rough night → jenny

Une fois n’est pas coutume, Aveleen avait décidé de sortir un peu plutôt que de rester au fond de son chalet à écouter les gens qu’elle espionnait grâce aux micros qu’elle laissait traîner de-ci, de-là, chez les personnes louches qu’elle suspectait de vouloir attenter à sa vie en livrant ses pizzas. C’est qu’à force de laisser traîner une oreille dans certains foyers, c’était devenu presqu’aussi addictif que de suivre une série. Une série du genre qu’elle ne regarderait jamais parce qu’elle ne serait basée que sur des menaces de divorce, autres coucheries et incapacité à élever la petite Jessie, dix-huit mois – une vie de couple classique, supposait-elle - mais là, allez savoir pourquoi, la rouquine avait envie de connaître la suite. Et, une fois n’est pas coutume toujours, c’était pas trop une corvée que de devoir sortir puisque c’était pour rejoindre Jenny. La blondinette entrait facilement dans le top cinq des gens avec qui ce n’était pas une véritable plaie de devoir passer du temps pour Aveleen. Autant dire que la soirée promettait. Bien qu’il n’y ait rien d’autre de prévu au programme que d’aller prendre un verre, ça suffisait amplement. Arrivée au point de rendez-vous, elle attendit de voir si Jenny s’y trouvait déjà elle aussi sans même prendre la peine de vérifier l’écran de son téléphone portable. Ce qui n’aurait servi à rien puisqu’elle était là. S’avançant vers son amie, elle lui tapota l’épaule pour lui signaler sa présence avant d’échanger les politesses de base :
« Hello, comment vas-tu ? »
Et tout ce qui s’ensuit. Mais à peine eut-elle terminé sa question que quelqu’un se mit à les héler. Rien de vraiment surprenant à ça, c’était le lot de toutes femmes se baladant passée une certaine heure dans la rue. Si bien qu’Aveleen ne se retourna même pas. Jusqu’à ce que la personne devienne plus insistante.
« Hé, Crystal ! Bunny ! Qu’est-ce que vous faites là, vous êtes pas encore à la soirée ? Venez, avec nous, on y va ! »
C’est alors qu’elle comprit qu’on s’adressait à elles. Crystal ? Bunny ? Loin d’elle l’idée d’être mauvaise langue, mais ça ressemblait quand même beaucoup à des prénoms de strip-teaseuses. Dans tous les cas, y avait méprise. Elle voulut ouvrir la bouche pour le leur dire mais tout ce qui en sortit fut :
« Euh… Att… Mais… »
Les interactions sociales avec de parfaits inconnus, c’était pas tellement son fort, à Aveleen. Raison pour laquelle elle finit par la fermer et jeter un coup d’œil à Jenny avant d’hausser les épaules. Une soirée avait-il dit. Celle-ci ou une autre, c’était du pareil au même pour elle, alors pourquoi pas y aller ?

Lui avait-elle déjà dit de ne pas faire ça ? Peut-être. Sûrement, même. Mais Aveleen n’était pas si douée que ça en ce qui concernait les relations avec d’autres êtres humains quels qu’ils soient et c’était probablement pour cette raison que cette information avait dû lui rentrer par une oreille pour ressortir par l’autre. Avec un petit sourire désolé, elle acquiesça. Elle tâcherait de ne plus le faire, à moins qu’elle ne vienne une fois de plus à l’oublier. Ce qui pouvait arriver. Dans tous les cas, Jenny allait bien et la rouquine s’apprêtait à répondre qu’elle aussi au moment où elle comprit que c’était elles qu’on était en train d’interpeller. Et quand son amie lui demanda qui c’était tandis qu’elles se mettaient à le suivre, elle haussa tout d’abord les épaules à nouveau.
« Connais pas et je crois qu’il y a méprise parce qu’il a l’air de penser qu’on s’appelle différemment. En tout cas, il a l’air de vouloir nous amener à une soirée alors pourquoi pas ? »
Heureusement, le type avait pris un peu d’avance, ce qui lui permettait de parler à peu près librement. Et puis Aveleen n’avait pas particulièrement envie de sauter aux conclusions parce qu’il existait peut-être quelque part des filles qui n’étaient pas strip-teaseuses et qui s’appelaient pourtant Crystal et Bunny. Crystal c’était certain, mais Bunny… Enfin bref, elle se doutait que les parents pouvaient parfois se montrer cruels au moment du choix du prénom de leurs enfants. C’est alors que le gars se retourna vers elles pour continuer à blablater comme quoi c’eut été dommage qu’elles ne soient pas présentes à cette fameuse soirée, quand même et ainsi de suite. Un peu crispée, elle continuait de sourire en hochant la tête pour ne pas lui laisser savoir qu’elle n’avait pas la moindre idée de ce dont il était en train de parler. Et entra à la suite de l’inconnu. Bon, ça ressemblait à n’importe quelle soirée, supposait-elle, parce qu’au fond, elle n’avait pas tellement d’expérience en la matière. A ceci près que personne ne leur demanda de payer l’entrée. A partir du moment où elles étaient avec ce type, tout semblait être gratuit ou presque. Quant au peu de tissu que les autres portaient, ça ne la surprit pas outre mesure. C’était peut-être un truc qui se faisait ? Par chance, le bruit autour fit qu’elle put expliquer un peu mieux la situation à Jenny.
« Je sais pas qui c’est et il nous a appelées Crystal et Bunny. Ouais, je sais, on dirait des prénoms de strip-teaseuses mais hé, on est là gratuitement en attendant. Par contre, je sais pas du tout faire de pole dance, si jamais. »
Avisant un serveur qui passait par là avec des coupes de champagne et des petits fours, elle prit deux coupes et en donna une à la blondinette. C’est alors que « leurs » prénoms se firent entendre et qu’un groupe de personnes, apparemment mené par un autre type tout gominé et un peu huileux sur les bords fondit sur elles, bras tendus. Ugh.

Comment ça, elle fonçait comme ça ? Bon, peut-être un peu. Mais le manque de pratique en ce qui concernait les interactions sociales d’Aveleen faisait qu’elle n’avait pas de super répartie. Enfin si, mais seulement une fois qu’elle avait eu le temps de se repasser toute la scène dans sa tête et que ça lui avait laissé l’occasion de trouver la bonne réponse. Moins du tac au tac. Alors oui, au lieu d’expliquer à ce mec qu’il y avait méprise et qu’elles ne connaissaient ni de Crystal, ni de Bunny, elle avait préféré foncer. Parce qu’au fond, cette soirée ç’aurait pu être tout et n’importe quoi, un coup à se réveiller le lendemain dans une baignoire remplie de glace avec un rein manquant à l’appel. Mais non voyons, c’était jamais qu’une histoire inventée par les mères pour rappeler à leurs filles d’être prudentes en soirée et de ne pas quitter leur verre des yeux. Et puis elles étaient deux, rien ne pourrait leur arriver. Ne sachant quoi répondre, la rouquine se contenta d’hausser les épaules dans un geste d’impuissance. Ainsi, Jenny lui faisait confiance. Constat étrange pour quelqu’un qui ne se ferait même pas confiance elle-même sur ce coup, mais en passant la porte du fameux endroit, elles purent se rendre compte que ladite soirée n’avait pas l’air trop glauque. Un peu classe. Mais pas tout à fait non plus. Parce que si elle pouvait être sûre d’une chose, c’était que dans les soirées chics, les gens étaient quand même un rien plus vêtus que ça. Tout ça pour dire que Jenny était d’accord avec elle, Bunny et Crystal devaient être des noms de scènes et vu l’endroit où elles se trouvaient, ça ne serait pas si déconnant que ça qu’il s’agisse vraiment strip-teaseuses. D’ailleurs, en parlant de strip-tease, c’est alors que son amie lui apprit qu’elle n’était si mauvaise que ça en pole-dance. Enfin, elle n’alla pas au bout de sa phrase mais Aveleen avait très bien compris, haussant un sourcil et se para d’un sourire un peu narquois.
« Tu m’en diras tant… »
On en apprenait tous les jours.
« Promis, je te laisse pas seule. »
Pas son genre, d’autant que si quelqu’un venait à s’apercevoir qu’elles n’étaient pas réellement celles qu’elles prétendaient être, on aurait tôt fait de les mettre dehors. Et puisque Jenny ne parlait pas, ça se repérerait quand même assez vite. Bref, c’est alors que le type gominé s’approcha pour une étreinte qu’Aveleen eut vite fait d’expédier et une photo. Avec Jenny. En lui posant les mains sur les hanches. Jenny la fit presqu’aussitôt entrer dans le cadre de la photo. Que ce type ne s’avise surtout pas de poser ses mains sur ses hanches à elle, les gens avec qui elle avait élevé des moutons n’avaient jamais eu cet honneur, alors ça serait pas un parfait inconnu qui pourrait s’en vanter. Fort heureusement, il n’eut pas cette audace mais leur fit signe de le suivre. Où ça ? Aucune idée. C’est pas pour autant qu’elle n’y alla pas. Avisant une affiche gigantesque placardée sur le mur du fond, elle eut un peu de mal à y croire, mais la désigna quand même à Jenny.
« Je comprends mieux la méprise. Si je croyais pas aux sosies avant ça, c’est maintenant chose faite. »
Les fameuses Crystal et Bunny leur ressemblaient presque comme deux gouttes d’eau. Presque. D'ailleurs, une question persistait : où étaient les vraies ?

Lui donner des cours ? Mais Aveleen n’a jamais dit qu’elle était intéressée. Surtout qu’elle a vu des entraînements de novices et les très, très nombreux hématomes qui en ressortaient toujours. Autant dire que ça ne l’intéressait pas des masses d’avoir mal partout en plus de toutes les courbatures que ça devait aussi occasionner. Tout ça pour pouvoir se vanter de savoir glisser avec grâce le long d’une barre de strip-teaseuse… Disons qu’il y a mieux. Mais si c’est pour passer un bon moment en compagnie de Jenny, comme c’est censé être le cas des sports d’équipe, pourquoi pas ? A condition de ne pas trop se fouler non plus. Petit sourire aux lèvres, la rouquine acquiesça donc avant de se mettre à rire franchement suite à la proposition de son amie. Faire comme si elle était aphone si les gens se mettaient eux à lui poser trop de questions ? Aveleen trouvait ça drôle mais force était d’admettre que ça pouvait marcher.
« T’as raison, bonne idée. »
Elle tâcherait donc de s’en souvenir. Encore une fois, elles se firent embarquer jusqu’à voir de leurs propres yeux la raison pour laquelle elles se trouvaient là. La rouquine n’avait jamais croisé de sosies, au point de ne pas être vraiment sûre qu’une telle chose existait mais maintenant, c’était chose faite. Bon, la rousse sur le poster n’était pas sa copie conforme mais c’était bien connu que pour la majorité des gens, toutes les rousses se ressemblaient et pouvaient aisément être confondues. Et il faut croire qu’il en allait de même pour les blondes, donc. Et probablement des brunes, ne vivait-on pas dans un monde rempli de misogynes ? Bien sûr que si… Bref, Aveleen opina du chef une fois de plus jusqu’à ce que le type de tout à l’heure leur apprenne qu’elles pouvaient vaquer à leurs occupations avant d’aller se préparer pour le show. Pardon ? Mais quel show ? Qu’étaient ces fameuses Bunny et Crystal, exactement ? Non parce qu’il n’était pas question qu’elle monte sur scène pour se désaper sur de la mauvaise musique non plus, fallait arrêter là le délire. S’étant inconsciemment figée, ses muscles se détendirent de nouveau quand l’autre les abandonna à leur sort. Quant à la question de Jenny, elle la fit autant sourire que frémir. Laisser des traces de rouge à lèvres sur des parfaits inconnus qui sortaient d’elle ne savait où ? Certainement pas.
« J’ai rien contre les autographes ni même les photos mais ne compte pas sur moi pour rouler des patins toute la soirée à des gens que je connais pas et que je reverrai probablement jamais. Une fois mais pas deux. »
D’autant que c’était comme ça qu’elle avait chopé la mononucléose à l’époque. Puis elle chercha du coin de l’œil un endroit à peu à part des autres et finit par le trouver. Et le désigner du menton.
« Tu crois qu’on peut s’incruster dans le carré VIP ? »
Une grande première pour Aveleen qui se demandait si ça valait tant la peine que ça.

Bon, tant qu’elle n’a à toucher personne, ça lui va, à Aveleen. Le contact avec de parfaits étrangers, c’est pas tellement son truc, sauf s’il y a un télescope hyper perfectionné à la clef mais ce soir, c’est même pas le cas donc elle s’en passera. Et Jenny aussi, visiblement. Ce à quoi la rouquine hocha la tête, pas vraiment comme une approbation parce qu’au fond et encore une fois, les gens font ce qu’ils veulent, même ses amis, mais plutôt comme un accord. Puis, suite à la réponse de la blondinette, celle-ci eut droit à un nouvel acquiescement tandis qu’elle cherchait des yeux une affiche plus petite. Bingo. Elle l’arracha du mur et la plia en quatre pour la ranger dans une poche. On ne devrait pas leur demander quoi que ce soit mais si jamais, c’est ça qui ferait office de badge, donc. Elles s’acheminèrent ensuite vers le carré VIP. Où en effet, on ne leur demanda rien de plus qu’un sourire et quelques battements de cils mais surtout où Jenny leur servit à boire. Est-ce que ce qu’elle était en train de boire avait meilleur goût parce que ça venait de l’espace réservé aux VIP ? Aveleen fit tourner plusieurs fois le liquide un peu tiède sur sa langue pour se faire une meilleure idée, après avoir trinqué avec Bunny, avant de décréter que non. Ça devait probablement faire partie de ces choses dont on se persuade. A moins que ça ne soit seulement parce qu’elle n’était pas une experte, possible aussi. Tout ça pour dire qu’elle en était là de ses réflexions quand Jenny lui fit savoir que quelqu’un – un type là-bas qu’elle essaya de distinguer parmi la foule mais ce fut un échec – avait l’air d’avoir compris qu’elles n’avaient rien à faire là. Ah bon ? Et comment ? Si tous les autres se laissaient berner… Peut-être un parent… Non, ça serait bizarre. Peut-être un amant ? Ou encore le patron des fameuses Crystal et Bunny, bien que l’un n’exclue pas forcément l’autre. En tout cas, Jenny avait écrit « viens » avant de se détourner et de commencer à s’éloigner et Aveleen se demandait où mais ne se fit pas prier pour la suivre. Jusqu’à un certain point, en tout cas. Ayant fini par la rattraper, elle lui demanda :
« Okay mais où est-ce qu’on va, là ? »
Leurs pas les avait menées à une sorte de loge où d’autres filles étaient en train de se préparer sans leur prêter la moindre attention, c’était déjà ça.

« J’ai couru tout droit. », en d’autres circonstances, cette phrase à elle seule aurait pu la faire mourir de rire parce que dans une situation telle que celle-ci, c’était précisément la chose à ne pas faire. Mais disons qu’Aveleen n’avait pas vraiment le temps d’en rire pour le moment, peut-être plus tard. Et puis elle n’allait pas en vouloir à Jenny de ne pas savoir bien réagir sous la pression, c’est un truc qu’on a ou qu’on n’a pas. Et en l’occurrence, son amie ne l’avait pas. Quant à savoir si la rouquine l’avait, elle… Elle aurait tendance à dire que oui. En tout cas dans un labo, avec ses formules mathématiques, ses télescopes et tout ce qui s’ensuit. Mais une fois en dehors… Bon, y avait aussi eu cette fois où elle s’était fait braquer dans une station-service où elle travaillait. Et elle avait quand même assommé le braqueur en lui balançant un flingue à la tête. Puisqu’elle n’aurait jamais su s’en servir, sinon. Bref, tout ça pour dire qu’elles le sauraient bien assez tôt puisqu’elles se trouvaient actuellement dans les loges et que tout le monde, vraiment tout le monde, avait l’air de les dévisager comme si elles étaient en train de les mettre en retard. Arriva ce qui devait alors arriver : on leur tapa sur l’épaule en leur faisant comprendre qu’il était temps qu’elles se changent. Aveleen prit une seconde pour se dire que ugh, putain, quel enfer, quand même, avant de prendre son courage à deux mains et de se tourner vers cette femme plus âgée.
« Euh… Je suis vraiment désolée mais je me sens pas super bien. C’est vraiment obligé qu’on monte sur scène ce soir ? »
Si l’une de deux devait feindre le malaise, c’était elle. Déjà parce qu’elle pouvait mettre des mots sur son ressenti avant de devoir vraiment jouer la comédie, ensuite parce qu’en tant que rousse, elle était déjà si pâle de base qu’on aurait aucun mal à croire la véracité de ses propos et dernièrement parce que cette situation commençait tout doucement à lui nouer l’estomac alors on était à deux doigts que ça soit vraiment vrai. La femme arqua un sourcil dubitatif avant de lever les yeux au ciel.
« C’est bon, toi, tu peux t’absenter mais tu reviens si ça va mieux, ils sont aussi venus te voir. »
Aveleen faillit se réjouir si elle n’avait pas compris dans la seconde que la meneuse était en train de pousser Jenny vers la scène.
« Non mais il faut que Bunny vienne avec moi, faut bien que quelqu’un me tienne les cheveux, tout ça ! »

Aveleen n’arrivait pas à croire que son plan avait marché. Pourtant il était plus que bancal, totalement improvisé à l’arrache, du vu et revu un million de fois. Et pourtant, elle était parvenue à les sortir de là toute seule comme une grande. Incroyable, vraiment. Pourtant, c’était logique au fond, l’acte de vomir en soi était déjà assez répugnant pour dissuader pas mal de monde, mais dans le cas contraire, y avait aussi le fait qu’il se trouverait forcément quelqu’un dans l’assistance pour dire qu’oh non alors, il ou elle ne supportait pas de voir ça et hop, comme les dominos. En gros, c’était peut-être bien téléphoné mais ça fonctionnait à tous les coups. C’est sans demander leur reste qu’ils filèrent toutes les deux en direction des toilettes. Un pied dedans, la rouquine comprit que Jenny n’avait pas envie de plus jouer la comédie que ça tandis qu’elle la félicitait pour sa trouvaille. Avant de lui demander la suite du programme. Pourquoi pas rester un peu, oui ? C’était de notoriété publique qu’on se sentait généralement mieux après et y avait personne pour venir vérifier de toute manière, alors pourquoi pas ?
« Ouais, on peut, je crois, tant qu’on se fait discrètes. »
Pas trop non plus, juste qu’elles ne donnent pas l’impression de vivre la soirée de leur vie alors que normalement, elle était censée se sentir patraque. Mais c’était de toute manière pas le genre d’Aveleen de se mettre la tête à l’envers comme ça. D’ailleurs, elle commença par la secouer quand son amie lui demanda si elle avait déjà assisté à un strip-tease. Ni féminin, ni masculin, elle n’avait jamais été invitée à aucun enterrement de vie de jeune fille – parce qu’elle ne pouvait pas vraiment concevoir qu’on puisse faire ça en d’autres circonstances même si elle se fichait de ce que les autres faisaient de leur temps libre, évidemment – parce que ben, elle n’avait pas tant d’amis que ça, pour commencer. Vous savez, les gens trop sérieux…
« Non jamais, mais puisqu’on est là, autant en profiter, non ? Sauf si toi t’en as déjà vu des dizaines et que ça t’intéresse pas du coup, on peut tout aussi bien reprendre nos plans là où on les a laissés, sinon. »
Mais ça serait quand même dommage de pas profiter de tous les avantages que leur conférait leur « statut » ce soir, pas vrai ?

Ouais, c’est sûr que Jenny n’a pas tort quand elle dit que ça sera plus facile à dire qu’à faire d’essayer de passer inaperçu. Jusqu’ici, ça n’a pas été le cas mais puisque tout le monde devait s’attendre à les retrouver sur scène, peut-être que… Bref, elles verraient bien. En attendant, c’est ainsi qu’Aveleen apprit que ce n’était pas du tout le premier spectacle de ce genre auquel son amie assisterait. C’est également à ce moment-là qu’elle prit conscience que c’était pas forcément réservé qu’à un ou deux types de personnes – à savoir les gros pervers n’ayant aucun autre moyen de se rincer l’œil et les gens nostalgiques de leur célibat alors qu’ils ne sont même pas encore mariés, évidemment – et que c’était peut-être vrai ce qu’on disait et qu’il y avait bien quelque chose d’artistique dans tout ça. Parce que la rouquine appréciait son amie et qu’elle n’avait pas forcément envie de la ranger trop vite dans une catégorie qu’elle trouvait assez peu reluisante. Rapide hochement de tête tandis que la blondinette était en train de lui désigner ce qui ressemblait fort à un coin tranquille. Sans prendre la peine d’acquiescer cette fois, elle en prit la direction. Et remarqua que le type de tout à l’heure les y attendait. Aveleen, quant à elle, ne savait pas trop à quoi s’attendre concernant cet individu, mais puisqu’il était tout sourire, elle imaginait que ça ne pouvait pas être un trop mauvais bougre. Donnant l’impression de n’avoir attendu que ça, il les accosta et s’exclama que la Bunny qu’il connaissait n’aurait jamais hésité à venir lui faire un gros câlin. Sans doute pas, non. Voyant Jenny le prendre dans ses bras sans dire un mot, la rouquine se sentit obligée d’expliquer :
« On croyait avoir chopé un virus toutes les deux, d’ailleurs Bunny est aphone ce soir, c’est pour ça qu’on n’est pas directement venues. Tu sais, pour pas contaminer tout le monde. Mais on dirait que ça va mieux, pas vrai ? »
C’est que cette excuse ne tenait la route que si les craintes d’un éventuel virus s’étaient dissipées puisque Jenny venait de prendre le risque de contaminer quelqu’un d’autre. Ou peut-être qu’Aveleen réfléchissait tout simplement beaucoup trop parce que le type n’avait pas l’air de se formaliser de tous ces trucs : il avait eu son câlin, il était content.
« On va peut-être même pouvoir monter sur scène un peu plus tard. »
Non, non, bien sûr qu’elle n’avait pas changé d’avis entre-temps, elle essayait juste de leur assurer une nouvelle porte de sortie au cas où.