il en baissant le regard pour ne pas avoir à affronter ce qui pourrait se trouver dans celui de la jeune femme.

Une artiste, oui. C’est tout du moins ce que sa mère avait toujours essayé de faire d’elle. Quant à savoir si elle y était parvenue… Disons que Noomi s’en sentait l’âme, en effet. Mais elle avait toujours vu le peu de reconnaissance des gens auprès desquels elle s’était produite comme un échec. Non, la grecque n’avait jamais percé, quel que soit le milieu. Et c’était pourtant pas faute d’avoir essayé. En tout cas jusqu’à ce qu’elle tombe enceinte ; elle ne se voyait plus vraiment mener une vie de représentations partout dans le monde – ou au moins dans le pays – avec un bébé sur les bras. Il lui avait donc fallu tirer un trait sur sa carrière au profit de sa vie de famille. Chose qu’elle avait fait sans le moindre regret bien que les propositions de contrats avaient commencé à affluer pile à ce moment-là. A croire qu’elle n’était tout simplement pas faite pour être une star. C’est la vie. Un sourire même pas amer du tout se dessina sur ses lèvres tandis qu’elle expliquait :
« Un peu des deux ! Je chante, mais je suis avant tout pianiste. »
Et encore une fois, elle pourrait ajouter qu’en tout cas, ça l’était, puisque ses troubles de la mémoire avaient mis entre parenthèses sa pratique durant plusieurs années. Et maintenant qu’elle reprenait tout doucement parce qu’amélioration, elle sentait bien qu’elle n’était plus au même niveau qu’autrefois. Ce qui était pourtant loin de la décourager : elle savait que ça finirait par revenir. Et quand bien même, elle était bien à la radio, elle s’était faite à l’idée qu’elle ne ferait plus carrière dans la musique. Plus à son âge.
« Et toi, tu joues ? »
Des fois qu’ils n’aient pas que leur amour des belles voitures en commun… Qui sait ? Peut-être même qu’un jour, ils seraient amenés à jouer ensemble. Cependant, mieux valait que la blonde ne s’emballe pas trop tant qu’il ne lui avait pas donné sa réponse. Pour l’heure, il s’enquit de quel genre d’émissions elle pouvait bien animer, après lui avoir révélé qu’il n’était pas très fan de la radio de manière générale. Ce dont elle ne pouvait lui vouloir étant donné qu’elle-même ne l’écoutait plus avant que son père ne lui trouve cette place.
« Une émission nocturne. Tu sais ? Le genre où on peut vraiment parler de tout et surtout n’importe quoi parce que les patrons dorment pendant ce temps-là. »
Noomi sentit ensuite qu’elle avait touché un point sensible en questionnant le jeune homme au sujet de ce qu’il faisait dans la vie. Ce qui ne l’étonna guère puisque c’était du Noomi tout craché de mettre les pieds dans le plat. Et elle vit bien aussi qu’il évita aussitôt son regard, aussi opta-t-elle pour une approche un peu différente.
« Wow, ça veut dire que t’es une star toi aussi ! J’m’y connais pas du tout en sport mais j’serais honorée d’avoir ton autographe ! »
Bien sûr que c’était triste dans le voir dans un fauteuil roulant mais elle n’avait aucune envie de le lui rappeler et préférait se concentrer sur les points positifs.

Étant donné que Lucca avait toujours eu le sport dans les veines, il ne s'était jamais demandé ce qu'il avait envie de faire en dehors du football, son autre passion c'était la musique, alors évidemment quand la jeune femme évoqua ce domaine, il ne put s'empêcher de la questionner sur le sujet. Bon il y avait aussi sans doute un peu de curiosité derrière son interrogation. Et puis on ne va pas se mentir, autant le brésilien n'est plus à l'aise avec les conversations comme il avait pu l'être avant son accident, mais tant que la discussion n'avait pas pour sujet sa personne, ça lui convenait très bien !

" - Oui, je joue de la guitare acoustique. J'ai voulu essayé le piano à un moment mais je ne me suis jamais lancé dans cette direction."

Et puis, autant avoir une guitare chez soi c'est pratique, mais avoir un piano il fallait avoir l'espace pour. Ce n'était même pas une question d'argent pour le posséder, mais à quoi lui aurait servi un piano en changeant d'endroit tous les 3 matins pour disputer un match ? C'était aussi ce qui l'avait poussé à avoir une guitare plutôt qu'un piano, le transport était plus pratique.

" - Je vois effectivement, et ça va, c'est pas trop compliqué à gérer cette liberté justement ? Je suppose que y'a certainement des auditeurs qui en profitent un peu trop, non ?"

Quand on laissait la parole sans mettre de barrière, il y avait toujours des personnes qui saissisaient l'occasion pour dire tout ce qui leur passait par la tête. Mais c'était aussi une bonne solution pour ceux qui n'arrivent pas à en parler dans d'autres circonstances. Il faut simplement un juste milieu.

Un léger sourire se dessina sur les lèvres du sportif. Lui une star ? Oui on peut dire ça comme ça même s'il n'aimait pas ce statut privilégié.

" - Je ne suis pas certain qu'il ai encore une quelconque valeur.." avoua-t-il à son interlocutrice.

Son heure de gloire était désormais finie, il allait devoir s'y faire. Ce n'était pas tant le fait que sa célébrité soit derrière lui qui le peinait le plus, retrouver un certain anonymat lui allait aussi, mais c'était ce qui l'avait rendu célèbre qui lui manquait.

" - Mais je peux quand même t'en faire un si tu y tiens." finit-il par dire en essayant de ne pas trop montrer cette nostalgie qui l'animait.

Ah, la guitare, c’était chouette aussi. Difficile de dire autrement quand on sait que le petit ami de Noomi est guitariste. Et qu’il lui a déclaré sa flamme en venant jouer la sérénade sous sa fenêtre. Bien qu’en vérité, la grecque n’aurait pas eu le moindre mal à le faire savoir si elle n’avait pas aimé ça du tout, elle qui faisait partie de ces gens qui ne mâchaient jamais leurs mots. Ce qui signifiait donc qu’elle devait forcément bien aimer ça. Et c’était le cas. Nouveau sourire tandis qu’une lueur de malice se mettait à briller dans ses yeux clairs.
« T’as eu bien raison d’faire ce choix, c’est bien plus facile de choper avec une guitare qu’avec un piano, tu peux m’croire ! »
Notamment parce que c’est bien plus difficile de traîner un piano à un feu de camp ou à tout autre rassemblement de ce genre, par exemple. Après, la blonde ne pouvait pas non plus aller jusqu’à dire que le fait de jouer du piano ne l’avait pas aidée à emballer non plus. Peu importe l’instrument, un musicien reste un musicien avec cette espère de pouvoir magique qui l’accompagne.

Par contre, il n’avait pas tort lorsqu’il pensait que le fait de travailler de nuit devait être une porte ouverte pour tout plein de gens un peu bizarres et bien décidés à aller trop loin. Des auditeurs comme ceux-là, elle en avait assez souvent. Pas tous les soirs non plus, mais ça n’était tout de même pas rare.
« J’t’avoue que je n’saurais pas quoi faire sans la standardiste avec qui j’bosse. C’est elle qui filtre ce genre d’appels. Et elle est plutôt efficace, même s’il lui arrive d’en laisser passer l’un ou l’autre à l’antenne. »
Des erreurs compréhensibles car il arrivait que ça soit le but de certains. Bref, à l’évocation de l’autographe, le jeune homme se la joua modeste alors qu’elle était sûre que, même après ce qui avait fait qu’il se trouvait aujourd’hui en fauteuil roulant, son nom était encore connu de tous les fans.
« J’y tiens ! J’aime bien m’vanter de croiser des stars par-ci, par-là et c’est évidemment encore mieux quand j’en ai la preuve. »
Grâce à son métier, c’était le genre de choses qui arrivait souvent ; soit quand certains chanteurs étaient de passage, soit lorsqu’on l’envoyait à certains concerts qu’il ne fallait vraiment pas louper, mais c’était quelque chose qui lui collait de toute manière à la peau étant donné qu’elle était la petite nièce d’une ancienne vedette de cinéma.

Lucca émit un léger rire en entendant le discours de la jeune femme. Il est vrai que transporter une guitare que ce soit pour une sortie ou pour un voyage, c'est toujours plus simple qu'un piano ou qu'un autre instrument tout aussi imposant. Mais ce n'est pas pour cela qu'il avait choisi la guitare, il n'y avait pas de raison précise, c'était cet instrument qui l'avait attiré des années auparavant et c'est avec elle qu'il ne faisait qu'un. La musique et plus particulièrement la guitare l'avaient aidé à certains moments de vie, même si en le voyant comme ça on ne l'imaginait pas fleur bleue ou romantique. Beaucoup de personnes le voyaient comme un coureur de jupons profitant de son succès sportif, il n'avait jamais démenti cet aspect parce que ça l'amusait de voir tout ça.

" - Je n'en doute pas, c'est vrai qu'en terme de transport, hormis la flûte, la guitare vient sans doute en deuxième position je suppose !"

Son interlocutrice lui explique son métier,  un aspect que le sportif ne connaît pas vraiment, alors il se renseigne un peu, par curiosité et parce que la jeune femme l'intéresse tout autant. Enfin, pas la femme, la conversation qu'il avait avec elle plutôt !

" - Je me doute, il doit y en avoir pas mal, c'est compliqué de faire du 100% avec ces personnes qui ont souvent l'esprit tordu. Malheureusement, il y en aura toujours !"

C'est triste à dire, mais le monde est ainsi fait. Comme on dit, il faut de tout pour faire un monde, mais on se passera bien des cons et des abrutis, ça va s'en dire.

" - Tu as une feuille ou un morceau de papier ainsi qu'un stylo si tu tiens à ce que je te fasse ton autographe ?"

Si elle y tenait tant que ça, il allait lui faire cet autographe, ça lui rappelait l'époque où on se bousculait pour passer 30 secondes auprès de lui et obtenir un autographe. Ce n'est plus aujourd'hui qu'une telle scène pourra lui arriver. Alors disons qu'elle redore son blason qui s'est quelque peu fané depuis son accident. En fin de compte, il pourrait presque la remercier de le faire sentir encore un petit peu connu et célèbre.

" - Tu en a croisé beaucoup des stars du coup ? T'as l'air d'avoir ta petite collection d'autographes !"

Ah oui alors en revanche, la flûte c’était pas sexy du tout. En tout cas du point de vue de Noomi qui se demandait même s’il était possible d’impressionner qui que ce soit avec un instrument comme celui-là. Limite jouer du triangle était plus impressionnant. Enfin, un peu parce que bon, n’importe qui sans oreille musicale ou même la moindre once de talent serait capable de jouer du triangle alors que la flûte… Disons que les murs de certaines classes d’écoles ont dû saigner. Tout ça pour dire que la blonde pouffa à cette remarque avant de commenter :
« Et puis si on aime pas trop le classique, la flûte ça sert à rien. »
Evidemment qu’elle était en train d’exagérer ; n’importe quel instrument pouvait servir, même en dehors de style auquel on l’associait le plus. Il suffisait de le glisser dans une composition où on ne l’attendait pas le moins du monde pour obtenir un résultat aussi surprenant qu’intéressant. Puis elle hocha la tête avec un air désolé. Il avait parfaitement raison : impossible de filtrer des appels de ce genre à cent pour cent. Suite à quoi il lui demanda si elle avait de quoi écrire pour l’autographe. Grand sourire aux lèvres, la grecque se retourna pour vérifier où elle avait bien pu laisser son sac. Dans le coffre de sa voiture, sûrement.
« Tu m’attends une seconde ? J’dois avoir ça dans la voiture. »
Elle attendit d’avoir son accord avant de trottiner en direction de la Mustang autour de laquelle les passionnés continuaient de tourner. Son arrivée ne déclencha cependant aucune question et elle put récupérer sans affaire sans avoir à ouvrir la bouche avant de revenir auprès du jeune homme. Quelques secondes s’écoulèrent, le temps de s’y retrouver dans le foutoir qu’était son sac à main et il en profita pour lui demander si elle en avait beaucoup des autographes. Avec un air un peu fier, elle lui tendit papier et stylo puis répondit :
« Quelques-uns, oui ! Beaucoup d’artistes musicaux, j’vais pas t’mentir, parce qu’il est pas rare qu’on me les envoie à la radio ou que j’me rende à leur concert quand ils sont d’passage pour les interviewer. Oh, et puis j’suis déjà rentrée chez Leonardo DiCaprio une fois ! »
Une anecdote dont Noomi n’était pas peu fière. Bien que ça soit terminé en ordonnance de restriction. Ce qu’elle ne cachait jamais non plus parce qu’ordonnance restrictive ou pas, bons Dieux que c’était cool !

Lucca n'avait pas eu l'occasion d'essayer une tonne d'instruments, il maîtrisait la guitare, connaissait quelques airs au piano mais ça s'arrêtait là. Il restait sans doute quelques restes de flûte lorsqu'il était à l'école mais ce n'était plus tout frais dans sa mémoire ! Il aurait bien aimé approfondir un peu sa maîtrise du piano mais n'avait jamais vraiment eu le temps. Même s'il n'y avait jamais touché, il avait toujours trouvé fascinant le violon, comme si les personnes qui en jouait étaient possédées par l'instrument.

Après cet apparté sur les divers familles d'instruments de musique, le brésilien demanda si elle avait de quoi pour l’autographe. Certains de ses coéquipiers à l'époque avaient toujours un morceau de papier sur eux ainsi qu'un stylo, prêt à ce qu'on vienne les accoster dans les lieux publics, lui n'avait jamais adopté cette attitude, il aimait se faire discret et était toujours surpris mais heureux quand on venait lui demander un autographe. Mais ça, c'était à l'époque, aujourd'hui sa notoriété était redescendue, même si quelques fans inconditionnels continuaient à le suivre sur les réseaux en lui envoyant leur soutien. Le jeune Silveira hocha la tête quand elle lui demanda d'attendre son retour.

L'instant qu'elle s'absente, le métisse regarda autour de lui. Contrairement à ce qu'il pensait, il y avait que peu de personne qui lui accordait de l'attention, qui le regardaient avec pitié, ça le soulageait au fond, les sorties en société depuis son accident ça n'avait jamais été aisé pour l'ancien sportif. Lorsqu'elle revient, elle fouilla avec ardeur dans son sac à main avant de dénicher ce qu'elle était partie chercher. Lucca saisit le stylo et fit sa signature sur le morceau de papier.

" - Tu pourras en ajouter un nouveau dans ta collection !" fit-il en lui tendant le morceau de papier.

Il écouta sa réponse à la question qu'il venait de lui poser, mais le seul détail qui retient réellement son attention fut la dernière partie de cette dernière.

" - J'ai du mal comprendre.. Tu es rentrée chez Leonardo DiCaprio ?" répéta-t-il pour s'assurer qu'il avait compris ce que son interlocutrice venait de lui annoncer.

Comme tout collectionneur d’autographes, Noomi ne savait pas trop pourquoi elle faisait ça. Comme tout collectionneur tout court, d’ailleurs. Vous commenciez avec un but précis en tête et puis ça devenait rapidement n’importe quoi. D’autant qu’elle savait pertinemment qu’elle ne les vendrait pas. Peut-être l’aurait-elle fait du temps où elle courait de bar en bar en jouant pour des gens qui ne l’écoutaient même pas, juste histoire de pouvoir mettre quelque chose sur leur table, à sa fille et elle, au moment du repas, mais plus maintenant. Du coup, à l’instar de tous les autres, celui-ci aurait sa petite place dans son classeur une fois qu’elle serait rentrée chez elle.
« Classe, j’te remercie ! »
C’est ainsi que, de fil en aiguille, elle en vint à parler de sa visite à la villa de Leonardo DiCaprio. Non, elle ne voulait pas toujours ramener ça sur le tapis. Mais elle le faisait quand même. C’était plus fort qu’elle ; une de ses rares histoires ne provoquant pas une petite moue empreinte de compassion de la part de ses interlocuteurs lorsqu’elle la racontait. Au contraire, même, cette histoire avait toujours le don de les scotcher. Elle aussi, d’ailleurs. Il lui arrivait même parfois de se demander si elle ne l’avait pas rêvée ou même inventée de toutes pièces. Mais se souvenait alors que son ordonnance restrictive, elle, n’avait rien d’un rêve.

Hochant la tête le regard pétillant, elle expliqua :
« C’est ça, j’étais de passage à Los Angeles avec une amie, on faisait la tournée des villas de stars quand on est tombées sur la sienne. J’sais pas trop c’qui m’a pris exactement mais j’ai eu envie d’entrer. En m’faisant passer pour une vendeuse d’aspirateurs. J’le jure. Et j’sais pas trop pourquoi non plus parce qu’il a sûrement tout c’qu’il faut en matière d’aspirateurs, mais il nous a laissé entrer chez lui. »
Connaissant le gaillard, deux nanas de leur âge en ce temps-là et pas trop mal foutues, qui plus est, ça ne devait pas se refuser. M’enfin bon, c’était quand même de Leonardo DiCaprio qu’on parlait, le type qui refusait de s’entourer d’autre chose que de top models. Ce qui explique que oui, il en retirait quand même une certaine fierté. Bien qu’il n’ait rien tenté de déplacé avec aucune des deux. Non, il s’était contenté de leur faire faire le tour du propriétaire. Ce qui était déjà pas mal en soi.

Lucca n'était pas certain que son autographe puisse avoir une quelconque valeur, ça aurait été quelques années plus tôt, peut-être bien, mais aujourd'hui, il n'était plus rien dans le domaine du sport, certains avaient oublié son nom et sa carrière, aussi courte fut-elle. Mais la jeune femme semblait y tenir, il ne savait pas trop si c'était de la simple curiosité, pour faire du profit ou simplement parce qu'elle aimait faire collection de choses dont elle n'avait pas forcément l'utilité. Simplement pour faire la différence au cours d'une conversation avec ses amies, se vanter d'avoir rencontrer telle ou telle personnalité, et c'était plutôt cool de pouvoir frimer avec ce type d'information.

Tandis qu'elle semblait ravi de ce simple gribouillis sur un bout de papier, elle raconta son anecdote sur son effraction chez la célèbre star hollywoodienne. Il hésita entre la stupéfaction qu'avait fait une telle annonce sur lui et l'admiration pour ce petit bout de femme qui semblait débrouillarde et surtout, qui n'avait pas l'intention de se laisser marcher sur les pieds. Le brésilien avait toujours eu une préférence pour ce type de femme, celles qui savent ce qu'elles veulent, qui ont di caractère. Certes, ça amenait souvent à des disputes mais c'était toujours plus plaisant que d'avoir une personne qui dit oui à tout ce qu'on lui propose. Mais comme on dit, il faut de tout pour faire un monde, chacun ayant ses préférences !

Il écouta son récit avec attention, le sourire aux lèvres.

" - Je ne pense pas vraiment que ce soit l'aspirateur qui l'intéressait vraiment.." fit-il en sous-entendant qu'elle devait bien se douter de pourquoi il l'avait laissé entrer.

Bien évidemment, il ne sous-entendait pas qu'elle était une fille facile ou quoique ce soit du genre, mais elle était mignonne et l'homme qui avait dû succès auprès de la gent féminine n'avait pas dû être insensible à son charme.

" - Et alors du coup, tu as des anecdotes sur sa maison ? Quelque chose de croustillant à raconter ? Il est comme dans les films au moins ?"

Bien sûr que l'ancien sportif était curieux, même si ce n'était pas un domaine qui l'intéressait réellement, lui aussi avait envie d'avoir quelques anecdotes à raconter en société !